1. De l’influence de la capacité de discernement
1.1. Lors de la conclusion du mariage
TF 5A_397/2017 du 1.9.2017: Capacité de discernement niée lors de la mise sous curatelle de représentation (dans ses rapports juridiques avec les tiers ainsi qu’en matière de gestion du patrimoine et d’administration des affaires courantes), un an avant la célébration du mariage du futur époux, âgé de 91 ans, avec la recourante âgée de 44 ans; et non examinée derechef dans le procès en annulation du mariage de l’époux atteint de démence mixte (sénile et alzheimer) à prédominance dégénérative classée CDRS, soit la plus grave, décédé en cours d’instance.
C. 4.1: Le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s’il peut admettre de façon exempte d’arbitraire qu’une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d’administrer cette preuve, sans violer de la sorte le droit d’être entendu de l’intéressé. Selon l’art. 183 al. 1, 1e phrase, CPC, le Tribunal peut, à la demande d’une partie ou d’office, demander une expertise à un ou plusieurs experts. La mise en œuvre d’une expertise relève de la libre appréciation des preuves dont le Tribunal fédéral se limite à vérifier si elle n’est pas arbitraire1.
1.2. Sur l’appréciation de l’audition, obligatoire, de l’enfant
TF 5A_547/2017 du 26.10.2017, c. 3.2.1. 3.2.2: La question de savoir si et à quelles conditions un enfant doit être entendu est résolue au premier chef par l’art. 298 al. 1 CPC, selon lequel les enfants sont entendus personnellement et de manière appropriée par le juge ou par un tiers nommé à cet effet, pour autant que leur âge ou de justes motifs ne s’y opposent pas. Dans le cadre des procédures relatives aux enfants, la maxime inquisitoire et la maxime d’office trouvent application, conformément à l’art. 296 CPC. Le juge est dès lors tenu d’entendre l’enfant, non seulement lorsque celui-ci ou ses parents le requièrent, mais aussi dans tous les cas où aucun juste motif ne s’y oppose2. L’audition ne présuppose pas que l’enfant ait la capacité de discernement au sens de l’art. 16 CC. La capacité de discernement est relative: elle ne doit pas être appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance3. Si l’enfant n’a pas encore de capacité de discernement par rapport aux enjeux, son audition vise avant tout à permettre au juge compétent de se faire une idée personnelle et de disposer d’une source de renseignements supplémentaire pour établir l’état de fait et prendre sa décision4. Pour cette raison, on ne doit pas interroger les jeunes enfants sur leurs désirs concrets quant à leur attribution à l’un ou à l’autre de leurs parents, dans la mesure où ils ne peuvent pas s’exprimer à ce sujet en faisant abstraction de facteurs d’influence immédiats et extérieurs et n’arrivent pas à formuler une volonté stable5. L’audition d’un enfant est en principe possible dès qu’il a 6 ans révolus6. Cet âge minimum est indépendant du fait que, en psychologie enfantine, on considère que les activités mentales de logique formelle ne sont possibles qu’à partir d’un âge variant entre 11 et 13 ans environ et que la capacité de différenciation et d’abstraction orale ne se développe plus ou moins qu’à partir de cet âge-là7. Même si elle peut aussi être menée par un spécialiste de l’enfance, en particulier en cas de conflit familial aigu et de dissensions entre les époux concernant le sort des enfants, l’audition est effectuée, en principe, par la juridiction compétente elle-même8.
C. 3.2.3: L’audition peut être réputée avoir eu lieu dans le cadre de l’expertise.
2. Relations personnelles 2.0
ATF 5A_382/2017 du 2.11.2017: un enfant déplacé en cours d’instance aux Etats-Unis sans le consentement paternel.
