Droit pénal
Il n'existe pas de besoin social impérieux de protéger les conversations entre la police et la prison, dans le cas du décès critiqué d'un détenu, en imposant le secret de l'instruction.
Faute de décision spécifique prise par le Ministère public, la publication d'extraits anonymisés de conversations audio entre la police et la prison qui contredisaient la version officielle dans l'affaire Skander Vogt ne justifie pas une condamnation pour publication de débats officiels secrets au sens de l'art. 293 I CP. En outre, même si les conditions de l'art. 293 CP avaient été réalisées, il existait un intérêt public prépondérant à la publication de ces informations.
Etat de fait
Dans la nuit du 10 au 11 mars 2010, le détenu Skander Vogt a trouvé la mort dans sa cellule de la prison de Bochuz (VD) après avoir mis feu à son matelas. La publication litigieuse date du 16 avril 2010, soit alors que l'enquête administrative spéciale n'avait pas encore été initiée et que l'enquête pénale n'en était qu'à son début. Dans cet article, X., journaliste au «Matin», transcrivait de manière exacte, mais anonymisée, des bandes sonores contenant des conversations tenues dans la nuit du 10 au 11 mars 2010 entre la police, les agents du Service pénitentiaire et les urgences médicales. Ces informations provenaient du dossier de l'enquête pénale ouverte suite au décès de Skander Vogt, dans lequel le juge d'instruction avait ordonné à la police cantonale la production des supports en cause.
Ensuite du rapport de l'enquêteur indépendant déposé à la fin du mois de juin 2010, toute une série de mesures de réorganisation du Service pénitentiaire vaudois ont été prises, en particulier au niveau de la direction. L'article en question a également permis de «couper court aux déclarations discutables des autorités selon lesquelles toutes les procédures avaient été pleinement respectées», permettant au public de réagir et aux politiciens de prendre les mesures nécessaires. La publication n'a pas entravé ni mis en danger l'enquête ou les valeurs protégées par le secret de l'enquête, X. ayant réalisé son article dans une forme adéquate qui ne portait pas atteinte à une personne en particulier, du fait de l'anonymisation à laquelle il a procédé.
X. est renvoyé pour publication de débats officiels secrets au sens de l'art. 293 I CP. Cette disposition prévoit que celui qui, sans en avoir le droit, aura livré à la publicité tout ou partie des actes d'une instruction ou des débats d'une autorité qui sont secrets en vertu de la loi ou d'une décision prise par l'autorité dans les limites de sa compétence sera puni d'une amende.
Extrait des considérants
(...)
2.5 En premier lieu, la question est de savoir si les informations litigieuses doivent être considérées comme secrètes en vertu de la loi ou en vertu d'une décision de l'autorité dans les limites de sa compétence.
Il est constant qu'il n'existe pas de décision prise par l'autorité pénale en charge de l'enquête en vue de garantir le secret des éléments révélés par l'instruction. Il s'agit donc d'examiner si les bandes sonores contenues dans le dossier pénal étaient couvertes par le secret en vertu de la loi, auquel cas le journaliste les aurait obtenues et divulguées de manière illicite.
L'ancien Code de procédure pénale vaudois disposait d'une norme particulièrement claire sur cette question. (...) Toutefois, l'entrée en vigueur de la procédure pénale suisse, le 1er janvier 2011, a abrogé cette disposition, en sorte qu'il convient de déterminer, en vertu du droit applicable le plus favorable au prévenu (lex mitior), si le secret de l'enquête est encore protégé par les nouvelles normes procédurales, le cas échéant dans quelle mesure. En d'autres termes, il s'agit de vérifier si le nouveau Code de procédure pénale unifié impose un secret que le prévenu aurait violé:
2.6. Deux dispositions peuvent entrer en considération dans le cas d'espèce, à savoir les art. 69 et 73 CPP. Le premier article est rattaché à la section 2 du chapitre 8 relatif aux règles générales de procédure. Cette section porte le titre «Publicité». Quant à l'art. 73 CPP, intitulé «Obligation de garder le secret», celui-ci est inséré dans le même chapitre que la disposition précédente, mais à la section 3, qui traite du maintien du secret, de l'information du public et des communications à des autorités.
2.6.1. S'agissant tout d'abord de l'art. 73 CPP, son alinéa 1 n'impose le secret qu'aux membres des autorités pénales, à leurs collaborateurs et à leurs experts commis d'office. Le prévenu ayant vraisemblablement obtenu les informations litigieuses d'une partie, l'alinéa 1 de l'art. 73 CPP ne saurait trouver application. A tout le moins, il n'a pas été établi que la source du journaliste ait pu être l'une des personnes concernées par cet alinéa, qui ne peut dès lors entrer en considération.
L'alinéa 2 de l'art. 73 CPP permet à la direction de la procédure d'astreindre au secret la partie plaignante, d'autres participants à la procédure et leurs avocats, lorsque le but de la procédure ou un intérêt privé l'exige. L'obligation doit être limitée dans le temps. Comme on l'a vu, aucune décision n'a été rendue à ce titre, en sorte que cet alinéa n'entre pas non plus en considération dans la présente affaire.
Dans ces conditions, il y a lieu de constater que l'art. 73 CPP ne saurait trouver application dans le cas d'espèce, cette disposition légale n'ayant pas imposé le secret à l'une des personnes qui étaient en mesure de fournir au prévenu les enregistrements audio concernés.
