1. L’indemnisation du conseil juridique d’office
L’indemnisation des frais du défenseur d’office est réglée à l’art. 135 du Code de procédure pénale (CPP).
L’une des questions posées par l’entrée en vigueur du CPP a été de savoir si l’indemnité pouvait être fixée après le jugement au fond, c’est-à-dire dans une décision ultérieure. A ce propos, le Tribunal fédéral (TF) a constaté que les frais imputables à la défense d’office et à l’assistance judiciaire gratuite sont des composants des frais de procédure. Ceux-ci doivent être fixés par l’autorité pénale dans la décision finale au plus tard. La jurisprudence a souligné que cette solution s’impose afin que le conseil puisse former recours contre cette décision. La possibilité que l’indemnité de l’avocat d’office ou du conseil juridique gratuit puisse être fixée dans une décision séparée postérieure comme le préconisait une partie de la doctrine, a donc été écartée1.
Même si la décision au fond doit fixer l’indemnité du conseil d’office, il arrive cependant que cette question soit réglée ultérieurement, notamment par l’autorité de recours.
Dans un premier cas sur lequel s’est penché le TF, l’autorité cantonale de dernière instance a fixé l’indemnité pour la procédure tant de première que de deuxième instances cantonales. Lorsque la contestation porte seulement sur cet aspect, il faut considérer que la voie de recours prévue à l’art. 135 al. 3 lit. b CPP est ouverte pour l’entier de l’indemnisation. Cette disposition prévoit que le défenseur d’office, respectivement le conseil juridique gratuit (par analogie, art. 138 al. 1 CPP), peut recourir devant le Tribunal pénal fédéral (TPF) contre la décision de l’autorité de recours ou de la juridiction d’appel du canton fixant l’indemnité. Cette voie de droit doit être privilégiée pour des motifs de cohérence. Lorsque la fixation de l’indemnité, tant pour la première que la deuxième instances, demeure litigieuse à la suite de la décision de dernière instance cantonale, il se justifie qu’une même instance fédérale puisse être saisie de l’entier de cette problématique. L’autorité de recours compétente est donc le TPF, plus précisément la Cour des plaintes, à qui il incombe de statuer tant sur l’indemnité de première que de deuxième instances cantonales. Il s’ensuit qu’aucune voie de recours n’est ouverte au TF, que ce soit le recours en matière pénale ou le recours constitutionnel subsidiaire2.
Dans un second arrêt du TF, la situation est différente dès lors que la juridiction d’appel a fixé l’indemnité d’office pour la procédure de première instance uniquement. La cause avait, en effet, été jugée sans que le juge du fond statue sur l’indemnité d’office de l’avocat du prévenu. La juridiction d’appel a statué séparément et postérieurement quant à l’indemnisation pour la procédure de première instance. Il n’en reste pas moins que l’avocat avait droit à une décision quant à son indemnité. Il s’agit de déterminer quelle voie de droit est ouverte contre la décision rendue. En considération de la procédure suivie en instance cantonale, un recours en matière pénale ne saurait être ouvert au TF, l’art. 80 al. 2 LTF posant le principe d’un double degré de juridiction cantonale préalable au recours en matière pénale. Il s’ensuit qu’il se justifie aussi de privilégier la voie de droit préconisée dans la jurisprudence précitée. Cette solution se justifie à plus forte raison dans le cas d’espèce pour des motifs de cohérence. Le TF a dès lors transmis le traitement de cette autre indemnité au TPF3.
Bien que la difficulté soit appelée à disparaître avec le temps, il arrive encore qu’une enquête ait été ouverte sous l’ancien droit et que le jugement intervienne sous le nouveau droit de procédure. In casu, la procédure s’est déroulée en partie sous l’égide de l’ancien droit cantonal. Selon la jurisprudence rendue en matière d’indemnité pour frais de défense d’un prévenu acquitté, les dépens sont étroitement liés à la procédure et aux règles qui la gouvernent, ce qui justifie de les soumettre directement au CPP. Le même raisonnement peut être tenu s’agissant de l’indemnité du défenseur d’office, au sens de l’art. 135 al. 1 CPP4.
