Sur des thèmes librement choisis, cette revue de jurisprudence résume quelques arrêts récents. Certains rappellent des principes déjà connus, alors que d’autres tranchent des questions longtemps débattues, comme la décision très attendue sur l’admissibilité des SA d’avocats multidisciplinaires, jurisprudence d’autant plus importante que la question ne sera pas réglée prochainement par l’adoption d’une disposition légale, compte tenu du récent rapport2 du Conseil fédéral sur le classement de la motion de 2012 qui tendait à l’élaboration d’une loi fédérale réglant tous les aspects de la profession d’avocat.
1. La multidisciplinarité
Dans un arrêt destiné à la publication (TF 2C_1054/2016, 2C_1059/2016 du 15.12.2017)3, le Tribunal fédéral a clairement tranché la question de l’admissibilité de la multidisciplinarité en la rejetant. Une SA d’avocats4 doit être entièrement contrôlée par des avocats inscrits au registre des avocats. Il s’agissait en l’espèce d’une SA d’avocats zurichoise, qui avait déjà des succursales dans divers cantons et entendait en ouvrir une à Genève. Elle a requis de l’autorité genevoise l’agrément pour l’exercice sous forme d’une société de capitaux, demandant que plusieurs de ses avocats soient autorisés à pratiquer dans leur futur bureau genevois. Lors du dépôt de la requête, l’un des associés (sur 39) de l’étude, expert-fiscal, n’était pas inscrit à un registre cantonal d’avocats. La Cour de justice genevoise5a refusé l’octroi de l’autorisation.
Le TF a retenu que c’est l’art. 2 al. 4 de la loi sur le marché intérieur (et non l’art. 2 al. 6 LMI) qui s’applique lorsqu’une entreprise se voit refuser le droit de s’établir dans un autre canton (c. 4). Il faut donc vérifier la conformité de la décision avec le droit fédéral, spécialement avec l’art. 8 al. 1 let. d LLCA (indépendance institutionnelle). Dans l’ATF 138 II 440 (JdT 2013 I 135), le TF avait retenu que, lorsque la SA «était entièrement contrôlée par des avocats inscrits, les garanties sous l’angle de l’indépendance institutionnelle étaient les mêmes que lorsqu’un avocat était engagé par un autre avocat lui-même inscrit» (c. 5.2)6. Rappelons que l’exigence de l’inscription de l’employeur garantit qu’il est soumis à la LLCA et à la surveillance disciplinaire. Dans l’ATF 140 II 102, concernant l’inscription au registre d’une avocate employée par une étude internationale, personne morale de droit étranger, le TF a considéré que, même en s’astreignant à respecter les règles professionnelles de leur barreau étranger, les associés d’une étude étrangère ne se trouvaient pas dans la même situation que s’ils étaient légalement tenus de les observer. Et n’étant pas inscrits dans un registre cantonal, ils n’étaient pas soumis à la surveillance disciplinaire d’une autorité garantissant le respect de la LLCA (c. 5.2)7.
Dans l’arrêt de 2017, le TF rappelle que l’indépendance dans une SA d’avocats est assurée seulement si celle-ci est conçue de façon que seuls des avocats inscrits peuvent influencer la relation d’emploi. «En exigeant que l’employeur de l’avocat requérant son inscription soit lui-même inscrit dans un registre cantonal, la règle de l’art. 8 al. 1 let. d 2e phr. LLCA garantit que le premier étant soumis à la LLCA et à la surveillance disciplinaire, il ne mésuse pas de sa position hiérarchique pour influencer son collaborateur dans un sens contraire aux intérêts du client. C’est ainsi le statut de son employeur qui garantit l’indépendance de l’avocat employé» (c. 5.3.2). Or, constate le TF, «à la différence de l’avocat, le tiers non inscrit à un registre cantonal n’est soumis ni aux règles professionnelles ni à la surveillance disciplinaire», et «le système mis en place par la société anonyme ne permet pas d’exclure tout risque concret d’influence, au sein de l’actionnariat et du conseil d’administration, par les associés qui ne sont pas inscrits au registre» (c. 5.3.2). Il conclut que «seule une étude d’avocats organisée en personne morale dont l’actionnariat et le conseil d’administration sont composés exclusivement d’avocats inscrits dans un registre cantonal permet d’assurer que l’employeur offre lui-même les garanties nécessaires» en matière d’indépendance (c. 5.3.2). La condition de l’art. 8 al. 1 let. d 2e phr. LLCA n’est ainsi pas remplie en l’espèce.