C. 10, 10.4: S’agissant de la proposition du père de mettre en place un droit de visite téléphonique par l’entremise de la structure Family Solutions Inc., l’autorité cantonale a souligné qu’il n’était pas possible de déterminer si cette structure était adaptée. Il convenait en l’état de fixer un droit à des relations personnelles téléphoniques à raison de deux heures toutes les deux semaines, par l’entremise de Skype… Le recourant ne conteste pas, en tant que telles et de manière claire et détaillée, les considérations de base de l’autorité cantonale, selon lesquelles le droit de visite doit se dérouler dans un cadre protégé et médiatisé. Or, dans de telles circonstances, et en tenant compte du fait que l’enfant se trouve désormais aux Etats-Unis, il n’est pas arbitraire de prévoir que l’exercice du droit aux relations personnelles s’effectuera par le biais de Skype, et de renvoyer pour le surplus le recourant à agir devant les autorités américaines. S’agissant de la fréquence du droit aux relations personnelles, on relèvera que le raisonnement du juge délégué, selon lequel dans les circonstances de l’espèce, la fréquence prévue est en l’état adéquate pour maintenir le lien père-fille sans brusquer l’enfant, n’est pas insoutenable.
3. Audition de l’enfant: art. 12 CDE pas de rang constitutionnel
TF 5A_382/2017 du 2.11.2017, c. 6: Le recourant soutient que l’art. 12 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant9, directement applicable pour la Suisse selon l’ATF 124 III 90 c. 3a, a été violé, dès lors que l’audition de l’enfant (âgé de 13 ans au moment de son déplacement) n’a pas été ordonnée, bien qu’il l’ait requise et que, selon la jurisprudence, le juge doive en principe entendre l’enfant dès que celui-ci a l’âge de 6 ans, ce d’autant, que selon l’autorité cantonale elle-même, il aurait pu se justifier d’entendre personnellement l’enfant sur la question de la garde. Dans la mesure où selon la jurisprudence, l’art. 12 CDE ne constitue pas un grief de rang constitutionnel10, la critique est irrecevable dans le cadre d’un recours soumis à l’art. 98 LTF.
4. L’impact très relatif des conclusions du curateur de représentation judi-ciaire de l’enfant
TF 5A_382/2017 du 2.11.2017, c. 8.3. et 8.4: Le recourant soutient que l’arrêt querellé omettrait aussi arbitrairement les conclusions de la curatrice de l’enfant, selon lesquelles il serait dans l’intérêt des enfants que l’autorité parentale et la garde soient partiellement retirées à la mère. Cela constituerait «une violation du mandat ordonné par l’autorité le 11 mars 2016 et une violation des obligations et des responsabilités de la curatrice selon les art. 314a al. 3 CC et 299 CPC». Enfin, le recourant affirme que, dans l’hypothèse où il faudrait attribuer l’autorité parentale exclusive, c’est lui qui devrait en être le titulaire, dès lors que c’est le comportement de son épouse qui a causé des troubles psychiques à l’enfant (enlèvement illicite, attisement du conflit). L’argument tiré des conclusions prises en cours de procédure par la curatrice de l’enfant est vain, puisque l’autorité cantonale n’est pas liée par de telles conclusions.
5. Garde et familles élargies et recomposées
5.1. La garde, les projets antérieurs à la séparation, la disponibilité personnelle et la recomposition familiale
TF 5A_627/2016 du 28.8.2017: La garde alternée n’est envisagée que lorsque les deux parents sont capables d’éduquer les enfants («erziehungsfähig»), prêts à communiquer entre eux et à coopérer, et s’occupaient déjà à tour de rôle des enfants avant la séparation (c. 5.1.). Il faut tenir compte de la distance séparant le domicile de chaque parent, de la possibilité des parents de s’occuper personnellement des enfants, de l’âge de ceux-ci, de leur volonté exprimée, etc. Il convient d’accorder plus ou moins de poids à chacun des critères en fonction des circonstances concrètes du cas d’espèce. L’instance cantonale s’en est tenue aux critères énoncés par la jurisprudence du TF. Elle a estimé que les deux parents étaient capables d’éduquer leurs enfants, mais que les conditions pour prévoir une garde alternée n’étaient pas remplies. Même si les deux parents avaient envisagé, durant leur vie commune, de confier partiellement leurs enfants à la garde de tiers pour continuer à travailler, c’est la situation de fait qui prévaut qui est déterminante: la défenderesse n’exerce plus d’activité lucrative et est, dès lors, en mesure de s’occuper personnellement des enfants. Le recourant, quant à lui, est fortement impliqué dans son activité professionnelle, de sorte que ce serait à sa nouvelle partenaire de très souvent s’occuper des enfants (c. 5.3); il est improbable qu’il réussisse à réduire son temps de travail pour le moment, la simple possibilité d’une flexibilité professionnelle et d’un travail à la maison du père n’entrant dans aucun critère déterminant pour la garde (c. 4.2.); et il ne semble pas avoir une idée très claire de ce que représente l’éducation d’enfants en bas âge. C’est la défenderesse qui s’est principalement occupée des jumeaux, tant pendant la vie commune qu’après la séparation. Au vu de la distance relativement importante qui sépare le domicile de chacune des parties, une garde alternée ne serait pas praticable. Il faut partir du principe que l’attribution de la garde exclusive à la mère est l’option qui sert le mieux l’intérêt des enfants. Le recourant ne parvient pas à démontrer en quoi l’appréciation de l’instance cantonale serait arbitraire.
