1. Demande d’accès à un rapport d’un test effectué par le BPA (ATF 146 II 265)
1.1 Faits
En 2016, un particulier a demandé au Bureau de prévention des accidents (ci-après: le BPA) l’accès aux résultats d’un contrôle des règles de sécurité concernant neuf tables à langer. Le BPA lui a transmis une version partiellement caviardée du rapport du test final: il a divulgué l’intégralité des informations relatives à deux produits; pour sept autres produits, leur désignation, leurs images, les noms des responsables de la mise sur le marché, les numéros d’articles, les prix et les adresses de commande étaient caviardés. À la suite d’une procédure de médiation menée devant le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé), le BPA a accordé à l’intéressée l’accès aux informations complètes concernant deux autres produits. Malgré la recommandation du Préposé d’accorder l’accès aux désignations et aux images des cinq tables à langer restantes défectueuses, le BPA a rejeté la requête d’accès aux documents en question. Cette décision a été contestée par l’intéressée (ci-après: la recourante) auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après: le TAF), qui a rejeté son recours. La recourante a interjeté un recours auprès du Tribunal fédéral (ci-après: le TF), en demandant l’accès intégral au rapport final du test, sans caviardage des désignations et des images des produits. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
1.2 Droit
Le TF devait déterminer si deux dispositions de la loi fédérale du 12 juin 2009 sur la sécurité des produits (LSPro; RS 930.11) sont des «dispositions spéciales réservées» au sens de l’art. 4 de la loi fédérale du 17 décembre 2004 sur le principe de la transparence dans l’administration (LTrans; RS 152.3) qui déclarent certaines informations secrètes (let. a) ou accessibles à des conditions dérogeant à la LTrans (let. b) (c. 4). Les dispositions concernées étaient les suivantes. L’art. 10 al. 4 LSPro prévoit que les organes d’exécution informent la population du danger que présente un produit, lorsque le responsable de la mise sur le marché ne prend pas de mesures efficaces en temps utile, et rendent accessibles à la population les informations dont ils disposent concernant les risques liés à ce produit et les mesures prises. L’art. 12 LSPro précise que les organes d’exécution sont tenus au secret dans la mesure où les informations dont ils ont pris connaissance ne sont pas essentielles pour la sécurité des produits ou pour l’échange d’expériences sur les mesures techniques de sécurité.
Le TF constate d’abord que la LSPro a été adoptée après la LTrans et que le message relatif à la LSPro ne contient aucune indication sur la coordination entre ces deux lois. Il en conclut que cette absence d’indication doit plutôt être interprétée comme un indice selon lequel le législateur n’a pas souhaité modifier la portée de la LTrans (c. 5.2.1). Il relève par ailleurs qu’il ressort de la genèse de l’art. 10 al. 4 LSPro que l’obligation d’information active prévue par cette disposition a pour but de protéger la sécurité et la santé de la population, et d’assurer la transparence de l’activité de l’État, de telle sorte que l’on ne peut pas en déduire que cette disposition interdirait à l’autorité de fournir des informations plus détaillées sur demande. D’autre part, l’obligation de garder le secret selon l’art. 12 LSPro ne va pas au-delà du secret de fonction général, du secret professionnel, des affaires ou de fabrication (c. 5.2.2).
Par ailleurs, le TF rappelle que la publicité de l’activité administrative est la règle depuis l’adoption de la LTrans et que les dispositions spéciales ne doivent pas être interprétées à la légère de manière à vider de son sens le principe de la transparence (c. 5.3). Il relève que l’accès complémentaire aux informations selon la LTrans permet une gradation judicieuse et différenciée de l’activité d’information des autorités: si des produits sont véritablement dangereux pour la sécurité ou la santé de la population et que les responsables de leur mise sur le marché ne prennent pas, ou pas à temps, des mesures efficaces, les organes d’exécution sont tenus d’avertir la population, c’est-à-dire de l’informer activement du danger. Si des produits donnent lieu à une contestation moins grave, il n’existe certes pas d’obligation d’informer activement les autorités; cela n’exclut toutefois pas qu’il puisse exister un droit d’accès aux documents y relatifs sur la base de la LTrans. Un droit d’accès selon la LTrans n’a pas les mêmes effets pour les personnes concernées qu’un avertissement officiel au sens de l’art. 10 al. 4 LSPro. Ainsi, l’art. 10 al. 4 LSPro ne perd pas son sens s’il n’est pas interprété comme une disposition spéciale au sens de l’art. 4 LTrans; son but est la mise en garde de la population contre des produits dangereux, sans pour autant restreindre une information passive plus étendue.
En résumé, le TF retient que l’art. 10 al. 4 LSPro en lien avec l’art. 12 LSPro n’est pas une disposition spéciale au sens de l’art. 4 LTrans, de sorte que la demande d’accès de la recourante doit être examinée conformément à la LTrans. Le recours est admis et l’affaire est renvoyée au TAF pour qu’il examine la demande d’accès selon cette loi (c. 5.5).
