Droit public – assurance chômage
Dans un arrêt publié1 concernant le droit aux prestations d’assurance chômage, le TF a traité de la qualification de prestations volontaires de l’employeur au sens de l’art. 11a LACI2. Pour rappel, selon cette disposition, la perte de travail n’est pas prise en considération tant que des prestations volontaires versées par l’employeur couvrent la perte de revenu résultant de la résiliation des rapports de travail. Cela a pour conséquence que le délai-cadre d’indemnisation est repoussé, c’est-à-dire le droit de percevoir les indemnités de chômage. Une «franchise» de 148 200 francs, correspondant au salaire assuré maximum3, est cependant applicable de manière à ne pas dissuader le versement d’indemnité à titre de plan social4.
Dans le cas d’espèce, la question posée au TF était celle de savoir si le paiement d’un plan d’intéressement et de «stock option» entrait dans la catégorie des prestations volontaires de l’employeur. Le TF a répondu par l’affirmative après avoir analysé le caractère discrétionnaire ou contractuel des paiements en question5. Il a estimé que le travailleur n’avait pas de droit garanti au paiement résultant du plan d’intéressement et de «stock option», et qu’il s’agissait donc de prestations volontaires de l’employeur au sens de la LACI6. A noter qu’il s’agit d’une qualification propre à l’assurance chômage, laquelle comprend toutes prestations allouées en cas de résiliation des rapports de travail régis par le droit privé ou par le droit public et qui ne constituent pas des prétentions de salaires ou d’indemnités7.
Droit public et droit constitutionnel
Egalité de traitement (art. 8 al. 2 et 3 Cst. et art. 3 LEg)
Un arrêt du TF8 – qui aurait mérité une publication au Recueil officiel – a rappelé la situation très délicate vécue par les femmes au retour d’un congé maternité. Cela avait d’ailleurs déjà été mis en évidence quelques mois auparavant dans un rapport mandaté par l’Office fédéral des assurances sociales9.
Une dame, engagée depuis avril 2006, occupe diverses fonctions chez son employeur, avant d’être nommée responsable du groupe communication et événementiel en septembre 2015. Le mois suivant, elle informe son supérieur qu’elle est enceinte. Le jour de son retour au travail, après un congé maternité prolongé de quatre semaines, elle est licenciée, car une autre personne a été recrutée pour occuper sa fonction. L’employeur invoque une restructuration interne, tout en faisant état de l’excellente qualité du travail de cette dame dans le certificat de travail intermédiaire. Le TF a rappelé que, si l’employée parvient à rendre vraisemblable que le motif du congé réside dans sa maternité, c’est à l’employeur de prouver qu’elle aurait été licenciée même si elle n’avait pas été enceinte. En l’absence de cahier des charges, et forcément de modification de ce dernier, au regard du certificat de travail établi et de l’absence de motif objectif pour résilier le contrat, le TF a confirmé que c’est à bon droit que la Cour cantonale genevoise a octroyé trois mois d’indemnité pour licenciement abusif à la demanderesse. Le TF confirmera-t-il cette jurisprudence dans les années à venir?
Egalité de traitement – classe de rémunération d’un employé public (art. 8 al. 1 Cst.)
La garantie générale de l’égalité de traitement inscrite à l’art. 8 al. 1 Cst. impose à l’employeur public de rémunérer un même travail avec un salaire semblable. Sous réserve d’une application arbitraire de l’échelle de rémunération, les autorités disposent d’une large marge d’appréciation dans la fixation des critères de rémunération10.
En l’espèce, le litige porte sur la classe de rémunération attribuée à un enseignant dans le cadre de la réforme du système d’évaluation de la fonction publique du canton du Jura. Le recourant, enseignant dans les branches liées à l’électronique et à l’électrotechnique à l’Ecole professionnelle technique, a été colloqué en classe 17. Il se plaint d’une inégalité de traitement à l’égard d’un collègue enseignant l’anglais et qui aurait été colloqué en classe 19. A cette occasion, notre Haute Cour rappelle que les autorités peuvent choisir parmi plusieurs critères ceux qu’elles estiment comme déterminants pour la rémunération de ses fonctionnaires. Les critères pouvant être pris en considération sont l’âge, l’ancienneté, l’expérience, la charge de famille, les qualifications, le type et la durée de la formation requise pour le poste, le temps de travail, les horaires, le cahier des charges ou encore les responsabilités11.