2.6.2. S'agissant de l'art. 69 CPP, celui-ci traite des principes applicables à la publicité, la question étant ici de savoir à quoi se réfère le terme «publicité». (...) Il résulte du Message qu'il faut comprendre les dispositions 69 à 72 CPP figurant sous la section 2 portant le titre «Publicité» comme ne traitant que de la question spécifique de la publicité des audiences et non du caractère public d'une enquête pénale au sens large.(...) Par voie de conséquence, l'art. 69 CPP ne concerne pas l'obligation de garder le secret sur la procédure pénale, cette obligation étant spécifiquement réglée par l'art. 73 CPP. Il faut du reste considérer que cette dernière disposition règle exhaustivement la question du secret lié à une enquête pénale.
2.7. Sur la base des considérations qui précèdent, le Tribunal estime que, faute de décision spécifique rendue par le Ministère public, les informations obtenues par le prévenu n'étaient pas couvertes par le secret de l'enquête. En d'autres termes, le prévenu a livré à la publicité des éléments issus d'une instruction pénale qui n'était pas protégée par le secret en vertu de la loi. L'une des conditions objectives d'application de l'art. 293 CP faisant défaut, X. doit être libéré de ce chef d'accusation. Il sera mis fin à l'enquête pénale dirigée contre lui depuis maintenant bientôt trois ans.
Au demeurant, le Ministère public n'est pas entièrement démuni s'il entend préserver au maximum le secret d'une enquête, puisqu'il peut restreindre la consultation de son dossier en application des art. 102 et 108 CPP si les conditions en sont réunies. La consultation des bandes sonores litigieuses aurait pu être limitée et des dispositions prises pour éviter toute copie.
Si tant est que les conditions de l'art. 293 CP eussent été réalisées, il faut encore observer que le prévenu aurait été légitimé à agir sur la base des garanties offertes par l'art. 10 CEDH. Le tribunal considère en effet qu'il n'existait pas de besoin social impérieux de protéger les éléments en cause en imposant le secret de l'instruction, en particulier du fait de l'anonymisation qui a assuré une retranscription adéquate et le respect des intérêts en jeu. Du reste, le Ministère public a lui-même constaté qu'il existait un intérêt public prépondérant à la publication. On peut d'ailleurs se demander si les conditions d'application de l'art. 73 al. 2 CPP auraient permis au Ministère public d'imposer le secret sur les enregistrements audio concernés, dès lors qu'il admet lui-même que la procédure pénale n'a pas été entravée d'une quelconque manière et que son but n'a pas été mis en péril. En définitive, il y a lieu de se rallier à l'avis que la diffusion des informations, selon les modalités proposées par le prévenu, était nécessaire et justifiée par un intérêt public prépondérant par rapport à celui du maintien du secret.
3. Indemnité (429 CPP)
X. réclame l'indemnisation des frais qu'il a été tenu de supporter pour l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en vertu de l'art. 429 al. 1 lit. a CPP, laquelle correspond à ses honoraires d'avocat. Son conseil a produit une liste des opérations exhaustives avec indication du temps consacré à la défense du prévenu. Il faut observer que la procédure est maintenant engagée contre lui depuis plusieurs années et qu'elle a concerné toute une série d'autorités, notamment le Tribunal fédéral. Dans ces conditions, il apparaît que les nombreuses opérations invoquées sont proportionnées et justifiées par rapport à l'ampleur de la procédure, étant précisé qu'il s'agit d'une question de principe qui nécessite une analyse juridique importante. Le montant de 11 880 fr. réclamé sera donc alloué, l'Etat de Vaud en étant reconnu débiteur envers X.
4. Les frais
En application de l'art. 423 CPP, le prévenu ayant été libéré des fins de la poursuite pénale, l'intégralité des frais de la présente cause sera laissée à la charge de l'Etat (...).
(Jugement rendu par le Tribunal de police de Lausanne le 12 avril 2013 dans la cause X. (libéré), PE10.009847-JTR/TDE). Le procureur ayant fait appel, ce jugement n'est pas définitif.
Assurances sociales
Des soins à domicile 2,56 fois plus chers que les soins dispensés dans un établissement médicosocial, et des bénéfices objectifs de soins à domicile particulièrement ténus ne correspondent plus à une gestion économique et rationnelle de l'assurance maladie sociale.
Cet arrêt concerne la prise en charge des soins à domicile par l'assurance obligatoire de soins (AOS) dans le cas d'une patiente atteinte d'alzheimer. La juridiction cantonale avait estimé que les soins à domicile (certes incorrectement considérés comme 1.74 fois plus chers pour l'assurance maladie que les soins dispensés dans un EMS, alors que le ratio était de 2.56) devaient être pris en charge par l'AOS du fait qu'un placement en EMS aurait une incidence négative sur son état de santé, la privant des seuls repères qu'elle avait et, par voie de conséquence, risquant de faire progresser sa maladie.
Le TF a, pour sa part, considéré que cette patiente étant à un stade avancé de la maladie, les bénéfices de soins fournis à domicile apparaissaient ténus par rapport aux soins fournis dans un EMS. Il a dès lors jugé que, vu la disproportion entre les coûts - 2,56 fois supérieurs pour les soins à domicile - ces derniers ne répondaient pas au critère de l'économicité et, partant, a jugé que l'AOS était fondée dans un tel cas à limiter sa prise en charge au forfait de 108- fr. par jour correspondant au montant à sa charge en cas de soins dispensés dans un EMS.