2. L’assistance judiciaire en faveur de la partie plaignante
Le siège de la matière se trouve aux art. 136 ss CPP.
L’une des conditions posées à l’octroi de l’assistance judiciaire à la partie plaignante est que celle-ci puisse élever des prétentions civiles à l’encontre du prévenu. En l’espèce, la partie plaignante ne pouvait pas se prévaloir du droit à l’assistance judiciaire sur la base de l’art. 136 al. 1 CPP, faute de pouvoir invoquer, dans la procédure pénale, des conclusions civiles directement contre le policier mis en cause, soit un agent de l’Etat de Genève. Il est toutefois établi que, dans une telle hypothèse, la jurisprudence a reconnu un droit à l’assistance judiciaire pour le plaignant fondé directement sur l’art. 29 al. 3 Cst. Sans remettre en cause l’existence de ce droit, le Procureur prétendait que cette possibilité ne pouvait pas être invoquée au stade de l’instruction et ne serait ouverte que si la partie plaignante devait défendre ses droits dans le cadre d’un recours contre une décision de classement ou une ordonnance pénale. Cependant, dans un cas d’application de l’art. 136 CPP, il n’est pas exclu que le conseil juridique assistant le plaignant puisse intervenir également sur les aspects pénaux. Ceux-ci peuvent en effet avoir une influence sur les prétentions civiles émises, que ce soit par rapport à leur principe ou à leur montant. Il est également incontesté que ce type de plaignant peut obtenir l’assistance judiciaire durant la phase d’instruction, ne devant ainsi pas attendre un prononcé de classement, une ordonnance pénale ou un renvoi en jugement pour déposer une telle requête. Traiter différemment la victime présumée de violences policières équivaudrait à violer le principe d’égalité de traitement. Elle doit en effet pouvoir y défendre ses droits efficacement, cas échéant avec l’assistance d’un avocat. Contrairement enfin à ce que soutenait le ministère public, une telle possibilité ne revient pas à accorder systématiquement et de manière généralisée l’assistance judiciaire à toute victime présumée de violences policières. En effet, reconnaître ce droit ne dispense pas la direction de la procédure d’examiner si, au regard des circonstances d’espèce, les conditions posées par l’art. 29 al. 3 Cst. sont réalisées5.
Une autre condition posée à l’octroi de l’assistance judiciaire à la partie plaignante est que celle-ci soit indigente. A cet égard, le TF a rappelé qu’il appartient au requérant – et non à l’autorité – d’indiquer de manière complète et d’établir autant que faire se peut ses revenus et ses charges6.
Enfin, il n’est pas rare que la situation personnelle de la partie bénéficiant de l’assistance judiciaire évolue, respectivement qu’un fait nouveau, proprement ou improprement dit, remette en cause son bénéfice. En l’absence de décision formelle révoquant la décision d’octroi de l’assistance judiciaire, la personne concernée doit être considérée comme bénéficiaire de ce droit pour toute la durée de la procédure. Son conseil peut prétendre à l’indemnisation des services rendus durant cette période. Quant à un éventuel abus de droit fondant la révocation de l’assistance judiciaire, il convient de rappeler que la modification des conditions justifiant la reconnaissance de ce droit ne déploie, en règle générale, d’effets qu’ex nunc. En effet, la révocation d’une décision, tel l’octroi de l’assistance judiciaire au prévenu, n’est possible, selon la jurisprudence, que lorsque l’intérêt à l’application correcte du droit l’emporte sur celui de la personne touchée à la protection de sa bonne foi. Cela suppose d’opérer une pesée des intérêts tenant compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce7.
3. L’indemnisation des frais de défense
Comme on l’a vu plus haut, il existe encore des procédures présentant des difficultés de droit transitoire sur lesquelles le TF s’est penché à plusieurs reprises en matière d’indemnisation des frais de défense.
