Le World Wide Web évolue continuellement: chaque jour, de très nombreuses pages changent d’adresse URL, sont supprimées ou voient leur contenu être plus ou moins largement modifié. Ce mouvement permanent peut être problématique à plusieurs égards, notamment lorsque, dans le cadre de la rédaction d’un texte juridique, l’on souhaite citer certaines sources publiées en ligne: très fréquemment, les adresses URL citées deviennent obsolètes, et des documents importants ne peuvent plus être trouvés ou risquent d’être modifiés après avoir été cités. Ces changements peuvent même compliquer l’administration de la justice. Ainsi, par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme écrivit en 2012 dans un arrêt: «Malheureusement, le dossier ne contient pas d’impression de la page du site litigieux à la date de mars 2001 et nous ne savons pas quel était le texte exact (s’il y en avait un) qui accompagnait l’hyperlien.»(1)
Pour remédier à ces difficultés, plusieurs sites proposent un service d’archivage de pages web. Le plus important d’entre eux, le site Internet Archive(2), met à disposition la Wayback Machine (littéralement «machine à remonter le temps»), qui permet d’afficher des versions sauvegardées d’un très grand nombre de pages web. La société affirme avoir déjà archivé 410 milliards de pages!
Pour trouver des versions archivées des ressources publiées sous une adresse URL spécifique, il suffit de la saisir dans le masque de recherche de la Wayback Machine. Les résultats sont alors affichés sous forme d’un calendrier, avec une mise en évidence des dates auxquelles la page disponible à l’adresse URL saisie a été sauvegardée. Chaque version archivée est mise à disposition sous une adresse spécifique. Il devient ainsi possible, pour le rédacteur d’un texte juridique, de citer un texte qui n’est plus en ligne ou une version antérieure d’un document dont le contenu a été modifié. Le lecteur peut, quant à lui, facilement retrouver des textes cités sous des adresses URL devenues obsolètes.
L’archivage n’est pas imposé aux titulaires de sites: tout webmaster peut exclure son site en plaçant un fichier robots.txt sur son serveur ou en adressant une requête de suppression par courriel(3).
Si l’utilité du service offert par l’Internet Archive est indéniable, il pose certains problèmes juridiques. Tel est notamment le cas en droit d’auteur, où la copie et la mise à disposition des pages web peuvent constituer, en droit suisse, une utilisation d’œuvres protégées au sens de l’article 10 al. 2 lit. a et c LDA. Cette utilisation n’est couverte, à tout le moins pour la mise à disposition des œuvres archivées, par aucune des exceptions des articles 19 et suivants LDA. Dans d’autres systèmes juridiques, l’archivage pourrait être légitimé par des exceptions spécifiques, comme l’exception de «fair use» du droit américain.
(1) CourEDH, 13.07.2012, 16354/06, deuxième opinion dissidente III.
(2) http://archive.org/web.
(3) http://archive.org/about/exclude.php.