1. Le champ d’application de l’art. 6 CEDH
A) L’art. 6 CEDH garantit le droit à un procès équitable en matière civile et pénale, mais pas pour les litiges relevant du droit public. La justice administrative étant encore fort peu développée au moment de la rédaction de la Convention européenne des droits de l’homme, en 1950, ses auteurs n’ont pas jugé nécessaire de l’inclure dans le champ d’application de l’art. 6.
Toutefois, à l’instar de la notion d’«accusation en matière pénale» et de nombreux autres termes figurant dans la Convention (comme celle de juge, de tribunal ou encore de vie familiale), l’expression «contestations sur des droits et obligations de caractère civil» est une notion dite autonome. Cela signifie qu’elle ne doit pas être interprétée par référence exclusive au droit interne de l’Etat défendeur. C’est, au contraire, la Cour qui la définit, de telle sorte que cette notion puisse s’appliquer de manière uniforme dans tous les Etats parties à la Convention.
Dans le but d’assurer une protection aussi large que possible aux justiciables, la Cour a très tôt interprété cette notion de manière extensive, ce qui n’a d’ailleurs pas manqué de soulever des critiques de la part de la doctrine. Ainsi, un différend qui relève en droit interne du droit administratif tombe en général, pour la Cour, dans le champ d’application de l’art. 6. C’est en particulier le cas de tout le contentieux des assurances sociales1, du droit du travail2, des salaires ou des pensions3.
Selon la dernière jurisprudence de la Cour4, il existe une présomption d’application de l’art. 6 même pour les litiges relevant de la fonction publique, sauf si le droit interne l’exclut expressément.
On le voit, le champ d’application de la notion de «contestation en matière civile» est très vaste, puisqu’il recouvre des matières qui, selon le droit interne, relèvent du droit administratif.
B) A partir de quel moment l’art. 6 s’applique-t-il? Certainement depuis le début du procès proprement dit. Mais dans son arrêt de Grande Chambre Micallef c. Malte5, la Cour a précisé un point demeuré longtemps controversé: l’art. 6 s’applique déjà au stade des mesures provisoires, pour les raisons suivantes. Ces mesures sont souvent appelées à s’appliquer pendant des périodes relativement longues, durant lesquelles elles se substituent en pratique à la décision sur le fond; mesures provisoires et décisions sur le fond concernent les mêmes droits et obligations de caractère civil; enfin et surtout, l’inobservation des garanties de l’art. 6 pendant la phase des mesures provisoires ne peut pas toujours être réparée dans le cadre de la procédure sur le bien-fondé, en particulier si le préjudice subi par la victime revêt un caractère irréversible.
Dans cette affaire, la Cour a constaté une violation du principe de l’impartialité, car le président du tribunal qui avait ordonné les mesures conservatoires était le frère de l’un des avocats de la partie adverse.
Selon la jurisprudence, l’art. 6 s’applique non seulement avant le début du procès proprement dit, mais également après le prononcé du jugement, dans la phase de son exécution. Pour la Cour en effet, la non-exécution d’un jugement interne entraîne une violation de l’art. 6, car l’exécution d’un jugement est une partie intégrante du procès au sens de cette disposition6. Dans la première de ces affaires, les autorités russes n’avaient pas, pendant plusieurs années, versé au recourant la pension qui lui avait été allouée par les tribunaux internes.
L’art. 6 est donc susceptible de s’appliquer en amont et en aval du procès proprement dit.
2. Les garanties de l’art. 6 en matière civile
2.1. Le droit d’accès aux tribunaux
1) Ce droit n’est pas expressément mentionné à l’art. 6, mais l’est, selon la jurisprudence, de manière implicite. Dans l’affaire Golder c. Royaume-Uni7, la Cour a constaté une violation de cette disposition, au motif que le requérant, détenu, avait été empêché de prendre contact avec un avocat pour intenter un procès en diffamation contre un gardien de prison.
