Accès au stage
d’avocat :
quel bachelor ?
Dans un arrêt 2C_300/2019 du 31 janvier 2020 (ATF 146 II 309), le TF procède à une clarification bienvenue des conditions d’accès au stage d’avocat2. L’autorité cantonale avait refusé l’inscription au registre cantonal des avocats stagiaires d’une Suissesse considérant que les conditions de l’art. 21 LPAv/VD3 n’étaient pas remplies. La recourante était diplômée de droit de l’Université de Lyon (également en droit anglais et droit allemand) et d’un master « droit international et comparé » de l’Université de Lausanne. Elle avait suivi de courts stages dans deux études lausannoises et travaillé quelques mois comme assistante juridique pour un avocat genevois. Selon elle, le refus de son inscription viole l’ALCP4 et le principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), la LPav/VD allant plus loin que l’art. 7 LLCA dont l’alinéa 3 prévoit que « le bachelor en droit est une condition suffisante pour l’admission au stage ». Quid d’une situation, comme ici, où le candidat au stage n’a pas de bachelor en droit suisse, mais est titulaire d’un master en droit suisse, soit un titre universitaire hiérarchiquement plus élevé qu’un bachelor ? L’art. 7 al. 3 LLCA pose-t-il une condition uniquement suffisante ou une condition nécessaire pour l’accès au stage d’avocat ?
Vu le manque de clarté de cette disposition, et dès lors que les interprétations littérale et systématique ne permettent pas de dégager le véritable sens de cette norme5, le TF a procédé à l’interprétation historique6. Il retient que le Message du CF7 sur lequel se fonde la doctrine n’est pas déterminant, car le « législateur est parti de la fausse prémisse que la titularité d’un master en droit garantirait une connaissance suffisante des bases du droit suisse ». Or, il ne ressort pas des travaux préparatoires que les cantons devraient délivrer le brevet à des candidats n’ayant pas des connaissances et des compétences minimales en droit suisse, nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat. Le TF procède ensuite à l’interprétation téléologique, rappelant l’intérêt protégé par l’art. 7 al. 3 LLCA. L’exigence de disposer d’une connaissance suffisante des bases du droit suisse ue la titularité d’un master en droit suisse ne permet pas à elle seule de garantir épond à un intérêt public important. En l’espèce, le master de la recourante portait sur des matières ne permettant pas d’attester une connaissance de base des branches fondamentales du droit suisse. Elle n’avait obtenu aucun crédit en procédure civile, droit civil, droit des obligations, des poursuites, droit pénal général, droit constitutionnel et droit international privé suisses, alors même que des connaissances dans ces matières sont nécessaires pour l’activité de l’avocat stagiaire8, qui peut, dans le canton de Vaud, dans les limites de la loi, « conseiller, assister et représenter les parties devant les juridictions civile, pénale et administrative »9. Il est ainsi dans l’intérêt des justiciables et d’une bonne administration de la justice que les avocats stagiaires aient une formation suffisante de base en droit suisse. Vu les intérêts publics en jeu, l’art. 7 al. 3 LLCA doit être interprété en ce sens qu’un bachelor en droit suisse (ou un diplôme équivalent) est une condition nécessaire pour l’inscription au stage d’avocat, même si le candidat est titulaire d’un master en droit suisse, cette approche étant la seule qui permette de garantir que les stagiaires ont des connaissances de base nécessaires pour l’exercice de leur activité.
Les garanties
de l’art. 6 § 1 CEDH dans la procédure
disciplinaire
Parmi les arrêts marquants de cette année, il convient de signaler les arrêts TF 2C_204/2020 (destiné à la publication) et 2C_205/2020, du 3 août 2020, où le TF a souligné que les garanties procédurales découlant de l’art. 6 § 1 CEDH s’appliquent dans le cadre de la procédure disciplinaire des avocats. Il s’agit d’une contestation civile au sens de l’art. 6 § 1 CEDH. En l’espèce, l’avocat qui s’était vu infliger un avertissement avait recouru au Tribunal cantonal et sollicité la tenue d’une audience. Le TF a considéré que le droit du recourant à une audience publique garanti par l’art. 6 § 1 CEDH avait été violé, cela même s’il s’était vu infliger un avertissement, dès lors que le catalogue des sanctions prévues par l’art. 17 al. 1 LLCA comporte l’interdiction de pratiquer. L’avocat devait pouvoir s’exprimer oralement au moins une fois dans la procédure. Une telle analyse s’impose, notamment au vu de la jurisprudence de la CourEDH10. Le fait qu’elle soit ainsi clairement affirmée dans ces arrêts est d’autant plus important que d’autres arrêts du TF paraissent exprimer le contraire11.