TF 5A_547/2017 du 26.10.2017, c. 5: Il n’apparaît pas arbitraire de retenir que les enfants sont plus habitués à vivre avec leur mère et que cette dernière est plus disponible pour s’occuper personnellement d’eux dans la mesure où, contrairement au recourant, elle travaille à un faible pourcentage depuis la naissance de l’aînée et a continué à assumer la garde depuis la séparation du couple il y a plus de deux ans. A cet égard, le fait que le recourant disposerait d’un bureau mobile dans son bus VW aménagé lui permet certes d’être plus flexible pour aller chercher les enfants à l’école et les conduire à leurs activités, mais ne lui offre pas la même disponibilité que l’intimée qui peut assurer une présence au quotidien auprès des enfants, ce qu’il admet d’ailleurs en précisant qu’il engagera une aide pour la préparation des repas et pour «assurer une présence féminine».
5.2. L’enfant originellement confié aux grands-parents paternels, chez qui vit le père, un jour par semaine, d’entente entre des parents qui se séparent TF 5A_498/2016 du 31.5.2017, c. 4.3: Bien que le droit aux relations personnelles prévu par l’art. 273 al. 1 CC soit intransmissible, il peut être exercé par d’autres personnes, en particulier des membres de la famille comme les grands-parents, en cas de situation exceptionnelle et si cela sert le bien de l’enfant. Il ne s’agit alors pas d’une cession d’un droit parental, mais plutôt d’un droit qu’on déduit de l’intérêt de l’enfant.
C. 4.4: Vu l’accord originel des parents de confier leur enfant à ses grands-parents paternels un jour par semaine, le TF laisse ouverte la qualification juridique de cette garde (accord parental touchant aux modalités de garde de l’enfant, qui, comme le fait de confier l’enfant à une crèche, ne s’ancre pas dans un droit de visite; droit de visite paternel au sens de l’art. 273 CC avec accord parental d’exercice partiel par les grands-parents; ou droit de visite accordé par le père aux grands-parents au sens de l’art. 274a CC); il se borne à constater que les deux parents ne divergent que sur le jour de garde par un tiers et constate que la décision des juges cantonaux de favoriser une garde par les grands-parents plutôt que dans une crèche sert le bien de l’enfant et ne prête pas le flanc à la critique.
5.3. La garde alternée, ordonnée contre la volonté d’un parent, après expertise et audition des enfants, dont les détails sont à régler par le curateur d’organisation du droit aux relations personnelles (art. 308 al. 2 CC)
TF 5A_17/2017 du 25.10.2017, c. 2.2: La garde alternée peut être prononcée contre la volonté d’un parent. Elle requiert des mesures d’organisation et le partage d’informations, mais on ne peut pas directement déduire une incapacité à coopérer du fait qu’un parent ne souhaite pas la garde alternée. On ne parviendra cependant pas à une telle conclusion lorsque règne un climat d’animosité entre les parents qui mettrait en danger le bien de l’enfant si la garde alternée devait être prononcée. D’autres paramètres à prendre en compte sont la distance entre les domiciles des deux parents et la stabilité, c’est-à-dire la continuation de la réglementation existante au sujet de la garde de l’enfant. Ce critère de stabilité joue un rôle d’autant plus important lorsque les enfants sont très jeunes ou s’il s’agit de jumeaux. Ainsi, la garde alternée est particulièrement considérée quand les parents s’occupaient déjà à tour de rôle de l’enfant avant la séparation. La volonté de l’enfant doit être entendue, même lorsque celui-ci n’est pas capable de discernement relativement à ces questions.
