Introduction
Plusieurs dispositions légales instaurant la représentation de l’enfant existent en droit suisse. Elles permettent de lui désigner un «représentant», également appelé «curateur de procédure» ou, parfois, «avocat de l’enfant» (1). Malheureusement, cette faculté est souvent méconnue et, dès lors, très peu utilisée. Pourtant, la représentation de l’enfant est fondamentale: elle permet d’assurer, dans les procédures judiciaires, de manière indépendante, le respect des droits des enfants qui n’ont pas l’exercice des droits civils. Elle concrétise, sur le plan procédural, le principe du bien de l’enfant.
Ainsi, les art. 299 ss CPC prévoient la représentation de l’enfant dans la procédure de divorce de ses parents. Ils s’appliquent à toutes les procédures matrimoniales de caractère judiciaire ainsi qu’aux procédures indépendantes, de caractère judiciaire aussi, portant sur le lien de filiation, l’entretien d’enfants mineurs de parents non mariés ou l’entretien d’enfants majeurs.
Depuis le 1er janvier 2013, l’art. 314abis CC constitue le fondement d’une représentation indépendante de l’enfant dans toutes les procédures qui entrent dans le domaine de compétence de l’autorité de protection de l’enfant.
En matière internationale, l’art. 9 al. 3 de la loi fédérale du 21 décembre 2007 sur l’enlèvement international d’enfants et les Conventions de La Haye sur la protection des enfants et des adultes (LF-EEA) (2) prévoient également la représentation de l’enfant. Des règles particulières étant applicables à ces cas, il n’en sera plus fait mention dans la suite de cet article.
Le présent article comprend quatre parties. Il expose tout d’abord les cas dans lesquels la représentation de l’enfant doit être ordonnée (infra 1). Il analyse ensuite les qualifications et les pouvoirs de la personne désignée comme curateur de procédure (infra 2), puis il traite de la question des frais de représentation (infra 3). Enfin, il décrit les voies de recours (infra 4).
1. Les cas dans lesquels la représentation de l’enfant doit être ordonnée
L’art. 299 al. 1 CPC prévoit que l’autorité compétente doit ordonner la représentation de l’enfant «si nécessaire». L’autorité compétente pour ordonner la représentation et désigner le curateur de procédure est le tribunal.
La notion de nécessité s’interprète en accord avec le principe fondamental qui gouverne toute procédure matrimoniale, à savoir parvenir à une décision finale qui prenne en compte de façon adéquate le bien de l’enfant. C’est dans la mesure où l’exige la réalisation de cet objectif que le tribunal ordonnera une représentation de l’enfant: en effet, dans certaines situations, la seule application de la maxime inquisitoire et de la maxime d’office n’offre pas de garantie suffisante pour la meilleure sauvegarde possible des intérêts de l’enfant (3).
Pour le surplus, il convient de distinguer les cas qui relèvent du pouvoir d’appréciation du juge (infra 1.1), des cas où le juge doit nommer un curateur de procédure à l’enfant (infra 1.2).
1.1 Les cas qui relèvent du pouvoir d’appréciation du juge
1.1.1 Les cas prévus à l’art. 299 CPC
L’art. 299 al. 2 CPC énumère une liste de situations dans lesquelles le tribunal doit examiner d’office la question de la représentation de l’enfant:
• lorsque les parents déposent des conclusions différentes relatives à l’attribution de l’autorité parentale ou de la garde ou à des questions importantes concernant leurs relations personnelles avec l’enfant;
• lorsque l’autorité de protection de l’enfant ou le père ou la mère le requièrent;
• lorsque les parents ont déposé des conclusions communes – et non divergentes – sur l’attribution de l’autorité parentale ou de la garde ou la façon dont leurs relations personnelles avec l’enfant sont réglées, mais que le tribunal doute sérieusement de leur bien-fondé, sur la base de l’audition des parents ou de l’enfant ou pour d’autres raisons;
• lorsque le tribunal envisage d’ordonner une mesure de protection de l’enfant, sur la base de l’audition des parents ou de l’enfant ou pour d’autres raisons.
Dans les situations énumérées ci-dessus, la désignation d’un représentant n’a pas lieu automatiquement et le tribunal n’est pas tenu de rendre une décision formelle à ce propos; il s’agit d’une possibilité qui relève du pouvoir d’appréciation du juge (4).