Dans l’affaire Airey c. Irlande8, la Cour a fait le même constat au sujet d’une femme de conditions modestes qui se trouvait dans l’impossibilité de rémunérer un avocat dans le but de saisir la Cour suprême de son pays pour obtenir la séparation d’avec son époux. Elle a constaté une violation de l’art. 6 au titre du droit d’accès au juge.
La Cour a d’abord reconnu la nécessité d’être assisté d’un avocat pour pouvoir saisir la Cour suprême. Au vu des conditions modestes de la requérante, elle a jugé que cette assistance aurait dû être gratuite. La gratuité de l’assistance judiciaire n’étant toutefois prévue, dans la Convention, que pour les procès pénaux9, la Cour, dans une jurisprudence audacieuse, l’a alors déduite de la notion même de procès équitable.
Le TF a aligné sa jurisprudence sur celle de la Cour. Dans un arrêt rendu il y a plus de vingt ans déjà, il a par exemple jugé qu’une loi cantonale qui exclut tout contrôle judiciaire des plans d’aménagement du territoire, y compris de ceux qui ont comme effet de conférer le droit d’exproprier, n’est pas compatible avec l’art. 610.
Dans une autre affaire, il a estimé que la décision de retirer l’autorisation d’exercer la profession de notaire dans sa forme de profession libérale doit pouvoir être attaquée devant un tribunal. Si pareille possibilité n’est pas prévue par le droit cantonal, le législateur a l’obligation de légiférer dans ce domaine11.
On le voit, le droit d’accès aux tribunaux comprend donc le droit d’accéder aux tribunaux existants, mais également celui d’exiger de l’Etat qu’il institue, le cas échéant, les tribunaux et les recours nécessaires.
On rappellera par ailleurs que la jurisprudence de la Cour sur le droit d’accéder aux tribunaux se trouve à l’origine de l’insertion, dans la Constitution fédérale, de l’art. 29a, intitulé «garantie de l’accès au juge».
2) Le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu, mais se prête à des limitations appelant de par leur nature une réglementation par l’Etat. Les Etats jouissent en la matière d’une certaine marge d’appréciation et il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention, en vérifiant que les limitations mises en œuvre ne le restreignent pas à un point tel qu’il s’en trouverait atteint dans sa substance même.
Dans l’affaire Naït-Liman c. Suisse12, le requérant, un réfugié tunisien résidant en Suisse depuis de nombreuses années, avait engagé une action civile pour dommages et intérêts contre un ancien ministre de l’Intérieur tunisien se trouvant alors en Suisse, pour des actes de torture prétendument subis à l’époque dans les locaux du Ministère de l’intérieur tunisien.
Les tribunaux suisses, et en dernier lieu le TF, refusèrent de se reconnaître compétents comme «for de nécessité» au sens de l’art. 3 LDIP. Ils estimèrent que la condition tenant à l’existence d’un «lien de rattachement suffisant» entre la cause du requérant et la Suisse n’était pas remplie. Par conséquent, aux yeux de la Cour, aucune obligation conventionnelle n’obligeait les tribunaux suisses à accepter l’action civile du requérant. La déclaration d’incompétence des tribunaux suisses à propos de l’action en réparation du requérant n’a donc pas violé le droit d’accès à un tribunal du requérant.
Cet arrêt a toutefois été adopté à la majorité la plus faible qui soit, celle de quatre voix contre trois. L’opinion dissidente, fort bien argumentée, des juges minoritaires, pourrait-elle emporter l’adhésion de la Grande Chambre si une éventuelle demande de renvoi13 était acceptée? Affaire à suivre…
3) Le droit d’accès aux tribunaux implique que ceux-ci soient investis d’un pouvoir d’examen complet, pouvant porter sur les faits et sur le droit. Dans l’affaire Weber c. Suisse14, notre pays a par exemple été condamné au motif que le TF n’avait pu examiner le recours que sous l’angle étroit de l’arbitraire.
