L'actualité des tribunaux fédéraux
Tribunal administratif fédéral
L’aide à la presse indépendante du nombre d’abonnés
Bénéficier des tarifs postaux avantageux dans le cadre de l’aide à la presse ne peut dépendre de la condition d’avoir un certain nombre d’abonnés sur la totalité du tirage. L’Office fédéral de la communication exigeait jusqu’alors que 75% du tirage au moins soit distribué sur abonnement pour bénéficier d’un acheminement postal à prix préférentiel. Selon le Tribunal administratif fédéral, la loi sur l’organisation de La Poste (LOP), à son article 16 IV, et l’ordonnance sur La Poste (OPO), à son article 36, prévoient seulement que les journaux bénéficiant de l’aide à la presse doivent avoir des abonnés, mais rien ne permet de dire que leur nombre doit correspondre à un certain pourcentage par rapport au tirage. Naturellement, les exemplaires vendus en kiosque sont exclus de l’aide à la presse.
(A-469/2013 du 27.9.2013)
Pas de publicité pour du schnaps allemand
Les vendeurs de spiritueux allemands ne doivent pas adresser de publicité promotionnelle aux ménages suisses domiciliés près de la frontière. Une entreprise allemande adressait depuis quelques années des prospectus contenant des offres de ses filiales allemandes également en Suisse. Ces brochures comprenaient en partie des offres promotionnelles pour des spiritueux, ce qui est prohibé par la loi sur l’alcool. La Régie fédérale des alcools a donc interdit, en 2012, à l’entreprise allemande de continuer à distribuer ses prospectus sur sol suisse, décision que vient de confirmer le Tribunal administratif fédéral. D’après les juges, la loi sur l’alcool s’applique aussi à la publicité pour des spiritueux qui atterrit dans les boîtes aux lettres suisses en étant adressée depuis l’étranger. Ce qui est décisif est que l’effet de la publicité s’exerce en Suisse. La santé de la population helvétique est mise en danger indépendamment de la question de savoir si l’alcool est acheté en Suisse ou à l’étranger.
(A_5763/2012 du 3.9.2013)
Tribunal fédéral
Naturalisation de filles illégitimes
Le Tribunal fédéral a confirmé la naturalisation facilitée de deux filles illégitimes d’un Turc résidant dans le canton de Soleure. Les enfants vivent en Turquie et ne sont encore jamais venues en Suisse. Le canton de Soleure a invoqué en vain contre la naturalisation facilitée des deux filles un comportement du père témoignant d’un «abus de droit caractérisé», parce qu’il devait sa propre naturalisation à un mariage avec une Suissesse entre-temps rompu, et qu’il avait déjà un enfant en Turquie au moment de ce mariage. Le Tribunal fédéral rappelle que depuis 2006, la naturalisation est attribuée, suite à la reconnaissance d’un enfant, de par la loi et sans conditions. La personne concernée ne doit en particulier pas être spécialement familière des habitudes de vie, des mœurs et usages en vigueur en Suisse. En ce qui concerne l’abus de droit suspecté par le canton lors de la naturalisation du père, il n’a jamais été élucidé de manière approfondie et on ne peut donc pas non plus le considérer comme établi.
(1C_317/2013 du 8.8.2013)
Invalidation d’une initiative secrètement hostile à l’islam
L’initiative thurgovienne «Contre les manuels scolaires misogynes, racistes ou meurtriers» a été déclarée invalide avec raison, juge le TF. Le texte même de l’initiative ne posait certes pas de problème et était pour ainsi dire banal, selon la Haute Cour. On ne peut toutefois occulter le texte interprétatif du comité d’initiative qui l’accompagnait, d’après lequel il faut éviter de diffuser aux écoliers le contenu du Coran ou d’autres textes sacrés de l’islam. L’exclusion des écrits proscrits se rapporte ainsi exclusivement à une religion, soit l’islam, ont relevé les juges fédéraux. En raison de sa référence à une seule religion, l’initiative viole le principe de la neutralité religieuse de l’Etat et l’interdiction de discrimination.
(1C_127/2013 du 28.8.2013; les considérants écrits sont attendus)
L’ex-compagnon ne doit pas payer
L’ex-compagnon suisse d’une femme originaire de Thaïlande ne répond pas des prestations d’aide sociale qui lui ont été versées après leur séparation. L’homme avait signé un formulaire dans le cadre d’une prolongation de l’autorisation de séjour de son amie auprès de la Police des étrangers, par lequel il s’engageait à subvenir à ses besoins durant sa présence en Suisse. Après la séparation, la femme a perçu des prestations d’aide sociale de quelque 24 000 fr. Les autorités chargées de l’assistance publique obligèrent l’homme à restituer cette somme, sur la base de l’engagement qu’il avait pris. A tort, selon le Tribunal fédéral. Selon la 1re Cour de droit social, l’intéressé pouvait partir de l’idée que sa déclaration ne l’engageait que pour la durée de l’autorisation de séjour accordée de son temps, soit une année. Les autres autorisations de séjour accordées après la séparation l’ont été totalement sans son concours.
