«Qualité et efficacité»: Marianne Ryter, qui préside le Tribunal administratif fédéral (TAF) depuis le 1er janvier, en a fait le crédo du mandat de deux ans pour lequel elle a été élue par l’Assemblée fédérale, en juin dernier. La juge de 50 ans, à la voix posée et aux mots choisis, estime qu’un des rôles les plus importants de sa fonction est de se battre pour que «la pression d’exécution et la pression sur les ressources» n’empiètent pas sur la qualité des décisions.
«Lorsque le législateur prend des décisions comme celle de raccourcir la durée de traitement des demandes d’asile ou donne de nouvelles tâches au TAF, comme celle d’autoriser les mesures de surveillance des services de renseignement, nous devons les mettre en œuvre», estime la nouvelle présidente. Si nécessaire, elle n’exclut pas d’intervenir auprès des politiques. Il s’agit de faire prendre conscience que de nouvelles fonctions et conditions ont un impact sur la justice.
La durée moyenne d’une procédure au TAF se montait à 268 jours en 2017. Une performance que Marianne Ryter qualifie de «pour le moins suffisante». En comparaison avec les 7365 dossiers reçus, les 7385 cas bouclés attestent d’un bon travail. La même année, le Tribunal fédéral a partiellement ou intégralement cassé la décision des juges de Saint-Gall dans 77 cas seulement.
Par ailleurs, un sondage auprès de plusieurs centaines de représentants légaux a montré que plus de 80% des personnes interrogées sont satisfaites des prestations du plus grand des tribunaux fédéraux, qui compte 76 juges et 240 greffiers.
Autonomie
La réputation du deuxième plus jeune tribunal fédéral est importante aux yeux de sa présidente. Lui dire que c’est Mon Repos qui garantit la qualité de la jurisprudence la fait d’ailleurs vivement réagir: «Nous avons des prétentions autonomes de haute qualité dans notre jurisprudence, indépendamment du fait qu’un de nos jugements puisse ou non faire l’objet d’un recours au TF.» Les temps où le jeune TAF devait encore faire ses preuves est révolu. «Nous avons trouvé notre place dans le paysage judiciaire suisse et nous sommes perçus comme un pilier à part entière », constate la juge.
Marianne Ryter siège au TAF depuis l’entrée en fonction de celui-ci, le 1er janvier 2007. Elle y a été intégrée en sa qualité de juge à la Commission de recours en matière d’infrastructures et d’environnement de la Confédération. C’est à la Cour I du TAF, responsable entre autres de ces domaines, qu’elle officie et continuera de le faire à 40%, à côté de sa tâche de présidente à 50%.
Paratonnerre
Interrogée sur les critiques mettant en doute l’indépendance des juges, l’ancienne avocate membre du PS se défend. Les décisions du TAF touchent de nombreux domaines politiquement sensibles et pouvant conduire à des critiques publiques. En tant que présidente, elle devra parfois jouer un rôle de paratonnerre. Mais de souligner: «Je ne suis pas seule à décider.» Au contraire, les décisions sont prises avec la Commission administrative ou les présidents des Cours. En matière de jurisprudence, c’est la Conférence des présidents qui a le plus de poids. La présidente du TAF n’a, elle, pas le droit de vote. Afin d’assurer l’indépendance des juges, la présidente du tribunal ne peut pas s’immiscer dans la coordination de la jurisprudence, explique-t-elle.
«Employeur attractif»
Bernoise, Marianne Ryter fait partie du personnel du TAF qui a suivi l’institution lors de son déménagement de la capitale fédérale à Saint-Gall, en 2012. Loin est désormais le temps où les mauvaises langues situaient le nouveau siège du TAF en «Sibérie». «Le TAF est un employeur attractif», affirme sa nouvelle présidente. La fluctuation se situe dans le cadre usuel. Si le télétravail est répandu, cela n’est pas dû à des problèmes de recrutement, mais correspond à des conditions de travail modernes. Elle-même habite la semaine à Saint-Gall et rentre le week-end à Berne, où vivent son partenaire et leurs deux enfants de 19 et 16 ans. Elle est également chargée de cours à l’Université de Bâle.
Enfant, Marianne Ryter rêvait de devenir archéologue. Sa tâche de présidente d’un tribunal moderne et qui s’est construit de solides bases, en sera bien éloignée. Cependant, ayant été vice-présidente du TAF pendant quatre ans avant d’en prendre les rênes, elle dit savoir à quoi s’attendre.
Téléphone rouge entre Berne et Saint-Gall
Lorsque les services de renseignement de la Confédération veulent mettre quelqu’un sur écoute, utiliser des appareils afin de localiser une personne ou infiltrer des ordinateurs, ils doivent adresser une demande d’autorisation au TAF. Cela est prévu dans la nouvelle loi sur le renseignement entrée en vigueur le 1er septembre 2017.
Ces nouvelles tâches représentent une charge importante pour le tribunal sis à Saint-Gall. Côté infrastructures, des travaux de plus d’une année ont été nécessaires pour aménager un bureau sécurisé doté d’un système informatique verrouillé reliant les services de renseignement et le TAF, indiquait ce dernier dans un communiqué d’août 2017. L’accès est limité à trois juges et à quatre greffiers. Le travail représente un poste à 50% pour les juges et un à 100% pour les greffiers. Aucun poste n’a été créé pour couvrir ce nouveau mandat, précise le TAF à plaidoyer.
En cas de demande, le TAF examine dans les cinq jours ouvrables si la mesure envisagée répond aux exigences légales. Si le TAF donne son feu vert, la demande est alors soumise au chef du Département fédéral de la défense (DDPS), qui donne son aval après consultation de ses collègues du Département fédéral de justice et police (DFJP) et du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). De septembre à la fin de décembre 2017, pas moins de 40 demandes de surveillance ont été soumises au TAF, selon des chiffres publiés par le Service de renseignement de la Confédération.