Honoraires d’avocats : quelques rappels
Dans un arrêt 2C_205/201912 rendu à cinq juges, étonnamment non destiné à la publication, le TF rappelle les exigences en matière d’honoraires de l’art. 12 let. e LLCA, en particulier l’interdiction du pactum de quota litis, et il confirme les conditions cumulatives autorisant un pactum de palmario selon sa jurisprudence13, étant précisé que le fait que ce soit le client qui ait pris l’initiative de conclure la convention n’est pas pertinent14. Le TF traite ensuite de l’interdiction des honoraires excessifs, contraires à l’art. 12 let. a LLCA, tout en précisant que, même si la convention d’honoraires est signée avec une société d’avocats, c’est bien l’avocat lui-même qui s’expose à des sanctions disciplinaires15. De plus, malgré la liberté contractuelle en la matière, une restriction se justifie pour des motifs d’intérêt public16. L’autorité peut intervenir en cas d’honoraires manifestement excessifs, en tenant compte des circonstances concrètes de l’espèce. Sur le caractère excessif d’honoraires, le TF retient que tel est le cas lorsque ceux-ci dépassent de deux à trois fois le tarif appliqué usuellement dans le canton. Même si de tels écarts ne violent pas forcément l’art. 12 let. a LLCA, ils doivent être justifiés par divers motifs17, par exemple l’urgence, la complexité de l’affaire, la valeur litigieuse, les compétences spécifiques de l’avocat, ses frais généraux, etc. En l’espèce, le tarif horaire pratiqué était de 910 fr. (soit de deux à trois fois le tarif horaire usuel à Saint-Gall), pour une note d’honoraires de 420 069 fr. 20 (TVA comprise) pour l’activité déployée entre le 27 novembre 2015 et le 23 mai 2017. Le TF a retenu un caractère excessif crasse, d’autant que l’affaire ne présentait pas de difficultés particulières18. Il a admis la proportionnalité de l’amende disciplinaire de 10 000 fr. infligée à l’avocat. Dans un arrêt 2C_314/2020 du 3 juillet 2020, le TF a précisé la portée des art. 400 al. 1 CO et 12 let. i LLCA19. En substance, le client a le droit de réclamer un décompte des honoraires, avec le détail des activités déployées et le temps consacré à celles-ci, droit qui existe y compris après le paiement des honoraires et sans égard au mode de rémunération en cause.
Liberté d’expression
de l’avocat :
étendue et limites
Depuis le début de l’année, le TF a rendu plusieurs arrêts20 sur les limites de la liberté d’expression (art. 10 CEDH, 16 Cst.) de l’avocat et, partant, la portée de l’art. 12 let a LLCA dans ce cadre, rappelant sa jurisprudence. Le premier devoir professionnel de l’avocat consiste à défendre les intérêts de ses clients. Il dispose d’une large marge de manœuvre pour déterminer les moyens et les stratégies les plus aptes à réaliser ce but21. Il peut défendre les intérêts de ses clients vigoureusement et s’exprimer de manière énergique. Une certaine marge d’exagération, voire de provocation, doit être acceptée22. Tous les moyens ne sont toutefois pas permis. Un comportement inutilement agressif n’est pas une manière d’exercer avec soin et diligence. L’avocat assume une tâche essentielle à l’administration de la justice, en garantissant le respect des droits des justiciables, jouant ainsi un rôle important pour le bon fonctionnement des institutions judiciaires au sens large23. Cela implique qu’il s’abstienne de tout acte pouvant remettre en cause la confiance qui doit pouvoir être placée dans la profession et adopte un comportement correct dans son activité. Il doit contribuer à ce que les conflits se déroulent de manière professionnelle et s’abstenir de tenir des propos inutilement blessants24. « L’avocat n’agit pas dans l’intérêt de son client s’il se livre à des attaques excessives inutiles, susceptibles de durcir les fronts et de conduire à une escalade dans le conflit. » Le fait que les propos sont tenus par écrit est un caractère aggravant. On peut attendre de l’avocat qu’il fasse alors preuve de plus de retenue que lorsqu’il s’exprime oralement « dans le feu d’une séance », car il a le temps « de peser ses mots, réfléchir à leur portée et d’éviter les formulations excessives ». Cela étant, seul un manquement significatif aux devoirs de la profession tombe sous le coup de l’art. 12 let. a LLCA. Trois affaires illustrent ce qui précède.