Etat de fait
M, née en 1924, est assurée auprès de CSS Assurance maladie SA (ci-après: la CSS) pour l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie. Atteinte depuis 2003 de la maladie d'Alzheimer, elle fait l'objet d'une prise en charge médicale à domicile, prise en charge dont l'importance n'a cessé de croître au fil de l'évolution de la maladie.
Par courrier du 24 novembre 2010, la CSS a informé l'assurée et les organismes d'aide à domicile en charge du cas qu'elle n'entendait plus prendre en charge l'intégralité des frais des soins à domicile qui étaient dispensés à l'assurée, au motif que lesdits soins, extrêmement intensifs, ne respectaient désormais plus l'exigence d'économicité prévue par la loi et pouvaient être dispensés à moindre coût dans un établissement médicosocial. En dépit du désaccord de l'assurée, la CSS lui a, par décision du 28 février 2011, confirmée sur opposition le 26 octobre suivant, notifié que les prestations versées au titre de l'assurance obligatoire des soins seraient limitées à compter du 1er avril 2011 au montant de 159 fr. 65 par jour, montant correspondant à la taxe journalière la plus élevée d'un établissement médicosocial situé dans le canton de Genève. Par décision du 9 novembre 2011, contre laquelle opposition a été formée, la CSS a limité la prise en charge à un montant de 108 fr. par jour à compter du 1er décembre 2011.
Par jugement du 3 juillet 2012, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève a admis le recours formé par M, annulé les décision et décision sur opposition des 28 février et 26 octobre 2011 et dit que l'assurée avait droit à la prise en charge de l'intégralité de ses frais de soins à domicile au-delà du 1er avril 2011.
La CSS interjette un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre ce jugement dont elle a demandé l'annulation. Elle conclut à la confirmation de la décision sur opposition du 26 octobre 2011.
Extrait des considérants
1. La décision attaquée ayant été rendue dans une cause de droit public (art. 82 lit. a LTF) et dans une matière - le droit fédéral des assurances sociales - où aucune des clauses d'exception de l'art. 83 LTF ne s'applique, la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Partant, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le recours constitutionnel subsidiaire interjeté par la recourante.
(...)
3.
3.1 La juridiction cantonale a estimé que la recourante devait prendre en charge l'intégralité des frais de soins à domicile de l'assurée au-delà du 1er avril 2011. Si, d'un point de vue strictement économique, les soins à domicile étaient 1,74 fois plus chers que les soins dispensés dans un établissement médico-social (8300 fr. par mois pour les soins à domicile [soit 276 fr. 70 par jour] contre 4789 fr. 50 par mois pour les soins en établissement médicosocial [soit 159 fr. 65 par jour]), il convenait de tenir pour légèrement moins adapté et efficace, dans la comparaison des mesures, un placement en institution, au vu des risques pour l'état de santé que comporterait une telle démarche. Certes, sur le plan médical, aussi bien la première que la seconde mesures remplissaient les critères d'efficacité et d'adéquation. Il était cependant notoire que le placement de l'assurée en institution aurait une incidence négative sur son état de santé. Cette mesure la priverait des seuls repères qu'elle avait encore et ferait inévitablement progresser plus rapidement sa maladie. Il convenait par ailleurs de prendre également en considération dans la détermination de l'adéquation et de l'efficacité de la mesure des importants moyens mis en œuvre par l'époux de l'assurée pour aménager l'intérieur du domicile familial. A ce titre, les praticiens appelés à se déterminer avaient estimé que le maintien à domicile était bénéfique à son handicap et profitable à son humeur, car, même si elle ne parvenait pas à s'exprimer, elle vivait dans un milieu qui lui était familier et, par conséquent, rassurant.
(...)
4. Est litigieuse en l'espèce la question de savoir si l'intimée a droit, pour la période postérieure au 31 mars 2011, à la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins de l'intégralité des frais de soins à domicile qui lui sont prodigués.
4.1 D'après l'art. 24 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31, en tenant compte des conditions des art. 32 à 34. A la suite de l'adoption par l'Assemblée fédérale de la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins du 13 juin 2008 (RO 2009 3517), un nouvel art. 25a a été introduit avec effet au 1er janvier 2011 (RO 2009 6847). En vertu du premier alinéa de cette disposition, l'assurance obligatoire des soins doit fournir une contribution aux soins qui sont dispensés sur la base d'une prescription médicale et d'un besoin en soins avéré, sous forme ambulatoire, notamment dans des structures de soins de jour ou de nuit, ou dans des établissements médico-sociaux. D'après les al. 3 et 4, il appartient au Conseil fédéral, d'une part, de désigner les soins et de fixer la procédure d'évaluation des soins requis et, d'autre part, de fixer en francs le montant des contributions prises en charge par l'assurance obligatoire des soins en fonction du besoin en soins. Le Département fédéral de l'intérieur (DFI), auquel le Conseil fédéral a délégué à son tour les compétences susmentionnées (art. 33 lit. b, h et i OAMal), a promulgué l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31).
(...)
