Comme chaque année, les deux cours lucernoises du Tribunal fédéral ont rendu en 2013 plus de 2000 arrêts qui précisent les contours de l’application de la législation en matière d’assurances sociales. Certes, une part importante de ces arrêts concerne le contrôle, sous l’angle de l’arbitraire, de l’appréciation des preuves effectuée par les tribunaux cantonaux, en particulier lorsqu’il s’agit de l’évaluation de la situation médicale de l’assuré, et se prête dès lors mal à un résumé synthétique tant les solutions dépendent des circonstances des cas d’espèce. Néanmoins, il est un peu hasardeux de prétendre rendre compte de manière exhaustive de l’intégralité de la jurisprudence rendue en matière d’assurances sociales, raison pour laquelle nous avons, à dessein, décidé de concentrer notre article sur quelques thèmes importants pour la pratique. Nous avons tout aussi volontairement laissé de côté la jurisprudence rendue en matière d’expertises médicales, ce thème ayant récemment fait l’objet d’une analyse complète dans les colonnes de plaidoyer(3).
1. Soins à domicile ou en établissement médico-social
A plusieurs reprises, le Tribunal fédéral a dû se pencher sur le caractère économique des soins prodigués à domicile ou dans un établissement médico-social. Dans un arrêt du 15 novembre 2013 (9C_195/2013), les juges fédéraux ont rappelé qu’il y a lieu de procéder à un tel examen lorsqu’il existe dans un cas particulier plusieurs possibilités diagnostiques et thérapeutiques appropriées. Il faut alors procéder à une balance entre coûts et bénéfices de chaque mesure. Si l’une d’entre elles permet d’arriver au but recherché en étant sensiblement meilleur marché que les autres, l’assuré n’a pas droit au remboursement des frais de la mesure la plus onéreuse. En revanche, si les soins à domicile paraissent être l’unique mesure efficace et appropriée à la situation d’un assuré, la condition du caractère économique (art. 32 LAMal) du traitement ne se pose pas.
Dans un jugement du 6 mars 2013 (ATF 139 V 135) concernant une personne atteinte à un stade avancé de la maladie d’Alzheimer, le Tribunal fédéral a considéré que, sous l’angle du nouveau régime de financement des soins, les prestations de soins à domicile en comparaison avec les prestations allouées en cas de soins dispensés dans un établissement médico-social étaient d’un coût disproportionné «évident». Alors même qu’il n’était pas contesté que le placement dans un établissement médico-social serait légèrement moins adapté et efficace, les juges fédéraux ont estimé que les soins à domicile ne devaient pas être mis à la charge de l’assureur-maladie, au motif qu’ils étaient 2,56 fois plus chers que les soins dispensés dans un établissement médico-social. Cela correspondait à un montant de 100 000 fr. environ par année qui aurait dû être mis à la charge de la communauté des assurés, solution qui, selon le Tribunal fédéral, ne relèverait plus «d’une gestion économique et rationnelle de l’assurance-maladie sociale».
Malgré l’existence d’une disproportion au niveau économique, des prestations de soins à domicile peuvent être considérées comme plus adéquates que des prestations de soins fournies dans un établissement médico-social, lorsqu’elles permettent d’apporter à la personne assurée un épanouissement sur le plan personnel ou d’assumer une fonction sociale qu’un placement dans une institution n’autorise pas(4).
Rappelons que, pour les mêmes prestations ambulatoires fixées aux art. 7 ss OPAS, deux systèmes de rémunération ont été prévus, à savoir un tarif horaire pour les infirmiers et les infirmières et les organisations de soins et d’aide à domicile (art. 7a al. 1 lit. a et b. OPAS), et des montants forfaitaires pour les établissements médico-sociaux (art. 7a al. 3 OPAS).