1.3 Commentaire
Cet arrêt doit être approuvé. Le TF insiste sur le fait que les dispositions spéciales au sens de l’art. 4 LTrans ne doivent pas être interprétées à la légère et ainsi vider de son sens le principe de la transparence. En l’occurrence, comme l’a démontré le TF de manière convaincante, une information peut à la fois être active, au sens de la LSPro, et passive, au sens de la LTrans, sans que l’art. 10 al. 4 LSPro ne perde de son sens ou soit contourné. Le fait que la LSPro a été adoptée après l’entrée en vigueur de la LTrans n’est pas déterminant. La coordination des normes spéciales de confidentialité et de publicité avec la LTrans est une des questions les plus complexes à résoudre sous l’angle de cette loi. En ce qui concerne les lois adoptées avant la LTrans, cette tâche de coordination est effectuée en premier lieu par les autorités et le TAF. Cependant, la situation n’est pas forcément toujours plus claire lorsque les normes spéciales, comme la LSPro en l’espèce, ont été adoptées après la LTrans. Encore faut-il que le législateur ait assuré une coordination, ce qui n’est pas toujours le cas. Une coordination plus systématique renforcerait la sécurité juridique, dès lors qu’une absence d’indication n’est pas toujours décisive à elle seule, puisqu’il ne s’agit que d’un indice selon lequel le législateur n’a pas souhaité modifier la portée de la LTrans. Par ailleurs, et d’une manière générale, on peut retenir de cet arrêt que les dispositions régissant la communication proactive n’ont pas d’influence sur la communication passive régie par la LTrans; il s’agit de deux aspects différents de la communication. On relèvera enfin que, par arrêt du 2 août 2021 (A-2734/2020), le TAF a accordé à la recourante l’accès aux désignations et aux images des cinq tables à langer défectueuses.
2. Demande d’accès aux données d’une caisse-maladie (arrêt du TF 1C_59/2020 du 20 novembre 2020)
2.1 Faits
Un particulier a demandé à l’Office fédéral de la santé publique (ci-après: l’OFSP) l’accès à toutes les pièces comptables, explications, documents et courriers échangés entre une caisse-maladie et l’OFSP en vue de l’augmentation des primes pour chaque canton pour les années 2014 à 2017. L’OFSP a rejeté la requête d’accès aux documents précités, en estimant qu’ils contenaient des secrets d’affaires au sens de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans. L’intéressé a recouru au TAF, qui a confirmé la décision de l’OFSP, puis au TF. Ce dernier a partiellement admis le recours.
2.2 Droit
Notre Haute Cour rappelle que le système voulu par le législateur, basé sur la pluralité des caisses-maladie, était destiné à contribuer à la lutte contre la hausse des coûts, ce qui signifie que, pour atteindre cet objectif, «il convenait précisément de permettre aux caisses-maladie de ne pas dévoiler leur stratégie, faute de réduire à néant la concurrence qui subsistait dans le système voulu par le législateur» (c. 4.3). Selon le TF, ces données peuvent représenter des informations qu’un assureur de l’assurance obligatoire des soins est légitimé à vouloir conserver secrètes, dès lors que leur divulgation pourrait permettre aux autres assureurs de faire obstacle de manière ciblée à la politique de développement de l’effectif d’assurés dans certaines régions. Le TF a en revanche admis la transmission de quatre documents dont la production avait été refusée au seul motif que les noms des représentants de l’assurance-maladie et/ou de l’OFSP auraient été cachés et que les documents n’avaient plus de signification en raison de leurs nombreux caviardages. Le TF a considéré à cet égard que les documents en question n’avaient pas à être anonymisés pour être consultés, dès lors que dans le domaine de l’assurance-maladie obligatoire, les collaborateurs des assurances-maladie remplissent une tâche publique (cf. art. 2 al. 1 let. b LTrans; c. 4.6.2). Il s’ensuit que le recours est admis partiellement et l’arrêt réformé en ce sens que l’accès non anonymisé à quatre pièces est accordé à l’intéressé.
2.3 Commentaire
Cet arrêt doit être approuvé. Comme le système voulu par le législateur est orienté vers la concurrence et implique une pluralité d’acteurs, il serait contradictoire (et dommageable) que l’accès à de telles informations au sens de la LTrans provoque une distorsion de la concurrence, en désavantageant l’intimée par rapport à d’autres assureurs qui pourraient en tirer profit. Il est intéressant de souligner que le projet de la LTrans du Conseil fédéral du 12 février 2003 soumis au Parlement prévoyait d’exclure du champ d’application de la loi les assureurs-maladie et accidents (cf. art. 2 al. 2 let. b du projet; FF 2003 1888). Le Message du Conseil fédéral du 12 février 2003 relatif à la loi fédérale sur la transparence de l’administration (ci-après: Message LTrans) justifiait cette exclusion en expliquant qu’il s’agit d’entreprises de droit privé, et que, à défaut d’une telle exclusion, «cela pourrait provoquer des distorsions de la concurrence» (FF 2003 1807, 1831 ch. 2.1.2.2). Lors des travaux parlementaires, cette disposition a été supprimée et il a été décidé d’exclure uniquement la Banque nationale suisse et l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du champ d’application de la loi (BO 2004 N 1256).
3. Demande d’accès aux communications écrites adressées par Swisscom au Préposé (arrêt du TF 1C_500/2020 du 11 mars 2021)
3.1 Faits
En 2017, un représentant de Swisscom AG et Swisscom (Schweiz) AG (ci-après: Swisscom ou les recourantes) a informé le Préposé d’une perte importante, par un partenaire commercial, de données de clients privés et commerciaux. Le Préposé, sollicité en tant que conseil en matière de protection des données au sens de l’art. 28 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1), et Swisscom se sont rencontrés et ont échangé de nombreux courriels à ce sujet. La RTS – Radio Télévision Suisse (ci-après: la RTS) a demandé l’accès aux communications écrites adressées par Swisscom au Préposé concernant l’affaire de l’accès indu à des coordonnées de clients ainsi qu’aux réponses du Préposé. Ce dernier a accordé l’accès aux documents précités en anonymisant les données d’identification du partenaire commercial des parties, les noms et données d’identification des collaborateurs des parties ainsi que les numéros de téléphone directs et les adresses électroniques des collaborateurs du Préposé. Le TAF a admis très partiellement le recours interjeté par Swisscom contre la décision précitée, en procédant au caviardage d’un nombre sur une note du Préposé. Pour le surplus, le TAF a considéré qu’aucun élément concret au dossier ne permettait de retenir qu’une garantie de confidentialité au sens de la LTrans aurait été, explicitement ou tacitement, octroyée par le Préposé, à tout le moins après que la fuite des données a été rendue publique en 2018. Swisscom a recouru au TF, qui a rejeté le recours.