Le TF n’a en l’espèce pas procédé à un examen détaillé des différences entre les postes qui sont sujets à comparaison. Les critiques du recourant à ce sujet ont été considérées comme appellatoires et insuffisamment motivées au sens de l’art. 106 al. 2 LTF12. Enfin, le TF rappelle que même à supposer que la collocation des enseignants d’anglais eut été erronée (à la hausse), cela ne suffit pas à reconnaître une violation de l’égalité de traitement, le principe voulant qu’il n’y a pas d’égalité dans l’illégalité y faisant obstacle13.
Interdiction de travailler le dimanche et les jours fériés (art. 18, 19 et 20a LTr)
L’interdiction de travailler le dimanche dans le domaine de l’industrie, de l’artisanat et du commerce est inscrite à l’art. 18 LTr. Dans cet arrêt, le TF rappelle que les jours fériés, au sens de la LTr ne sont pas seulement des jours «analogues» aux dimanches, mais bien «identiques» à ceux-ci14. L’art. 19 LTr prévoit, quant à lui, les conditions auxquelles il peut être fait exception à l’interdiction du travail dominical, à savoir pour le travail dominical régulier lorsque des raisons techniques ou économiques le rendent indispensable (art. 19 al. 2 LTr) ou, pour le travail dominical temporaire, en cas de besoin urgent dûment établi (art. 19 al. 3 LTr). Les mêmes règles trouvent application au travail durant les jours fériés15.
Dans le cas d’espèce, le TF a dû trancher la question de savoir si une autorisation de travailler le jour de l’Immaculée conception (jour férié selon le droit cantonal) octroyée à des commerçants de la ville de Fribourg est conforme à la LTr. En effet, l’année en question ce jour férié tombait sur le samedi 8 décembre. Les juges cantonaux avaient admis une dérogation à travailler les jours fériés, notamment au motif que l’ouverture des commerces répondait à un besoin urgent et accru au sens de l’art. 19 al. 3 LTr, dans la mesure où les magasins en question se situaient à proximité d’un marché de Noël organisé dans la même rue et que les conditions strictes posées par la jurisprudence fédérale relative à l’ouverture dominicale durant l’Avent ne trouvaient pas application au cas d’espèce, car l’autorisation requise l’était pour un samedi et non un dimanche.
La jurisprudence constante du TF16 précise qu’une ouverture dominicale durant la période de l’Avent «peut être autorisée notamment lorsqu’on peut constater une étroite corrélation entre, d’une part, l’animation résultant d’un marché de Noël, manifestation d’envergure organisée depuis plusieurs années […] et, d’autre part, l’animation due à l’ensemble de l’activité commerciale de la place, qu’il existe une véritable tradition d’ouverture dominicale des commerces liés à cet événement et que la dérogation permet de parer aux effets d’une âpre concurrence étrangère».
Pour le TF, les jours fériés sont soumis au même régime que les dimanches concernant l’interdiction de travailler qui s’y rapportent. Ainsi, la fonction des jours fériés protégés par l’art. 20a LTr consiste à offrir une même protection que celle existant pour les dimanches, sauf un autre jour de la semaine. La distinction effectuée par les juges cantonaux, qui estiment qu’un jour férié qui tombe sur un samedi serait moins «dommageable» qu’un dimanche, a même été qualifiée d’arbitraire par le TF. Il appartient par conséquent au législateur cantonal de modifier la liste des jours fériés ou d’autoriser l’ouverture des commerces pour quatre dimanches au plus (respectivement durant les jours fériés) comme le permet l’art. 19 al. 6 LTr17.
Enfin, le TF n’a pas non plus validé une autorisation de travailler fondée sur l’art. 19 al. 3 LTr, car le marché de Noël en question ne peut pas se prévaloir d’une existence de plusieurs années et la concurrence nationale invoquée ne peut pas être assimilée à la concurrence internationale18. L’autorisation octroyée de travailler le samedi de l’Immaculée conception est donc contraire au droit fédéral.
