La PPE sur plan: une opération à risques!
La signature d'une convention de réservation, afin de permettre à un acheteur intéressé d'acquérir une option sur un appartement à vendre, ne lie pas les parties. Le contrat de vente sur plan est en effet soumis à la forme authentique. Il est indispensable de savoir éviter les pièges lorsqu'on acquiert une propriété par étages sur plan.
Sommaire
Plaidoyer 2/11
04.04.2011
Dernière mise à jour:
06.10.2013
Franz Werro
La vente de PPE sur plan plaît en général aux investisseurs. Les acquéreurs également sont souvent séduits par l'achat d'appartements neufs, dont ils sélectionnent eux-mêmes les finitions, sans devoir assumer les responsabilités d'un maître de l'ouvrage tout au long de la construction. L'opération n'est toutefois pas sans risques. Certains sont pratiques, d'autres sont juridi...
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La vente de PPE sur plan plaît en général aux investisseurs. Les acquéreurs également sont souvent séduits par l'achat d'appartements neufs, dont ils sélectionnent eux-mêmes les finitions, sans devoir assumer les responsabilités d'un maître de l'ouvrage tout au long de la construction. L'opération n'est toutefois pas sans risques. Certains sont pratiques, d'autres sont juridiques: à cet égard, la vente sur plan d'une PPE pose en effet quelques questions délicates1.
Quelques conseils pratiques sont d'abord de rigueur.
Attention premièrement aux conventions de réservation! Ces conventions fréquentes sont censées permettre à un acheteur intéressé d'acquérir une option sur un appartement, parfois en échange d'un premier paiement. En réalité, le contrat de vente sur plan étant soumis à la forme authentique, une convention de réservation conclue en la simple forme écrite est nulle et elle ne lie pas les parties qui la signent: si la convention prévoit un montant à titre de dédit, celui qui renonce ultérieurement à l'achat n'est pas tenu de le payer et il a le droit d'obtenir la restitution de l'acompte déjà versé. Le vendeur n'est en principe pas non plus tenu par son engagement et il reste libre de vendre l'appartement «réservé» à un second acquéreur sans devoir quoi que ce soit au premier.
Autre point de litige fréquent: les modifications du projet immobilier au cours de la construction et la conformité de cette dernière avec les plans et représentations initialement présentés aux acquéreurs. Pour se prémunir contre les déceptions, ces derniers ont tout intérêt à stipuler des dispositions très précises dans le contrat (y compris sur les possibilités de changements) en décrivant de manière complète l'équipement prévu et la qualité attendue de celui-ci. Le contrat de vente notarié devra aussi mentionner quels sont les documents qui font partie intégrante du contrat. Les acquéreurs feront bien également de prendre connaissance de l'acte de constitution et du règlement d'administration de la PPE. Bien sûr, c'est souvent l'entrepreneur-vendeur qui dicte le contenu du contrat. Il est d'autant plus important à cet égard que les notaires renseignent chaque partie de manière adéquate sur le contenu de leurs droits et obligations.
Dernière question pratique, ici: comme dans tout projet de construction immobilière, il est prudent d'échelonner le paiement du prix, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, au besoin de mandater une banque qui s'occupera notamment des versements aux sous-traitants, ne serait-ce que pour se prémunir contre les risques d'hypothèques légales. Le conseil s'impose davantage encore dans une PPE, dès lors que le projet réunit nécessairement de nombreux participants et fait appel à différentes sources de financement. La dernière tranche du paiement ne devrait intervenir qu'après réception et examen de l'ouvrage par le propriétaire d'étage; si certaines finitions ne sont alors pas encore achevées (notamment dans les parties communes), il faut le mentionner clairement dans le procès-verbal de réception des travaux.
Même si on peut éviter de nombreuses déconvenues en négociant de bons contrats et en suivant les bons conseils de juristes avisés, il reste des difficultés juridiques que la pratique n'a pas encore surmontées. On en signalera deux.
1. L'entrepreneur-vendeur exclut souvent sa garantie de vendeur, tout en cédant à l'acquéreur les droits de garantie dont il dispose à l'encontre des entrepreneurs. Avec l'appui de la doctrine majoritaire, la jurisprudence n'admet pas la validité de cette cession, sauf pour le droit à la réfection. Dans ce cas, elle retient qu'il incombe néanmoins à l'entrepreneur-vendeur de faire l'avis des défauts. Même si on comprend l'intérêt pratique de la cession de tous les droits à la garantie, et que les objections à son encontre sont somme toute assez dogmatiques, le fait que l'entrepreneur-vendeur cède à plusieurs reprises les droits découlant du même contrat de sous-traitance soulève des questions très délicates. L'étendue et la validité du droit cédé contre l'entrepreneur au propriétaire d'étage est en réalité incertaine, surtout pour agir en raison des défauts affectant les parties communes de l'immeuble. Quoi qu'il en soit, la cession des droits de garantie implique que l'entrepreneur communique au propriétaire toutes les informations utiles sur les contrats qu'il a conclus avec les sous-traitants. Si l'entrepreneur ne s'exécute pas ou met en danger la possibilité pour le propriétaire d'exercer valablement les droits cédés, il viole ses propres obligations contractuelles et répondra du dommage causé ainsi à l'acquéreur.
2. Même lorsque l'acquéreur d'une PPE dispose de droits de garantie contre l'entrepreneur, la question de savoir si et dans quelle mesure il peut seul exercer ces droits lorsqu'un défaut affecte les parties communes ne trouve pas de réponse univoque. La jurisprudence admet qu'un propriétaire individuel peut demander la réfection des défauts et la diminution du prix lorsque le défaut exerce son influence principalement sur l'unité du demandeur. Pour le reste, les avis divergent en doctrine. Cela étant, les propriétaires d'étage devraient autant que possible coordonner leurs actions à l'encontre du vendeur ou des entrepreneurs envers lesquels ils disposent de droits. La meilleure solution est sans doute que les propriétaires d'étage décident lors d'une assemblée les mesures qu'ils envisagent et que l'administrateur de la PPE agisse ensuite comme leur représentant commun.
En tout état de cause, c'est donc la prudence qu'on recommandera à tout acquéreur intéressé par un achat dans une PPE sur plan!
1Pour une analyse récente de l'ensemble de la question, cf. Franz WERRO/Béatrice HURNI, PPE sur plan, in Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2011, 63 ss.