4.3 Par rapport au système antérieur à l'entrée en vigueur du nouveau régime de financement des soins, la forme de remboursement n'a pas changé fondamentalement: les prestations de soins ambulatoires continuent d'être remboursées selon une base horaire et les prestations de soins fournies dans les établissements médicosociaux le sont selon une base journalière.
(...)
4.4 Selon l'art. 32 al. 1 LAMal, les prestations mentionnées aux art. 25 à 31 LAMal doivent être efficaces, appropriées et économiques.
(...)
4.5 Lorsqu'il y a lieu d'examiner l'alternative que constituent des prestations de soins fournies à domicile par rapport à des prestations de soins fournies dans un établissement médicosocial, le principe d'économicité n'autorise pas l'assureur à limiter d'office la prise en charge des soins à domicile à ce qu'il aurait à supporter en cas de séjour dans un établissement médico-social. L'appréciation du caractère économique ne doit en effet pas s'effectuer au moyen d'une stricte comparaison des coûts à charge de l'assurance obligatoire des soins. (...) En d'autres mots, la fourniture de soins à domicile doit être associée à un bénéfice manifeste par rapport à un placement dans un établissement médicosocial. Néanmoins, s'il existe une disproportion évidente entre les coûts de ces deux mesures, les prestations de soins fournies à domicile ne peuvent plus être considérées comme conformes au critère de l'économicité, quels que soient les intérêts légitimes de la personne assurée, et cela même si les prestations de soins fournies à domicile apparaissent dans le cas particulier plus efficaces et appropriées qu'un placement dans un établissement médicosocial (ATF 126 V 334 consid. 2a p. 338).
5. Il convient d'examiner si la juridiction cantonale a respecté les principes susmentionnés dans le cas d'espèce.
5.1 En ce qui concerne le caractère efficace et approprié des mesures en cause, les premiers juges n'ont pas fait preuve d'arbitraire en considérant que le placement dans un établissement médicosocial était, globalement, légèrement moins adapté et efficace qu'un maintien à domicile. (...) A l'appui de leur appréciation, les premiers juges ont mis en exergue (...) les effets positifs sur l'évolution de la maladie d'un maintien dans un cadre de vie familier. Si on ne peut ignorer les bienfaits qu'un maintien à domicile peut entraîner, dans l'absolu, sur le plan personnel et psychoaffectif, de tels avantages doivent néanmoins être ramenés à leurs justes proportions dans une situation telle que celle vécue par l'intimée. Atteinte à un stade avancé de la maladie d'Alzheimer, grabataire, sans perspective d'amélioration compte tenu du caractère dégénératif et irréversible de cette maladie, l'intimée se trouve dans un état de dépendance totale pour toutes les activités de la vie quotidienne et ne dispose, à l'évidence, plus des facultés suffisantes pour participer activement à une quelconque forme de vie sociale ou familiale (...). Dans ces conditions, force est d'admettre que les bénéfices objectifs pour l'intimée de soins fournis à domicile, s'ils existent sur le plan psychoaffectif, apparaissent particulièrement ténus par rapport à des soins fournis dans un établissement médico-social et ne correspondent à tout le moins pas aux formes de bénéfices attendus mis en évidence par la jurisprudence.
5.2 En revanche, le jugement entrepris viole le droit fédéral, en tant qu'il ne tient pas compte des dispositions relatives au nouveau régime de financement des soins entrées en vigueur le 1er janvier 2011 (...). Dans la comparaison des coûts, il s'imposait, en application de l'art. 7a OPAS, de retenir, d'une part, un montant de 108 fr. par jour au titre des prestations de soins fournies dans un établissement médicosocial et, d'autre part, un montant de 54 fr. 60 par heure au titre des prestations de soins fournies à domicile (soins de base). Si l'on compare le montant retenu par la juridiction cantonale de 8300 fr. par mois pour les soins à domicile - montant fondé sur un tarif horaire de 54 fr. 60, dont il n'y a pas lieu de remettre en cause le bien-fondé (...) - avec le montant de 3240 fr. par mois (30 x 108 fr.) que la recourante devrait débourser en cas de séjour dans un établissement médicosocial, il apparaît que les soins à domicile sont 2,56 fois plus chers que les soins dispensés dans un établissement médicosocial.
5.3 Eu égard aux bénéfices limités des soins fournis à domicile et de la disproportion manifeste entre le coût d'une prise en charge à domicile et celui d'une prise en charge dans un établissement médicosocial, il n'est plus légitime de considérer que la fourniture de prestations de soins à domicile constitue, dans une situation telle que celle qui fait l'objet de la présente affaire, une mesure répondant au critère de l'économicité. (....). En l'occurrence, l'effort exigé de la part de l'assurance obligatoire des soins et, à travers elle, de la communauté des assurés - effort qui se monte à plus de 100 000 fr. par année - ne correspond plus, compte tenu de la solution alternative à disposition, à ce que l'on peut considérer comme relevant d'une gestion économique et rationnelle de l'assurance maladie sociale.
6. Le recours en matière de droit public se révèle bien fondé. Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF) (...).