6. L’entretien des enfants et de l’époux
6.1. L’interdiction maintenue du mélange des méthodes…
TF 5A_547/2017 du 26 10.2017, c. 7.3.1: Il est parfaitement admissible et conforme à la jurisprudence d’utiliser des méthodes de calcul différentes pour établir la contribution d’entretien des enfants et la pension en faveur du conjoint, ce d’autant qu’elles reposent sur des bases légales différentes. C’est dans le cadre de la fixation du montant de chacune de ces pensions que les méthodes de calcul ne peuvent pas être mélangées11.
6.2. ... et la nécessité de contester tant la contribution de prise en charge que celle destinée au parent gardien devant le TF
TF 5A_547/2017 du 26.10.2017 c. 7.3.2: Le recourant se plaint également en vain du fait qu’aucun revenu hypothétique n’ait été imputé à l’intimée. L’imputation d’un tel revenu n’aurait, en revanche, aucune incidence pour les contributions dues à compter de l’entrée en vigueur du nouveau droit le 1er janvier 2017, puisque, dès cette date, le déficit mensuel subi par l’intimée est couvert par la contribution de prise en charge en faveur des enfants que le recourant n’a pas remise en cause.
TF 5A_97/2017 du 23.8.2017 c. 3.3.1: L’art. 99 al. 2 LTF déclare irrecevable toute conclusion nouvelle. Il est donc exclu de demander autre chose ou davantage que ce qui figure dans les dernières conclusions devant l’autorité précédente12. Les parties peuvent, en revanche, réduire leurs conclusions13. Par ailleurs, le TF est lié par les conclusions des parties (art. 107 al. 2 LTF). Ces règles s’appliquent aussi en matière de contributions d’entretien pour un enfant, a fortiori majeur14. Dans ce contexte, le TF a jugé en matière de réparation du dommage en droit des obligations15, de contributions d’entretien après divorce16 et de liquidation du régime matrimonial14, que le juge est lié par le montant total réclamé, de sorte qu’il peut allouer davantage pour une des prétentions et moins pour une autre. Cette jurisprudence, qui se fonde sur le total de l’entretien réclamé, ne concerne pas la situation où un recourant demande des contributions d’entretien tant pour lui-même que pour un enfant. En effet, les contributions d’entretien sont fixées en fonction d’une personne déterminée et pour une période déterminée, de sorte que le juge ne peut compenser entre eux les montants figurant dans les conclusions prises pour les contributions d’entretien en faveur des enfants, d’une part, et pour celle due au conjoint, d’autre part18. L’exception prévue à ce principe à l’art. 282 al. 2 CPC19 ne s’applique pas devant le TF, dont la procédure est régie par la LTF, notamment l’art. 99 al. 2 LTF. La contribution d’entretien de l’enfant majeur n’influence du reste pas immédiatement celle du conjoint divorcé20. Pour éviter de se faire opposer les conséquences du principe de disposition et de l’interdiction des conclusions nouvelles, le recourant qui réclame des montants tant pour lui-même que pour un enfant doit dès lors prendre des conclusions subsidiaires pour chaque crédirentier d’entretien au cas où les conclusions principales ne devaient pas être admises21. En l’espèce, la recourante est en droit de réduire, au cours de la procédure, ses conclusions pour elle-même, mais ne peut augmenter celles pour son fils.
