Depuis le 1er janvier 2011, il est possible de déposer des mémoires par voie électronique devant tous les tribunaux suisses dans les affaires pénales1 et civiles2. Quelques règles élémentaires doivent être respectées pour que le dépôt soit valable: le mémoire doit être signé au moyen d'un certificat de signature électronique et il doit parvenir au tribunal par une voie sécurisée (plateforme de distribution). De leur côté, les tribunaux peuvent aussi communiquer par voie électronique avec les parties ou leurs avocats3. Le Tribunal fédéral était un précurseur dans ce domaine, puisque le dépôt de mémoires par voie électronique était possible depuis 2007 déjà4. Si cette possibilité n'a presque pas été utilisée par les parties entre 2007 et 2009, on constate un flux croissant de recours électroniques depuis 2010.
Le recommandé électronique
La communication électronique entre parties et autorités judiciaires suit, dans les grandes lignes, les mêmes règles que l'envoi par courrier postal. L'envoi doit être signé et la protection des données garantie. Un acheminement par courriel ordinaire ne permet pas de remplir les exigences précitées. C'est pourquoi, la communication électronique dans le domaine judiciaire emprunte des canaux sécurisés qui passent par une plateforme de distribution électronique reconnue, une sorte de service postal en ligne. Une telle plateforme permet l'envoi d'un courrier recommandé électronique avec accusé de réception. Ainsi, le moment où la transaction a été effectuée peut être établi de manière fiable.
Démarches préalables
Pour pouvoir communiquer par voie électronique avec un tribunal, quelques démarches préalables sont nécessaires: l'acquisition d'un certificat de signature électronique et l'inscription sur une plateforme de distribution reconnue.
Les mémoires adressés à un tribunal, tels que les actions en justice ou les recours, doivent être signés5. Seule la signature électronique qualifiée est considérée comme étant de même valeur que la signature manuscrite6. Il en résulte que celui qui désire signer un mémoie électroniquement doit se procurer les certificats correspondants auprès de l'un des quatre fournisseurs agréés à ce jour, à savoir: Swisscom (Suisse) SA, QuoVadis TrustLink Schweiz SA, SwissSign SA et l'Office fédéral de l'informatique et de la télécommunication (OFIT). La liste des fournisseurs de services de certification reconnus, selon la loi sur la signature électronique7, peut être consultée sur le site internet du Seco8.
Les mémoires doivent être adressés aux tribunaux par l'intermédiaire d'une plateforme de distribution9 qui doit pouvoir fournir, notamment, les prestations suivantes pour pouvoir être reconnue: elle doit être en mesure de livrer des quittances attestant du moment d'une communication électronique et garantir la protection des documents transmis par voie électronique contre des accès non autorisés10. Actuellement, il existe trois platesformes de distribution reconnues: PrivaSphere SA, Poste Suisse (IncaMail Version 3.0) et la plateforme de distribution du Canton de Berne; en outre, une demande est en cours de traitement pour la plateforme de distribution OSIS-BV de l'Office fédéral de la justice. La liste des platesformes de distribution reconnues peut être consultée sur le site de l'USIC11.
Envoi d'un mémoire au tribunal
Une fois les démarches préalables effectuées, la partie peut adresser son mémoire au Tribunal civil ou pénal ou encore au Tribunal fédéral de la façon suivante.
a) La partie écrit son mémoire de façon libre ou en utilisant un formulaire procédural mis à disposition12. Les écrits et les pièces annexées doivent être transmis aux tribunaux dans le format PDF13.
b) Ensuite, elle le signe au moyen d'une signature électronique reconnue14.
c) Le mémoire est à envoyer à l'adresse officielle du tribunal sur la plateforme de distribution. Les adresses officielles pour le dépôt de mémoires électronique figurent dans le répertoire de la Chancellerie fédérale15, pour les autorités judiciaires cantonales, et dans l'annexe au Règlement du Tribunal fédéral sur la communication électronique, pour le Tribunal fédéral16.
d) Le délai pour le dépôt du mémoire est observé si le système informatique du tribunal en confirme la réception avant son échéance17. On considère que l'accusé de réception de la plateforme de distribution est assimilé à une confirmation de réception par le système informatique du tribunal, car, à partir de ce moment, il ne dépend plus que du tribunal de prendre connaissance de l'envoi. Cette règle diffère de celle applicable aux envois par courrier papier où il suffit que l'envoi soit remis à La Poste Suisse le dernier jour du délai.