(Arrêt de la IIe Cour de droit social du 6 mars 2013, 9C_685/2012)
Commentaire de l'arrêt par Gilles-Antoine Hofstetter, avocat à Lausanne
En posant que la fourniture de soins à domicile doit être associée à un bénéfice manifeste par rapport à un placement dans un établissement médico-social, notre Cour suprême semble vouloir ancrer, dans une jurisprudence destinée à la publication, une pratique restrictive en matière de remboursement des soins à domicile par l'assurance-maladie.
Si cette orientation a sa légitimité au regard du principe de l'économicité (les soins à domicile étaient en l'occurrence 2.56 plus chers que les soins dispensés en EMS), elle demeure toutefois discutable à certains égards.
Ainsi, notre Haute Cour, qui se contente de relever que le seul constat d'une meilleure qualité de vie (qu'elle qualifie de ténue dans le cas particulier) n'est pas suffisant pour justifier un écart de coûts, n'apporte pas d'information claire sur sa méthode d'analyse des critères permettant de considérer que le maintien à domicile se justifie et est manifestement plus efficace et/ou approprié qu'un placement en EMS.
Elle n'est ensuite guère plus précise sur la notion de disproportion évidente entre le coût des deux mesures et, surtout, n'explique pas pour quelle raison son analyse prend uniquement en compte les frais à charge de l'assurance obligatoire des soins, et non de l'ensemble des coûts des soins fournis, qui sont, s'agissant des EMS, également alimentés par d'autres canaux financiers, dont la collectivité publique et certaines assurances sociales (AI/AVS notamment). Une évaluation globale aurait pourtant nivelé le ratio déterminant et, sans doute, amené le Tribunal fédéral à trancher différemment.
Enfin, en restreignant la prise en charge des soins à domicile, notre Haute Cour semble faire peu de cas du principe du libre choix du fournisseur de prestations (consacré à l'art. 41 LAMal ). Sa décision revient en effet à inciter, pour ne pas dire contraindre l'assuré qui ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour supporter une telle mesure d'opter pour le placement en EMS..
L'actualité des tribunaux fédéraux
Tribunal fédéral
Réduction de prestations à cause d'un doigt d'honneur
Un automobiliste voit ses prestations d'assurance accidents réduites de moitié pour avoir fait un doigt d'honneur à deux hommes. Il avait réagi ainsi après que ces derniers l'avaient provoqué dans un parking zurichois, par des gestes et des insultes. Mais il s'est fait rouer de coups jusqu'à en perdre connaissance. Le Tribunal fédéral a donné raison à l'assurance accidents du blessé et confirmé la réduction de moitié des prestations. Une telle réduction, selon l'article 49 de l'ordonnance sur l'assurance accidents, ne dépend pas du fait que l'assuré ait subi ou non lui-même des violences. La seule question décisive est de savoir si la victime connaissait ou devait connaître le danger d'une violente altercation. De nos jours, il faut d'emblée prévoir qu'un incident tel qu'il est survenu dans le cas d'espèce est susceptible de dégénérer. En faisant un doigt d'honneur, l'automobiliste a provoqué le drame qui s'en suivi. Selon le cour ordinaire des choses, le geste obscène était propre à déclencher la regrettable attaque.
(8C_932 du 22.3.2013)
Pas de dispense pour le yoga au jardin d'enfants
Un couple de confession chrétienne ne peut pas dispenser son fils de suivre un cours de yoga au jardin d'enfants. C'est une forme non religieuse de yoga qui est enseignée. Les enfants font tout d'abord un jeu basé sur le mouvement et le rythme, avant de discuter d'un thème tel que les saisons et de mimer des histoires avec des figures comme le soleil, la lune ou un animal. Enfin, ils se détendent allongés sur un matelas, en écoutant un conte de fées accompagné d'une musique douce. En tant que chrétiens croyants, les parents se sentent atteints dans leurs sentiments religieux par ce cours de yoga qu'ils considèrent comme une pratique hindoue. Le TF n'y voit en revanche pas d'atteinte à la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.). Le yoga pratiqué au jardin d'enfants n'est pas un acte de culte ou lié à une confession. Il n'y a ni intention de conversion ni de forme religieuse d'enseignement. Il s'agit d'une méthode permettant de rendre l'enseignement plus attractif, relevant de la liberté pédagogique des maîtres d'école. Il y a un intérêt public à ce que l'enfant y participe pour son intégration et à ce que le cours se déroule sans problème.
(2C-897/2012 du 14.2.2013)
La police militaire peut stopper un conducteur civil
La police militaire est aussi en droit d'intervenir contre des automobilistes civils, si ceux-ci créent un danger pour la circulation. Dans le cas d'espèce, un conducteur a été contrôlé alors qu'il roulait à 75 km/h au lieu de 50 km/h. Il a été dénoncé à la police civile et finalement condamné. Devant le TF, il s'est défendu en affirmant que le résultat du contrôle n'était pas utilisable. Selon le TF, la police militaire n'est en principe pas compétente pour effectuer des contrôles du trafic non militaire. Elle peut toutefois intervenir quand des automobilistes civils représentent un danger pour la circulation. Des conditions qui étaient remplies dans le cas d'espèce.