3.2 Droit
Le litige portait pour l’essentiel sur l’application de l’art. 7 al. 1 let. h LTrans, qui prévoit que le droit d’accès est limité, différé ou refusé lorsque l’accès à un document officiel peut avoir pour effet de divulguer des informations fournies librement par un tiers à une autorité qui en a garanti le secret. Le TF rappelle que pour refuser l’accès à un document officiel sur la base de cette disposition, les trois conditions cumulatives suivantes doivent être remplies: 1) l’information doit d’abord avoir été donnée à l’autorité par un particulier (et non pas par une autre autorité), ce qui se justifie dans la mesure où les autorités sont, contrairement aux privés, soumises au principe de la transparence; 2) les informations doivent ensuite avoir été fournies librement, c’est-à-dire avoir été produites sans contrainte, soit en l’absence d’une obligation légale ou contractuelle; 3) il doit enfin y avoir une garantie de confidentialité donnée par l’administration qui a expressément accordé celle-ci à la demande explicite de l’informateur, étant précisé que lorsqu’une personne communique librement une information à l’administration, sans toutefois préciser que celle-là doit demeurer secrète, l’art. 7 al. 1 let. h LTrans ne s’applique pas (c. 3.2). Le TF constate que seule demeurait en l’espèce litigieuse la question de savoir si le Préposé avait garanti le secret. De son côté, le Préposé estimait que sa garantie de confidentialité assurée à Swisscom lors d’un échange téléphonique se rapportait à une éventuelle information active par le Préposé, qui avait accepté de ne pas rendre l’information publique de lui-même avant que Swisscom n’ait informé les personnes concernées, garantie qui n’empêchait pas le public de faire valoir son droit à une information passive dans le cadre de la LTrans (c. 3.3.1). Le TF confirme en substance le raisonnement du TAF, qui avait retenu qu’en garantissant la confidentialité, le Préposé s’était limité à garantir son secret de fonction. Il relève que le secret de fonction existe dans la loi et que sa levée constitue l’exception, alors que la garantie du secret au sens de la LTrans doit au contraire être octroyée au cas par cas et en dérogation au principe de la transparence (c. 3.3.2). Il ajoute que si l’administration pouvait systématiquement donner des garanties de secret, elle se soustrairait à ses obligations de rendre des comptes au public, privant ainsi la LTrans de sa substance, ce qui ne peut pas correspondre à la volonté du législateur. Dans un dernier grief écarté par le TF, les recourantes se plaignaient d’une violation de l’art. 7 al. 2 LTrans, au motif que la pesée des intérêts opérée par le TAF aurait été contraire au but de la LTrans. Le TF a confirmé le raisonnement du TAF, qui avait retenu à cet égard que «la cause impliquait une ancienne régie fédérale détenue majoritairement par la Confédération, gérant certaines infrastructures de communication les plus sensibles du pays et que la fuite de données concernait environ 800 000 clients», et qu’il y avait par conséquent «un intérêt public très élevé, au sens de l’art. 6 al. 1 et 2 let. a OTrans [ordonnance du 24 mai 2006 sur le principe de la transparence dans l’administration; RS 152.31], à ce que la transparence prime sur d’éventuels autres intérêts privés – au demeurant non démontrés – des recourantes» (c. 4.2). Le recours est rejeté.
3.3 Commentaire
Cet arrêt est intéressant pour plusieurs raisons. D’abord, contrairement à ce que prévoit la loi (cf. art. 13 et 14 LTrans), aucune procédure de médiation ne s’est déroulée devant le Préposé et ce dernier n’a formulé aucune recommandation. Ce point n’a pas été abordé par le TF dans son arrêt, mais dans celui du TAF. Il faut rappeler que la demande d’accès avait été adressée au Préposé, qui intervenait en tant qu’autorité compétente pour traiter cette demande, ce qui excluait qu’il intervienne également en qualité de médiateur (art. 13 LTrans), puis formule une recommandation (art. 14 LTrans), le Préposé ne pouvant pas cumuler dans la même procédure les fonctions de médiateur et d’autorité partie à la médiation. Le TAF, dans son arrêt A-4781/2019 précité, avait estimé que le législateur n’avait pas envisagé cette situation et qu’il fallait partir du principe qu’il s’agit d’une véritable lacune. En résumé, lorsque le Préposé intervient en qualité d’autorité compétente pour traiter une demande d’accès, les parties seront privées des droits conférés aux art. 13 et 14 LTrans. Ce résultat doit être accepté. Il est néanmoins surprenant que le législateur n’ait pas envisagé cette situation, dans la mesure où le Préposé n’est pas exclu du champ d’application de la LTrans.