Dans la récente affaire Al-Dulimi et Montana Management c. Suisse15, la Grande Chambre de la Cour a condamné la Suisse pour violation du droit d’accès à un tribunal. L’affaire concernait le gel des avoirs des requérants en Suisse, en application d’une résolution du Conseil de sécurité de Nations Unies relative aux sanctions contre l’ancien régime irakien. Le TF s’était limité à contrôler si les noms des requérants figuraient bien sur la liste établie par le comité des sanctions et si les avoirs concernés leur appartenaient, mais il avait refusé d’examiner leurs allégations sur la compatibilité de la confiscation de leurs avoirs avec les garanties fondamentales d’un procès équitable. Il avait invoqué à cet effet la primauté absolue des obligations résultant de la Charte des NU, notamment de ses art. 103 et 25, sur toute autre norme de droit international.
De l’avis de la Cour, les requérants auraient, au contraire, dû disposer d’une possibilité réelle de faire examiner au fond, par un tribunal, des éléments de preuve adéquats pour tenter de démontrer que leur inscription sur les listes litigieuses était entachée d’arbitraire. Leur droit d’accéder à un tribunal a donc été atteint dans sa substance même.
4) Dans la pratique judiciaire, le problème du droit d’accès aux tribunaux se pose principalement dans deux hypothèses.
La première est celle de l’obligation d’avancer les frais de justice. Le TF a toujours affirmé que le droit d’accès aux tribunaux implique que les autorités compétentes adoptent les mesures nécessaires pour qu’un tel obstacle matériel n’empêche pas les recourants de saisir les tribunaux16. En dépit de cette jurisprudence, un certain nombre de requêtes contre la Suisse sont arrivées jusqu’à Strasbourg17.
La deuxième hypothèse est celle du délai de prescription, lorsque celui-ci s’avère être trop bref. Dans l’affaire Howald Moor c. Suisse18, la Cour a jugé que le délai de prescription de dix ans pour les victimes de maladies induites par le contact avec l’amiante est trop court, car ces maladies ne sont souvent diagnostiquées que plusieurs années plus tard. Le refus des tribunaux d’examiner l’affaire au motif que le délai de prescription avait été dépassé a donc entraîné une violation du droit d’accès au juge.
2.2. Le droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi
1) Au sujet de cette garantie, une première question se pose: s’applique-t-elle également aux tribunaux arbitraux, dès lors que ceux-ci ne sont pas établis par la loi, mais par une convention? La réponse donnée par le TF à cette question est affirmative. Pour les juges de Lausanne, les principes de l’indépendance et de l’impartialité doivent être respectés non seulement par les tribunaux étatiques, mais également par les tribunaux arbitraux. L’obligation de respecter et d’exécuter leurs décisions peut être assimilée à celle qui vaut pour les premiers19.
Pour notre Cour suprême, la constitution régulière d’un tribunal arbitral constitue une garantie essentielle pour les parties. La violation de pareille garantie entraîne donc l’annulation de la sentence arbitrale. En effet, en signant une convention d’arbitrage, les parties renoncent au droit de voir leur cause jugée par un tribunal établi par la loi. Mais elles sont tout de même en droit d’exiger que les arbitres offrent des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité20.
2) La Cour opère une distinction entre l’impartialité objective et l’impartialité subjective21. La démarche subjective conduit à déterminer ce que tel juge pense en son for intérieur en telle circonstance; l’approche objective consiste, en revanche, à rechercher si ce juge offre des garanties suffisantes. L’accent est mis, ici, sur les apparences («justice must not only be done; it must also be seen to be done»).
3) Le problème de l’impartialité des juges se pose davantage dans le cadre des procès pénaux (par exemple, cumul successif de plusieurs fonctions judiciaires par le même magistrat) que dans les affaires civiles. On recense cependant un certain nombre de cas aussi dans ce domaine.
Dans l’ATF 5A_156/2008, du 9 septembre 2008, le TF a par exemple, jugé que n’est pas contraire à l’art. 6 le fait que le même magistrat se prononce, au civil, sur le procès en divorce de la recourante, alors que, au pénal, il n’avait pas condamné son mari suite aux accusations, qu’elle avait portées contre lui, d’abus sexuels sur sa fille. L’absence de condamnation pénale du mari prononcée par le même juge n’avait non plus aucune incidence sur son droit de rendre visite à sa fille.