(6B_243/2012 du 21.2.2013)
Tribunal administratif fédéral
Nationalisation contestée
Un Turc ayant obtenu la nationalité suisse après son mariage avec une Suissesse a eu trois filles en Turquie, d'une autre union. Le TAF a confirmé la naturalisation de deux des filles, l'une née avant la dissolution du premier mariage du père, l'autre après. L'aînée n'a pas eu droit au passeport suisse, car elle est née avant que son père n'ait lui-même obtenu la nationalité suisse. L'Office fédéral des migrations a accepté la demande de naturalisation facilitée malgré l'opposition du canton de Soleure, qui dénonçait un abus extrême. Le TAF estime que deux des trois filles remplissent les conditions légales. Même si elles n'ont jamais vécu en Suisse, elle peuvent être considérées comme intégrées «par analogie», conformément à l'art. 26 de la loi sur l'acquisition et la perte de la nationalité. Il suffit que les filles vivent avec leur père en Turquie, qu'elles apprennent l'allemand dans une école privée et maîtrisent «moyennement» la langue. Le canton de Soleure a fait recours au TF.
(C_3479/2010 du 14.2.2013)
Interdiction de voyager pour un supporteur
Un supporteur du FC-Bâle avait été pincé à l'entrée du stade avec des engins pyrotechniques sous ses vêtements, ce qui lui avait valu une condamnation pénale et une interdiction de périmètre pour un temps limité. A la fin de 2010, l'Office fédéral de la police (fedpol) a prononcé contre lui une restriction de voyager de quatre jours pour l'empêcher d'assister à un match du FC Bâle contre le FC Bayern de Munich. Une décision confirmée par le TAF, qui estime que la tentative d'introduire des engins pyrotechniques dans un stade doit être qualifiée de tentative de participation à des actes de violence, au sens de l'ordonnance fédérale sur les hooligans (OMpaH). Car il est à prévoir que le but est d'allumer ces engins, en prenant le risque de faire peur au public et de le mettre en danger.
(C-8376/2010 du 19.2.2013)
Cogneur refusé à l'armée
Un jeune homme se voit refuser l'entrée à l'école de recrues pour avoir, par deux fois, tabassé des gens. Les deux procédures qui se sont ensuivies - pour voies de fait et atteinte à l'intégrité corporelle - ont été interrompues, car les victimes ont soit renoncé à déposer plainte, soit retiré leur plainte après une conciliation. Le service de l'armée chargé d'examiner la sécurité des personnes est arrivé à la conclusion que le jeune homme ne devait pas être autorisé à porter une arme en raison de son agressivité et qu'il représentait un risque pour l'armée. Il a été exclu du recrutement par le Département fédéral de la défense. Le TAF confirme cette décision. Les personnes à qui on confie une arme doivent être particulièrement fiables, ce qui n'est pas le cas ici. Au vu des actes qu'il a déjà commis, on peut conclure que le jeune homme présente un potentiel de violence supérieur à la moyenne. Peu importe dès lors qu'il n'ait jamais été jugé.
(A-5617/2012 du 25.3.2013)
Exclu de l'armée après des délits routiers
Des délits routiers au civil peuvent justifier une exclusion de l'armée. Un appointé-chef avait été condamné trois fois entre 2008 et 2012 pour conduite en état d'ivresse. Le dernier épisode avait été sanctionné par une peine pécuniaire de 180 jours-amende avec sursis partiel. L'exclusion de l'armée a été prononcée en 2012. L'ex-appointé-chef a fait valoir, sans succès, que les militaires seraient nombreux à être exclus de l'armée s'ils étaient traités aussi sévèrement que lui pour des actes semblables. Selon le TAF, une exclusion est prononcée par l'armée en cas de peine privative de liberté de plus de six mois ou une peine pécuniaire de 180 jours-amende ou plus. Le fait que la peine soit prononcée avec sursis, sursis partiel ou sans sursis ne joue aucun rôle.
(A-4854/2012 du 7.3.2013)
Recours du Biennois accusé de terrorisme admis
C'est à tort que l'Office fédéral des migrations (ODM) s'est basé aveuglément sur les informations lacunaires du Service de renseignement de la Confédération (SRC) dans l'affaire de la révocation de l'asile prononcée contre un gymnasien biennois détenu au Kenya. Le jeune homme d'origine jordanienne avait été arrêté au Kenya en raison de ses liens présumés avec la milice islamiste somalienne Al-Shabaab. L'ODM devra de nouveau statuer sur la révocation de l'asile du jeune homme. La décision du TAF ne concerne pas l'interdiction d'entrée en Suisse prononcée par l'Office fédéral de la police. Un recours à ce sujet doit encore être traité par le Département fédéral de justice et police.
(E-5688/2012 du 18.3.2013)
pj/spr
Arrêts destinés à la publication
Droit constitutionnel et administratif
Le détenu en préventive qui consent à une exécution anticipée de peine (art. 236 CPP) ne peut plus bénéficier de l'examen périodique de la détention provisoire au sens de l'art. 227 CPP.
(1B_81/2013 du 14.3.2013)
Les parents d'une victime qui ont annoncé faire valoir des prétentions civiles doivent être informés de la levée de la détention préventive de l'auteur de l'infraction, selon les art. 117 et 214 IV CPP. Ils ne sont toutefois pas légitimés à faire recours contre la décision de libération du détenu.
(1B_7/2013 du 14.3.2013)
Pour effectuer des forages d'essai dans une forêt près d'Effingen (AG) relatifs à des gisements de calcaire et de marne, il faut obtenir une autorisation exceptionnelle hors de la zone à bâtir selon l'art. 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, vu que les eaux sont sous protection particulière contre les dangers potentiels et d'un site inscrit à l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (IFP).
