Assurances sociales
Doutes quant aux constatations de médecins internes à l’assurance: une question de fait ou de droit?
Par arrêt 9C_142/2011 du 9 novembre 2011, le TF avait considéré comme une question de fait la question de savoir s’il existe ou non des doutes, même minimes, quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales de médecins internes à l’assurance au sens de l’ATF 135 V 465. Une position qu’il ne confirme pas dans le jugement ci-dessous.
Etat de fait
A. J. (né en 1963) travaillait comme sommelier au service de la Brasserie X. à L.. En tant que tel, il était assuré au titre de la prévoyance professionnelle auprès de GastroSocial Caisse de pension.
Le 15 mai 2009, J. a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité (après avoir retiré une première demande le 5 mars 2007), indiquant être incapable de travailler depuis le 19 juin 2008. Après avoir recueilli différents avis médicaux, dont ceux du médecin traitant de l’intéressé, l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (ci-après: l’office AI) a soumis J. à un examen auprès de son Service médical AI (SMR). Cet examen a été effectué par le docteur C., spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, qui a conclu à une incapacité totale de travailler de l’assuré, tant dans son activité habituelle que dans une activité adaptée, en raison d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère avec symptômes psychotiques (rapport du 15 novembre 2011). Fort de ces conclusions, l’office AI a alloué à J. une rente entière d’invalidité à partir du 1er novembre 2009, par décisions du 25 mai 2012, dont un exemplaire a été adressé à l’institution de prévoyance.
B. GastroSocial Caisse de pension a déféré ces décisions au Tribunal cantonal de la République et Canton de Neuchâtel, Cour de droit public. A l’appui de ses conclusions, elle a produit un rapport établi le 10 mai 2012 par le docteur S., spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, selon lequel l’assuré, atteint d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger, disposait d’une capacité de travail notamment de deux fois quatre heures (avec une baisse de rendement d’environ 20%) dans l’activité de serveur. Statuant le 22 mars 2013, le Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours.
C. L’institution de prévoyance interjette un recours en matière de droit public contre le jugement cantonal, dont elle demande l’annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut en substance au renvoi de la cause à la Cour de droit public du Tribunal cantonal neuchâtelois pour instruction complémentaire notamment sous la forme d’une expertise psychiatrique judiciaire.
Extrait des considérants
(…)
3. Le jugement entrepris, auquel on peut renvoyer sur ce point, expose de manière complète les règles légales et la jurisprudence applicables au litige – qui porte sur le droit de l’assuré à une rente entière de l’assurance-invalidité –, notamment celles sur le principe de la libre appréciation des preuves. On ajoutera que dans une procédure portant sur l’octroi ou le refus de prestations d’assurances sociales, lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6 p.471; arrêt 8C_456/2010 du 19 avril 2011 consid. 3).
(…)
5. Comme le fait valoir à juste titre la recourante, l’appréciation des preuves à laquelle a procédé la juridiction cantonale pour constater que l’assuré présentait une incapacité totale de travail relève d’une violation du principe de la libre appréciation des preuves.
Exposant les raisons qui les conduisaient à suivre les conclusions du docteur C. et non celles du docteur S., les premiers juges ont indiqué que la divergence entre les deux psychiatres portait «uniquement» sur l’appréciation du degré de gravité du trouble dépressif récurrent présenté par l’assuré, ainsi que sur la capacité résiduelle de travail, l’évaluation médicale complète du médecin du SMR ne pouvant être remise en cause par la seule opinion du docteur S.. Dès lors toutefois que la juridiction cantonale se voyait confrontée à deux appréciations médicales opposées – dont elle admettait pleinement la valeur probante – sur des éléments aussi déterminants pour l’évaluation de l’invalidité que la gravité de l’atteinte à la santé de l’assuré et les répercussions de celle-ci sur sa capacité de travail, elle ne pouvait faire l’économie d’une nouvelle mesure d’instruction médicale.