Le Tribunal fédéral a précisé à plusieurs reprises que la seule circonstance d’un litige relatif au droit de garde, dont l’intensité n’excède pas celle que la plupart des couples rencontrent lors d’une procédure de séparation, ne suffit pas à rendre obligatoire l’examen formel de l’opportunité d’instituer une curatelle de procédure, ce d’autant si le rapport des autorités de protection de l’enfance n’en mentionne pas le besoin, que ladite autorité a entendu les enfants et que les parents n’ont, à aucun moment, requis la représentation des enfants (5).
La question de savoir s’il convient d’ordonner la représentation de l’enfant doit cependant être présente à l’esprit du juge d’un bout à l’autre de la procédure, et doit mener à la nomination d’un curateur dès que le juge acquiert la conviction qu’une telle mesure est nécessaire (6).
1.1.2 Les cas prévus à l’art. 314abis CPC
En vertu de l’art. 314abis CC, l’autorité de protection de l’enfant doit, en particulier, examiner si elle doit instituer une curatelle de procédure lorsque:
• la procédure porte sur le placement de l’enfant (7);
• les personnes concernées déposent des conclusions différentes relatives à l’attribution de l’autorité parentale ou à des questions importantes concernant les relations personnelles avec l’enfant.
L’art. 314abis CC ne confère pas le droit aux parents de demander la représentation de l’enfant. Un tel droit doit cependant leur être reconnu car il découle de leur qualité de parties à la procédure de protection de l’enfant (8).
1.1.3 Qu’en est-il si l’enfant est déjà pourvu d’un curateur ou d’un tuteur?
La question de savoir si un curateur de procédure (selon l’art. 299 CPC ou l’art. 314abis CC) peut être désigné en sus d’un curateur au sens de l’art. 308 CC ou d’un tuteur au sens des art. 311 al. 2 et 327a ss CC s’est posée à plusieurs reprises.
Les juges du Tribunal fédéral ont estimé que, lorsqu’un enfant est déjà représenté par un curateur (au sens de l’art. 308 CC) ou un tuteur (au sens des art. 311 al. 2 et 327a ss CC) qui est présent aux audiences et informé de la procédure, celui-ci est en mesure d’exprimer, au besoin spontanément la position de l’enfant avant que la décision ne soit rendue. De ce fait, ladite décision ne procède pas de l’arbitraire, et ce même si l’autorité cantonale n’a pas examiné dans son arrêt l’opportunité d’instituer une curatelle de procédure à l’enfant déjà placé sous curatelle ou sous l’autorité parentale d’une tutrice (9).
Dans l’arrêt du 31 janvier 2013, 5A_744/2013, c. 3.3, le Tribunal fédéral a estimé que «même si la personne désignée par les autorités en qualité de tutrice de l’enfant était dans un premier temps la même personne que celle nommée en faveur de la mère de l’enfant, la décision prise par les juges cantonaux ne saurait être qualifiée d’arbitraire, dès lors que l’enfant n’a pas été placé dans une situation moins bonne que l’enfant sous l’autorité parentale de l’un de ses parents, lequel est partie à la procédure de la garde».
A mon sens, le raisonnement du Tribunal fédéral est critiquable. En effet, le curateur de procédure doit exercer sa mission de manière indépendante et dans l’intérêt exclusif de l’enfant: il n’a d’instructions à recevoir de personne et il doit faire preuve d’une indépendance sans faille à l’égard des parents, des services sociaux, des autorités de protection de l’enfant et de l’adulte et du tribunal (10). Or, en l’espèce, aucune des personnes désignées successivement par les autorités en qualité de tutrice de l’enfant ne répondait à ces exigences. Premièrement, dans un premier temps, une seule tutrice a été nommée pour représenter les intérêts de l’enfant et ceux de sa mère, ce qui l’empêchait inévitablement d’agir dans l’intérêt exclusif de l’enfant. Deuxièmement, il ne paraît de loin pas évident qu’elle ait les compétences nécessaires pour représenter les intérêts d’un enfant dans une procédure matrimoniale. Troisièmement, même en admettant qu’elle ait les compétences nécessaires, cette personne se trouve dans une relation de subordination par rapport à l’autorité décisionnelle, ce qui l’empêche d’agir de manière indépendante.