Une telle structure multidisciplinaire est aussi problématique sous l’angle de la garantie du secret professionnel de l’avocat (art. 13 LLCA), mise en péril du fait que des tiers qui ne sont pas des avocats inscrits au registre détiennent des droits dans une étude d’avocats. Le TF rappelle la protection particulière dont jouit, dans l’ordre juridique, le secret professionnel de l’avocat – qui a une portée absolue8 – «parce qu’il est indispensable à la profession et, partant, à une administration saine de la justice» (c.5.3.3). Or, en étant membre du conseil d’administration de la société d’avocats, le tiers peut (art. 717 CO) obtenir des renseignements sur toutes les affaires de la société et accéder à des éléments couverts par le secret professionnel de l’avocat. Cette mise en péril du secret professionnel justifie également de ne pas autoriser la multidisciplinarité.
Cette décision, claire et conforme au texte légal, doit être saluée. Elle seule permet aux avocats de ne pas se «tirer une balle dans le pied» et de préserver à long terme leurs privilèges, indispensables pour l’exercice de la profession au sein d’un Etat de droit9, privilège pourtant souvent remis en cause10. C’est pourquoi, il nous paraît également justifié que la solution retenue s’étende à toutes les structures d’exercice de la profession d’avocat, que ce soit pour les sociétés de capitaux ou de personnes, des exceptions n’étant pas justifiées. Seuls des avocats inscrits au registre – au bénéfice d’un secret professionnel absolu – doivent pouvoir s’associer pour la pratique du barreau.
2. Obligation d’exercer avec soin et diligence
2.1. Poursuite intentée par l’avocat
Dans un arrêt TF 2C_1060/2016 (du 13.6.2017), le TF revient sur la problématique de l’introduction par un avocat d’une poursuite sans avertissement préalable. Dans l’ATF 130 II 270, notre Haute Cour avait retenu, tout en réservant les poursuites abusives11, que, même si la personne visée pouvait subir des désagréments, il n’y avait pas de violation de l’art. 12 let. a LLCA lorsqu’il s’agissait d’interrompre la prescription. Dans cet arrêt de 2017, le TF a confirmé la sanction disciplinaire prononcée contre un avocat pour violation de la clause générale de l’obligation d’exercer sa profession avec soin et diligence (art. 12 let. a LLCA), du fait qu’il avait refusé de retirer la poursuite qu’il avait intentée contre son ancien client, alors même que celui-ci avait renoncé à se prévaloir de la prescription «pour autant que celle-ci n’était pas déjà acquise». L’avocat avait exigé le retrait de cette condition, alors même qu’elle est usuelle et vise à préserver les intérêts du poursuivi. «Exiger le retrait de cette condition équivaut, au mieux, à décevoir les attentes légitimes de son ancien client qui a valablement renoncé à la prescription et, au pire, à nuire à ses intérêts» (c. 4.2). Pour le TF, une telle manière de procéder compromet la confiance du public envers la profession d’avocat, rappelant que les devoirs de soin et de diligence «ne visent pas uniquement la relation que l’avocat entretient avec son client durant la durée du mandat, mais s’étendent à tous les actes professionnels de l’avocat» (c. 4.2).
2.2 Utilisation en procédure du contenu de pourparlers transactionnels
Sous peine de violer l’art. 12 let. a LLCA, l’avocat ne doit pas se prévaloir en justice du contenu des discussions transactionnelles. Les parties doivent pouvoir s’exprimer librement lorsqu’elles recherchent une solution extrajudiciaire. Cette interdiction – qui vise l’existence des pourparlers et leur teneur – est fondée sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable des litiges12.
L’importance de cette interdiction a été confirmée dans l’arrêt TF 2C_280/201713 (du 4.12.2017), où le TF a souligné que cet intérêt public doit prévaloir «de manière stricte et absolue sur les intérêts des avocats ou de ceux des parties qu’il représente à la divulgation des informations couvertes par la règle de confidentialité découlant des art. 12 let. a LLCA mis en lien avec les art. 6 et 26 CSD» (c. 4.3.2). En l’espèce, il était indiqué dans les courriers échangés entre les parties durant les pourparlers transactionnels que ceux-ci étaient soumis aux réserves d’usage. Le recourant estimait toutefois qu’il se trouvait dans un cas justifiant de déroger au principe de confidentialité en raison de son devoir de collaborer. Le TF a rappelé que, contrairement à ce qui prévaut en matière de secret professionnel, aucune autorité n’est habilitée à lever cette obligation de confidentialité de l’avocat. Il a ajouté que «cette obligation de confidentialité imposée à l’avocat a, compte tenu de son caractère strict et absolu d’une part, et de son but d’autre part, comme corollaire qu’un tribunal ne peut exiger de l’avocat qu’il révèle l’existence de pourparlers transactionnels ou leur teneur.» Cela signifie que cette règle de confidentialité «prime sur les art. 160 ss CPC relatifs à l’obligation de collaborer des parties, et ce même lorsque celles-ci sont exhortées à répondre conformément à la vérité et rendues attentives aux conséquences pénales d’une fausse déclaration conformément à l’art. 192 CPC» (c. 4.3.1).