Régulièrement, le Tribunal fédéral doit se pencher sur le caractère économique des soins à domicile fournis, indépendamment de la question d’un éventuel placement dans un établissement médico-social, et ce conformément à l’art. 8a al. 3 OPAS(5). Dans ce cadre, il a précisé que, s’agissant des mesures destinées à surveiller et à soutenir les malades psychiques pour accomplir les actes ordinaires de la vie (art. 7 al. 2 lit. c OPAS), l’aide à la tenue du ménage n’était pas à la charge de l’assurance obligatoire des soins.
Dans un arrêt du 23 juin 2012, la Haute Cour a jugé qu’il n’était pas arbitraire, sur la base des éléments qui lui avaient été soumis, de considérer que les montants du remboursement des soins prévus à l’art. 7a al. 1 OPAS couvraient l’ensemble des coûts des prestations des infirmières et des infirmiers. Il a rappelé la portée de l’art. 25a al. 5 LAMal comme exigeant que l’éventuel montant résiduel des coûts des soins que ni l’assurance obligatoire des soins ni l’assuré ne remboursera doive être pris en charge par les collectivités publiques, soit par le canton ou, si ce dernier décide de les mettre (également) à contribution, par les communes (TF 2C_228/2011). Dans ce même arrêt (c. 3.2.3), les juges fédéraux ont insisté sur le fait que, en introduisant l’art. 25a LAMal, le Parlement avait voulu garantir que les coûts des soins résiduels, à savoir l’intégralité des frais effectifs que ni l’assurance obligatoire des soins ni l’assuré ne prendraient à leur charge, soient assumés par les collectivités publiques. En d’autres termes, en fixant les tarifs pour les prestations en établissement médico-social, le Conseil fédéral n’a, d’emblée, pas voulu que l’intégralité des frais de santé soit couverte par l’assurance obligatoire des soins. Un tel constat ne manque pas de soulever quelques interrogations, au regard de la comparaison des coûts à laquelle le Tribunal fédéral procède entre soins à domicile et soins fournis en établissement médico-social, selon la LAMal: s’il semble admis que les tarifs horaires (art. 7a al. 1 et 2 OPAS) couvrent l’intégralité des coûts des prestations des infirmières et des infirmiers, il est alors évident que les coûts des prestations dans un établissement médico-social seront inférieurs, dès lors que le Parlement et le Conseil fédéral ont volontairement fixés des tarifs (forfaitaires – art. 7a al. 3 OPAS) qui ne couvrent pas l’intégralité des frais.
Pour être reconnus comme des fournisseurs de prestations pouvant pratiquer à la charge de l’assurance-maladie sociale, les établissements médico-sociaux doivent faire partie de la planification cantonale (art. 39 al. 3 LAMal). Le Tribunal fédéral l’a rappelé, dans un arrêt du 22 octobre 2012 (ATF 138 V 489 c. 4.5). Si un établissement médico-social remplit les exigences dictées par le droit social fédéral, correspond aux besoins de planification cantonale et figure sur la liste prévue par la LAMal, le canton devra verser la part résiduelle non couverte par l’assurance obligatoire des soins et l’assuré (ATF 138 I 421 c. 5.3). En revanche, rien n’oblige un canton à subventionner un tel établissement (ATF 138 II 191).
2. Coup de pouce en faveur des travailleurs aux situations atypiques
Dans le régime de l’assurance-accidents (LAA), il est notoire que tous les travailleurs ne bénéficient pas de la même couverture. Si tous les travailleurs dépendants sont obligatoirement assurés contre les conséquences des accidents professionnels(6), seuls ceux qui travaillent au moins huit heures par semaine pour le même employeur sont assurés contre les conséquences d’un accident non professionnel(7). Il faut préciser que pour les autres, soit ceux qui ne travaillent pas 8 heures par semaine pour le même employeur, les accidents de trajet, c’est-à-dire les accidents qui se produisent sur le chemin pour se rendre au travail et pour en revenir, sont assimilés à des accidents professionnels(8).