Selon nous, le TAF et le TF ont par ailleurs correctement appliqué l’art. 7 al. 1 let. h LTrans. En raison du principe de la transparence sous réserve du secret voulu par le législateur, il est justifié d’exiger une garantie de confidentialité claire ou expresse et d’exclure toute garantie tacite. Le Message LTrans va dans ce sens: l’assurance du secret doit être demandée et donnée expressément (FF 2003 1807, 1853 ch. 2.2.2.1.8). Autre est la question de savoir si, et le cas échéant dans quelles mesures, l’autorité doit attirer l’attention de l’administré sur la garantie de confidentialité. À cet égard, le TF s’est appuyé sur des avis exprimés par la doctrine selon lesquels l’administration publique n’est pas tenue, de sa propre initiative, d’attirer l’attention des privés sur la confidentialité (c. 3.3.2 et les réf. cit.). Si ces avis sont compréhensibles et doivent être approuvés, ils devraient néanmoins être nuancés, à tout le moins précisés. D’une part, il ne faut pas perdre de vue que le Préposé n’intervenait pas ici comme n’importe quelle autorité, mais en tant que conseil en matière de protection des données au sens de l’art. 28 LPD, de sorte que l’on pouvait attendre de lui un devoir d’information ou de renseignement plus étendu que pour une autorité n’intervenant pas dans ce cadre. D’autre part, lorsque la personne qui sollicite des conseils auprès du Préposé n’est pas versée dans le droit ou ne possède aucune connaissance particulière en matière de protection des données (ce qui n’était pas le cas des recourantes, comme le TF et le TAF l’ont retenu à juste titre), le Préposé devrait, selon nous, compte tenu de sa fonction de conseil, informer le particulier qu’il n’est pas exclu que les informations que ce dernier lui transmet librement puissent faire l’objet d’une demande d’accès au sens de la LTrans et, le cas échéant, l’avertir s’il entend ou non garantir la confidentialité. À notre avis, une telle démarche ne remet pas en question le principe de la transparence sous réserve du secret. La situation est évidemment différente lorsqu’une autorité n’intervient pas en tant que conseil au sens de l’art. 28 LPD ou, comme dans le cas d’espèce, lorsque l’administré possède des connaissances particulières.
Enfin, la nouvelle loi sur la protection des données, qui entrera en vigueur le 1er septembre 2023, instaurera une obligation d’annonce du responsable du traitement au Préposé en cas de «violation de la sécurité des données entraînant vraisemblablement un risque élevé pour la personnalité ou les droits fondamentaux de la personne concernée» (art. 24 al. 1 nLPD). Ainsi, lorsque les conditions de cette disposition seront remplies, une garantie de confidentialité ne pourra plus être requise, dès lors que les informations n’auront pas été communiquées librement, mais sur la base d’une obligation légale. Les documents en possession du Préposé pourront ensuite faire l’objet d’une demande d’accès au sens de la LTrans, ce qui pourrait s’apparenter à une seconde sanction pour le responsable du traitement. Cette situation pourrait décourager ce dernier de procéder à l’annonce en question, d’autant plus que la nLPD ne prévoit aucune sanction directe en cas de défaut d’annonce.
4. Demande d’accès à un avis de droit (arrêt du TAF A-1096/2020 du 19 janvier 2021)
4.1 Faits
Le 11 septembre 2019, un journaliste (ci-après également: le requérant) a demandé à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) l’accès à l’avis de droit intitulé «Évaluation des risques liés aux conséquences pour le Fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs d’une éventuelle insolvabilité de l’exploitant d’une centrale nucléaire ou de son propriétaire», sur la base de la LTrans. L’OFEN a considéré que la Commission administrative du fonds de désaffectation et du fonds de gestion des déchets radioactifs pour les installations nucléaires (ci-après: STENFO), dans ce cas précis son secrétariat, était l’auteur ou le destinataire principal du document et lui a transmis la demande le même jour, en raison de sa compétence.
La STENFO a ensuite procédé à une audition conformément à l’art. 11 LTrans et a informé le requérant, le 9 octobre 2019, qu’il refusait de lui accorder l’accès au document demandé, en s’appuyant sur les art. 7 al. 1 let. a et g LTrans.
Le 15 octobre 2019, le requérant a déposé une demande en médiation auprès du Préposé. Dans sa recommandation du 16 décembre 2019, le Préposé a recommandé d’accorder l’accès à l’avis de droit.
Par décision du 22 janvier 2020, la STENFO a accordé l’accès aux informations demandées, en désignant précisément les secrets d’affaires à protéger et en procédant aux caviardages correspondants.
Le 21 février 2020, plusieurs sociétés actives dans le domaine de l’électricité et de l’énergie nucléaire (ci-après: les recourantes) ont contesté la décision précitée auprès du TAF, en concluant pour l’essentiel à son annulation. Les recourantes font valoir en substance que le contenu du document est entaché de nombreuses erreurs, qu’il ne s’agit pas d’un document officiel et que la protection des secrets d’affaires, du secret professionnel de l’avocat et des données personnelles s’oppose à accorder l’accès à ce document.
Dans leur prise de position du 11 juin 2020, les recourantes ont informé le TAF que le journaliste (ci-après: l’intimé) a publié entre-temps dans l’édition imprimée du Blick du 3 juin 2020 un article intitulé «Si un exploitant de centrale nucléaire fait faillite, ce sont les contribuables qui paient». Le journaliste y fait notamment référence à la procédure judiciaire en cours pour obtenir un droit d’accès selon la LTrans et laisse entendre à cet égard qu’il a obtenu le document explosif par une autre voie. Les recourantes ont ainsi soutenu que l’intimé n’a plus d’intérêt actuel et pratique à obtenir l’accès à un document qu’il possède déjà.
Par écriture du 23 juillet 2020, l’intimé a indiqué qu’il possède toujours un intérêt digne de protection, étant donné qu’il n’est pas encore en possession du document litigieux et qu’il n’a pas pu le consulter. Il a expliqué n’avoir reçu qu’un résumé de 8 pages. Il a donc maintenu sa demande d’accès à l’intégralité du document.