Dans un premier arrêt, le TF a rappelé que les frais de défense relèvent directement de l’art. 429 al. 1 lit. a CPP. Pour les autres prétentions en indemnisation, en particulier le tort moral et le dommage économique, il a privilégié l’approche selon laquelle les prétentions en indemnisation sont régies par le droit matériel applicable au moment du déroulement des actes de procédure litigieux. Il a uniquement réservé la situation où un enchevêtrement d’actes de procédure opérés sous l’ancien et le nouveau droits pourrait justifier d’appliquer le nouveau droit par simplification. En l’espèce, les actes de procédure pouvaient clairement être distingués selon qu’ils avaient été opérés sous l’ancien ou le nouveau droit. Le recourant se contentait de parler d’enchevêtrement sans apporter d’éléments convaincants. Il n’existait donc aucun motif d’appliquer le CPP par simplification. Par ailleurs, pour le recourant, dès lors que l’autorité de première instance s’était entièrement fondée sur le CPP, l’application de l’ancien droit par la Cour d’appel relèverait de l’interdiction de la reformatio in pejus. L’argument tombe à faux. L’interdiction de la reformatio in pejus, consacrée par l’art. 391 al. 2 CPP, prohibe la pénalisation de la situation d’une partie par une décision défavorable rendue à la suite d’un recours émanant uniquement de celle-ci. L’interdiction s’attache au dispositif de la décision. Pour ce qui a trait à des prétentions pécuniaires, l’autorité de recours peut modifier la qualification juridique qui les sous-tend, mais, en revanche, ne saurait réduire le montant fixé dans le dispositif de première instance au détriment de la partie qui a seule interjeté un recours. En l’espèce, la situation du recourant ne s’est pas détériorée dans la procédure de deuxième instance, puisque la Cour cantonale lui a alloué un montant supplémentaire par rapport à ce qu’il avait obtenu en première instance. Aucune violation de l’interdiction de la reformatio in pejus n’est dès lors réalisée.
Par ailleurs, se pose la question de savoir si le prévenu peut solliciter l’indemnisation de ses frais de défense, lorsqu’il a mandaté plusieurs défenseurs.
Concernant la désignation de plusieurs avocats de choix, le TF a régulièrement jugé que le droit conventionnel, en particulier l’art. 6 § 3 lit. c CEDH, ne donne pas droit à être assisté de plusieurs défenseurs et que le droit national peut limiter leur nombre9.
S’agissant de la désignation de plusieurs avocats d’office au bénéfice de l’assistance judiciaire, le TF a admis, en considération de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, que la désignation d’un second avocat d’office n’était pas exclue lorsque cette mesure était nécessaire pour assurer au prévenu une défense adéquate de ses intérêts tout au long de la procédure, compte tenu de la durée possible de celle-ci, de l’objet du procès, de la complexité des questions de fait et de droit en jeu et de la personnalité du prévenu10.
Autre est la question de savoir si le prévenu acquitté peut requérir une indemnisation pour ses frais de défense qui couvrent l’intervention de ses différents défenseurs. L’indemnité comprend en particulier les honoraires d’avocat, à condition que le recours à celui-ci procède d’un exercice raisonnable des droits de procédure. Savoir si le recours à un avocat procède d’un exercice raisonnable des droits de procédure est une question de droit fédéral que le TF revoit librement. Dans le même sens, constitue une question de droit celle de savoir si le recours à plusieurs avocats, en particulier à deux, procède d’un exercice raisonnable des droits de procédure. En l’espèce, il s’agissait de la procédure dite «de la BCGE» qui, aux dires des premiers juges, n’avait pas connu de précédent dans les annales judiciaires genevoises. S’il ne fallait pas considérer l’intervention de deux avocats comme raisonnable dans une telle affaire, on ne percevait pas dans quelle hypothèse cela pourrait être le cas11.
L’indemnisation des frais de défense soulève entre autres la question du tarif auquel le remboursement doit s’effectuer.
Dans le cadre d’une affaire vaudoise, le TF a jugé que la fixation d’un taux horaire correspondant à un taux réduit par rapport au taux usuel n’était pas compatible avec l’art. 429 al. 1 lit. a CPP en l’absence, dans le canton, d’une réglementation adoptant un tarif spécifique12.