(1C_423/2012 du 15.3.2013)
Droit civil
Les prêts destinés aux étudiants ne tombent pas sous le coup de la loi fédérale sur le crédit à la consommation (LCC). Il s'ensuit que les banques ne sont pas obligées d'examiner avant la conclusion du contrat la capacité de l'emprunteur à contracter un crédit, selon l'art. 28 LCC.
(4A_575/2012 du 26.2.2013)
Pour savoir si un bonus doit être considéré comme une gratification ou comme une part du salaire, il ne faut pas se baser, dans le cas de très hauts revenus (qui sont à même de garantir bien plus que l'existence économique), sur le rapport entre bonus et salaire fixe.
(4A_520/2012 du 26.2.2013)
Droit pénal
Lorsque la police examine les adresses contenues dans un téléphone mobile, il ne s'agit pas simplement d'une fouille des effets d'une personne, dont la licéité n'est pas soumise à des conditions particulières, mais d'une perquisition d'installations destinées à l'enregistrement d'informations au sens de l'art. 246 CPP qui doit être ordonnée ou effectuée par le Ministère public.
(6B_307/2012 du 14.2.2013)
Lors de participation à une rixe (art. 133 CP) peut également être poursuivi celui qui ne s'en est mêlé qu'après qu'une personne a déjà été blessée ou tuée.
(6B-651/2012 du 28.2.2013)
Pour ordonner l'internement (art. 64 I CP), il faut que le critère d'avoir porté ou voulu porter «gravement atteinte à l'intégrité physique, psychique ou sexuelle d'autrui» ne soit pas seulement rempli dans le cas des infractions passibles d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins, mais aussi dans le cas du catalogue d'infractions explicitement mentionnées.
(6B_315/2012 du 21.12.2012)
En raison des progrès de la médecine en matière thérapeutique, la transmission du virus du sida à un partenaire sexuel qui ignore ce risque ne peut plus être considéré comme une lésion corporelle grave susceptible de mettre sa vie en danger au sens de l'art. 122 CP. Le Tribunal cantonal zurichois devait examiner si l'on était en présence d'une atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (art. 122 III CP) ou d'une lésion corporelle simple (art. 123 CP).
(6B_337/2012 du 19.3.2013)
L'autorisation d'ouvrir une poursuite pénale contre un fonctionnaire selon l'art. 15 de la loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires doit exister au plus tard au moment de la procédure de recours (confirmation de la jurisprudence). Le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir s'il en irait de même dans les cas graves.
(6B_142/2012 du 28.2.2013)
Droit des assurances sociales
L'art. 26 de l'ordonnance sur l'assurancechômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité fixe, conformément à la loi, que lorsque l'assuré n'a pas remis la preuve de ses recherches d'emploi dans les délais, il n'y a pas lieu de lui fixer un délai supplémentaire (conformément à ce qui était prévu dans la réglementation en vigueur jusqu'à la fin de 2011).
(8C_601/2012 du 12.3.2013)
Dans le système du «tiers payant», il n'existe aucun devoir de payer des intérêts moratoires au fournisseur de prestations de la part de l'assureur maladie.
(9C_354/2012 du 6.2.2013)
Le fait de devoir accomplir un stage, exigé en pratique pour l'obtention d'une place d'apprentissage, doit avoir la valeur de formation dans l'optique de la rente pour enfant de l'AI qui est obtenue après l'âge de 18 ans.
(8C_682/2012 du 7.3.2013)
Le fait de prendre part à un programme d'occupation ne consiste pas en une période de cotisation au sens de la loi sur l'assurance-chômage. L'art. 23 de la loi fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité doit être interprété largement.
(8C_754/2012 du 15.3.2013)
Lors du calcul d'une éventuelle surindemnisation au sens de l'art. 69 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, l'ayant droit peut faire valoir comme frais supplémentaires également les frais d'avocat. Les frais d'avocat à prendre en compte doivent avoir été indispensables pour l'obtention des prestations déterminantes pour le calcul de la surindemnisation. Les dommages-intérêts obtenus par une partie, tout comme les prestations d'assurance de protection juridique, doivent être déduits.
(8C_730/2012 du 28.3.2013)
pj/s.fr
Derniers arrêts de Strasbourg
Un trafiquant de drogue nigérian obtient le droit de rester en Suisse
La Cour a déclaré recevable la requête introduite en 2009 par un Nigérian, son ex-femme et ses deux filles pour violation du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH). Venu en Suisse comme requérant d'asile en 2001, il était devenu en 2003 père de filles jumelles. En 2006, il avait été arrêté en Allemagne pour trafic de drogue et condamné à une peine de trois ans et demi d'emprisonnement pour avoir tenté d'importer 257 grammes de cocaïne pure.
Le 8 janvier 2009, le Tribunal fédéral rejeta le recours des requérants (arrêt 2C_609/2008) contre le refus de lui accorder une nouvelle autorisation de séjour. Il considéra que ce refus frapperait sans doute fort la famille, mais que l'intérêt public à l'expulsion l'emportait en raison de sa condamnation pénale et de sa dépendance à l'aide sociale. C'est justement dans le cas d'infractions lourdes - comme le cas grave au sens de l'art. 19 II de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes - que seul «un risque réduit doit être pris en compte du point de vue du droit des étrangers» et qu'une expulsion peut se justifier même si le risque de réitération est réduit.