Dans un arrêt TF 2C_307/2019 du 8 janvier 2020, dans le cadre d’un litige successoral, un avocat avait adressé à son confrère un courrier contenant les passages suivants : « 1. Pour rester polis, nous dirons qu’il apparaît que la maxime qui paraît présider à votre intervention (…) est la surabondance d’absurdités et de revirements, qu’une agressivité déchaînée t plus que déplacée eine à masquer. Cette agressivité dépasse en soit toutes les bornes.
2. (…) Vous vous êtes fait plaisir personnellement. Il est connu que vous portez une animosité personnelle (peut-être de la jalousie professionnelle) contre Me C. Vous avez agi selon vos propres désirs, par animosité personnelle envers Me C. et pour vous amuser à semer la discorde au sein de la famille E. (…) 5. Nous avons certes compris que votre approche est autre : faire régner la discorde dans la famille E. paraît, pour vous, un but en soi. Vous souhaitez ardemment que des procédures aient lieu, et vous brandissez avec régal la menace de plaintes pénales, fondées sur des allégations relevant de l’imaginaire. 6. En bref, notre opinion est que vous défendez vos envies infiniment plus que les intérêts de votre mandante. 7. Vos propos sont donc faux. Ils font plus que friser le ridicule. Vous préférez construire votre position acrimonieuse sur un dossier « rêvé » par vous-même, plutôt que vous baser sur des faits. 8. Nous savons que vous êtes animé d’une passion pour les dénonciations de vos confrères. Des livres entiers ont été écrits à ce sujet. 9. Il est regrettable que vous ayez choisi d’empêcher cet accord favorable à votre mandante d’être mis en œuvre, en proférant pour ce faire des contre-vérités (…). Surtout, le sabotage du travail effectué par votre prédécesseur pendant 18 mois aboutira in fine à porter gravement atteinte aux intérêts de votre mandante. » Rappelant que le litige ne doit pas prendre une tournure personnelle entre les représentants des parties, le TF a retenu qu’une telle attitude était de nature à entraver le bon fonctionnement de la justice et, surtout, à mettre en péril la protection efficace des clients. Le recourant a mis en cause « frontalement de manière inutilement virulente et sans aucune nuance les compétences professionnelles de son confrère et son éthique professionnelle. Ces attaques personnelles étaient désobligeantes, gratuites et inutilement blessantes » et n’étaient pas dans l’intérêt de ses clientes, « car elles étaient propres à entraîner un durcissement des fronts et une escalade dans le conflit » opposant les parties. Les premiers juges n’avaient en outre pas à investiguer le bien-fondé des critiques du recourant pour déterminer s’il avait violé l’art. 12 let. a LLCA, car, sinon, cela reviendrait à admettre qu’un avocat peut s’exprimer sans limites dans le ton, du seul fait que ses critiques seraient justifiées, ce qui serait contraire au devoir de l’avocat de conserver en tous temps une certaine distance et un comportement professionnel. L’avertissement infligé à l’avocat a été confirmé.