1.2 Les cas où le juge doit nommer un curateur de procédure à l’enfant
1.2.1 Le principe ancré à l’art. 299 al. 3 CPC
L’art. 299 al. 3 CPC prévoit que le tribunal doit désigner un représentant à l’enfant, peu importe que la mesure paraisse nécessaire ou non, lorsque l’enfant en fait lui-même la demande et qu’il est capable de discernement (11). Il s’agit d’un cas de représentation impératif proprement dit, puisqu’il ne dépend pas de l’appréciation du tribunal (12).
Afin que le mineur sache qu’il peut demander à se faire représenter, le juge doit, dans les cas cités à l’al. 2, lit. a à c, le rendre attentif à ce droit avec la convocation ou, au plus tard, au moment de l’audition. La remise de feuillets d’information est également possible. Le risque de déstabiliser l’enfant ou de rallonger la procédure du fait de l’institution d’une telle mesure ne dispense pas d’une information simple et objective (13).
A mon sens, l’enfant doit pouvoir exiger qu’un curateur de procédure lui soit nommé même s’il est déjà sous curatelle au sens de l’art. 308 CC ou sous l’autorité parentale d’un tuteur au sens des art. 311 al. 2 et 327a ss CC. C’est du reste ce que semble admettre le Tribunal fédéral (14).
1.2.2 L’application par analogie de ce principe en matière de mesures de protection de l’enfant
L’art. 314abis CC ne prévoit pas expressément la faculté pour l’enfant d’exiger qu’un curateur de procédure lui soit désigné. Cependant, un enfant capable de discernement peut choisir lui-même un représentant, s’il s’agit de sauvegarder ses droits strictement personnels, sur la base de l’art. 19c al. 1 CC (15).
1.2.3 Le moment de la requête de l’enfant
L’enfant peut formuler sa requête à tous les stades de la procédure, y compris devant l’instance cantonale supérieure, mais pas devant le Tribunal fédéral (16). En effet, le CPC réglemente la procédure cantonale, mais pas la procédure devant le Tribunal fédéral, cette dernière étant régie par la LTF. Or, cette loi ne prévoit pas la représentation de l’enfant.
Récemment, le Tribunal fédéral a toutefois légèrement assoupli sa jurisprudence. En effet, il a accordé l’assistance judiciaire à l’enfant pour la procédure par-devant le Tribunal cantonal et par-devant son autorité, précisant toutefois que, en tant que troisième instance, le Tribunal fédéral n’accepte qu’exceptionnellement de nommer un représentant à l’enfant (17).
2. La personne désignée comme curateur de procédure
2.1 Les qualifications nécessaires
Au vu des tâches qu’il doit accomplir, le curateur de procédure doit détenir des compétences psychologiques et sociales lui permettant de gagner la confiance de l’enfant à représenter. Il doit en outre avoir des connaissances juridiques en matière de procédure et de droit matériel (18). C’est ce que la loi explicite aux art. 299 al. 1 CPC et 314abis CC: le juge doit désigner un curateur expérimenté dans le domaine de l’assistance et en matière juridique.
Les professions qui peuvent entrer en ligne de compte sont les suivantes: avocat, travailleur social, pédagogue social, psychologue, instituteur. Cependant, aucune de ces professions ne suffit à remplir tous les critères sans qu’une formation continue ou supplémentaire soit effectuée. Dans la pratique, le cumul de ces compétences mènera bien souvent le juge à désigner un avocat spécialisé en droit de la famille en qualité de curateur, même si l’exercice de telles fonctions n’exige pas le brevet d’avocat et pourrait aussi être confié, par exemple, à un assistant social expérimenté (19).
2.2 Les pouvoirs conférés
L’art. 300 CPC prévoit que le représentant de l’enfant peut déposer des conclusions et interjeter recours dans les domaines suivants:
• les décisions relatives à l’attribution de l’autorité parentale ou de la garde;
• les questions importantes concernant les relations personnelles (20);
• les mesures de protection de l’enfant.