La question est régulièrement posée, dans ce contexte, de savoir comment déterminer si un travailleur dont l’horaire de travail est irrégulier atteint cette limite de huit heures hebdomadaires. Plusieurs théories s’opposent, plus ou moins favorables à la couverture des accidents non professionnels pour ces travailleurs-là(9). Dans un arrêt 8C_859/2012 du
29 juillet 2013, destiné à publication, le Tribunal fédéral a tranché, jugeant qu’il convenait de faire une moyenne, sur une période plus ou moins longue selon la situation concrète, mais en retenant toujours la solution la plus favorable pour l’assuré. Pour procéder à cette moyenne, il ne faut tenir compte que des semaines travaillées. A défaut, le travailleur dont l’horaire de travail est irrégulier est nécessairement désavantagé par rapport au travailleur régulier. Cette affaire concernait une personne au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée, qui prévoyait que la prestation de travail devait être effectuée principalement pendant la belle saison. De fait, l’assuré travaillait beaucoup durant quelques mois par année, et beaucoup moins le reste du temps.
Dans une autre affaire, ayant donné lieu à l’arrêt 8C_703/2012 du 12 juillet 2013, également destiné à publication, il s’agissait de calculer le montant de l’indemnité journalière pour un travailleur qui, après une longue période sans emploi, avait finalement conclu un contrat de travail en passant par l’intermédiaire d’une entreprise de travail temporaire. Il s’agissait d’un contrat de travail de durée indéterminée, qui avait la particularité de prévoir un horaire de travail variable, en fonction des besoins de l’employeur. Ce travailleur a été victime d’un accident le premier jour de travail. L’assureur-accidents entendait appliquer à cette situation l’art. 23 al. 3 OLAA, prévoyant que «lorsque l’assuré n’exerce pas d’activité lucrative régulière ou lorsqu’il reçoit un salaire soumis à de fortes variations, il y a lieu de se fonder sur un salaire moyen équitable par jour». Ce salaire moyen est obtenu sur la base du salaire réalisé au cours des trois mois qui précèdent l’accident. Le Tribunal fédéral a invalidé cette analyse, jugeant que ce travailleur, au bénéfice d’un contrat de durée indéterminée, n’était pas un travailleur irrégulier, bien que le contrat ait été conclu par l’intermédiaire d’une agence de placement. Dès lors, l’art. 23 al. 3 OLAA ne trouvait pas application, et le droit aux indemnités journalières devait être calculé sur la base du gain assuré au moment de l’accident, soit le salaire convenu contractuellement(10).
Une troisième affaire, ayant abouti à l’ATF 139 V 148, concernait une infirmière qui avait deux emplois: une activité principale, qu’elle exerçait à raison de 13 heures par semaine environ, et une activité accessoire, qu’elle exerçait à raison de trois heures par semaine. Elle a été victime d’un accident alors qu’elle rentrait chez elle depuis le lieu de l’exercice de son activité principale. L’assureur-accidents entendait ne prendre en considération, pour le calcul du droit aux indemnités journalières, que le salaire réalisé dans l’activité principale, au motif qu’il s’agissait d’un accident non professionnel(11), risque qui n’était pas couvert dans le cadre de l’activité accessoire et pour lequel aucune prime n’avait été payée. Le Tribunal fédéral a invalidé cette analyse, jugeant que, en présence d’une assurée victime d’un accident sur le trajet entre son lieu de travail et son lieu de domicile, il y avait lieu au contraire, en application de l’art. 23 al. 5 OLAA, de prendre en compte le salaire global obtenu dans l’ensemble des activités pour calculer le gain assuré, et cela indépendamment de savoir si l’accident devait être qualifié d’accident professionnel ou non professionnel. En effet, dans le contexte d’une activité exercée moins de huit heures par semaine, l’accident de trajet est assimilé à un accident professionnel et des primes sont payées en conséquence. Le Tribunal fédéral raisonne en outre en considérant la situation d’un assuré qui, par hypothèse, aurait cumulé trois emplois différents, avec un horaire hebdomadaire à chaque fois de sept heures. Cet assuré-là aurait bénéficié, en cas d’accident de trajet, donc réputé accident professionnel, de l’addition de ses revenus pour le calcul du gain assuré, en application de l’art. 23 al. 5 OLAA. Il aurait été choquant, dans la présente espèce, de traiter autrement une assurée dans une situation pratiquement similaire.