Droit privé
Résiliation du contrat de travail, heures supplémentaires (art. 321c, 336 et 337 al. 2 CO)
La théorie de l’imprévisibilité19 a été très régulièrement invoquée à la suite de la pandémie Covid-19, et en particulier depuis le mois de mars 2020. Le TF l’a, par exemple, appliquée aux heures supplémentaires pour lesquelles une responsable de nettoyage et de matériel a exigé une rétribution. Son contrat précise en l’occurrence que les heures supplémentaires sont compensées par son salaire ainsi que ses six semaines de vacances annuelles. Le TF a néanmoins considéré que, si le nombre d’heures de travail vient à excéder sensiblement ce qui peut être envisagé au moment de la conclusion du contrat, il faut qualifier d’excessive la charge de travail et envisager une rémunération conforme aux conditions de l’art. 321c al. 3 CO20. Cet arrêt sera sans doute souvent cité prochainement, pour régler les questions qui restent ouvertes, en particulier à la suite du (semi-)confinement survenu au printemps 2020 en Suisse21.
Frais, en général (327a CO)
Le travail effectué, de gré ou pas, à la maison (appelé home office ou télétravail) n’a que peu retenu l’attention du TF, ces dernières années. En avril 2019, presque une année avant le (semi-)confinement et le home office imposés en Suisse à cause de Covid-19, le TF a eu l’occasion de trancher une question désormais brûlante d’actualité: l’employeur doit-il indemniser le travailleur qui n’a d’autre choix que de travailler à la maison, faute de place de travail adéquate et durable chez son employeur? Cette indemnisation est-elle aussi due lorsque l’employé dispose d’une pièce supplémentaire et appropriée pour travailler? Le TF répond positivement à ces deux questions22: un employé devant occuper une pièce pour y effectuer son travail a a priori droit à une indemnisation. La situation est ainsi directement comparable avec l’usage d’un véhicule privé pour les besoins de l’employeur (comme réglé d’ailleurs à l’art. 327b CO).
Nul doute que cette décision sera suivie par d’autres, ces prochaines années, car de nombreuses adaptations verront le jour au regard des circonstances concrètes de chaque cas d’espèce (télétravail volontaire ou pas, bureau à disposition chez l’employeur ou pas, mise en quarantaine à titre préventif, etc.).
Protection de la personnalité du travailleur (328 CO)
Les procédures concernant des violations de la personnalité et ayant trait à du harcèlement sexuel laissent souvent un goût d’inachevé, en particulier à cause des versions très différentes des parties. Dans une affaire vaudoise, le TF a finalement rejoint l’avis de la plaignante qui avait, en l’occurrence, refusé d’avoir une relation intime avec son directeur23. Le TF s’est montré catégorique: tout envoi de messages de la part du directeur est interdit, au risque que ceux-ci soient considérés comme du harcèlement sexuel même si, dans un autre contexte, ils n’auraient pas eu de connotation sexuelle.
Résiliation immédiate et conséquences (337 et ss CO)
Le TF doit régulièrement traiter d’affaires portant sur des résiliations immédiates. On en compte plus de 15 entre avril 2019 et juin 2020.
Une infraction pénale peut constituer un juste motif au sens de l’art. 337 CO, notamment si elle a un impact direct sur la relation de travail. Un chauffard l’a appris à ses dépens. Alors qu’il ramenait au garage de son employeur une voiture de sport allemande prêtée à un client, il s’est fait contrôler à une vitesse de 136 km/h sur un tronçon dont la vitesse maximale est limitée à 60 km/h. L’employeur a pu faire valoir la rupture du lien de confiance comme juste motif de résiliation immédiate24.
Dans le monde du luxe, un horloger offre des montres à prix préférentiels à ses employés. Il précise, dans les conditions d’achat, qu’il est interdit de les revendre. L’horloger est ainsi en droit d’invoquer les justes motifs de l’art. 337 CO si ces montres sont proposées à la revente par le mari d’une employée25. Et cela, même si l’employée en question prétend les lui avoir offertes en guise de cadeau de mariage.
Le licenciement avec effet immédiat est une ultima ratio et ne peut servir à punir tout manquement à un devoir de diligence. Ainsi, si une entreprise jordanienne affecte un employé à Genève pour une période approximative de trois ans avant un poste en Jordanie, les résistances de l’employé qui veut rester en Suisse violent sans doute un certain devoir de diligence, sachant qu’un tel transfert a lieu tous les trois ans chez l’employeur. Ces tergiversations ne constituent toutefois pas en tant que telles de justes motifs26.