3. Conflits d’intérêts
La question de l’admissibilité de la double représentation a fait l’objet de plusieurs décisions14. Dans l’arrêt TF 1B_20/2017 (du 23.2.2017), le TF en résume les exigences. Il confirme d’abord qu’une décision interdisant à un avocat de postuler peut causer un préjudice irréparable au recourant (art. 93 al. 1 let. a LTF). Il rappelle ensuite que l’art. 127 al. 3 CPP autorise un conseil juridique à défendre plusieurs participants à la procédure «dans les limites de la loi et des règles de sa profession». La défense des prévenus étant assurée par les avocats (art. 127 al. 5 CPP), il s’agit d’examiner si la LLCA (spécialement art. 12 let. b et c) a bien été respectée.
En l’espèce, un avocat avait déposé une plainte pénale pour détournements de fonds contre un ancien administrateur d’une société, l’avocat agissant alors au nom de cette société et de l’administrateur unique de celle-ci. Ce dernier a par la suite lui-même été prévenu dans cette affaire. Cet administrateur pouvait-il être défendu par un avocat qui avait aussi défendu la société, même si l’avocat n’assurait plus la défense de cette dernière? Un risque abstrait de conflits d’intérêts ne suffit pas, «il n’est toutefois pas nécessaire que le risque concret se soit réalisé et que l’avocat ait déjà exécuté son mandat de façon critiquable ou à la défaveur de son client». La situation prévalant au moment du dépôt de la plainte pénale importe peu, l’hypothèse d’un conflit d’intérêts pouvant survenir au cours de la procédure (c. 2)15. Le devoir de fidélité de l’avocat n’étant pas limité dans le temps, le fait que la première procédure soit terminée n’est pas déterminant. Le conflit d’intérêts existe lorsque l’avocat peut utiliser «consciemment ou non, dans un nouveau mandat les connaissances acquises, sous couvert du secret professionnel, dans l’exercice d’un mandat antérieur»
(c. 3.1). Ainsi, le fait que la société a résilié le mandat ne suffit pas pour empêcher un risque de conflits d’intérêts avec le mandat pour le recourant. «En effet, si l’avocat se prévaut d’éléments appris dans le cadre de son mandat pour cette dernière, il prend le risque de violer son secret professionnel vis-à-vis de celle-ci (art. 13 LLCA). S’il ne les utilise pas alors qu’ils pourraient servir à la défense du recourant, l’avocat est susceptible de violer ses obligations professionnelles en matière de diligence envers celui-ci» (c. 3.2.). Même si l’un des mandats a été résilié, l’avocat ne pourra pas s’investir «pleinement et en toute indépendance» pour le recourant. Enfin, les obligations de la LLCA s’appliquent en toutes circonstances «et pas uniquement s’il devait s’avérer que les soupçons à l’égard du recourant seraient fondés» (c. 3.2).
4. Admissibilité du pactum de palmario
Le pactum de quota litis (tendant à remplacer les honoraires de l’avocat par une part du résultat) est interdit en droit suisse (art. 12 let. e LLCA). Qu’en est-il du pactum de palmario, soit d’un accord prévoyant une prime liée au résultat s’ajoutant en cas de succès aux honoraires? Dans l’ATF 143 III 60016(TF 4A_240/2016 du 13.6.2017), le TF affirme (après une analyse des art. 20 CO, 12 let. e et i LLCA,) qu’une telle prime est admissible en droit suisse dans son principe17 et expose les conditions auxquelles le pactum de palmario est licite.