On voit, à travers ces trois arrêts, la volonté du Tribunal fédéral d’étendre autant que possible la couverture LAA dans l’hypothèse de travailleurs dont la situation est atypique. Dans les trois cas, les solutions dégagées s’inscrivent à notre sens dans la logique de l’assurance puisqu’elles se rattachent aux primes payées et à la probabilité de réalisation du risque.
3. La révision des rentes octroyées en cas de Specdo
Introduite par le premier volet de la 6e révision de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité(12), la disposition finale de la modification du 18 mars 2011 contraint désormais les Offices AI, dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette disposition(13), à réviser systématiquement les rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique (Specdo). Le caractère invalidant de ce syndrome doit alors être évalué à l’aune de la condition d’exigibilité posée par l’art. 7 LPGA, ce qui suppose, en l’état actuel de la jurisprudence, l’examen des critères de Foerster(14). Si les conditions de l’art. 7 LPGA ne sont pas remplies, la rente doit alors être réduite ou supprimée, indépendamment de toute évolution de l’état de santé de l’assuré.
Dans un arrêt 9C_308/2013 du 26 août 2013, le Tribunal fédéral a jugé que cette disposition ne s’appliquait pas lorsque l’assurée souffrait certes d’une fibromyalgie, mais aussi d’autres pathologies objectivables. L’office AI avait supprimé la rente de cette assurée en application de la disposition finale 6A, décision validée par le Tribunal cantonal zurichois. Le Tribunal fédéral a cassé l’arrêt cantonal et annulé (purement et simplement) la décision de l’Office AI, la rente n’ayant pas, à l’époque, été octroyée uniquement en raison d’un trouble sans étiologie claire, mais également en raison d’un tableau clinique objectivable qui ne s’était pas modifié depuis l’octroi de la rente, et ne justifiait donc pas une révision de la rente sous l’angle de l’art. 17 LPGA.
Cet arrêt semble aller dans le sens d’une interprétation restrictive de la disposition finale. On ne peut pas encore en déduire que la présence d’un diag-nostic autre que celui d’un Specdo ferait obstacle à l’application de cette disposition, mais l’arrêt laisse entendre qu’il faut que le Specdo ait été prépondérant dans le tableau qui a conduit à l’octroi de la rente.
S’agissant des conditions d’application de cette disposition, le Tribunal fédéral a en outre précisé que le délai de
15 ans après lequel une révision sous l’angle de la disposition finale 6A n’est plus possible, court depuis le moment du début du droit à la rente, et non depuis le moment où la décision a été rendue. Cette solution est logique, si l’on considère que la durée d’une procédure visant à l’obtention d’une rente AI est fortement aléatoire, et que la prise en compte de la date de la décision pour le calcul du délai de 15 ans induirait nécessairement une inégalité de traitement entre les assurés.
4. Principe de la confiance, prévoyance professionnelle et prévoyance individuelle liée
Dans une affaire concernant une police de prévoyance liée, régie par l’OPP3, le Tribunal fédéral a rappelé que les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les mêmes principes que les autres dispositions contractuelles. Le juge doit d’abord s’efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou aux dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Si la volonté des parties ne peut être établie, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la théorie de la confiance (TF, arrêt 9C_44/2013 du 24 avril 2013).
Il en va de même dans le domaine de la prévoyance professionnelle. Dans un arrêt du 6 mai 2013 (ATF 139 V 316), les juges fédéraux ont rappelé que le contrat d’affiliation entre un employeur et une institution de prévoyance était un contrat sui generis, qui devait s’interpréter selon le principe de la confiance.