A Genève, il n’apparaît pas qu’il existerait une réglementation adoptant un tarif spécifique. C’est le taux horaire usuel qu’il y a lieu de prendre en compte. En l’espèce, le recourant conteste le taux horaire de 400 fr. pratiqué par la Cour cantonale. Selon lui, le taux horaire habituel est d’au moins 450 fr. Le TF ne revoit cet aspect que sous l’angle restreint de l’arbitraire. Il ressort de la jurisprudence et de la doctrine que le taux usuel pour un chef d’étude à Genève était de 400 fr. à 450 fr. en 2007. Compte tenu d’une procédure initiée en l’an 2000, la prise en compte d’un taux horaire moyen de
400 fr. pour l’ensemble de la procédure sur plus de dix ans n’apparaît pas arbitraire13.
Lors de la fixation de l’indemnité, il incombe à l’autorité pénale d’interpeller expressément le prévenu sur cette question. Cette obligation résulte de l’art. 429 al. 2 CPP. Lorsque le prévenu ne réagit pas à l’invitation faite par l’autorité selon l’art. 429 al. 2 CPP de chiffrer et de justifier ses prétentions, son comportement passif peut équivaloir à une renonciation à une indemnisation14.
Lorsque le juge est amené à fixer l’indemnité pour frais de défense selon l’art. 429 al. 1 lit. a CPP, alors qu’une liste des opérations de l’avocat a été déposée, la garantie du droit d’être entendu implique qu’il doit, s’il entend s’en écarter, au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées. L’idée est que le destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause. En l’espèce, la motivation cantonale ne permet pas de déterminer quelles prestations elle a considéré comme inutiles. Le fait que les notes d’honoraires produites par le recourant n’indiquent pas en détail le temps consacré à chaque opération, mais uniquement une liste par jour des opérations et du temps global afférent, n’empêchait en particulier pas la Cour cantonale de procéder à une appréciation du temps qu’elle estimait comme utilement consacré à chaque opération. La motivation cantonale ne permet ainsi pas de vérifier la bonne application du droit fédéral. Il en va de même s’agissant des raisons qui ont poussé l’autorité cantonale à ne pas retenir une rémunération horaire de l’avocat stagiaire de 100 fr., alors qu’elle se situerait normalement entre 180 fr. et 200 fr. à Genève15.
4. Le refus de l’indemnisation des frais de défense
Conformément à l’art. 430 al. 1 CPP, l’autorité pénale peut réduire ou refuser l’indemnité ou la réparation du tort moral dans les cas suivants: si le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l’ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci (lit. a), si la partie plaignante est astreinte à indemniser le prévenu (lit. b) ou si les dépenses du prévenu sont insignifiantes (lit. c).
En l’espèce, les recourants ont préféré se rendre dans une localité pour en découdre, chercher l’affrontement et faire justice eux-mêmes, dans un esprit de revanche, plutôt que de suivre les conseils donnés par la police au moment où elle a été contactée, à savoir attendre le lendemain pour déposer une plainte pénale. Ils étaient munis d’un bâton en bois et ont brisé la lunette arrière d’un véhicule parqué devant la maison de la famille visée. Un tel comportement doit être considéré comme illicite et fautif, même si les recourants ont été acquittés des accusations en lien avec ces faits. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, une escalade de la violence n’était pas imprévisible. Le comportement illicite est donc bien en rapport avec l’enquête qui s’est ensuivie16.
5. L’indemnisation des frais du conseil juridique de la partie plaignante
Le siège de la matière se situe à l’art. 433 al. 1 CPP.
Lorsque le prévenu est condamné par une ordonnance pénale, la partie plaignante obtient gain de cause comme demandeur au pénal, de sorte qu’elle doit être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale. Si la partie plaignante est renvoyée à agir par la voie civile, elle ne peut pas être considérée comme ayant eu gain de cause en sa qualité de demandeur au civil, ni comme ayant succombé, en tout cas lorsqu’une ordonnance pénale a été rendue. Les frais d’avocat liés exclusivement à l’action civile ou les autres frais de la partie plaignante qui concernent uniquement la question civile ne sont pas indemnisés dans la procédure pénale en cas de renvoi de l’action civile au juge civil. La partie plaignante a qualité pour former opposition contre l’ordonnance pénale en tant qu’une autre personne concernée au sens de l’art. 354 al. 1 lit. b CPP, lorsque l’ordonnance pénale lui refuse totalement ou partiellement une indemnité17.