A la lecture des rapports en cause, on constate que les premiers juges se trouvaient précisément dans la situation dans laquelle l’avis de l’expert privé mandaté par la recourante (le docteur S.) laissait subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de l’appréciation du médecin interne à l’assureur social (le docteur C.). Comme son confrère, l’expert privé a fait état de phénomènes psychotiques (hallucinations) relatés par l’assuré, mais les a mis en relation avec des dérivés de morphine que l’intimé avait consommés pendant un certain temps. Outre qu’il n’a retenu aucune limitation cognitive, ni trouble de la mémoire ou d’anxiété, le docteur S. a par ailleurs indiqué que l’assuré ne se rendait pas au suivi psychiatrique ou seulement de façon sporadique; il ne pouvait pas se prononcer sur la prise de médicaments par l’intéressé, qui affirmait faire huit à dix injections de Y.® par jour. En tout état de cause, le médecin préconisait un traitement de désintoxication, l’injection constante d’antimigraineux limitant la capacité de l’assuré et induisant une fixation sur les douleurs.
Compte tenu de ces constatations, qui n’étaient pas superposables à celles du docteur C., de même que des divergences en résultant quant à la sévérité du diagnostic posé et ses effets sur la capacité de travail de l’assuré entre les deux appréciations médicales, l’autorité cantonale de recours ne pouvait trancher la cause en se fondant sur l’un ou l’autre de ces avis, mais était tenue de mettre en œuvre une expertise judiciaire pour les départager.
6. Il convient, en conséquence de ce qui précède, d’annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour qu’elle complète l’instruction sur le plan médical, avant de se prononcer de nouveau.
(…)
(Arrêt du TF du 4 septembre 2013, 9C_301/2013)
Commentaire de l’arrêt par Philippe Graf, avocat à Lausanne
Dans plaidoyer 4/2012 (pp. 51-52), nous avons rendu compte d’un arrêt 9C_142/2011 du 9 novembre 2011, où le TF avait rejeté le recours d’une assurée AI, visant la mise en œuvre d’une expertise judiciaire de sa problématique. La recourante avait produit deux rapports motivés et circonstanciés de son psychiatre-traitant (externe à l’AI), qui contredisaient l’avis du médecin du SMR (interne à l’AI). Deux rapports qui n’ont pas empêché le TF de juger que, «Faute de doutes sur la pertinence des constatations du médecin interne à l’assurance – l’absence de doutes constituant une constatation de fait, dont l’argumentation de la recourante n’établit pas le caractère manifestement inexact –, les premiers juges n’avaient pas à ordonner une expertise judiciaire» (consid. 5.3).
Or, par le récent arrêt que nous commentons ici, rendu dans une situation semblable, où un médecin externe à l’AI avait contredit l’avis d’un médecin interne à l’AI, le TF vient d’exprimer le point de vue inverse, jugeant que l’absence de doute relevait cette fois «d’une violation du principe de la libre appréciation des preuves», tenant donc ladite absence de doutes non plus pour «une constatation de fait», mais pour – nous semble-t-il – une question de droit.
Cette évolution de la jurisprudence paraît heureuse, au regard de ce que nous disions il y a deux ans, à propos non seulement du respect du principe de l’égalité des armes, mais aussi de la différence entre causes relatives à l’assurance-accidents obligatoire, où le TF examine tant les faits que le droit, et celles relatives aux autres assurances sociales, où le TF n’examine que le droit. En effet, la règle selon laquelle il y a lieu, lorsqu’un rapport médical externe à l’assurance introduit des doutes, mêmes minimes, par rapport à ce que dit un médecin interne à l’assurance, de mettre en œuvre une expertise judiciaire, ou administrative selon l’article 44 LPGA, pourra, dorénavant, être invoquée devant le TF dans toutes les causes, c’est-à-dire même dans les causes ayant trait à l’AI.
Cela dit, l’arrêt que nous avons choisi de commenter ici suscite un certain trouble. A commencer par le fait que la composition, juges et greffière, de la Cour qui l’a rendu est identique à celle de la Cour qui avait rendu l’arrêt 9C_142/2011 du 9 novembre 2011, à la différence près de leur président. Nous relevons simplement que, tandis que le premier arrêt, de 2011, était de rejet du recours d’une assurée AI qui, si son recours avait été admis, aurait eu droit à la mise en œuvre d’une expertise médicale de son cas, l’arrêt 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 est, quant à lui, d’admission du recours d’une caisse de pension, qui refusait de verser une rente d’invalidité de 2e pilier.