6.3. L’inclusion nécessaire de la charge fiscale en cas de situation favorable
TF 5A_461/2017 du 25.7.2017, c. 4.3.1: Lorsque la contribution est calculée conformément à la méthode dite du minimum vital avec répartition de l’excédent et que les conditions financières des parties sont favorables, il faut tenir compte de la charge fiscale courante22.
7. La qualité problé-matique de partie de l’enfant majeur concernant son entretien23, la maxime applicable fluctuante, et la prise en compte de ses désirs
ATF 5A_524/2017 du 9.10.2017, c. 3.1: Même lorsque seule la contribution du conjoint est remise en cause en appel, le juge peut fixer à nouveau tant la contribution due au conjoint que celles dues aux enfants, et ce même en l’absence de conclusions quant à ces dernières, puisque l’art. 282 al. 2 CPC introduit une exception au principe de la force de chose jugée et que le juge n’est pas lié par les conclusions des parties du fait de l’application de l’art. 296 al. 3 CPC24. Il y a lieu d’admettre que l’art. 296 al. 3 CPC ne s’applique pas aux demandes d’entretien d’un enfant majeur, une protection procédurale accrue ne se justifiant pas dans cette hypothèse25.
C. 3.2.2: Lorsque, comme dans le cas particulier, la majorité de l’enfant survient au cours d’une procédure matrimoniale, et que perdure la faculté du parent qui détient l’autorité parentale d’agir en son propre nom à la place de l’enfant, celui-ci ne devient pas partie à la procédure. Dès lors, il n’apparaît pas arbitraire de considérer que l’enfant majeur doit dans ce cas bénéficier, comme l’enfant mineur, d’une protection procédurale accrue et, partant, d’admettre que la maxime d’office continue de s’appliquer au-delà de la majorité.
TF 5A_817/2016 du 1.5.2017: L’enfant qui devient majeur pendant la procédure de MPUC a le droit de se faire verser la pension alimentaire en main propre. Même s’il n’a pas pris de conclusions au fond formellement dans la procédure cantonale, le TF admet qu’il a la qualité pour recourir, parce qu’il s’est implicitement rallié aux conclusions de sa mère, ce qui suffit pour l’art. 76 al. 1 let. a LTF26: les termes «prendre part» qui s’y trouvent signifient «participer à la procédure en présentant des conclusions; il n’est toutefois pas nécessaire que le recourant ait eu la qualité de partie selon la loi de procédure applicable27». Le TF ne revoit les faits et les charges retenues par l’autorité cantonale que sous l’angle de l’arbitraire, après une motivation soutenue (art. 97 LTF). Ainsi, on ne peut pas invoquer des nouveaux arguments à ce sujet dans la procédure fédérale, y compris tout ce qui a trait à l’entretien d’un enfant majeur soudainement dans le besoin. Cette matière étant soumise à la maxime de disposition et des débats (art. 272 CPC), il appartient aux parties d’établir les budgets et non pas au juge de les interpeller28 ni d’établir lui-même les faits pertinents29. Si l’on entend donc faire modifier une pension alimentaire par le TF, il convient de démontrer l’arbitraire dans l’établissement des faits et en quoi le montant retenu ne couvre pas les besoins effectifs de l’enfant, alors que le parent crédirentier aura les moyens financiers de le faire.
TF 5A_776/2016 du 27.3.2017: Constituent des questions de droit le point de savoir si l’enfant est responsable d’éventuels retards dans la formation et si la formation est dès lors encore appropriée ainsi que le point de savoir si l’entretien peut être exigé des parents. Le déroulement de la formation, les éventuels obstacles à l’origine du retard et les circonstances que le tribunal retient pour justifier le caractère exigible de l’entretien, spécialement la situation économique des parties, relèvent des faits. En matière d’entretien de l’enfant majeur, le juge du fond dispose d’un large pouvoir d’appréciation (art. 4 CC) et le TF fait preuve de retenue lorsqu’il examine les décisions rendues dans ce domaine.