(8C_664/2012 du 27.8.2013)
Fin du litige sur une hausse de la RPLP
Le Tribunal fédéral vient de mettre un terme à la querelle juridique qui a duré des années et portant sur la hausse de la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP). En octobre dernier, le Tribunal administratif fédéral était parvenu à la conclusion, au terme de son second examen de la question, que la hausse de la RPLP en 2009 ne pouvait être compatible avec le principe de la couverture des frais et que les coûts engendrés par le temps perdu dans les embouteillages devaient être revus à la baisse. Le litige concerne la prise en compte dans le montant de la RPLP des coûts engendrés pour les autres usagers de la route par les bouchons. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral juge que la hausse imposée aux transporteurs routiers est conforme au droit. Il considère que le Tribunal administratif fédéral n’a pas interprété correctement les données pour effectuer le calcul des coûts.
(2C_1163/2012 du 8.8.2013)
Droit au regroupement familial d’un époux
Des personnes étrangères disposant seulement d’une autorisation de séjour peuvent avoir un droit absolu au regroupement familial avec leur époux. L’art. 44 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) prévoit que l’autorité compétente «peut» octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour. Le TF est parvenu à la conclusion que ce pouvoir devait se transformer en devoir dans certaines situations. Un tel droit inconditionnel au regroupement familial découle directement du droit au respect de la vie privée et familiale de l’art. 8 CEDH. Un tel droit existe en principe dans le cas d’un réfugié d’Erythrée, disposant d’une autorisation de séjour et qui a épousé après s’être réfugié en Suisse seulement, une femme résidant au Soudan. Comme on ne peut exiger du couple qu’il vive sa vie conjugale ni au Soudan ni en Erythrée, le regroupement familial de l’épouse devrait être en principe accordé. Dans le cas concret, l’autorisation a été cependant proscrite avec raison, parce que le couple dépendrait en Suisse de l’aide sociale.
(2C_983/2012 du 5.9. 2013)
Tribunal pénal fédéral
Opposition par fax
Le dépôt d’une opposition par fax contre une ordonnance pénale (art. 354 CPP) est juridiquement insuffisant selon le Tribunal pénal fédéral, parce qu’il ne satisfait pas à l’exigence du dépôt par écrit. Le Ministère public concerné est toutefois obligé dans un tel cas d’attirer l’attention des intéressés sans tarder en leur signalant le vice de forme, s’il est encore possible d’adresser dans le délai de dix jours une opposition formellement valable. La question de savoir si un tel devoir de signaler existe aussi lorsque les intéressés sont représentés par un avocat est laissée ouverte.
(BB.2013.27 du 13.8.2013)
(P.J/S. Fr)
Ârrets destinés à publication
Droit constitutionnel et administratif
L’interdiction, par la ville de Bâle, de fumoirs privés avec service dans les restaurants est compatible avec la réglementation fédérale sur la protection contre la fumée passive. Comme la protection de la santé des consommateurs ne se différencie pas de celle du personnel, cela laisse aux cantons une compétence d’édicter des règlements complémentaires.
(2C_912/2012 du 7.7.2013)
Pour prolonger l’autorisation de séjour d’un parent étranger n’ayant pas la garde de l’enfant (art. 50 de la loi sur les étrangers), il faut à l’avenir reconnaître que la condition d’un rapport affectif particulièrement étroit avec l’enfant est déjà remplie avec l’exercice d’un droit de visite usuel (continu et sans problème).
(2C_1112/2012 du 14.6.2013)
Les enfants grisons ayant suivi l’expérience pilote de l’enseignement du rumantsch grischun doivent terminer leur scolarité obligatoire dans cette langue. L’arrêté du Gouvernement grison en la matière n’est pas contraire à la liberté de la langue (art. 18 Cst.), ni à la l’égalité de traitement ou à l’interdiction de rétroactivité.
(2C_806/2012 du 12.7.2013)
Un importateur d’extincteurs potentiellement défectueux ne doit pas rappeler ces appareils, mis en circulation il y a environ cinq ans (annulation d’une décision du Tribunal administratif fédéral): le rappel serait aujourd’hui contraire au principe de proportionnalité, car les détenteurs de tels appareils, soucieux de sécurité, les ont entre-temps certainement soumis à une révision. Quant aux détenteurs insouciants, ils ne réagiraient de toute façon pas à un avertissement.