On se demande ensuite pourquoi le langage que le TF emploie quant à une question aussi fondamentale que celle de savoir si un élément constitue du fait ou du droit est aussi flottant. Pourquoi notre Haute Cour a-t-elle parlé, dans son arrêt du 9 novembre 2011, de «caractère manifestement inexact» plutôt que d’arbitraire? Et pourquoi parle-t-on à présent de «violation du principe de la libre appréciation des preuves», sans pousser le raisonnement jusqu’à sa conclusion légitime, à savoir que la discussion ne porte désormais plus sur «une constatation de fait», mais bien sur une question de droit? Car n’est-il pas de jurisprudence constante que le respect des règles d’appréciation des preuves est une question de droit (cf. par exemple l’ATF 8C_231/2013 du 18.0.2013, consid. 1)? Par de telles formulations, trop imprécises, le TF laisse entendre davantage qu’il ne juge, à croire qu’il se réserve le droit de – peut-être – changer encore d’avis.
On se demande enfin pourquoi ces deux arrêts 9C_142/2011 du 9 novembre 2011 et 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 resteront des arrêts non publiés? S’agissant d’une question absolument fondamentale, puisqu’elle porte sur la possibilité, ou non, d’un contrôle, par le TF, du respect d’une règle qu’il a lui-même posée, et qui est qu’une expertise s’impose «si des doutes, mêmes faibles, subsistent quant à la fiabilité et à la pertinence des constatations médicales effectuées [par une assurance] à l’interne», les deux réponses qui y ont été apportées auraient, à notre avis, mérité, l’une comme l’autre, d’être publiées. La non-publication de l’arrêt 9C_142/2011 du 9 novembre 2011 a en tout cas permis au TF, après avoir dit une chose en 2011, de corriger ce qu’il avait dit – voire de se contredire – sans avoir à se justifier, notre Haute Cour n’ayant pas même mentionné cet arrêt dans son arrêt 9C_301/2013 du 4 septembre 2013. Ainsi, la non-publication de l’arrêt du 9 novembre 2011 résonne de façon un peu particulière, sachant que l’arrêt que nous commentons ici aurait constitué un revirement de jurisprudence si publication il y avait eu à l’époque. Au vu de ce qui précède, le fait que la publication de l’arrêt du 4 septembre 2013 n’est pas non plus prévue va peut-être commencer à poser problème au regard de la sécurité du droit.
Droit pénal
Seul celui qui n’est accessible à aucun traitement sa vie durant peut être interné à vie
L’internement à vie du meurtrier de Lucie, prononcé par le Tribunal supérieur du canton d’Argovie, est annulé par le TF qui admet le recours du condamné. Le Tribunal cantonal argovien estimait qu’un intervalle d’environ 20 ans suffisait pour être «durablement» non amendable. Le TF est plus restrictif: l’internement à vie concerne celui qui met la société en péril sans limite dans le temps. Il s’ensuit que seul celui qui se montre inaccessible à un traitement sa vie durant peut être interné à vie.
Etat de fait
Le 4 mars 2009, D. a tué Lucie, une jeune fille dont il avait fait connaissance peu auparavant. Le Tribunal cantonal argovien l’a condamné le 18 octobre 2012 à la prison à vie pour assassinat et atteinte à la paix des morts. Cette peine n’est pas contestée et est actuellement en cours d’exécution. Le tribunal a ordonné, en sus, l’internement à vie, estimant, au contraire de la première instance, que les conditions de l’art. 64 I CP étaient remplies. La Tribunal fédéral admet le recours interjeté par D. contre cette mesure.
Extrait des considérants
(…)
2.