En résumé, trois conditions doivent être réunies afin qu’un tel accord soit licite:
1. la rémunération de base ne doit pas être trop faible (car cela reviendrait à contourner l’interdiction du pactum de quota litis), mais être convenable (soit couvrant les charges de l’avocat, tout en lui assurant un gain raisonnable);
2. la prime de résultat ne doit pas être supérieure à cette rémunération de base, afin d’éviter qu’elle soit trop importante et ne devienne essentielle pour l’avocat, au point de mettre en cause son indépendance;
3. et la prime au résultat doit être convenue, soit au début du mandat, soit après la fin du litige. Il s’agit là de respecter le devoir d’information de l’art. 12 let. i LLCA et d’éviter que l’avocat impose en cours de mandat un changement au client, se trouvant dans une position vulnérable. Cette dernière condition n’était pas remplie en l’espèce (l’accord ayant été conclu près d’un an après le début du mandat), de sorte que le TF a conclu que l’accord était nul18.
Ces conditions – en particulier la deuxième19 – ont été critiquées par Francois Bohnet20 qui, se référant notamment à l’ATF 135 III 259, plaide à juste titre de retenir dans ce domaine l’ensemble des critères déterminants pour la fixation des honoraires d’avocat (temps consacré à la cause; son importance; sa complexité; compétences de l’avocat; situation du client; résultat obtenu). Une telle solution tient, au surplus, mieux compte de la réalité de la pratique de l’avocat, amené parfois à donner suite aux demandes de son client de réduire ses honoraires en cours de mandat, notamment lors de longues procédures.
5. Secret professionnel de l’avocat
5.1 Secret professionnel et levée des scellés
L’autorité de levée des scellés doit écarter les pièces couvertes par le secret professionnel de l’avocat (art. 264 al. 1 let. d, 171 CPP)21. Dans l’ATF 143 IV 462 (TF 1B_376/2017 du 22.11.2017), le TF a rappelé ce qui est couvert par ce secret, soit tout ce qui entre dans le champ de l’activité spécifique de l’avocat (représentation en justice, conseils). Les échanges d’une personne avec ses avocats – y compris ceux mandatés dans la procédure de levée des scellés – sont protégés. La protection conférée par le secret professionnel vise tous les faits portant sur la relation de l’avocat avec son client, y compris en ce qui concerne l’existence du mandat, les notes d’honoraires ou les confidences du client ayant un lien même ténu avec l’exécution du mandat. Tout ce qui sort de ce cadre et touche une activité commerciale n’est pas couvert par le secret professionnel de l’avocat (c. 2.2). Ainsi, lorsqu’un avocat agit en tant qu’administrateur d’une des sociétés du groupe, il ne peut invoquer ce secret. N’est pas non plus couvert par le secret la simple transmission à titre de copie d’un courrier à un avocat. Il en va de même des courriers reçus de la part d’avocats agissant au nom de tiers (c. 2.3).
5.2 Secret professionnel et recouvrement d’honoraires
L’avocat ne saurait violer son secret professionnel pour recouvrir ses honoraires22. En 2016, le TF a rendu un arrêt publié (ATF 142 II 307)23détaillant le secret professionnel de l’avocat. Il y affirme que les critères pour la levée du secret de l’avocat – qui ne sont pas précisés par les art. 321 CP et 13 LLCA – relèvent uniquement du droit fédéral (c. 4.3.1). L’autorité de surveillance doit procéder à une pesée des intérêts pour se prononcer sur la levée, étant souligné que seul un intérêt public ou privé nettement prépondérant peut la justifier. Notre Haute Cour admet que, pour recouvrir ses honoraires, l’avocat a en principe un intérêt digne de protection à la levée du secret. Cependant, l’avocat doit démontrer les raisons pour lesquelles il n’avait pu constituer une provision (c. 4.3.3). Dans le cas d’espèce, le client n’avait pas expliqué pourquoi la levée du secret lui porterait atteinte et son recours a été rejeté (c. 4.4 non publié). Le lien que fait le TF entre l’intérêt à la levée du secret de l’avocat et la demande de provision a été critiqué24.
Dans l’arrêt TF 2C_704/2016 (du 6.1.2017), le TF souligne que le client doit indiquer quel est son intérêt à ne pas délier l’avocat du secret professionnel. Il ne peut, à cet égard, invoquer des éléments qui ne relèvent pas de la procédure de levée du secret. L’arrêt retient aussi que l’intérêt de l’avocat à obtenir la levée du secret subsiste même s’il n’a pas requis une provision au début du mandat. Relevons encore que dans un autre arrêt, le TF (TF 6B_545/2016 du 6.2.2017) a confirmé la condamnation d’un avocat pour violation de l’art. 321 CP, du fait qu’il avait agi en vue de recouvrer des honoraires sans avoir obtenu préalablement la levée du secret. Il convient ainsi de retenir que les avocats doivent demander expressément à être déliés du secret professionnel avant d’agir en recouvrement de leurs créances d’honoraires.