Le TAF a rejeté le recours.
4.2 Droit
Le Tribunal constate d’abord que, en raison de la protection des sources, le journaliste n’a pas l’obligation de produire la version abrégée de l’avis de droit qui lui a été remise. Il ne peut donc pas déterminer si le journaliste possède l’intégralité du document litigieux ou seulement un résumé de ce dernier. Le Tribunal considère ainsi que les recourantes ont toujours un intérêt digne de protection et qu’il n’est donc pas possible de classer la procédure (c. 1.4).
Il retient par ailleurs que le document litigieux doit être considéré comme un document officiel au sens de l’art. 5 al. 1 LTrans. Le Tribunal rappelle que les documents privés entrent également dans le champ d’application de la LTrans s’ils sont nécessaires à l’accomplissement d’une tâche publique. Si des documents étroitement liés à l’accomplissement de tâches publiques ont été communiqués à l’autorité sans aucune obligation et avec la garantie du secret, il convient d’en tenir compte dans le cadre de l’examen de l’existence d’une éventuelle exception au sens de l’art. 7 LTrans (c. 4.1.2). La tâche principale de la STENFO consiste à garantir la prise en charge des coûts de démantèlement et de gestion des déchets d’exploitation radioactifs des centrales nucléaires en Suisse. Dans ce contexte, la STENFO s’occupe également de l’éventuelle faillite d’un exploitant de centrale nucléaire. Ainsi, lorsqu’elle demande l’élaboration d’un avis de droit sur des questions de responsabilité des exploitants de centrales nucléaires et de leurs propriétaires en cas de faillite, ces questions concernent clairement l’exécution d’une tâche publique qui lui a été confiée (c. 4.1.3).
Après un examen des différentes parties du document litigieux, le Tribunal arrive à la conclusion que les recourantes ne sont pas parvenues à démontrer qu’il existerait, au-delà des caviardages de certaines parties du document effectués par l’autorité inférieure, des intérêts objectivement justifiés au maintien du secret qui seraient susceptibles de l’emporter sur l’intérêt public également important à rendre compte des activités des recourantes de manière transparente, étant précisé que le financement suffisant et la garantie de l’obligation d’éliminer les déchets répondent à un intérêt public important (c. 4.2).
Le Tribunal examine ensuite si le secret professionnel de l’avocat s’oppose au droit d’accès au document en question (cf. art. 7 al. 1 let. g LTrans), comme le soutiennent les recourantes. À cet égard, le Tribunal relève que l’avis de droit a certes été rédigé par des avocats, mais que ces derniers l’ont rédigé sur mandat et dans le cadre de la mission publique de la STENFO. Il ajoute qu’en tant que destinataire principale, la STENFO n’a pas à le protéger spécialement du seul fait qu’il a été rédigé par des avocats et que ceux-ci le lui ont communiqué. Il considère ainsi que l’avis de droit demandé a été transféré dans le domaine de souveraineté de la STENFO (cf. art. 5 al. 1 LTrans) dès son achèvement (cf. art. 5 al. 3 let. b LTrans) et, en tant que document à caractère officiel, qu’il n’est pas soumis, d’un point de vue matériel, à la protection du secret professionnel de l’avocat (c. 4.3.5).
En dernier lieu, le Tribunal ne constate aucune violation du droit de la protection des données personnelles. En ce qui concerne les noms des auteurs qui figurent sur l’avis de droit, le Tribunal relève qu’il est usuel de les mentionner, car la qualité des déclarations qui y sont faites dépend de l’expérience acquise dans le domaine juridique concerné, et il existe également un intérêt à connaître d’éventuels liens d’intérêts qui ne peuvent être découverts que par la communication du nom des auteurs (c. 4.4.3).
En résumé, l’accès au document demandé ne doit pas être limité au-delà de la décision attaquée. Le recours est par conséquent rejeté.
4.3 Commentaire
Nous nous limiterons à examiner le grief soulevé par les recourantes en lien avec le secret professionnel de l’avocat. D’abord, selon nous, les dispositions en lien avec le secret professionnel de l’avocat citées par le Tribunal (cf. en part. les art. 321 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP; RS 311.0], 13 de la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats [LLCA; RS 935.61], 13 al. 1bis et 17 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA; RS 172.021]) sont des normes spéciales au sens de l’art. 4 let. a LTrans qui excluent l’application de la LTrans. Leur application doit être examinée en premier. Dans le cas d’espèce, la rédaction d’un avis de droit est une activité typique de l’avocat, de sorte que le document en question est couvert par le secret professionnel de l’avocat. Les recourantes ne peuvent cependant pas se prévaloir des normes spéciales en question, dans la mesure où elles doivent être considérées comme des tiers. Il est en effet majoritairement admis dans la jurisprudence et la doctrine que le secret professionnel ne protège que le client et ne s’étend pas aux tiers. Le fait que l’avis de droit mentionne les recourantes ou des informations les concernant n’y change rien sous l’angle du secret professionnel de l’avocat. En tant que tiers dans la relation avocat-client, les recourantes ne peuvent pas non plus bénéficier de l’exception prévue à l’art. 7 al. 1 let. g LTrans. Seule la STENFO est donc bénéficiaire du secret professionnel. Cette dernière faisait du reste valoir, dans le cadre de la procédure devant le TAF, que le document en question n’était pas couvert par le secret professionnel de l’avocat, dans la mesure où, en tant que mandante de l’avis de droit, elle pouvait en disposer librement. Cette affirmation est exacte: le client peut disposer librement des documents que son avocat lui fait parvenir; il peut les garder secrets ou les rendre publics.