La conclusion d’une telle convention d’affiliation est régie par les règles du droit des obligations: le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d’une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Si la volonté réelle des parties ne peut être établie, le juge doit rechercher comment une déclaration ou une attitude peut être comprise de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances. En faisant usage de ce principe, le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le paiement d’une prime rétroactive acceptée sans réserve par l’institution de prévoyance pouvait être interprété par l’employeur comme l’acceptation définitive de son affiliation (TF, arrêt 9C_275/2012 du 14 mai 2013).
Le principe de la confiance vaut également dans les rapports entre l’institution de prévoyance et l’assuré. En matière de prévoyance professionnelle surobligatoire, les relations juridiques entre l’institution de prévoyance et l’assuré doivent être analysées conformément aux règles générales d’interprétation de droit privé(15). Le règlement de prévoyance d’une caisse de pension en particulier doit être interprété selon le principe de la confiance, ce qui a été confirmé par le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 11 juillet 2013 (TF, arrêt 9C_589/2012).
5. Rentes complémentaires pour enfant et allocations familiales: notion de formation
Dans deux jurisprudences successives, le Tribunal fédéral a précisé la notion de formation au sens de l’art. 49bis al. 1 RAVS, eu égard à un stage effectué par un jeune à l’issue de sa scolarité obligatoire. Cette question est importante sous l’angle, d’une part, du droit aux allocations familiales(16) et, d’autre part, du droit à une rente complémentaire pour enfant pour un bénéficiaire AI ou AVS(17).
La première affaire(18) concernait précisément le droit d’un bénéficiaire AI à une rente complémentaire pour sa fille, qui effectuait un stage d’une année au sein de l’entreprise auprès de laquelle elle devait, par la suite, entamer un apprentissage. Ce stage n’était ni une condition légale ni un prérequis réglementaire pour pouvoir commencer l’apprentissage, mais constituait un avantage de fait pour accéder à cette formation. Le Tribunal fédéral a considéré, sur la base des directives concernant les rentes (DR) AVS et AI(19), qu’un stage non obligatoire pouvait également être considéré comme une formation, à condition toutefois qu’il soit effectué auprès d’un employeur garantissant une place d’apprentissage si le stage était couronné de succès.
Dans la seconde affaire, qui portait sur le droit d’un assuré aux allocations de formation pour son enfant, le Tribunal fédéral a constaté que les DAFam(21), dont la teneur est, sur ce point, identique à celle des DR AVS-AI, étaient contraires à l’art. 49bis al. 1 RAVS dans la mesure où elles subordonnaient le droit aux allocations de formation en cas de stage pratique, à la condition que ce stage représente une condition légale ou réglementaire pour l’accès à une profession ou à une formation, ou qu’une entreprise garantisse par écrit une place d’apprentissage à l’issue du stage. Un stage ayant pour seul objectif l’amélioration de fait des chances du jeune de trouver une place d’apprentissage n’aurait ainsi pas valeur de formation. Le Tribunal fédéral, faisant un pas de plus par rapport à l’affaire précédente, a rappelé que l’art. 49bis al. 1 RAVS n’exigeait pas l’assurance d’une place d’apprentissage à l’issue du stage. Seul doit donc compter le fait, pour que le stage ait valeur de formation donnant droit aux allocations familiales, que le jeune ait véritablement l’intention d’entreprendre la formation en vue de laquelle il fait ce stage.
L’analyse du Tribunal fédéral est à notre sens particulièrement judicieuse à une époque où l’obtention, par un jeune, d’une place d’apprentissage immédiatement après la fin de sa scolarité obligatoire ne correspond plus nécessairement à une évidence. Pendant une éventuelle période de latence, le jeune reste le plus souvent à la charge de ses parents.