Dans une autre affaire, le TF a confirmé que le fait que l’employé occupe une position élevée dans la hiérarchie, avec fonction et responsabilités importantes, ne justifie pas, en faveur de l’employeur, l’octroi d’un délai de réflexion supplémentaire pour procéder au licenciement avec effet immédiat. Il précise que le délai de réflexion de sept mois octroyé dans le cas concret est excessif27. D’autant plus lorsque l’on sait que le délai usuellement accepté est de 72 heures!
Le respect d’un délai (très) court s’impose aussi aux employés qui veulent mettre un terme à leur contrat de travail avec effet immédiat. Comme le précise le TF, le délai ne commence pas à courir tant que le cumul des motifs ou, si gradation il y a, l’un d’entre eux, n’a pas atteint la gravité objective nécessaire pour être qualifiée de juste motif. Sur le principe, le délai reste de deux ou trois jours, sauf en cas de circonstances pratiques de la vie quotidienne et économique28 . La question qu’a dû trancher le TF dans cet arrêt destiné à publication29 concerne l’interprétation d’un contrat conclu lors d’un transfert d’entreprise (voir aussi 333 CO à ce propos). Le contrat, conclu avec le chef d’entreprise sortant, prévoit que le taux d’engagement de ce dernier passe à 80%. Il précise également qu’une résiliation avant la retraite n’est possible que si des «impondérables» devaient survenir. Selon le TF, une telle clause doit s’interpréter selon le principe de la confiance. En l’espèce, les parties avaient voulu offrir une protection jusqu’à la retraite du chef d’entreprise sortant. La résiliation des rapports contractuels, sans motif particulier, a donc été considérée comme une violation de l’accord conclu. Seuls des motifs suffisants, qui n’auraient pas résulté de la gestion du transfert de l’entreprise, auraient permis de mettre fin à la relation de travail30. Cela étant, le TF a pris la peine de préciser que les motifs qui auraient permis une fin de rapports contractuels ne devaient quand même pas être aussi graves que ceux résultant de l’art. 337 al. 2 CO, soit d’une impossibilité de poursuivre la relation de travail. Lorsqu’un accord garantit le maintien en poste du chef d’entreprise sortant jusqu’à sa retraite en vue de faciliter la succession à la tête de l’entreprise, une résiliation du contrat n’est possible qu’en présence de motifs suffisants émanant de l’attitude de l’employé. Tel serait en particulier le cas, lorsque le chef d’entreprise sortant perturbe sa succession ou manque de coopération à l’égard de son successeur. La charge de la preuve d’une telle violation contractuelle incombe à l’employeur31.
Transfert d’entreprises (art. 333 CO)
L’art. 333 CO prévoit que, en cas de transfert total ou partiel d’une entreprise, l’acquéreur acquiert tous les droits et obligations qui en découlent au jour du transfert, à moins que le travailleur s’y oppose. Le TF n’avait jamais tranché la question suivante, pourtant essentielle: le licenciement d’un travailleur prononcé dans le seul but de faciliter le transfert est-il valable? En d’autres termes: est-ce que, en cas de fraude à l’art. 333 CO, le congé donné peut être déclaré nul? La question est particulièrement sensible, vu que le droit suisse ne contient que deux normes qui permettent de rendre caduc un licenciement, à savoir l’art 336c CO (nullité de plein droit) et l’art. 10 LEg (annulabilité). C’est pourtant par la petite porte – par un arrêt qui n’est pas destiné à être publié au Recueil officiel – que le TF vient d’élargir la liste des motifs qui rendraient nul un licenciement: il a retenu la nullité du congé donné par une chaîne de distribution qui a, en l’occurrence, donné son congé à une vendeuse dans le seul but de donner les mains libres au repreneur du point de vente32, ce qui constitue une fraude à l’art. 333 CO. Feu de paille ou nouvelle création jurisprudentielle? Seul l’avenir le sait.
Clause de prohibition de concurrence (art. 340 et 340a CO)
Une employée démissionnaire est engagée par une société concurrente et ce, nonobstant la clause de prohibition de concurrence qui la lie à son ancien employeur. Ce dernier fait valoir la clause pénale rattachée à la clause de non-concurrence. L’employée fait pour sa part valoir que la formulation de la clause, interdisant «toute activité concurrente», «pour toute la Suisse» et «durant trois ans», est trop large. L’objet principal de l’affaire réside donc dans le manque de précision de la clause quant aux activités concurrentes prohibées.