Dans l’ATF 114 Ia 57, notre Cour suprême a affirmé que n’est pas contraire à l’art. 6 le fait que le même juge se prononce d’abord sur les mesures protectrices de l’union conjugale, puis sur le divorce des parties.
Dans une autre affaire, elle a, en revanche, jugé que le juge civil qui a prononcé un divorce ne peut pas se prononcer, en tant que juge pénal, sur l’accusation de faux témoignage portée contre un témoin entendu au cours de la procédure de divorce22.
Dans une autre affaire encore, elle a également affirmé que le juge qui s’est déjà prononcé sur l’existence d’un crédit se prononce par la suite sur une action en constatation de l’existence d’une dette n’est pas contraire à l’art. 623.
2.3. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable
1) «Justice delayed is justice denied», disent les juristes anglo-saxons. Si ce principe trouve dans le procès pénal son champ d’application privilégié, on recense néanmoins quelques exemples empruntés aux procès civils. Le TF, a, par exemple, jugé que le blocage d’un compte bancaire ne peut pas être maintenu pour un temps indéfini. Les autorités compétentes doivent faire en sorte que la procédure d’entraide judiciaire internationale se termine dans un délai raisonnable24.
2) Les critères établis par la Cour pour déterminer si un certain délai peut être qualifié de raisonnable sont les suivants: la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et le comportement des autorités, ce dernier critère étant celui qui conduit le plus souvent la Cour à constater une violation de l’art. 6.
Si ces trois critères sont valables pour tous les procès, la Cour a précisé que, contrairement à ce qui se passe dans le procès pénal, dans le procès civil, les parties doivent faire preuve de diligence pour accélérer la procédure25.
Pour les procès civils, la Cour se montre en outre plus stricte dans deux types d’affaires. D’abord, dans certaines affaires relevant du droit de la famille, comme celles ayant trait au droit de visite des parents à leur enfant, ou à l’attribution de l’autorité parentale26. Ensuite, dans les affaires qui portent sur la réintégration du requérant dans son emploi ou sur le versement d’une indemnité en cas de rupture de contrat27. Par leur nature même, ces affaires doivent, en effet, être tranchées avec une certaine urgence.
3) La Suisse a été condamnée un certain nombre de fois pour dépassement du délai raisonnable en matière civile. Dans l’affaire Müller28, la Cour a jugé qu’une procédure d’expropriation ayant duré 11 ans n’était pas conforme au principe de célérité. Il en a été de même dans l’affaire McHugo29, à propos d’une procédure relative au financement de navires à des armateurs grecs (également 11 ans).
2.4. Le principe de l’égalité des armes
L’affaire Ankerl c. Suisse30 concernait un litige relatif à un bail. Le requérant prétendait que le tribunal compétent du canton de Genève n’avait pas respecté le principe de l’égalité des armes, au motif qu’il avait entendu un témoin, mais pas son épouse. Ce fut l’occasion, pour la Cour, de préciser la notion d’égalité des armes dans le procès civil. Ce principe vise à établir un juste équilibre entre les parties et doit être respecté aussi dans les litiges qui opposent des intérêts privés. Toute différence de traitement concernant l’audition des témoins présentés par les parties est donc contraire au principe de l’égalité des armes.
Notre pays a été condamné à plusieurs reprises pour violation de ce principe dans des affaires qui sont très semblables et concernent le droit de répliquer à toute pièce du dossier. Dans chacune d’entre elles, le requérant n’avait en effet pas eu la possibilité de s’exprimer sur les observations faites devant un tribunal par l’autorité judiciaire inférieure, par une autorité administrative ou par la partie adverse31.
Cette jurisprudence a fini par convaincre le TF, qui a modifié la sienne en conséquence32.
2.5. Le principe de publicité
1) Comme l’a relevé encore récemment le TF, le principe de la publicité revêt une importance primordiale dans un Etat démocratique. Il permet de rendre transparente l’administration de la justice et au peuple d’en contrôler le déroulement ainsi que d’écarter toute justice secrète33. Ceci dit, ce principe revêt probablement une importance moindre en matière civile que pour les procès pénaux. Pour cette raison, selon la Cour, le titulaire du droit à la publicité du procès dans les affaires civiles peut y renoncer, à condition que ce renoncement soit explicite, non équivoque et ne contredise aucun intérêt public important.