L’art. 300 CPC énumère de façon exhaustive les compétences du curateur de procédure; celles-ci peuvent se cumuler.
Les aspects litigieux en relation avec les contributions d’entretien ou l’attribution du logement familial sont hors du champ des art. 299 ss CPC, le législateur ayant considéré que la maxime inquisitoire et la maxime d’office suffisaient à assurer une prise en compte adéquate des intérêts de l’enfant à cet égard (21).
Le curateur de procédure jouit des mêmes droits que les parties au litige, dans les limites des prérogatives procédurales que lui confère l’art. 300 CPC; il a notamment le droit de consulter le dossier et de s’en faire délivrer une copie (art. 53 al. 2 CPC), le droit de participer aux audiences et celui de requérir des mesures d’instruction (22). Ainsi, l’enfant acquiert dans la procédure, par l’intermédiaire de son curateur de procédure, un rôle d’intervenant principal sui generis, qui fait valoir ses propres intérêts (23).
3. Les frais de représentation
3.1 La prise en charge de ces frais
Les frais de représentation de l’enfant sont des frais judiciaires (art. 95 al. 2 lit. e CPC). Dans la mesure où l’on se trouve dans un litige du droit de la famille, ces frais peuvent être répartis en équité, selon la libre appréciation du tribunal (art. 107 al. 1 lit. c CPC). Dans sa décision, le tribunal devrait tenir compte du fait que la curatelle de procédure est une mesure de protection sui generis de l’enfant: les frais de représentation font partie de l’entretien de l’enfant (art. 276 al. 1 CC) (24).
Lorsque les parents ne sont pas en mesure d’assumer de tels frais, l’enfant a droit à l’assistance judiciaire (art. 118 al. 1 lit. b CPC) et ces derniers sont payés par l’Etat.
A mon sens, les frais ne doivent pas être mis à la charge de l’enfant personnellement, à moins que ce dernier dispose de revenus ou d’une fortune importants ou dans des cas crasses, car ces frais sont presque toujours engendrés par des parents qui ne parviennent pas à se mettre d’accord (25). Dans l’arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013, les juges fédéraux ont toutefois rejeté le recours d’un enfant tendant à la désignation d’un curateur de procédure ainsi que la requête d’assistance judiciaire que l’enfant avait interjetée par l’intermédiaire de sa curatrice de procédure (pour absence de chances de succès), mettant les frais (se montant à 1000 fr.) à la charge de l’enfant. A mon sens, cette décision est critiquable, ce d’autant que l’art. 66 al. 1 LTF permet de renoncer à mettre les frais judiciaires à la charge d’une partie (26).
A noter que, en matière de protection de l’enfant, les cantons sont libres d’édicter des dispositions d’exécution concernant la rémunération et le remboursement des frais (art. 404 al. 3 CC). Si les cantons n’en disposent pas autrement, ce sont les règles de la procédure civile qui s’appliquent (en particulier les art. 95 et 107 CPC).
3.2 Le montant de la rémunération du curateur de procédure
La rémunération fixée par l’autorité lie le curateur de procédure. Si le montant de sa note d’honoraires n’est pas couvert, il ne peut dès lors pas réclamer une rémunération supplémentaire à l’enfant. Il ne peut pas non plus en exiger une auprès des parties à la procédure principale, à savoir des parents, puisque les frais de représentation de l’enfant sont des frais judiciaires et non des dépens. La situation est particulièrement choquante lorsque les parties à la procédure ne sont pas au bénéfice de l’assistance judiciaire. Dans ce cas, les parties conviennent avec leur mandataire du montant de la rémunération de ce dernier, alors que le curateur de procédure de l’enfant reçoit un montant alloué par le tribunal, souvent calculé sur la base de l’assistance judiciaire.
Le Tribunal fédéral a encore récemment confirmé qu’il est par conséquent nécessaire de fixer une rémunération qui permette d’assurer une représentation diligente de l’enfant, en s’écartant d’un tarif trop rigide et en se fondant sur le travail effectivement accompli. Il a précisé que, selon l’expérience générale de la vie, les procédures de protection de l’enfant sont en général sensibles, complexes et coûteuses. Il a ainsi estimé que le tarif des avocats argoviens ne peut pas être utilisé pour fixer cette rémunération, car, même s’il admet des suppléments en fonction de la difficulté du cas, il ne permet pas de prendre en compte le travail et le temps effectivement investis (27).