2.1. Am 8. Februar 2004 wurde die Volksinitiative «Lebenslange Verwahrung für nicht therapierbare, extrem gefährliche Sexual- und Gewaltstraftäter» (sog. Ver-wahrungsinitiative) von Volk und Ständen angenommen (…). Ziel der Initiative war es, nicht therapierbare Gewalt- und Sexualstraftäter lebenslang und ohne Überprüfungen und Vollzugslockerungen (namentlich Hafturlaube) zu verwahren. Mit der Annahme der Verwahrungsinitiative wurde der neue Art. 123a in die Bundesverfassung aufgenommen. Nach Art. 123a Abs. 1 BV sind Sexual- oder Gewaltstraftäter, die in den für das Gerichtsurteil nötigen Gutachten als «extrem gefährlich» und «nicht therapierbar» eingestuft werden, bis ans Lebensende zu verwahren.
2.2. Art. 123a BV wurde im StGB konkretisiert (…). Nach Art. 64 Abs. 1bis StGB ordnet das Gericht eine lebenslängliche Verwahrung an, wenn der Täter eine der im Katalog abschliessend aufgeführten Anlasstaten (u.a. Mord, vorsätzliche Tötung, schwere Körperverletzung, Raub, Vergewaltigung, sexuelle Nötigung) begangen hat und (a) er mit dem Verbrechen die physische, psychische oder sexuelle Integrität einer anderen Person besonders schwer beeinträchtigt hat oder beeinträchtigen wollte, (b) bei ihm eine sehr hohe Wahrscheinlichkeit besteht, dass er erneut eines dieser Verbrechen begeht und (c) er als dauerhaft nicht therapierbar eingestuft wird, weil die Behandlung langfristig keinen Erfolg verspricht.
2.3. Der Beschwerdeführer ermordete am 4. März 2009. Er beging damit eine in Art. 64 Abs. 1bis StGB aufgeführte Anlasstat, die mit einer besonders schweren Beeinträchtigung der physischen Integrität des Opfers im Sinne von Art. 64 Abs. 1bis lit. a StGB einherging. Dass er gemäss Art. 64 Abs. 1bis lit. b StGB mit sehr hoher Wahrscheinlichkeit rückfällig wird und erneut eine qualifizierte Anlasstat verübte, ist gutachterlich erstellt. Es kann diesbezüglich auf die Ausführungen der kantonalen Vorinstanzen verwiesen werden, die sich auf die beiden psychiatrischen Sachverständigengutachten stützen (…).
Die Anordnungsvoraussetzungen der lebenslänglichen Verwahrung nach Art. 64 Abs. 1bis lit. a und b StGB liegen insoweit vor. Davon geht der Beschwerdeführer selber ausdrücklich aus (…).
Streitig ist ausschliesslich, wie das in Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB genannte Erfordernis der dauerhaften Nichttherapierbarkeit auszulegen ist. Zu prüfen ist, ob eine Nichttherapierbarkeit bis an das Lebensende des Täters, also eine «lebenslängliche» Nichttherapierbarkeit, gemeint ist oder ob darunter eine – im Sinne der Vorinstanz – zwar langfristige, nicht jedoch für das ganze Leben prognostizierte, sondern zeitlich limitierte Unbehandelbarkeit zu verstehen ist. (…).
3.2.1 (…) Damit ergibt sich schon aus dem Wortlaut von Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB, dass mit «dauer-haft nicht therapierbar» ein Zustand gemeint ist, der grundsätzlich unveränderlich ist und für immer besteht, es also um eine chronische Untherapierbarkeit bzw. eine definitive Therapieresistenz geht. (…). Für die vorinstanzliche Auslegung, wonach unter «dauer-haft nicht therapierbar» lediglich eine langfristige Untherapierbarkeit zu verstehen ist, deren Gehalt auslegungsweise näher zu bestimmen ist (…), finden sich im Wortlaut von Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB hingegen keine Anhaltspunkte.