6. L’avocat nommé d’office
De nombreuses décisions concernent l’avocat d’office, notamment quant à la fixation de son indemnité25. Nous ne nous y arrêterons pas ici. Nous rappellerons en revanche un arrêt important de 2016 (ATF 143 III 1026, 4A_234/2016 du 19.12.2016) sur la responsabilité27 de l’avocat d’office, où le TF a conclu que celui-ci répond de l’éventuel dommage causé à son client sur la base du droit privé fédéral, de sorte que le droit cantonal ne peut pas prévoir une responsabilité de l’Etat pour violation de ses obligations professionnelles par l’avocat d’office. Ainsi, même si l’avocat d’office exerce une tâche d’intérêt public, il ne devient pas un agent public au sens de l’art. 61 al. 1 CO.
Signalons enfin l’arrêt TF 1B_350/2017 (du 1.11.2017), où le TF rappelle la qualité pour recourir de l’avocat dont la nomination d’office a été révoquée28. En effet, s’il est vrai que l’avocat n’a pas un intérêt juridique à une nomination d’office, de sorte qu’il ne peut recourir contre un refus de désignation, la situation est différente lorsqu’il a été désigné défenseur d’office, car il bénéficie alors des prérogatives rattachées à cette nomination. Il a ainsi un «intérêt propre, pratique et actuel à faire vérifier les motifs de la décision de révocation». Une autre solution permettrait à l’autorité pénale de révoquer un défenseur d’office «chaque fois que la stratégie de défense suivie ne lui paraît, de son point de vue, pas adéquate, respectivement pourrait l’entraver dans son enquête» (c.2). Cette solution se justifie aussi lorsque les motifs indiqués dans la décision de révocation peuvent engager la responsabilité de l’avocat. Ce dernier doit pouvoir recourir contre la décision, sans qu’importe qui est à l’origine de sa révocation, que ce soit le client, l’autorité ou un tiers.
*Ancienne chargée de cours en droit et éthique de la profession d’avocat à l’Université de Lausanne.
1Quelques arrêts importants rendus en 2016 seront aussi rappelés.
2Cf. le rapport du CF du 11.4.2018 sur le classement de la motion Vogler 12.3372 (FF 2018 2343).
3Pour une analyse de cet arrêt, cf. F. Bohnet, SA d’avocats: que des avocats au barreau, in: Revue de l’avocat 3/2018, pp. 137 ss.
4Sur les structures d’exercice de la profession, cf. par exemple M. Châtelain, L’indépendance de l’avocat et les modes d’exercice de la profession, Lausanne 2017; J.Gurtner, La réglementation des sociétés d’avocats en Suisse: entre protectionnisme et libéralisme, Etude de droit comparé, thèse Neuchâtel 2016; B. Merkt/B. Chappuis, Profession d’avocat et loi sur le marché intérieur, in: Revue de l’avocat 6-7/2017, pp. 292 ss.
5Dans le canton de Vaud, la CDAP a de son côté rendu un arrêt le 30.9.2016 (GE.2016.0036), considérant que l’actionnariat et le conseil d’administration de la SA d’avocats multidisciplinaire ne comptant que 3% de membres non inscrits à un registre cantonal des avocats, le risque d’une atteinte à l’indépendance ou d’une violation du secret n’apparaît pas assez sérieux pour justifier un refus d’inscription au registre des avocats concernés. Dans son arrêt 2C_1004/2016 du 27.4.2018 rendu sur recours contre cette décision vaudoise, le TF confirme les principes posés dans l’arrêt 2C_1054/2016 du 15.12.17 (c 3.3 et 4).
6Cf. ATF 138 II 440 c. 17 ss, spéc. 23.
7Cf. ATF 140 II 102 c. 5.2.2.
8Sur cette portée absolue, le TF rappelle les débats ayant précédé l’adoption de l’art. 171 al. 4 CPP (c .5.3.3). Cf. les art. 160 & 166 CPC, 171 & 264 CPP, 13 al. 1 in fine LLCA commentés par B. Chappuis/A. Steiner, Le secret de l’avocat dans le CPP et le CPC: entre divergence et harmonie, in: Revue de l’avocat 2/2017, pp. 87 ss. Sur les prérogatives de l’avocat découlant du secret professionnel, cf. F. Bohnet/V. Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, pp. 766 ss.