TF 5A_97/2017 du 23.8.2017: En principe, un enfant ne saurait prétendre, dans le cadre de l’art. 277 al. 2 CC, à ce que ses parents lui assurent des études à l’étranger, notamment sur un autre continent, alors qu’ils lui offrent la possibilité de suivre, à moindres frais, un enseignement équivalent en Suisse ou en Europe. Les parents et l’enfant décident ensemble de la formation adéquate. Il n’y a pas de priorité générale à donner aux vœux exprimés par l’enfant. En l’espèce, l’intimé n’avait pas à financer des études entièrement suivies aux Etats-Unis. La situation financière de l’intimé n’est pas décisive lorsqu’il s’agit uniquement de déterminer le lieu, et non le niveau et le domaine de formation, où l’enfant est en droit d’attendre de ses parents qu’ils financent ses études30.
8. Qualité pour agir d’un parent biologique contre le placement?
TF 5A_88/2017 du 25.9.2017: La procédure permettant le placement d’un enfant chez des parents nourriciers est régie par le droit cantonal, qui n’accorde pas ici de droit particulier au parent des enfants lors de la procédure d’autorisation. Cette réglementation n’est pas contraire au droit fédéral: en effet, si le parent est effectivement directement touché par une décision de retrait de la garde, l’autorisation accordée aux personnes auprès desquelles l’enfant est placé relève du droit public et ne le concerne pas. Il ne serait pas non plus adéquat de permettre au parent de remettre en cause la décision de retrait par ce biais, dès lors qu’il devait recourir contre la décision de retrait.
9. Revenu hypothétique et subrogation de la collectivité
9.1. Revenu hypothétique retenu même en cas d’absence de perspective de recouvrer des revenus au niveau antérieur, en cas de mauvaise foi31
TF 5A_297/2016 du 2.5.2017, c. 3.4: Si le débirentier diminue ses revenus de manière contraire à la bonne foi, avec, pour conséquence qu’il ne lui sera plus possible de recouvrer son ancienne capacité de gain, alors une diminution de son devoir d’entretien est exclue.
9.2. Rétroactivement?
ATF 143 III 177 (TF 5A_399/2016 du 6.3.2017), c. 5.2.2., 5.2.3: Selon la jurisprudence, on peut exiger du débiteur de l’entretien qu’il compense, au moyen de revenus futurs, ce qu’il n’a pas gagné dans le passé. Le TF se demande si cela est également applicable, lorsque le débiteur va à l’avenir gagner exclusivement un revenu de remplacement (AI, AC) défini par la loi; il laisse toutefois la question ouverte. Une prestation de durée d’une assurance sociale ne peut être calculée comme revenu hypothétique que s’il est certain que, dans la période pour laquelle les contributions d’entretien litigieuses sont dues dans tous les cas, il y aurait effectivement eu une prétention correspondante.
C. 6.3.1: Dans la mesure où une collectivité avance des contributions d’entretien dues légalement, elle devient créancière des créances en question. Cela vaut aussi pour les contributions qui deviendront exigibles à l’avenir, en ce qui concerne celles pour lesquelles l’avance est déjà accordée. Dans le cas d’une subrogation partielle, l’enfant et la collectivité sont les deux passivement légitimés. Le débiteur de l’entretien doit donc assigner la collectivité publique comme défenderesse s’il souhaite faire réduire l’étendue de son obligation d’entretien (art. 289 al. 2 CC).
10. Droit aux renseignements de l’art. 170 CC
10.1. Même après le mariage…
TF 5A_566/2016 du 2.2.2017: Un droit à l’information fondé sur l’art. 170 CC existe même après le prononcé du divorce et même si le fondement des prétentions est contesté, le droit au respect de la sphère privée (art. 13 Cst.) étant limité par les liens du mariage32. En l’espèce, un contrat de mariage étranger à caractère postnuptial voyait sa validité contestée par l’épouse divorcée, qui réclamait des renseignements bancaires en Suisse pour fonder une demande d’entretien et de prestation compensatoire; les renseignements ont été accordés avant que ne soit tranchée la question de la validité dudit contrat.