(2C_13/2013 du 5.9.2013)
Droit civil
La dette alimentaire d’une personne majeure (art. 328 et 329 CC) est soumise à la procédure ordinaire (art. 219 ss. CPC) et non à la procédure simplifiée (art. 243 ss CPC).
(5A_689/2012 du 3.7.2013)
Si l’avance de frais n’est pas faite dans les délais (conformément à l’art. 143 al. 3 CPC), le tribunal doit demander au débiteur de l’avance de prouver que le montant a été débité de son compte bancaire ou postal le dernier jour du délai.
(5D_101/2013 du 26.7.2013)
Si une décision est attaquée à la suite d’un vice manifeste de procédure, qui doit amener à l’annulation du jugement de première instance, la partie adverse ne peut en principe pas prétendre à l’assistance judiciaire, faute de chance de succès.
(4A_314/2013 du 6.8.2013)
Lors d’une requête d’assistance judiciaire, la partie adverse dans le cadre de la procédure principale n’a pas droit à des dépens pour sa prise de position facultative. Et le TF a réduit à 2000 fr. des frais de justice de 12 000 fr. imposés à un plaignant par le Tribunal de commerce de Zurich pour une décision d’irrecevabilité à la suite du non-paiement de l’avance de frais. Le TF a estimé que la somme de 12 000 fr. n’était pas défendable au vu du peu de travail fourni.
(4A_237/2013 du 8.7.2013)
Lors du retrait d’une action en divorce, les frais sont en principe à la charge du demandeur (conformément à l’art. 106 CPC). Le juge ne saurait appliquer l’art. 107 CPC et répartir différemment les frais selon sa libre appréciation.
(5A_352/2013 du 22.8.2013)
Pour savoir quelle est la largeur d’un droit de passage, des prescriptions de droit public peuvent aussi être prises en compte, notamment les recommandations de l’association Recherche et normalisation en matière de routes et de transports (VSS). Dans le cas d’espèce, l’ayant droit peut prétendre à ce que le chemin d’accès ait 2,3 mètres de large, avec une bordure de 20 cm de chaque côté.
(5A_66/2013 du 29.8.2013)
Le juge du divorce peut fixer fondamentalement (et pas seulement dans un cas concret) la contribution d’entretien pour l’enfant pour une période allant au-delà de la majorité (art. 133 al. 1 phrase 2 CC). Il faut en effet éviter à l’enfant de devoir plus tard intenter une action en justice contre l’un de ses parents. Le parent débiteur de l’entretien devra, si nécessaire, réclamer une modification de la contribution d’entretien (art. 286 CC).
(5A_808/2012 du 29.8.2013)
Après l’ouverture de la faillite, les circonstances de l’art 174 al. 2 LP (solvabilité retrouvée et, entre autres, remboursement de la dette) ne peuvent être prises en compte que durant le délai de recours (confirmation de jurisprudence portant sur l’ancien art. 174 LP).
(5A_258/2013 du 26.7.2013)
Un employé allemand d’une boulangerie de Kaboul ne peut pas invoquer la loi suisse sur le travail face à la société qui l’emploie, dont le siège est à Glaris. Les dispositions de cette loi ne peuvent être appliquées sur la base de l’art. 342 CO, qui traite les effets de droit civil de règles de droit public.
(4A_103/2013 du 11.9.2013)
Droit des assurances sociales
La suspension des délais de 7 jours à Pâques prévue par la LPGA (art. 38 al. 4 lit. a en relation avec l’art 60 al. 2) est calculée à partir du dimanche de Pâques, et non pas du Vendredi-Saint ou du Lundi de Pâques.
(9C_525/2013 du 23.9.2013)
Le titre final de la sixième révision de l’AI prévoit le réexamen des rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogénèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique, à mois que le bénéficiaire soit âgé de 55 ans au moment de l’entrée en vigueur de la présente modification, ou qu’il touche une rente de l’assurance invalidité depuis plus de quinze ans au moment de l’ouverture de la procédure de réexamen. Le point de départ des quinze ans est la date de naissance de la rente, et non celle de sa première perception.
(8C_324/2013 du 29.8.2013)
Les femmes sans enfants en dessous de 45 ans n’ont pas non plus droit à une rente de veuve, lorsqu’elles ont pris soin de leur mari jusqu’à son décès (art. 23 et 24 LAVS). Les termes clairs de la loi ne permettent pas d’extension du droit à la rente. Le droit au respect de la vie privée et familiale (art 8 CEDH) n’est pas violé, pas plus que l’interdiction de la discrimination (art. 14 CEDH).
(9C_400/2013 du 23.9.2013)