4. Les voies de recours
Les décisions rendues par le tribunal en matière de représentation sont des ordonnances d’instruction au sens de l’art. 124 CPC, contre lesquelles les parties disposent, à certaines conditions, de voies de droit.
4.1 La voie de recours spécifique à l’enfant
Dans le cas où la représentation est requise par l’enfant capable de discernement (art. 299 al. 3 CPC), celui-ci peut interjeter un recours contre un refus du tribunal d’ordonner sa représentation (par exemple, si le tribunal dénie à l’enfant sa capacité de discernement) ou se plaindre du choix du curateur (28).
Il s’agit d’une voie de recours spécifique en faveur de l’enfant, non partie à la procédure. Les conditions suivantes doivent cependant être remplies:
• le juge doit rendre une ordonnance d’instruction (art. 319 lit. b ch. 1 CPC) (29); en cas d’absence de décision sur la représentation, nonobstant la requête de l’enfant, c’est l’art. 319 lit. c CPC, qui prévoit le déni de justice formel, que l’enfant invoquera (30);
• l’enfant doit être capable de discernement; à cette condition, il peut signer son recours même s’il n’a pas l’exercice des droits civils, dans la mesure où cette démarche entre dans le cadre de l’exercice de ses droits strictement personnels (art. 67 al. 3 lit. a CPC) (31).
La décision de dernière instance cantonale constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF, contre laquelle l’enfant peut recourir par le biais du recours en matière civile au Tribunal fédéral (art. 72 al. 2 lit. b ch. 7 LTF) (32).
4.2 Les autres voies de recours
La décision d’institution ou de refus d’institution d’une curatelle de procédure en vertu des art. 299 al. 2 CPC ou 314abis CC peut faire l’objet d’un recours. Les parents peuvent également recourir contre le choix du curateur (33).
Les parties à la procédure peuvent interjeter recours:
• immédiatement, en cas de refus;
• avec la décision finale, s’agissant des parents, si la curatelle est ordonnée (faute de préjudice difficilement réparable au sens de l’art. 319 lit. b ch. 2 CPC).
Concernant les mesures de protection de l’enfant, le droit fédéral ne contient aucune disposition expresse concernant la possibilité d’attaquer les décisions préjudicielles (notamment celles relatives à la représentation en procédure). La possibilité de contester ce genre de décisions est réglée par le droit cantonal. A défaut de règles cantonales, ce sont les dispositions du Code de procédure civile qui s’appliquent par analogie (art. 450f CC).
Conclusion
En guise de conclusion, je pose la question suivante: pourquoi une institution plutôt bien réglementée trouve-t-elle si peu d’engouement dans la pratique?
Cette frilosité provient certainement en partie des nombreuses critiques qui s’élèvent encore contre la représentation de l’enfant. On entend notamment qu’elle pèse sur l’enfant, complique la procédure, coûte cher, et tout cela inutilement, car les autorités sont à même de sauvegarder les intérêts de l’enfant et ont du reste le devoir de le faire (34). Cependant, à mon sens, il faut reconnaître que, au vu du nombre d’affaires et de la charge de travail auxquels les autorités doivent faire face, il leur est tout simplement impossible d’exercer une représentation subjective de l’enfant. Or, sans représentation, l’enfant reste un objet de protection et non un sujet de droit.
En outre, des études ont démontré qu’une représentation bien menée amène un soulagement pour l’enfant, dont les attentes sont prises en considération, ainsi que pour tous les autres intervenants à la procédure: les avocats des parents peuvent se consacrer pleinement à la défense des intérêts de leur client et le tribunal apprend davantage sur la situation de l’enfant, ses désirs et ses besoins lorsque ces éclaircissements sont fournis par un représentant indépendant. Tout cela permet de trouver une solution plus rapidement et les décisions prises ont plus de chance de correspondre au bien de l’enfant (35).
*Maître assistante et chargée d’enseignement à l’Université de Neuchâtel, lectrice à l’Institut de la famille de l’Université de Fribourg.