Dans l’arrêt 2C_167/2020 du 13 mai 2020, le TF a examiné ces propos d’un avocat tenus dans un recours contre une décision cantonale refusant à son client l’inscription au tableau des avocats des Etats membres de l’UE : « La situation relève d’une schizophrénie totale où l’autorité attaquée d’un côté, reconnaît la qualité d’avocat du recourant en l’adressant notamment avec le terme « Maître » et, de l’autre côté, refuse pertinemment de l’inscrire sur la liste publique des avocats », ajoutant que la façon de présenter les choses par les juges cantonaux est « immonde ». Le recours avait été rejeté en 201625 par le TF qui avait mis en garde le recourant « sur ses écarts de langage », propos inconvenants (art. 42 al. 6 LTF) manquant de respect envers les autorités. L’avocat a ensuite été sanctionné pour violation de l’art. 12 let. a LLCA. Le TF a rappelé que, dans un Etat de droit, l’avocat a « le devoir et le droit de relever les anomalies et de dénoncer les vices de la procédure » et que « le prix à payer pour cette liberté de critiquer l’administration de la justice revient à s’accommoder de certaines exagérations. Si l’avocat se voit interdire une critique non fondée, il ne lui est plus possible de présenter sans risque une critique éventuellement fondée ». Dès lors, ce n’est que s’il formule des critiques de mauvaise foi ou dans une forme attentatoire à l’honneur qu’il viole ses obligations. Pour apprécier si un terme est couvert par la liberté d’opinion de l’avocat, il faut procéder à une interprétation objective, selon le sens que le destinataire devait lui donner dans les circonstances de l’espèce. Si le sens est ambigu, il faut retenir l’interprétation qui n’entraîne pas de sanctions, pour éviter « par effet d’intimidation, de réfréner des opinions autorisées, ce qui ne serait pas compatible avec le droit fondamental de la liberté d’expression »26. En l’espèce, le TF a retenu qu’il n’est pas exclu que le recourant ait compris comme étant contradictoire le fait que l’autorité cantonale ait utilisé le terme « Maître » pour se référer à son client, alors qu’il refusait de l’inscrire au barreau. « L’expression litigieuse pouvait être comprise dans le sens où le requérant souhaitait soulever le manque de cohérence d’un raisonnement du tribunal et non pas porter un jugement sur la santé mentale des juges. » Dès lors, « l’expression « schizophrénie totale » se rapportant à une « situation » reflète certes un mode d’expression un peu outrancier, mais reste admissible » et couverte par la liberté d’expression. En revanche, en qualifiant le raisonnement du tribunall cantonal d’« immonde », le recourant a dépassé les limites27. « L’utilisation du terme « immonde », qui désigne dans un sens figuré « ce qui a le caractère d’une extrême immoralité ou d’une bassesse ignoble et révoltante », peut s’apparenter à des propos portant atteinte à l’honneur et ne saurait être acceptée de la part d’un avocat dans sa relation avec une autorité judiciaire ». Le fait que son écriture ne serait pas largement diffusée ne change rien. En utilisant dans son mémoire ces termes déplacés, voire irrespectueux, le recourant ne pouvait ignorer qu’ils pourraient figurer dans l’arrêt du TF et être ainsi portés à la connaissance de tous28.
Un troisième arrêt (TF 2C_243/2020 du 25 juin 2020) porte notamment sur des critiques de l’avocat émises à l’encontre de la directrice d’un institut qui avait réalisé une expertise sur l’aptitude de la conduite d’un client de l’avocat, lequel avait écrit à la directrice que ses conclusions étaient « iniques et arbitraires ». Après que cette dernière l’a dénoncé à l’Autorité de surveillance, le recourant lui a adressé un courrier lui impartissant « un unique délai pour la retirer en se réservant le droit d’envisager la piste pénale », citant l’art. 181 CP. Or, rappelle le TF, l’avocat ne peut se servir de moyens juridiques inadéquats pour exercer des pressions29. Ces propos ne sont, ici, d’aucune utilité dans la bonne défense des intérêts du client. L’avocat s’en prend sans raison personnellement à l’experte, critiquant sa « désinvolture » et sa « vision arbitraire », sans s’en tenir à une critique factuelle. De plus, rien ne justifiait que le recourant exige de la directrice le retrait de sa dénonciation. S’il estimait qu’il n’avait rien écrit d’inutilement vexatoire ou d’attentatoire à l’honneur, il n’avait qu’à le faire valoir devant la Commission de surveillance, qui avait déjà été saisie. Quant au fait qu’il prétend n’avoir formulé qu’une « réserve usuelle de la part d’un avocat », l’argument frise la témérité selon le TF (c. 3.5.3), qui rappelle que la menace du dépôt d’une plainte pénale sans fondement pour obtenir le retrait d’une dénonciation est inacceptable30.