Dans cet arrêt publié33, le TF rappelle tout d’abord à quelles conditions une clause de prohibition de concurrence est valable selon l’art. 340a al. 1 CO. Une telle clause doit être prévue sous forme écrite (art. 340 al. 1 CO cum art. 11 al. 2 CO). L’art. 340a al. 1 CO prescrit par ailleurs qu’elle doit être limitée convenablement quant au lieu, au temps (en général pas au-delà de trois ans) et au genre d’affaire.
Selon l’employée, la formulation «toute activité concurrente» (jeder konkurrenzierender Tätigkeit) ne constitue pas une formulation suffisamment précise. Elle ne respecte dès lors par l’exigence de la forme écrite pour la délimitation du champ d’application de la clause de prohibition de concurrence34. En effet, conformément à la jurisprudence constante, lorsqu’une forme particulière est exigée, il convient que le contenu principal soit formulé de manière suffisamment précise en la forme prescrite35. Dans un arrêt ancien non publié, le TF avait déjà retenu que, pour être valable, une clause de non-concurrence devait comprendre la détermination du lieu, du temps et de son objet, et ce, en la forme écrite36.
Le TF en profite pour rappeler à quelles conditions un revirement de jurisprudence est justifié: tel ne sera le cas que si la nouvelle solution correspond à une meilleure compréhension de la ratio legis, à un changement de circonstances extérieures ou à un changement d’opinion juridique. A défaut, la pratique antérieure doit être maintenue. Une modification de la jurisprudence doit, par conséquent, être fondée sur des raisons factuelles sérieuses, qui – notamment en vue de garantir la sécurité du droit – doivent être d’autant plus importantes que l’application du droit, considéré comme incorrect ou dépassé, a été appliquée longtemps37.
Après avoir examiné les opinions de la doctrine, laquelle retient majoritairement que pour être valable une clause de prohibition de concurrence doit décrire sa portée concrète par écrit38, le TF indique que, selon l’interprétation actuelle, une clause de non-concurrence dont la portée temporelle, de lieu et objective n’est pas conclue en la forme écrite et ne peut pas être déterminée par une interprétation conforme au principe de la confiance, n’est pas valable39.
Pour le TF, une clause prohibant «toute activité concurrente» constitue une formulation néanmoins suffisamment précise et permet de comprendre, conformément au principe de la confiance et des méthodes générales d’interprétation, quelles activités sont visées par la clause de non-concurrence. En ce sens, elle répond également à l’exigence de la forme écrite40. En définitive, le TF a refusé d’élargir les conditions d’examens de validité des clauses de prohibition de concurrence.
Impossibilité de renoncer et prescription (art. 341 CO) et réserve en faveur du droit public (art. 342 CO)
Les employeurs suisses sont tenus de respecter des obligations de droit public, en particulier au niveau salarial. Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail du lieu, de la profession et de la branche (art. 22 LEtr). Dans ce cadre, il y a lieu de tenir compte, par exemple, de conventions collectives et de contrats-types. Par un arrêt rendu le 19 mai 202041, le TF a traité, à l’aune de ces dispositions, la situation d’une employée de maison engagée à Genève par un couple de fonctionnaires internationaux. Au terme d’un peu plus de trois ans de relation de travail, les parties ont signé en décembre 2010 un «Accord de règlement du litige» en vertu duquel les employeurs s’engageaient à verser 9000 francs à l’employée qui s’engageait en échange à cesser toute action juridique à leur encontre. L’accord devait valoir pour solde de tous comptes et toutes prétentions.
La Cour cantonale confirme, en 2018, que l’employée a bel et bien droit au versement de plus de 100 000 francs à titre de salaire (compensation entre salaire reçu et salaire conforme au contrat-type en vigueur à Genève). Elle aurait également doit à près de 90 000 francs, correspondant à la rémunération des heures supplémentaires et du travail du dimanche. Quant à l’accord signé par les parties en décembre 2010, le TF l’a considéré illicite du fait qu’il faisait fi des obligations de droit public des employeurs. Le TF précise par ailleurs qu’il importe peu que la convention de décembre 2010 ait été passée plus d’un mois après la fin des rapports de travail (cf. art. 341 al. 1 CO)42: les employeurs ne peuvent pas s’opposer valablement aux prétentions de l’employée fondées sur le droit public, et cela même si une convention a été signée par les parties.