10.2. … Mais pour les faits antérieurs à sa dissolution
ATF 143 III 113 (TF 5A_295/2016 du 23.2.2017): Une demande de renseignements basée sur le droit procédural suppose qu’il n’y ait pas d’action au fond disponible. Le TF rejette l’applicabilité de l’art. 170 CC postérieurement au divorce, même dans le cadre de l’application de l’art. 129 CC: l’obligation est basée sur les devoirs mutuels des époux durant le mariage, tandis que la modification de la contribution d’entretien après le divorce se base uniquement sur des faits postérieurs au mariage; aucun lien ne peut être fait entre ces deux articles. En outre, l’ex-époux n’a pas montré dans quel but il souhaitait obtenir les renseignements concernant les revenus de son ex-épouse, par conséquent la voie de la preuve à futur de l’art. 158 CPC ne pouvait être utilisée.
11. Quelques considérations financières pour terminer
TF 5A_624/2016 du 9.3. 2017: Les honoraires du mandataire doivent être chiffrés nécessairement dans les conclusions visant à l’octroi de dépens devant le TF sous peine d’irrecevabilité; il ne suffit pas de conclure à la modification de la décision entreprise en ce sens que les dépens sont mis à la charge de l’intimé, subsidiairement du canton.
TF 5D_41/2016 du 21.7.2017: L’autorité de nomination du curateur de représentation de l’enfant doit motiver son jugement, si elle entend diverger des honoraires présentés.
TF 5A_506/2017 du 19.7.2017: Les coûts de la médiation destinée à permettre de protéger les enfants du conflit de leurs parents doivent être supportés financièrement par les deux parents.
TF 5A_926/2016 du 11.8. 2017: Selon la jurisprudence, lorsque la situation financière des parties le permet, une dette peut être prise en considération dans le calcul du minimum vital si elle a été assumée avant la fin du ménage commun aux fins de l’entretien des deux époux ou lorsque ceux-ci en répondent solidairement. Les frais d’avocat n’entrent pas dans cette catégorie; ils ne servent pas à l’entretien des deux conjoints, qui n’en répondent donc pas non plus solidairement.
TF 5A_536/2017 du 14.7.2017: Les avances de frais fixées par le droit cantonal ne peuvent être revues que pour violation des droits constitutionnels, en particulier l’interdiction de l’arbitraire. y
Anne Reiser, avocate*
*Chargée de cours à l’Ecole d’avocature de Genève
1TF 5A_478/2013 du 6.11.2013 c. 4.1.
2TF 5A_714/2015 du 28.4.2016 c. 4.2.2; TF 5A_402/2011 du 5.12.2011 c. 5.1 et les références.
3ATF 134 II 235 c. 4.3.2; 124 III 5 c. 1a.
4ATF 133 III 146 c. 2.6; 131 III 553
c. 1.1; TF 5A_119/2010 du 12.3.2010
c. 2.1.3.
5ATF 133 III 146 c. 2.6; 131 III 553
c. 1.2.2; TF 5A_482/2007 du 17.12.2007 c. 3.1.
6ATF 133 III 553 c. 3; 131 III 553
c. 1.2.3; TF 5A_971/2015 du 30.6.2016 c. 5.1.
7TF 5A_43/2008 du 15.5.2008 c. 4.1.
8ATF 133 III 553 c. 4; 127 III 295 c. 2a-2b et les références; TF 5A_971/2015 du 30.6. 2016 c. 5.2; TF 5A_465/2012 du 18.9.2012 c. 3.1.2; 5A_397/2011 du 14.7.2011 c. 2.4.
9CDE; RS 0.107.
10TF 5A_746/2014 du 30.4.2015 c. 4.
11Cf. sur l’interdiction du mélange des méthodes sous l’empire de l’ancien droit: ATF 140 III 485 c. 3.
12ATF 141 II 91 c. 1.2; 136 V 362 c. 3.4.2; TF 5A_329/2016 du 6.12. 2016 c. 2.3; 5A_168/2016 du 29.9. 2016 c. 2.4.
13Corboz, in Commentaire de la LTF, 2e éd., 2014, n° 32 s. ad art. 99 LTF.