Autres violations
Dans l’arrêt précité, le TF a aussi rappelé31 que le non-respect de la loi constitue un manquement au devoir de l’avocat d’exercer sa profession avec soin et diligence. Il s’agissait, en l’espèce, d’une violation de l’art. 235 al. 3 CPP, dès lors que le recourant avait transmis à sa cliente en détention un courrier de son concubin. L’art. 12 LLCA est également violé32 par l’usage abusif des procédures disciplinaires, car les règles professionnelles de l’avocat exigent de lui « non seulement de s’abstenir de procédés illégaux, mais également de ne pas user de moyens légaux d’une manière qui, dans le cas particulier, s’avère abusive, inadéquate ou disproportionnée ». En l’espèce, il a été reconnu que l’avocat qui avait dénoncé son confrère pour avoir produit un courrier soumis aux réserves d’usage ont la production est strictement prohibée33 avait pertinemment au moment de sa dénonciation que son confrère n’était pas à l’origine de cette production.
Dans un arrêt 6B_247/201934 du 22 juin 2020, non destiné à la publication, mais rendu à cinq juges et largement relayé par la presse, le TF a retenu qu’un avocat qui avait produit dans un procès civil de droit du travail un document couvert par le secret bancaire avait violé l’art. 47 al. 1 let. c LB35. L’avocat, qui n’avait pas agi avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA) ne pouvait se prévaloir de l’art. 14 CP36. Il n’était en effet objectivement pas nécessaire de produire l’entier de ce document contenant des données soumises au secret bancaire. La violation ne pouvait donc être justifiée par les obligations professionnelles de l’avocat37.
Cette année encore, des arrêts38 ont été rendus sur l’interdiction de postuler de l’avocat. Faute de place, nous ne nous y arrêterons pas, si ce n’est pour relever que le risque concret de conflit d’intérêts est régulièrement reconnu par le TF, notamment en cas de représentation de plusieurs prévenus par le même avocat (cf. art. 127 CPP). La défense simultanée est limitée notamment par les règles posées par la LLCA39. S’il est vrai qu’un risque purement abstrait ou théorique inhérent à toute représentation multiple ne suffit pas pour justifier une interdiction de représentation et que la simple possibilité que « les intérêts des prévenus viennent à diverger en fonction des éléments que pourrait révéler l’instruction aux débats » est insuffisante, il n’en reste pas moins que « compte tenu de leur implication différente et de leurs positions respectives, il est possible que, en cas d’admission de la thèse de l’accusation, l’un ou l’autre des prévenus ne soit tenté de minimiser sa participation ou de charger ses coprévenus au gré des développements ultérieurs de la procédure ».
Consultation
du dossier par l’avocat
Compte tenu de l’intéressante question qu’il traite, il sied de mentionner aussi l’arrêt TF 1B_474/2019 du 6 mai 2020 destiné à la publication, concernant la consultation d’une pièce du dossier par le seul conseil, dans le cadre de l’application des art. 102 al. 1 et 108 CPP. L’obligation imposée à l’avocat de garder certains faits secrets vis-à-vis de son client prévenu peut entrer en conflit avec les devoirs de fidélité et de diligence (art. 398 al. 2 CO, 12 let. a LLCA)40. L’avocat étant tenu de conseiller efficacement son client, cela implique de l’informer des options envisageables, avec les chances et les risques de celles-ci41. Or, une décision interdisant à un avocat de communiquer à son mandant des données du dossier pénal peut empêcher une défense efficace42. Dès lors, les avocats des prévenus, pour pouvoir exercer leur mandat conformément aux règles de la profession (réservées par l’art. 128 CPP) et les conseiller utilement « doivent à tout le moins pouvoir leur rapporter, après la consultation de la version originale du rapport, les éléments qu’ils estiment pertinents pour l’enquête ». Ainsi, une interdiction pure et simple de faire état à leurs clients du contenu de la pièce restreint de manière disproportionnée le droit d’accès au dossier. Il est aussi contraire au droit fédéral d’assortir une telle décision de la sanction prévue par l’art. 292 CP (c. 3.2.3). Une telle commination compromet une exécution du mandat conforme aux art. 398 al. 2 CO, 12 let. a et b LLCA. S’il y a des éléments pertinents pour l’enquête, le défenseur « se retrouverait devant un dilemme qu’il ne pourrait résoudre qu’en s’exposant à une sanction pénale ou en violant ses obligations découlant du mandat d’avocat, empêchant de la sorte les prévenus de disposer d’une défense efficace », et si une procédure pénale devait être ouverte contre l’avocat, celui-ci pourrait avoir « intérêt à évoquer, pour sa défense, des éléments couverts par le secret professionnel le liant à son client, ce qui ne serait pas admissible ».