(1) Dans ce domaine, la terminologie est extrêmement fluctuante. Dans cet article, j’utiliserai parfois le terme général de «représentant». Toutefois, le plus souvent, je désignerai la personne chargée de représenter l’enfant par le terme de «curateur de procédure».
(2) RS 211.222.32.
(3) JEANDIN, Nicolas, art. 295-304 CPC, in BOHNET, François, HALDY, Jacques et alii (éd.), Code de procédure civile commenté, Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2011, n. 5 ad art. 299. La notion de nécessité est plus large que celle de «justes motifs» qui prévalait antérieurement au CPC (art. 146 al. 1a CC) (GASSER, Dominik et RICKLI, Brigitte, Schweizerische Zivilprozessordnung, Kurzkommentar, 2e édition, Zurich, Dike, 2014, n. 3 ad art. 299). Pour le surplus, l’art. 299 CPC reprend pour l’essentiel la réglementation de l’art. 146a CC, de sorte que la jurisprudence rendue sous l’ancien droit s’applique (TF, arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013, c. 3.2.3; TF, arrêt du
24 juillet 2013, 5A_153/2013, c. 3.1; TF, arrêt du 18 septembre 2012, 5A_465/2012, c. 4.1.1).
(4) TF, arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013, c. 3.3; TF, arrêt du 24 juillet 2013, 5A_153/2013, c. 3.1; TF, arrêt du 18 septembre 2012, 5A_465/2012, c. 4.1.2; TF, arrêt du 25 février 2008, 5A_619/2007, c. 4.1; TF, arrêt du 27 octobre 2000, 5C.210/2000, c. 2b; MEIER Philippe, L’enfant et la nouvelle procédure civile, in FOUNTOULAKIS, Christiana, PICHONNAZ, Pascal et alii (éd.), Droit de la famille et nouvelle procédure, 6e Symposium en droit de la famille, Genève/Zurich/Bâle, Schulthess, 2012, pp. 37-88, p. 72.
(5) TF, arrêt du 18 septembre 2012, 5A_465/2012, c. 4.2. Voir également TF, arrêt du 24 juillet 2013, 5A_153/2013, c. 3.2.
(6) MEIER P., L’enfant, p. 72; JEANDIN N., n. 9 ad art. 299.
(7) Sont visées les procédures de retrait du droit de déterminer le lieu de résidence (art. 310 CC), de retrait de l’autorité parentale (art. 311 ss CC), de placement à des fins d’assistance (art. 314b, 327c al. 3 CC), d’adoption (art. 265 ss CC) et d’institution d’une tutelle des mineurs (art. 327a ss CC) (COTTIER, Michelle, art. 314-314b CC, in LEUBA, Audrey, STETTLER, Martin et alii (éd.), Protection de l’adulte, Berne, Stämpfli, 2013, n. 4 ad art. 314abis).
(8) COTTIER M., n. 7 ad art. 314abis.
(9) TF, arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013,
c. 3.3; dans le même sens: TF, arrêt du 20 septembre 2012, 5A_537/2012, c. 4.
(10) JEANDIN N., n. 8 ad art. 300; STECK, Daniel, art. 295-304 ZGB., in SPÜHLER, Karl, TENCHIO, Luca et alii (éd.), Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e édition, Bâle, Helbing Lichtenhahn, 2013, n. 10 ad art. 300; COTTIER M., n. 9 ad art. 314abis; BLUM, Stefan et WEBER KHAN, Christina, Der Anwalt des Kindes – eine Standortbestimmung, in RMA 2012, pp 32-44, pp 41 s.
(11) La loi ne précise pas à partir de quel âge le seuil de discernement requis est atteint: il doit être fixé aux alentours de 10 à 12 ans, en fonction des circonstances concrètes du cas (voir l’art. 16 CC) (MEIER P., L’enfant, p. 70).
(12) TF, arrêt du 24 juillet 2013, 5A_153/2013,
c. 3.1; TF, arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013, c. 3.2.3; TF, arrêt du 18 septembre 2012, 5A_465/2012, c. 4.1.2; TF, arrêt du 25 février 2008, 5A_619/2007, c. 4.1; TF, arrêt du 27 octobre 2000, 5C.210/2000, c. 2b; JEANDIN N., n. 16 ad art. 299.