6. Assurance-chômage: pas de délai de grâce!
En vigueur depuis le 1er avril 2011, l’art. 26 al. 2 OACI prévoit désormais que le chômeur doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. A l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération. Dans l’ATF 139 V 164, le Tribunal fédéral a jugé que cette disposition était conforme à la loi. L’art. 21 LPGA ne s’appliquant pas en matière d’assurance-chômage21, au motif que le droit des sanctions dans l’assurance-chômage revêtait des particularités qui excluaient l’application du régime général(22), la suspension du droit à l’indemnité est donc exclusivement soumise aux dispositions spécifiques de l’assurance-chômage(23). Ainsi, sauf excuse valable, les organes de l’assurance-chômage ont le droit de réduire le droit aux indemnités de chômage si les preuves de recherches d’emploi ne sont pas fournies dans le délai prescrit, sans qu’il soit nécessaire d’accorder à l’assuré un délai de grâce(24). Dans un arrêt du 2 juillet 2013(25), le Tribunal fédéral a précisé qu’il importait peu que la preuve des recherches d’emploi soit apportée ultérieurement, par exemple dans le cadre de la procédure d’opposition.
S’agissant de se prononcer sur la gravité de la faute de l’assuré, le fait qu’il s’agisse d’une première inscription au chômage et d’une première période de contrôle, de même que le fait que l’assuré avait fait des recherches d’emploi importantes et de qualité, ne constituent pas des critères d’évaluation pertinents pour évaluer la gravité de la faute et fixer la quotité de la peine(26).
(1) Dr en droit, avocate spécialiste FSA responsabilité civile et droit des assurances et chargée d’enseignement à la Faculté de droit de Neuchâtel.
(2) Dr en droit, avocat et chargé d’enseignement à la Faculté de droit de Neuchâtel.
(3) Hofstetter, Gilles-Antoine, L’expertise médicale en droit des assurances sociales: un état des lieux, in: plaidoyer 6/2013, pp. 30-34.
(4) Cf. TF, arrêt 9C_940/2011 du 21 septembre 2012, c. 3.4, considéré comme un «cas limite».
(5) Cf. TF, arrêts 9C_365/2012 du 31 octobre 2012 et 9C_528/2013 du 20 juin 2013.
(6) C’est-à-dire des accidents qui se produisent sur le lieu de travail ou alors que le travailleur est en train d’accomplir une tâche sur ordre de son employeur (cf. art. 7 LAA)
(7) C’est-à-dire de tout accident qui ne peut être qualifié d’accident professionnel au sens de l’art. 7 LAA (cf. art. 8 LAA).
(8) Cf. art. 8 al. 2 LAA et 13 al. 1 OLAA.
(9) Pour un résumé des positions, cf. TF, arrêt 8C_859/2012 du 29 juillet 2013, c. 4.1.
(10) En application de l’art. 17 al. 1 LAA.
(11) Pour un travailleur qui travaille plus de huit heures par semaine pour le même employeur, qui bénéficie donc d’une pleine couverture LAA, l’accident de trajet n’est pas assimilé à un accident professionnel. On en reste donc à la distinction opérée par les art. 7 al. 1 et 8 al. 1 LAA entre les accidents professionnels et les accidents non professionnels (cf. notes 5 et 6).
(12) Révision 6A (FF 2010 1647).
(13) Au 1er janvier 2012.
(14) Cf. par exemple TF, arrêt 9C_901/2012 du 21 mai 2013, c. 4.
(15) Cf. TF, arrêt 9C_1024/2010 du 2 septembre 2011, c. 4.1.
(16) Cf. art. 3 al. 1 lit. b LAFam.
(17) Cf. art. 35 al. 1 LAI et 22ter al. 1 et 25 al. 5 LAVS.
(18) ATF 139 V 122.
(19) N 3361.
(20) Directives pour l’application de la loi fédérale sur les allocations familiales.
(21) Art. 1 al. 2 LACI.
(22) FF 1999 4215.
(23) Dans l’arrêt en question, le Tribunal fédéral nie également l’obligation d’adresser à l’assuré la mise en demeure prévue par l’art. 43 al. 3 LPGA en cas de violation du devoir de collaborer.
(24) L’art. 21 al. 4 LPGA prévoit une mise en demeure écrite avant toute sanction.
(25) TF, arrêt 8C_885/2012.
(26) TF, arrêt 8C_73/2013 du 29 août 2013.