3.2.2. Dem historischen Auslegungsmoment kommt im vorliegenden Kontext erhöhter Stellenwert zu, da die fragliche Gesetzesnorm erst mit Änderung vom 21. Dezember 2007 in das StGB eingefügt wurde und am 1. August 2008 in Kraft trat. (…) Diesbezüglich lässt sich dem Bericht der Arbeitsgruppe «Verwahrung» vom 15. Juli 2004, welche vom damaligen Justizminister eingesetzt wurde, folgendes entnehmen (S. 16): «Die Formulierung «dauerhaft nicht therapierbar» soll verdeutlichen, dass potenziell veränderbare Kriterien (wie etwa die fehlende Motivation des Täters, ein fehlendes rationales Tatgeständnis, medikamentös beeinflussbare Symptome oder die mangelnde Verfügbarkeit einer geeigneten Einrichtung zu seiner Behandlung) keine Rolle spielen und nur strukturelle, eng und dauerhaft mit der Persönlichkeit des Täters verbundene Kriterien massgebend sind. (…)
Die bundesrätliche Botschaft zur Änderung des Schweizerischen Strafgesetzbuches in der Fassung vom 13. Dezember 2002 vom 23. November 2005 (BBl 2006 889 ff., 903) übernahm die von der Arbeitsgruppe «Verwah-rung» erarbeitete Umschreibung des Begriffs der dauerhaften Nichttherapierbarkeit. (…)
Daraus erhellt, dass der Begriff «dauerhaft nicht therapierbar» gemäss Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB im Gesetzgebungsprozess durchwegs als nicht veränderbarer Zustand im Sinne einer chronischen Unbehandelbarkeit auf Lebenszeit verstanden wurde, und zwar im vollen Bewusstsein der Konsequenzen, dass die Bestimmung deshalb vermutlich nie oder höchst selten Anwendung finden werde, da «niemand eine lebenslängliche Nichttherapierbarkeit attestieren» könne bzw. sich kaum Psychiater fänden, die solche Gutachten bzw. solche Prognosen stellten. (…)
3.2.3. Dieses Ergebnis wird durch eine verfassungskonforme Auslegung untermauert. Art. 123a Abs. 1 BV spricht (…) von «nicht therapierbaren» Sexual- oder Gewaltstraftätern (…). Damit gelangt man auch bei verfassungskonformer Auslegung zum Schluss, dass mit «nicht therapierbar» bzw. «dauerhaft nicht therapierbar» ein mit der Persönlichkeit des Täters verbundener, nicht veränderbarer Zustand im Sinne einer definitiven Therapieresistenz auf Lebenszeit gemeint ist.
3.2.4. In Bezug auf den Sinn und Zweck der Gesetzesbestimmung, das teleologische Element des Auslegungsprozesses, kann weitgehend auf das Gesagte verwiesen werden. Für die systematische Auslegung bleibt folgendes anzufügen: (…).
Die ordentliche Verwahrung nach Art. 64 StGB setzt Behandlungsunfähigkeit bzw. Unbehandelbarkeit des gefährlichen psychisch gestörten Täters voraus (…).
Die lebenslängliche Verwahrung setzt ebenfalls Behandlungsun-fähigkeit des zu verwahrenden Täters voraus (Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB). Sie verlangt ausdrücklich, dass der Täter «dauerhaft nicht therapierbar» ist. Dieses Erfordernis ist (…) vielmehr und gerade auch mit Blick auf die ordentliche Verwahrung nach Art. 64 Abs. 1 StGB (zu prüfen). Bei der lebenslänglichen Verwahrung handelt es sich im Vergleich zur ordentlichen Verwahrung um die deutlich eingriffsintensivere Sicherungsmassnahme zum Schutz der Allgemeinheit. Ihr soll (nur) ein Personenkreis unterworfen werden, der dauerhaft höchste, nicht ausreichend verminderbare Risiken für die öffentliche Sicherheit repräsentiert (…).Aufgrund ihrer ausserordentlichen Eingriffsintensität sind entsprechend hohe Anforderungen an ihre Voraussetzungen zu stellen. Im Hinblick auf die Behandlungsunfähigkeit im Sinne von Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB ist nicht (nur) eine langfristige Nichttherapierbarkeit erforderlich, wie sie bereits die ordentliche Verwahrung nach Art. 64 Abs. 1 StGB voraussetzt, sondern eine solche, die dauerhaft ist, d.h. für immer unveränderlich besteht. (…)
3.3. Zusammenfassend ergibt sich, dass unter der dauerhaften Nichttherapierbarkeit nach Art. 64 Abs. 1bis lit. c StGB ein mit der Person des Täters verbundener, unveränderbarer Zustand auf Lebzeiten zu verstehen ist. Die Auffassung der Vorinstanz, bei einer Dauer von 20 Jahren sei die Unbehandelbarkeit eine dauerhafte, ist abzulehnen. (…)
3.4. Die Vorinstanz stellt im angefochtenen Entscheid (…) ausdrücklich fest, nach überein-stimmender Beurteilung beider Sachverständigen könne beim Beschuldigten keine lebenslängliche Untherapierbarkeit als ausgewiesen betrachtet werden. (…)
4. (…) Der angefochtene Entscheid ist aufzuheben, soweit darin eine lebenslängliche Verwah-rung angeordnet wird. Die Vorinstanz wird zu prüfen haben, ob die Voraussetzungen einer ordentlichen Verwahrung erfüllt sind und ob diese Massnahme entsprechend dem Antrag des Beschwerdeführers, der rechtskräftig zu einer lebenslangen Freiheitsstrafe verurteilt wurde, anzuordnen ist.