Publication
d’une sanction infligée
à un avocat
Signalons enfin un arrêt du Tribunal cantonal vaudois43 qui, se référant notamment à la jurisprudence fédérale rendue en application de la LPMéd44, retient à juste titre que la publication d’un avertissement, d’un blâme ou d’une amende sanctionnant un avocat viole le droit fédéral, qui règle exhaustivement les sanctions disciplinaires. Le catalogue des sanctions prévues par l’art. 17 LLCA ne contient pas une telle publication, qui constituerait dès lors, « dans la mesure où l’avocat sanctionné est reconnaissable », une sanction supplémentaire contraire à la LLCA. La CDAP a retenu que, dans cette mesure, le droit fédéral restreint le principe de la transparence et s’oppose à la publication de la décision de l’Autorité de surveillance sur le site internet de l’Etat de Vaud dans une version anonymisée lorsque l’avocat reste identifiable (cf. art. 3 let. a LPD), même lorsque la décision est caviardée et que le nom de l’avocat n’apparaît pas. ❙
* Avocate, Dr en droit, LL.M., ancienne chargée de cours en droit de la profession d’avocat à l’UNIL
1 ormis l’arrêt 2C_205/2019,les arrêts traités ont été rendus en 2020 et choisis parmi les arrêts publiés jusqu’au 30.9.2020.
2 l clarifie aussi la portée de l’art. 7 al. 1 LLCA quant aux conditions de délivrance du brevet d’avocat. Cf. N. Zufferey (Le bachelor en droit suisse comme condition d’admission au stage d’avocat, in lawinside.ch/913/ du 23.5.2020). Sur cet arrêt, cf. aussi G. Geissbühler/T. Barth,
This ! Is ! Bachelor !, in dRSK du 28.5.2020.
3 Loi vaudoise du 9.6.2015 sur la profession d’avocat (LPAv ; RSV 177.11).
4 Grief écarté au cons. 3.1 : « La Suisse est fondée à évaluer les connaissances en droit suisse d’une personne qui sollicite son inscription au tableau des avocats stagiaires, en prenant en considération la formation théorique et l’expérience professionnelle du requérant » ;
cf. TF 2C_831/2015 c. 4.1. Et le refus n’est pas discriminatoire, la recourante ne se trouvant pas dans la même situation qu’une personne titulaire d’un brevet d’avocat (c. 3.2).
5 6 Cons. 4.4.3.
7 Message du Conseil fédéral du 26.10.2005 concernant la modification de la LF sur la libre circulation des avocats, FF 2005 6207 ss, spéc. 6217.
8 Les lacunes dans le parcours académique de la recourante n’étaient, de plus, pas compensées par ses activités professionnelles « qui portent au total sur environ une année et incluent plusieurs stages », mais ne sont « pas propres à démontrer que l’intéressée aurait acquis des connaissances suffisantes en droit suisse » (c. 3.1).
9 Cf. not. art. 28 al. 1 LPAv/VD.
10 Par exemple, CourEDH Foglia c. Suisse du 13.12.2007, requête N° 35865/04, § 62 ; Landolt c. Suisse du 31.8.2006, requête
N° 17263/02.
11 Par exemple, TF 2C_307/2019 du 8.1.2020 cons. 6 (et les arrêts cités) : « De jurisprudence constante, l’avertissement prononcé au titre de sanction disciplinaire, qui n’affecte pas l’exercice de la profession, n’entre pas dans le champ de protection de l’art. 6 § 1 CEDH. » L’arrêt 2C_204/2020 paraît ainsi constituer un changement de jurisprudence.