Cette décision en rappelle une autre, publiée, il y a quelques années, au Recueil officiel du TF et qui avait écarté l’application du droit chilien choisi par les parties au moment de la signature du contrat. L’application du droit suisse avait été exigée par le TF, ce qui impliquait notamment le respect des salaires minimaux genevois43. y
1 ATF 145 V 188.
2 Loi fédérale sur l’assurance chômage du 25 juin 1982 (RS 837.0).
3 Art. 3 al. 2 LACI et art. 22 al. 1 OLAA (RS 832.202).
4 ATF 143 V 161 c. 3.5.
5 A ce sujet et sur la distinction entre bonus déterminé ou indéterminé, voir ATF 141 III 407.
6 ATF 145 V 188 c. 5.3.2.
7 ATF 145 V 188 c. 3.4.
8 Arrêt 4A_59/2019 du 12 mai 2020.
9 Voir le rapport du bureau BASS publié sur internet buerobass.ch/fileadmin/Files/2018/BSV_2018_ErwerbsunterbruecheGeburt_Schlussbericht.pdf (consulté en août 2020). Selon l’enquête menée, au total, 6% des femmes interrogées ont renoncé de leur propre initiative à leur emploi après la naissance de leur enfant et 3% ont été licenciées par leur employeur.
10 TF 8C_107/2019 du 4.6.2019, c. 4.2.2; voir également ATF 143 I 65, c. 5.2.
11 TF 8C_107/2019 du 4.6.2019, c. 4.2.2; voir également ATF 143 I 65 c. 5.2.
12 TF 8C_107/2019 du 4.6.2019, c. 4.3.
13 TF 8C_107/2019 du 4.6.2019, c. 4.3; plus spécifiquement sur la question de l’absence d’égalité dans l’illégalité, voir TF 1C_231/2018 du 13.11.2018, c. 4.1.
14 ATF 145 II 360 c. 3.1.
15 Art. 20a LTr; ATF 145 II 360 c. 3.2.; TF 2C_892/2011 du 17.3.2012 c. 3.1.
16 ATF 145 II 360 c. 3.5 et les réf. citées.
17 ATF 145 II 360 c. 3.7.
18 ATF 145 II 360 c. 3.8.
19 La terminologie classique l’exprime en latin «Clausula rebus sic standibus» et rattache cette «institution» à l’art. 2 CC.
20 Arrêt 4A_485/2019,
21 Voir en ce sens. Jean-Philippe Dunand, Paiement des heures supplémentaires et théorie de l’imprévision; comment de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2019, Newsletter DroitDuTravail.ch avril 2020.
22 Arrêt 4A_533/2018 du 23 avril 2019, c. 6.2.
23 Arrêt 4A_544/2018 du 29 août 2019.
24 TF 4A_54/2020 du 25 mars 2020.
25 TF 4A_186/2019 du 20 décembre 2019.
26 TF 4A_604/2019 du 30 avril 2020.
27 TF 4A_206/2019 du 29 août 2019.
28 TF 4A_610/2018 du 29 août 2019, c. 4.2.2.1 et la jurisprudence citée.
29 TF 4C_203/2019 du 11.5.2020, destiné à publication aux ATF, c. 3.5.
30 TF 4C_203/2019 du 11.5.2020, destiné à publication, c. 3.5.1.
31 TF 4C_203/2019 du 11.5.2020, destiné à publication, c. 3.5.2.
32 TF 4A_102/2019 du 20.12.2019, commenté par Werner Gloor, Licenciement en vue du transfert de l’entreprise: commentaire de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_102/2019 Newsletter DroitDuTravail.ch, juin 2020.
33 ATF 145 III 365 c. 3.
34 ATF 145 III 365 c. 3.1.
35 ATF 122 III 361 c. 4; TF 4C.44/2002 du 9.7.2002 c. 2.2-2.4.
36 TF 4C.385/1991 du 23.10.1992 c. 4b.
37 ATF 145 III 365 c. 3.3; ATF 144 III 209 c. 2.3; 143 IV 9 c. 2.4; 137 III 352 c. 4.6.
38 ATF 145 III 365 c. 3.4 et les réf. citées.
39 ATF 145 III 365 c. 3.5.1 et les réf. citées.
40 ATF 145 III 365 c. 3.6.
41 Arrêt TF 4A_493/2019 du 19 mai 2020.
42 Arrêt TF 4A_493/2019 du 19 mai 2020, c. 4.2.
43 ATF 138 III 750.