La jurisprudence de la Cour concernant la Suisse porte principalement sur le contentieux des assurances sociales. Le droit de renoncer à se prévaloir du principe de la publicité s’explique ici par le caractère technique des litiges ainsi que par leur nature médicale et intime, qui militent souvent en faveur de procédures exclusivement écrites. C’est pour cette même raison que l’art. 6 prévoit d’ailleurs une exception au principe de publicité des débats «dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale (…) lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent».
2) Deux affaires suisses relatives au principe de publicité méritent d’être mentionnées.
Dans l’affaire Schuler-Zgraggen34, la Cour a estimé que la requérante avait renoncé sans équivoque à son droit à une audience publique devant le TFA. Il n’y avait donc pas eu violation de l’art. 6.
Dans l’affaire Schlumpf35, en revanche, on ne pouvait pas considérer que la requérante avait renoncé à une audience publique devant ce même tribunal. Dans cette affaire, les juges de Lucerne n’avaient pas pris en considération les opinions de certains experts soumises par la requérante. De l’avis de la Cour, en refusant d’examiner ces preuves, les juges s’étaient, en quelque sorte, substitués aux médecins, alors que la nécessité d’une opération de conversion sexuelle n’est pas une question juridique, mais médicale. Etant donné les divergences d’opinion sur cette problématique, une audience publique aurait, de l’avis de la Cour, été nécessaire. Il y a donc eu violation de l’art. 6.
2.6. Le droit d’être entendu
L’affaire Kraska c. Suisse36 a donné l’occasion à la Cour de réaffirmer que l’art. 6 impose aux tribunaux l’obligation d’examiner attentivement les arguments et les preuves soumis par les parties. Le droit d’être entendu comprend celui de consulter le dossier, qui doit être complet.
Dans une affaire remontant à 198737, le recourant avait été objet d’un contrôle par la police dans un lieu connu pour être un rendez-vous pour homosexuels. Les autorités cantonales lui avaient toutefois refusé le droit de consulter le dossier. Ce refus fut sanctionné par le TF pour violation du droit de consulter le dossier. La personne concernée doit, en effet, être à même de consulter le dossier pour pouvoir demander, le cas échéant, de corriger de fausses informations qu’il contiendrait.
3. Conclusion
L’art. 6 est sans conteste l’article de la Convention qui a alimenté le plus la jurisprudence de la Cour ainsi que celle du TF sur la Convention. Il a eu une influence incommensurable sur la législation des Etats dans le domaine de l’administration de la justice. Les droits protégés par cette disposition constituent certes un standard minimum, mais ils n’en forment pas moins un élément fondamental de l’Etat de droit.
La Cour a d’ailleurs rappelé dès ses premiers arrêts que, dans une société démocratique, le droit à une bonne administration de la justice occupe une place si éminente que toute interprétation restrictive de l’art. 6 ne correspondrait pas à l’esprit de cette disposition38.
Si les arrêts les plus retentissants concernent probablement le volet pénal de l’art. 6, ceux qui ont été rendus pour les affaires civiles n’en revêtent pas moins une importance certaine. C’est dans ces jugements que la Cour a notamment reconnu le droit d’accès au juge ou le droit des personnes de condition modeste d’être assistées gratuitement d’un avocat en matière civile.
Mais surtout, l’interprétation de plus en plus extensive que la Cour a donnée, au fil de ses arrêts, de la notion de «contestations sur des droits et obligations de caractère civil», critiquée à tort à ses débuts, mais de plus en plus acceptée, a eu pour conséquence que, pratiquement, plus aucun contentieux n’est aujourd’hui soustrait aux garanties qu’offre l’art. 6. Cette interprétation courageuse s’inscrit dans la volonté de la Cour de faire de la Convention un instrument vivant, adapté aux réalités contemporaines, et qui garantit non pas des droits théoriques, mais réels et effectifs.