Tribunaux cantonaux
Si, concernant l'essentiel les mêmes règles sont applicables pour la communication électronique avec les autorités cantonales et avec le Tribunal fédéral, il existe néanmoins quelques différences:
a) Champ d'application: l'ordonnance du Conseil fédéral sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales et de procédure en matière de poursuite pour dettes et de faillite, règle uniquement la communication entre les parties et les tribunaux. Le règlement du Tribunal fédéral contient des dispositions sur la communication entre les parties et le tribunal, d'une part, et entre les autorités précédentes et le tribunal, d'autre part, pour ce qui a trait à la transmission des dossiers par voie électronique18.
b) Les tribunaux dans les cantons ne peuvent notifier un acte judiciaire aux parties qu'avec leur accord donné soit pour une procédure déterminée, soit d'une façon générale19. Le Tribunal fédéral considère que l'inscription sur une plateforme de distribution vaut acceptation de recevoir les notifications par voie électronique20.
c) Si les documents adressés aux autorités judiciaires cantonales doivent, pour le moment21, n'être communiqués qu'au format PDF, ceux adressés au Tribunal fédéral doivent l'être au format PDF et XML. Ce format structuré est généré automatiquement par l'utilisation du formulaire procédural et permet au Tribunal fédéral de disposer des données relatives à la procédure dans un format reconnaissable par son application de gestion de dossiers.
d) Les parties peuvent exiger des tribunaux cantonaux qui leur ont adressé un acte judiciaire par voie postale que l'acte leur soit notifié aussi par voie électronique22. Cette possibilité n'est pas prévue pour les notifications du Tribunal fédéral.
Perspectives
Au vu de la souplesse offerte par la communication électronique et des expériences faites dans d'autres pays européens, il y a lieu de penser que la proportion de mémoires qui seront adressés aux tribunaux de notre pays par voie électronique va augmenter exponentiellement au cours des prochaines années. Cela contribuera à ce que les tribunaux disposent de l'entier des pièces d'un dossier sous une forme électronique23. A partir du moment où les tribunaux disposeront de dossiers entièrement électroniques, il sera possible aux parties, moyennant une gestion rigoureuse des droits d'accès, de consulter leur dossier via internet.
*Délégué de la Suisse au sein de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice.
1 Art. 110 al. 2 CPP.
2 Art. 130 al. 1 CPC.
3 Art. 86 CPP, art. 139 CPC et art. 39 al. 2 et 60 al. 3 LTF.
4 Art. 42 al. 4 LTF.
5 Art. 110 al. 2 CPP, art. 130 al. 1, dernière phrase, et al. 2 CPC ainsi que art. 42 al. 4 LTF.
6 Art. 14 al. 2bis CO.
7 Loi fédérale sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique (loi sur la signature électronique, SCSE), RS 943.03.
8 http://www.seco.admin.ch/sas/00229/00251/index.html?lang=fr
9 Art. 4 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales et de procédure en matière de poursuite pour dettes et faillite (OCE-PCPP; RS 272.1) et art. 3 du Règlement du Tribunal fédéral sur la communication électronique avec les parties et les autorités précédentes (RCETF; RS 173.110.29).
10 Art. 2 OCE-PCPP ainsi que le catalogue des critères pour platesformes de distribution (document disponible en allemand seulement) défini par l'Unité de stratégie informatique de la Confédération (USIC) en collaboration avec l'Office fédéral de la justice (http:// www.isb.admin.ch/themen/sicherheit/ 00530/01200/index.html?lang=fr et cf. aussi art. 2 let. b RCETF.
11 http://www.isb.admin.ch/themen/sicherheit/00530/01200/index.html?lang=fr
12 En matière de procédure civile, une série de formulaires sont disponibles sur le site internet de l'Office fédéral de la justice: http://www.bj.admin.ch/content/bj/fr/home/themen/staat_und_buerger/zivil prozessrecht/parteieingabenformulare.html; en ce qui concerne les mémoires adressés au Tribunal fédéral, le formulaire procédural obligatoire peut être téléchargé sur son site internet: http://www.bger.ch/fr/bg_verfahrens formular_x0102.pdf
13 Art. 6 al.1 OCE-PCPP et art. 4 al. 1 RCETF. Le Tribunal fédéral y exige en outre la transmission d'un fichier XML qui est généré automatiquement par le formulaire procédural.
14 Voir ci-dessus et les art. 7 OCE-PCPP et 4 al. 3 RCETF.
15 Cf. art. 5 OCE-PCPP: http://www.ch.ch/ behoerden/02243/02306/index.html?lang=fr
16 Cf. art. 5 RCETF: http://www.bger.ch/ fr/annexe_rcetf_v_du_01_07_2008_d_corr.pdf
17 Art. 91 al. 3 CPP, art. 143 al. 2 CPC et art. 48 al. 2 LTF.
18 Art. 1 al. 2 RCETF.
19 Art. 9 al. 2 OCE-PCPP.
20 Art. 3 al. 2 RCETF.
21 En vertu de l'art. 6 al. 2 OCE-PCPP, le Département fédéral de justice et police est habilité à exiger, par voie d'ordonnance, l'envoi des données afférentes à la procédure sous une forme structurée (par exemple XML). Pour l'instant, il n'a pas fait usage de cette compétence.
22 Art. 12 OCE-PCPP.
23 L'ordre judiciaire de Bâle-Ville, par exemple, a démarré un projet pour constituer des dossiers entièrement électroniques.