12 Rendu le 26.11.2019. Sur cet arrêt, cf. T. Barth, Pactum de palmario et honoraires excessifs, in CJN publié le 17.2.2020 ; W. Fellmann, Übersetztes Anwaltshonorar als Berufspflichtverletzung und das vermeintliche Recht der Kantone, das Anwaltshonorar zu regulieren, in Revue de l’avocat 2020, p. 37 ss.
13 Cf. ATF 143 III 600 c. 2,
soit en résumé : le pactum de palmario ne doit pas permettre de contourner l’interdiction du pactum de quota litis en prévoyant une trop faible rémunération de base ; la prime au résultat ne doit pas constituer un avantage excessif mettant en péril l’indépendance de l’avocat et une telle convention doit être conclue au début du mandat ou après la fin du litige.
14 Cons. 3.3, 3.4. Car l’interdiction est motivée par l’intérêt public de garantir l’indépendance de l’avocat.
15 Cons. 4.1.
16 Cons. 4.2.
17 Cf. les divers éléments mentionnés au consid. 4.3 (cf. aussi c. 5.1).
18 Cons. 5.
19 Et des art. 18 al. 3 et 21 du Code suisse de déontologie de la FSA.
20 TF 2C_243/2020 du 25.6.2020 c. 3.5.1 ; 2C_307/2019 du 8.1.2020 c. 7 ; 2C_167/2020 du 13.5.2020 c. 3.5 ; et les réf. citées dans ces 3 arrêts.
21 ATF 144 II 473 c. 4.3 ; ATF 131 IV 154 c. 1.3.2
22 TF 2C_307/2019 du 8.1.2020 c. 7.1.2 ; 2C_507/2019 du 14.11.2019 c. 5.1.3 ; 2C_907/2017 du 13.3.2018 c. 3.2.
23 ATF 144 II 473 c. 4.
24 Cf. aussi ATF 131 IV 154 c. 1.3.2.
25 TF 2C_874/2016 du 23.12.2016. c. 8.
26 TF 2C_167/2020 c. 3.6
27 Cons. 3.7.
28 Cons. 3.8.
29 Cf. TF 2C_782/2015 du 19.1.2016 c. 5.2 ; 2C_247/2014 du 26.11.2014 c. 2.2 spéc. in fine.
30 TF 6B_275/2016 du 9.12.2016 c. 4.2.2
31 TF 2C_243/2020 c. 3.3
32 Cons. 3.4.2.
33 Cf. art. 26 CSD ; ATF 144 II 473 c. 4.5 ; ATF 140 III 6 c. 3.1.
34 Sur cet arrêt, cf. F. BURGENER, L’avocat peut-il produire un document soumis au secret ?, publié le 17.7.2020 par le Centre de droit bancaire et financier, cdbf.ch/1143 ; Qu. Cuendet, La violation de l’art. 47 LB par l’avocat produisant un document couvert par le secret bancaire, in lawinside.ch/948/ du 8.8.2020.
35 Art. 47 al. 1 de la Loi sur les banques (LB, RS 952.0) : « Est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement (…) : c. révèle un secret qui lui a été confié au sens de la let. a ou exploite ce secret à son profit
ou au profit d’un tiers. »
36 Art. 14 CP : « Quiconque agit comme la loi l’ordonne ou l’autorise se comporte de manière licite, même si l’acte est punissable en vertu du présent code ou d’une autre loi. »
37 Cf. aussi ATF 144 II 473.
38 Par exemple, TF 1B_602/2019 du 5.2.2020 c. 2 ; 1B_582/2019 du 20.3.2020 c. 5. Cf. aussi 1B_191/2020 du 26.8.2020.
39 f. art. 12 let. c et b LLCA.
40 Cons. 3.2.2.
41 Cf. TF 4A_550/2018 du 29.5.2019 c. 4.1 ; ATF 139 IV 294 c. 4.5 ; 127 III 357 c. 1d.
42 Cf. ATF 139 IV 294 c. 4.5.
43 TC-VD CDAP GE.2017.0188 du 16.1.2020, spéc. c. 3-5, arrêt commenté par C. Hirsch, La publication d’un blâme à l’encontre d’un avocat, une sanction illicite ? inwww.lawinside.ch/876/ du 22.2.2020.
44 ATF 143 I 352.