Bien que la question ne se soit pas posée en l’espèce, on peut se demander si la STENFO, comme seule bénéficiaire du secret, pouvait refuser le droit d’accès au document en se prévalant d’une norme spéciale ou, à défaut, de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans. À notre sens, elle ne pouvait rien tirer des art. 321 CP et 13 LLCA. Elle ne pouvait pas non plus bénéficier des dispositions procédurales qui protègent la confidentialité des contacts entre un client et son avocat (cf. art. 13 al. 1bis et art. 17 PA), dès lors qu’elle n’intervenait pas dans la procédure en qualité de partie ou de témoin, mais en tant qu’autorité décisionnelle. La situation est en effet particulière, dans la mesure où la STENFO est non seulement la bénéficiaire du secret professionnel, mais également l’autorité compétente devant se prononcer sur la demande d’accès au sens de la LTrans (cf. art. 10 al. 1 LTrans). Enfin, la STENFO ne pouvait pas non plus se prévaloir de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans pour préserver ses propres intérêts et empêcher l’accès à l’avis de droit. Bertil Cottier considère en effet, à juste titre selon nous, que l’exception prévue à l’art. 7 al. 1 let. g LTrans ne peut être invoquée que pour préserver les intérêts des opérateurs économiques, et non les intérêts propres de l’administration.
L’arrêt commenté doit être distingué de l’arrêt du TAF A-306/2015 du 28 décembre 2015 cité par le TAF et le Préposé dans sa recommandation du 16 décembre 2019. Dans cette affaire, on se demandait si un courriel transmis par un avocat à une autorité au nom et par mandat de son client était protégé par le secret professionnel de l’avocat contre la prise de connaissance par des tiers. Dans la procédure devant le TAF, l’autorité inférieure et un tiers considéraient que le fait que l’avocat se soit adressé à l’autorité en accord avec son client ne permettait pas de renoncer à la protection du secret professionnel de l’avocat à l’égard de personnes non impliquées dans la communication. Ils rappelaient que la correspondance de l’avocat est intégralement protégée, tant dans la procédure administrative que dans la procédure pénale, même si la correspondance ne se trouve plus dans la sphère d’influence de l’avocat ou du client. Le TAF n’a pas suivi cette argumentation. Il a rappelé que le secret professionnel de l’avocat protège la confidentialité des communications entre le client et l’avocat. En revanche, si l’avocat fait une communication à un tiers (tribunal, autorité, partie adverse, etc.) au nom et par mandat de son client, ce tiers peut bien entendu traiter les informations reçues de la même manière que si elles lui avaient été communiquées directement par le client (c. 5.3). Le TAF est ainsi arrivé à la conclusion qu’une autorité n’est pas tenue d’accorder une protection particulière aux informations reçues du seul fait qu’elles lui ont été communiquées par l’intermédiaire d’un avocat. Cette solution doit être approuvée.
Enfin, à titre d’exemple, l’avocat qui serait obligé, sur la base d’une disposition légale, de transmettre à une autorité des informations couvertes par le secret professionnel est un cas d’application des dispositions sur le secret professionnel de l’avocat. Une fois les documents en possession de l’autorité et lors d’une demande d’accès, l’art. 4 let. a LTrans en relation avec les art. 321 CP et 13 LLCA excluront l’application de la LTrans. Ces dispositions doivent primer sur l’application de l’art. 7 al. 1 let. g LTrans, dans la mesure où le secret professionnel de l’avocat ne serait pas respecté si le droit d’accès était simplement limité (p. ex. en procédant à un caviardage d’un document) ou différé, comme le permet l’art. 7 al. 1 LTrans.
5. Demande d’accès aux statistiques complètes concernant l’importation d’or (arrêt du TAF A-741/2019 du 16 mars 2022)
5.1 Faits
Le 5 février 2018, une association (ci-après: la requérante) a saisi l’Administration fédérale des douanes (devenue le 1er janvier 2022 l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières OFDF, ainsi désignée ci-après) d’une demande fondée sur la LTrans. Elle souhaitait obtenir les statistiques complètes concernant l’importation d’or sous le numéro de douane 7108.1200 (or, y compris l’or platiné, sous forme brute, à usages non monétaires) pour les plus grands importateurs d’or en termes de quantité, avec indication des quantités, détaillées selon le nom de l’exportateur, et l’indication du nom de l’importateur suisse à qui cet or a été livré, pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017.
Les plus grands importateurs d’or concernés (ci-après: les sociétés concernées) se sont opposés à la demande d’accès, en faisant en particulier valoir que les informations étaient couvertes par le secret fiscal.
Le 9 août 2018, l’OFDF a rejeté la requête d’accès aux documents.
Le 28 août 2018, la requérante a déposé une demande en médiation auprès du Préposé. Lors de l’audience de conciliation à laquelle les sociétés intéressées n’ont pas participé, les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord.
Le 31 octobre 2018, le Préposé a transmis à l’OFDF sa recommandation. Il a recommandé en substance la transmission des informations concernant les quatre commerçants de métaux précieux, soit leurs noms, celui des exportateurs et la quantité importée, sauf les informations concernant les «Importateur PLZ Ber» et «Importateur Ort Ber» (code postal et lieu de l’importateur). Il a rejeté l’argument du secret fiscal, en considérant que les données visées ne se rapportent pas à l’impôt sur les importations.