9Cf. fiche thématique CEDH (janv. 2018) sur le secret professionnel des avocats (https://www.echr.coe.int/Documents/FS_Legal_professional_privilege_FRA.pdf).
10«Recommandations du Conseil des barreaux européens sur la protection du secret professionnel dans le cadre des activités de surveillance» du 28.4.2016 (www.ccbe.eu), pp. 4-5.
11Par exemple seulement pour porter atteinte au crédit du débiteur ou quand le montant est exagéré «à des seules fins chicanières».
12ATF 140 III 6 c. 3.1.
13Précisons que le recourant invoquait que son activité d’administrateur unique de la société n’était pas soumise à la loi, ce qui a été rejeté in casu par le TF, qui a repris sa jurisprudence sur le champ d’application de la LLCA et les activités spécifiques de l’avocat (c. 3).
14Cf. par exemple ATF 141 IV 257 c. 2; 1B_226/2016 du 15.9.2016 c. 3, 1B_354/2016 du 1.11.2016 ou 5A_567/2016 du 9.3.2017 c. 2.2, où le TF rappelle que la communication à l’autorité cantonale de surveillance des violations de la LLCA est un devoir de l’autorité (art. 15 LLCA).
15ATF 141 IV 257 c. 2.2.
16Pour une analyse de cet arrêt, cf. F. Bohnet, TF 4A_240/2016 ou les limites du pactum de palmario, in: Revue de l’avocat 11-122017, pp. 505 ss (cité: Pactum). Cf. aussi M.-H. Spiess, La licéité du pactum de palmario, 17.10.2017 in: www.lawinside.ch/512/.
17Cf. ATF 135 III 259 c. 2.3, où l’admissibilité d’une telle prime avait été admise dans un obiter dictum.
18Cf. aussi l’arrêt TF 4A_226/2017 du 23.10.2017 c .3, où le TF a nié l’existence d’un tel accord.
19Notamment du fait que cela revient à retenir que la prime au résultat sera d’autant plus être élevée que l’est l’honoraire de base. De plus, comme le montre bien F. Bohnet (Pactum, p. 507), «comme le montant de la prime est limité à celui de l’honoraire de base, l’avocat n’aura donc pas intérêt à obtenir une victoire rapide».
20F. Bohnet, Pactum, pp. 506-508. Après une analyse de la jurisprudence en Europe, cet auteur mentionne qu’il en ressort qu’une prime admissible se situe entre 5 à 12% du résultat.
21Cf. ATF 141 IV 77 (sur le secret médical, c. 4.2).
22Sur la jurisprudence récente du TF à cet égard, cf. P. Sutter, Anwaltsgeheimnis und Honorarinkasso: Ein Zwischenstand, in: Revue de l’avocat 4/2018,
pp. 185 ss.
23Traduit au JdT 2017 I 51; sur cet arrêt, cf. C. Hirsch, Les conditions de la levée du secret de l’avocat, 20.6.2016 in: www.lawinside.ch/262/.
24A. Dal Molin-Kränzlin, Entbindung vom Anwaltsgeheimnis und Kostenvorschuss, in: PJA 2017, pp. 621 ss. L ’ATF 142 II 307 a amené certains ordres cantonaux à préconiser des modifications de pratique, notamment en prévoyant d’inclure une clause de levée du secret dans la procuration; cf. à cet égard: Le recouvrement des honoraires d’avocat se formalise, plaidoyer 2/18, pp. 10-11.
25Cf. par exemple TF 6B_659/2017 du 6.3.2018; 2C_825/2016 du 6.2.2017; 6B_824/2016 du 10.4.2017 (c. 18 n. p. à l’ATF 143 IV 214). Sur ce dernier arrêt, cf. J. Francey, La détermination de la liste de frais du défenseur d’office, 17.5.2017 in: www.lawinside.ch/437/.
26Sur cet arrêt, cf. D. Hofmann, La responsabilité de l’avocat d’office; ATF 143 III 10, in: Revue de l’avocat 5/2017, pp. 217 ss.
27En ce qui concerne la responsabilité civile de l’avocat en général, cf. l’arrêt TF 4A_539/2017 du 3.11.2017 – dont la solution nous paraît adéquate –, qui été commenté et critiqué par J. Gurtner, Le devoir d’information de l’avocat et l’étendue du mandat, in: CJN, publié le 6.2.2018.
28Cf. TF 1B_187/2013 du 4.7.2013 c. 1.2, SJ 2014 I 205.