14Hohl, Procédure civile, tome II, 2e éd., 2010, n° 2857; cf. en cas de procédure régie par la maxime d’office: TF 5A_329/2016 du 6.12.2016 c. 2.3; TF 5A_807/2012 du 6.2.2013 c. 4.2.3 et 4.3; sous l’ancienne OJ: ATF 118 II 93 c. 1a.
15 ATF 123 III 115 c. 6.
16TF 5A_667/2015 du 1.2.2016 c. 6.1, publié in SJ 2016 I p. 419.
17TF 5A_397/2015 du 23.11.2015 c. 2.1.2.
18TF 5A_906/2012 du 18.4.2013 c. 6.2.2, publié in FamPra.ch 2013 p. 713 et les références.
19Cf. TF 5A_906/2012 précité.
20ATF 118 II 93 c. 1a.
21Dans ce sens, ATF 140 III 231 c. 3.5.
22ATF 140 III 337 c. 4.2.3 et 4.4; TF 5A_565/2016 du 16.2.2017 c. 4.1.1 et les références.
23Rappels: (i) le père ou la mère d’un enfant mineur peut le représenter pour toutes les questions de nature pécuniaire (ATF 136 III 365 – JdT 2010 I 514); mais (ii) dès que l’enfant devient majeur, il doit agir seul en justice et diligenter des poursuites pour recouvrer des aliments qui lui sont dus, même s’ils étaient dus et impayés pendant sa minorité (ATF 142 III 78, c. 3); et (iii) la faculté du parent qui détient l’autorité parentale d’agir en son propre nom et à la place de l’enfant perdure au-delà de la majorité de l’enfant, quand elle intervient en cours de procédure, pour autant que l’enfant majeur y consente; il doit être consulté et, s’il approuve les prétentions réclamées, le dispositif du jugement devra préciser que les contributions d’entretien seront payées en main de l’enfant (TF du TF 5A_874/2014 du 8.5.2015, c. 1.2).
24ATF 129 III 417 c. 2.1.2; 128 III 411 c. 3.2.2 et les références.
25Alors que l’obligation de contribuer à l’entretien de l’enfant mineur constitue la règle, les contributions en faveur d’enfants majeurs, dont le caractère exceptionnel a certes été relativisé (ATF 129 III 375), n’en demeurent pas moins soumises à conditions. Pour le TF, il se justifie par conséquent d’octroyer dans ce cas une protection procédurale moins grande au crédirentier et de prendre plus largement en compte les intérêts des parents (ATF 118 II 93 c. 1a).
26 TF 5A_898/2010 c. 1.1.2.
27TF 5A_898/2010 c. 1.1.1 et la doctrine citée.
28TF 5A_97/2017 du 23.8.2017 c. 3.3.1 ci-dessus.
29TF 5A_125/2016 du 27.7. 2016 c. 4.2; TF 5A_298/2015 du 30.9.2015 c. 2.1.2.
30Cependant, dans son arrêt 5A_184/2015 du 22.1.2016, le TF a indiqué que la jurisprudence développée à propos de l’obligation des parents d’épuiser leur capacité lucrative maximale pour faire face à leurs obligations familiales d’entretien (TF 5A_453/2015 du 4.11.2015 c. 2.1) est transposable dans le domaine de l’entretien de l’enfant majeur.
31Dans l’ATF 128 III 4, le TF avait tranché qu’un revenu hypothétique ne pouvait être imputé au débiteur qui a diminué son revenu volontairement et dans l’intention de nuire, que si ladite diminution était réversible. Cette jurisprudence est abandonnée, au vu des critiques de la doctrine.
32Dans un autre arrêt 5A_1022/2015 du 29.4.2016, le TF a également indiqué que le titulaire du droit à l’information n’a pas à prouver ce qu’il recherche précisément pour pouvoir exercer son droit à être informé, et qu’il suffit que le fait sur lequel porte la demande de renseignements soit potentiellement apte à justifier ses prétentions (d’entretien, par exemple) pour qu’elle soit accordée, le juge n’ayant pas, au stade de l’examen de cette requête, à examiner le bien-fondé du droit invoqué sur la base duquel (et pour l’exercice duquel) les renseignements sont réclamés.