Es sind keine Gerichtskosten zu erheben (Art. 66 Abs. 4 BGG). (…)
(Arrêt du Tribunal fédéral du .11.2013, 6B_93/2013)
Commentaire de l’arrêt par Loïc Parein, Dr en droit, avocat à Lausanne
Le 22 novembre 2013, le TF annulait l’internement à vie prononcé en Argovie. L’interprétation des autorités cantonales de la condition de «non-amendabilité» s’est révêlée erronée. L’absence de possibilités d’amendement dans les 20 années à venir leur paraissait suffisante. Faux, répond le TF: le pronostic doit être fait à vie.
Doit-on y voir une trahison de la volonté populaire?
Pour répondre, il paraît suffisant de rappeler l’interprétation faite par le TF sur la base de la Constitution (consid. 3.2.3). On peut partir du principe que le texte constitutionnel colle à la volonté populaire, celui-là étant issu d’une initiative. Si un délinquant sexuel ou violent est qualifié d’extrêmement dangereux et non amendable dans les expertises nécessaires au jugement, il est interné à vie en raison du risque élevé de récidive (art. 123a al. 1 Cst.). Comme le relève le TF, la Constitution mentionne bien un délinquant qui n’est pas amendable. La résistance à la thérapie doit être définitive. Il faut donc admettre que l’interprétation du TF respecte la volonté populaire.
Le TF évoque encore le fait qu’un psychiatre doit se risquer à un pronostic définitif. Cette cautèle a été commentée lors des travaux parlementaires. La quasi-impossibilité de ce pronostic était annoncée. L’applicabilité de la volonté populaire était donc mise en doute dès le départ.
D’aucuns considèrent insupportable l’existence théorique d’une possibilité que ressorte un jour un délinquant ayant commis des actes très graves. Le système devrait prévoir une sanction «définitivement» définitive dès le départ. Est-ce légalement envisageable?
Dans un arrêt du 9 juillet 2013 (affaire Vinter et autre c/Royaume-Uni), la Cour européenne des droits de l’homme s’est penchée sur la compatibilité d’une sanction pénale dépourvue de toute possibilité de sortie ab initio. Elle a constaté que l’art. 3 CEDH interdisant des peines ou traitements inhumains ou dégradants doit être interprété comme exigeant que les peines à perpétuité soient compressibles. Là où le droit national ne prévoit pas la possibilité d’un réexamen, une peine perpétuelle méconnaît les exigences découlant de cette disposition.
En conclusion, on retiendra que le pronostic des experts de non amendabilité doit être fait pour une durée indéterminée. Actuellement, ce pronostic est sinon impossible du moins dépourvu d’appui scientifique, sauf cas très particulier. Au-delà du cas d’espèce, l’internement à vie paraît contraire à la CEDH. Il ressort de la jurisprudence européenne que le détenu a un «droit à l’espoir» de sortir un jour. Aussi, si la volonté populaire a été trahie, c’est peut-être par les initiants en proposant au peuple une institution inapplicable et illicite.