(13) MEIER P., L’enfant, p. 70; SCHWEIGHAUSER, Jonas, Das Kind und sein Anwalt: Grundlagen aus rechtlicher und entwicklungspsychologischer Sicht, in Anwalt des Kindes, Kindesvertretung – Gerichte und Behörden auf dem Weg zu kindgerechten Entscheidungen, Dokumentation der Fachtagung vom 19. Mai 2011, Winterthur, Strupelpeter, 2011, pp 12-16, p. 14.
(14) TF, arrêt du 31 janvier 2014, 5A_744/2013, c. 3.3.
(15) RMA 2012, pp 157-163, p. 161; COTTIER M., n. 6 ad art. 314abis.
(16) TF, arrêt du 20 septembre 2012, 5A_537/2012, c. 4; TF, arrêt du 7 juin 2011, 5A_66/2011, c. 4; TF, arrêt du 29 avril 2010, 5A_154/2010, c. 2; TF, arrêt du 25 février 2008, 5A_619/2007, c. 4.2; MEIER P., L’enfant, p. 70; STECK D., n. 17 ad art. 299.
(17) TF, arrêt du 6 août 2013, 5A_473/2013, c. 8.
(18) BLUM S., WEBER KHAN C., Der Anwalt, p. 40; voir également COTTIER M., n. 8 ad art. 314abis.
(19) TF, arrêt du 20 septembre 2012, 5A_537/2012, c. 4; JEANDIN N., n. 7 ad art. 299; STECK D., n. 11 ad art. 300.
(20) Dans le doute, il convient de présumer de cette importance. Ainsi, on admet qu’il s’agit d’une question importante lorsqu’il en va de l’accompagnement ou non du droit de visite, de son refus pur et simple, de l’absence de droit de visite pendant les vacances ou d’un droit de visite très nettement réduit par rapport à la norme. En revanche, la question de savoir quel(s) jour(s) de la semaine le droit de visite doit être exercé ne doit généralement pas être considéré comme une question importante (MEIER P., L’enfant, p. 73; GASSER D., RICKLI B., n. 2 ad art. 300;
(21) JEANDIN N., n. 5 ad art. 300; STECK D., n. 19 ad art. 300.
(22) JEANDIN N., n. 7 ad art. 300; STECK D., n. 16 ad art. 300; voir également GASSER D., RICKLI B., n. 1 ad art. 300.
(23) MEIER P., L’enfant, p. 73; STECK D., n. 16 ad art. 300.
(24) GASSER D., RICKLI B., Schweizerische Zivilprozessordnung, n. 3 ad art. 300; STECK D., n. 15a ad art. 300; MEIER P., L’enfant, p. 75.
(25) STECK D., n. 15a ad art. 300; MEIER P., L’enfant, pp 75 s; encore plus catégorique: JEANDIN N., n. 9 ad art. 300.
(26) Voir également MEIER, Philippe et HÄBERLI, Thomas, Résumé de jurisprudence (filiation et protection de l’adulte, novembre 2013 à février 2014, in RMA 2014, pp 113-147, p. 130.
(27) TF, arrêt du 24 décembre 2013, c. 2.4; TF, arrêt du 3 décembre 2013, 5A_701/2013, c. 4; TF, arrêt du 26 juin 2012, 5A_168/2012, c. 4.2.
(28) TF, arrêt du 7 octobre 2011, 5A_357/2011, c. 2; MEIER P., L’enfant, p. 70.
(29) MEIER P., p. 66; JEANDIN N., n. 16 ad art. 298.
(30) MEIER P., L’enfant, p. 67; STECK D., n. 17 ss ad art. 298.
(31) MEIER P., L’enfant, p. 66; JEANDIN N., n. 18 ad art. 298; STECK D., n. 5 ad art. 300.
(32) TF, arrêt du 18 mai 2009, 5A_183/2009, c. 1; MEIER P., L’enfant, p. 70; SCHWEIGHAUSER, Das Kind, p. 14, note 10.
(33) TF, arrêt du 7 octobre 2011, 5A_357/2011, c. 2.
(34) SCHWEIGHAUSER J., Das Kind, p. 12.
(35) SCHWEIGHAUSER J., Das Kind, p. 12 s.