Par décision du 10 janvier 2019, l’OFDF a fait droit aux requêtes d’accès aux documents officiels. Elle a en substance considéré que les données n’étaient pas couvertes par le secret fiscal. Elle a ainsi décidé d’accorder l’accès aux tabelles Excel des importations d’or de 2014 à 2017 des quatre sociétés concernées, en excluant les informations contenues dans les colonnes «Importateur PLZ Ber» et «Importateur Ort Ber» (code postal et lieu d’importation).
Les sociétés intéressées (ci-après: les recourantes) ont saisi le TAF d’un recours contre la décision précitée dont elles demandent l’annulation.
Le Tribunal a admis le recours.
5.2 Droit
Les recourantes ont soulevé des griefs formels qui ont été rejetés par le TAF. Ce dernier a en particulier considéré que l’autorité inférieure n’a pas violé le droit d’être entendu des recourantes en modifiant son point de vue à la suite de la réception de la recommandation du Préposé (c. 5.3.2). Le Tribunal a par ailleurs retenu que le droit d’être entendu des recourantes n’a pas non plus été violé du fait que les recourantes n’ont pas participé à la séance de médiation tenue par le Préposé. Les recommandations auxquelles aboutissent les médiations ne sont pas des décisions au sens de l’art. 5 PA et cette loi ne s’applique pas à la procédure de médiation. Même si le Préposé a renoncé à entendre les recourantes, le Tribunal est d’avis que ces dernières ont eu l’occasion d’exposer leur point de vue par diverses écritures aussi bien avant qu’après la séance de médiation. Leur position était donc connue des parties et du Préposé (c. 5.3.3).
Le Tribunal n’a également constaté aucune violation de l’art. 5 LTrans. Il a retenu que les informations litigieuses étaient à disposition de l’autorité inférieure, qui les a simplement réunies sous une tabelle dans un document Excel. Il s’agit d’un traitement informatisé simple, les informations ayant uniquement été rassemblées, après une recherche élémentaire, dans un logiciel dont l’usage est commun (c. 8.3.2).
Par ailleurs, le TAF n’a pas suivi l’avis de l’autorité inférieure qui considérait que les informations n’étaient pas couvertes par le secret fiscal. Il a jugé que l’ensemble des renseignements litigieux a été récolté par l’autorité inférieure lors de la déclaration en douane des marchandises, et notamment dans le cadre de sa fonction officielle d’autorité de taxation de la TVA à l’importation, sans cloisonnement quant aux autres buts poursuivis (c. 9.6.1). Il a ajouté que, dans la mesure où ces renseignements appartiennent à la sphère privée des importateurs d’or concernés et que ces derniers font valoir un intérêt digne de protection à ne pas divulguer leur contenu, ils sont couverts par le secret fiscal, qui l’emporte ainsi sur le principe de la transparence. Ils tombent par voie de conséquence sous l’exception prévue à l’art. 4 let. a LTrans. Que la récolte de données ait d’autre part été mixte, soit qu’elle ait également été faite aux fins du prélèvement de droits de douane, qui, à la différence de la TVA, ne connaît pas le secret fiscal, ou à des fins statistiques et que les données demandées par l’intimée ne se révèlent finalement pas pertinentes pour établir la TVA sur les importations ne change rien à ce qui précède. Le secret fiscal constitue une protection absolue des renseignements en cause, indépendamment des autres buts pour lesquels les données pourraient être récoltées. Enfin, le TAF a considéré que les données ont été rassemblées indépendamment de toute fin statistique, pour remplir l’un des buts poursuivis par l’administration, de sorte que le secret statistique ne s’applique pas (c. 9.6.1).
5.3 Commentaire
L’arrêt commenté a été rendu dans une composition de cinq juges, alors que les cours du TAF statuent en règle générale à trois juges (cf. art. 21 LTAF). Nous nous limiterons à examiner la question du secret fiscal qui a été déterminante dans l’issue du litige. Selon nous, l’art. 74 de la loi fédérale du 12 juin 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20) est une norme spéciale au sens de l’art. 4 let. a LTrans10, ce qui a également été confirmé par l’Office fédéral de la justice dans un avis de droit (c. 9.4.1 et la réf. cit.). Il est intéressant de relever que le Tribunal fédéral a retenu dans un arrêt récent que l’art. 86 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP; RS 831.40) est formulé de manière large et ne fait qu’exprimer le secret de fonction général, de telle sorte qu’il ne constitue pas une disposition spéciale au sens de l’art. 4 let. a LTrans11. Il nous semble toutefois que la protection conférée par l’art. 74 LTVA est plus étendue que celle prévue à l’art. 86 LPP. L’art. 74 al. 1 LTVA prévoit en effet que le secret ne doit pas seulement être tenu à l’égard des tiers, mais également à l’égard «d’autres services officiels»; de plus, il précise que la personne soumise à cette disposition est tenue «de refuser la consultation des pièces officielles», ce qui à notre sens va au-delà du secret de fonction général et se rapproche plus du libellé de l’art. 110 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11) dont l’intitulé est «Secret fiscal». Le TAF s’est donc appuyé sur l’art. 74 LTVA pour justifier que les informations transmises par les recourantes à l’OFDF sont couvertes par le secret fiscal. Il n’en demeure pas moins que la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes (LD; RS 631.0), qui s’applique également aux informations recueillies, ne contient aucune disposition spéciale sur l’obligation de garder le secret. Cette différence interpelle: s’agit-il en particulier d’une véritable lacune (lacune proprement dite) qui appelait l’intervention du juge? Par ailleurs, et contrairement à ce que retient le TAF, le fait que les données recueillies par l’OFDF ne sont pas cloisonnées quant aux buts poursuivis n’est à notre avis pas encore déterminant pour trancher la question de la portée du secret. En effet, en supposant que le législateur ait souhaité que des informations soient secrètes et d’autres pas, il faut se demander si l’autorité ne pouvait pas respecter ce choix, en triant les informations, un tel tri pouvant être considéré comme «un traitement informatisé simple» (cf. art. 5 al. 2 LTrans). Une analogie peut être faite avec le secret professionnel de l’avocat. Il arrive fréquemment qu’un avocat assume des fonctions mixtes dans le cadre d’un même dossier12. Des informations seront soumises au secret professionnel et d’autres pas. Le fait que les informations contenues dans le dossier d’un avocat ne sont pas cloisonnées ne rendra pas secrètes les informations qui ne l’étaient pas. En cas d’enquête conduisant à une saisie de documents en mains de l’avocat, l’autorité procédera à un tri en fonction du type d’activité que l’avocat a déployée13. Ainsi, dans le cas d’espèce, le fait que la récolte des données ait été mixte n’est pas encore suffisant pour retenir que l’ensemble des informations est couvert par le secret fiscal. Une autre raison permet cependant d’aboutir à ce résultat. Il ressort des dispositions du titre 4 de la LTVA intitulé «Impôt sur les importations» que la procédure relative à l’impôt en question est étroitement liée à la procédure douanière sur le plan conceptuel (cf. en part. les art. 50, 51 al. 1 et 62 LTVA; cf. aussi l’ATF 143 II 646 c. 2.2.1 et les réf. cit.). L’objet de l’impôt sur les importations est le même que l’objet de l’impôt en matière de droits de douane (cf. arrêt du TAF A-7049/2015 du 6 avril 2016 c. 5.2). De plus, l’assiette de l’impôt pour calculer le montant de la TVA correspond à la valeur imposable de la marchandise additionnée du montant des droits de douane. Il est donc impossible d’obtenir le montant de la TVA sans avoir au préalable recueilli toutes les informations permettant de calculer le montant des droits de douane. En raison de la connexité entre ces deux impôts et de leur similarité, il est justifié que le secret fiscal de l’art. 74 LTVA s’étende aux informations concernant les droits de douane également. Une solution différente risquerait de vider le secret fiscal de sa substance. Par ailleurs, si le secret fiscal est perçu comme un élément nécessaire à la divulgation intégrale par le contribuable de ses données personnelles14, un traitement différencié des informations transmises à l’OFDF risquerait de compromettre cet objectif. Enfin, le fait que les opérations portant sur l’or sous forme brute ou mi-ouvrée destiné à l’affinage ou à la récupération sont exonérées de l’impôt (art. 44 al. 1 let. d de l’ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée [OTVA; RS 641.201]) ne change pas ce résultat. On relèvera que l’arrêt commenté a été attaqué devant le TF. y
* L’auteur tient à remercier Bertil Cottier, professeur émérite (Université de la Suisse italienne et Université de Lausanne), et Jean Perrenoud, juriste-documentaliste, pour leur relecture de la présente contribution. Cette contribution n’engage que son auteur.
1 Dans ce sens également: Daniel Ladanie-Kämpfer, Annina Keller, Überblick über praxisrelevante Entscheide des Jahres 2020 zum Öffentlichkeitsgesetz (BGÖ), in: medialex 3/2021, 8 avril 2021, N. 15.
2 Arrêt du TAF A‑2564/2018 du 5 août 2020 c. 2.4, qui se réfère à l’arrêt du TAF A-4781/2019 du 17 juin 2020 c. 3.4.
3 Pour une critique, voir Célian Hirsch, Fuite de données, confidentialité et droit d’accès, 11 septembre 2020, in:www.swissprivacy.law/1, qui estime que le TAF «frôle le formalisme excessif» en exigeant une garantie écrite.
4 Dans ce sens également: Kastriot Lubishtani, La garantie de confidentialité dans l’affaire Swisscom, 10 mai 2021, in: www.swissprivacy.law/71.
5 Dans ce sens également: Kastriot Lubishtani, op. cit. (N. 4), p. 4.
6 Pour une critique à ce sujet: Jérôme Gurtner, Les nouvelles technologies et la responsabilité des avocats, in: Christine Chappuis, Bénédict Winiger (éd.), Responsabilité civile et nouvelles technologies – Journée de la responsabilité civile 2018, Zurich 2019, p. 60-61.
7 Benoît Chappuis, Jérôme Gurtner, La profession d’avocat, Genève/Zurich 2021, N. 96 ss.
8 Benoît Chappuis, Jérôme Gurtner, op. cit. (N. 7), N. 689 ss.
9 Bertil Cottier, in: Stephan C. Brunner, Luzius Mader (éd.), Öffentlichkeitsgesetz, Berne, 2008, N. 43 ad art. 7 LTrans.
10 Dans ce sens également: Béatrice Blum, in: Felix Geiger/ Regine Schluckebier (éd.), MWSTG Kommentar, Schweizerisches Bundesgesetz über die Mehrwertsteuer, 2e éd., Zurich 2019, N. 3 ad art. 74 LTVA.
11 ATF 148 II 16 consid. 3.4.2 et 3.4.3.
12 Benoît Chappuis, Jérôme Gurtner, op. cit. (N. 7), N. 754.
13 Benoît Chappuis, Jérôme Gurtner, op. cit. (N. 7), N. 754 et la réf. cit.
14 Raphaël Gani, Le secret fiscal en matière d’impôts directs et d’impôts successoraux: aperçu du droit interne suisse, in: Archives 79/2010-2011, p. 649 ss., 652.