La 2e Chambre de la Cour a décidé par 5 voix contre 2 que le renvoi était dans ce cas disproportionné. Ce père de famille vit dans l'intervalle depuis plus de sept ans et demi en Suisse, ce qui constitue une durée considérable dans la vie d'un être humain. En outre, s'agissant de la pesée des intérêts, il faut considérer qu'il n'a commis qu'une seule infraction grave et que son comportement était irréprochable depuis sa libération le 5 mai 2008, ce qui permettait d'émettre un pronostic favorable. Désormais divorcé, il s'efforce de maintenir un contact régulier avec ses filles (droit de visite limité à un après-midi chaque deux semaines au moins).
La juge Jociene (Lituanie) et son collègue Lorenzen (Danemark) ont nié dans leur opinion dissidente commune que l'expulsion du requérant vers le Nigeria emportait violation de l'art. 8 CEDH. La Cour a souvent dit, s'agissant du trafic de stupéfiants, qu'elle concevait que les autorités nationales fassent preuve de fermeté à l'égard de ceux qui contribuent à la propagation de ce fléau. En outre, le requérant a séjourné en Suisse pendant une période relativement courte avant sa condamnation en Allemagne et il vit désormais séparé de son ex-épouse suisse. Reste à savoir si le Grande Chambre de la Cour devra trancher ce cas.
(Arrêt de la 2e Chambre N° 12020/09 «Udeh c. Suisse» du 16 avril 2013)
L'alimentation forcée du détenu Rappaz ne constitue pas une violation de la convention
Une majorité de la 2e Chambre de la Cour a jugé manifestement infondée la requête du détenu Bernard Rappaz. Condamné à une peine de plusieurs années de détention, il avait dû rester en prison en 2010 en dépit d'une grève de la faim, ce qui n'avait pas porté atteinte à son droit à la vie (art. 2 CEDH). La Cour certifia que les autorités suisses avaient pris toutes les mesures nécessaires; en effet elles ont reconnu le danger de la grève pour la santé du requérant, ont ordonné une interruption de quinze jours de la détentions puis qu'il soit alimenté de force. Et, lorsque le médecin traitant refusa de pratiquer un tel acte contre la volonté de son patient, le Tribunal fédéral lui en donna l'ordre (ATF136 IV 97).
Les autorités nationales ont aussi respecté l'interdiction des traitements inhumains et dégradants (art. 3 CEDH). L'alimentation forcée est autorisée selon Strasbourg si la nécessité médicale en a été démontrée de manière convaincante, s'il existe des garanties procédurales accompagnant la décision d'alimentation de force et si elles ont en l'espèce été respectées. En outre, la manière dont un requérant est alimenté de force pendant sa grève de la faim doit être conforme à la convention. Ces trois conditions étaient remplies.
La Cour écarte en outre l'argument selon lequel l'alimentation forcée du détenu aurait dû être expressément prévue dans la législation nationale. Le Tribunal fédéral s'est basé sur la clause générale de police prévue par l'art. 36 I Cst. qui permet de renoncer à une disposition expresse en cas de «danger sérieux, direct et imminent». La Cour admet la voie empruntée par le TF, puisque c'est au premier chef aux juridictions nationales qu'il incombe d'interpréter le droit interne.
(Décision sur la recevabilité de la 2e Chambre N° 73175/10 «Bernard Rappaz contre Suisse» du 26 mars 2013)
Escroquerie à l'aide sociale: la volte-face vaudoise respecte la CEDH
Les autorités de poursuites vaudoises ont reproché à un bénéficiaire de l'aide sociale d'avoir tu le salaire qu'il percevait et encaissé ainsi indûment quelque 32 000 fr. à titre d'assistance. Il a été accusé d'infraction à la législation sociale. Le premier jour de l'audience, son comportement fut requalifié en escroquerie (art. 146 CP) sur demande du Ministère public. Il recourut en vain contre le verdict au TF en invoquant diverses violations du droit au procès équitable (arrêt 1P.462/2006 du 3.10.2006).
La requalification de l'infraction, intervenue au début de l'audience de première instance, n'est pas en soi constitutive d'une violation de l'art. 6 CEDH. En effet, le requérant disposait de différentes voies de recours, dont il a d'ailleurs fait usage, pour faire valoir ses arguments. Une majorité de la 2e Chambre estime donc la requête manifestement mal fondée.
(Décision sur la recevabilité de la 2e Chambre N° 16847/07 «Diallo Mamadou Bobo c. Suisse» du 19 mars 2013)
Automate de jeu illégal: le procès de Bâle-Campagne conforme à la convention
La justice pénale de Bâle-Campagne a amendé un ressortissant italien pour contravention à la loi fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu à une amende de 2000 fr. et confisqué l'automate de jeu saisi chez lui. Le Tribunal fédéral confirma la sanction dans son arrêt 6B_92/2008 du 20.6.2008. La Cour considère que la requête basée sur la violation du droit à un procès équitable (art. 6 CEDH) est manifestement mal fondée. Le requérant représenté par un avocat a eu suffisamment d'occasion de réfuter les accusations de témoins à charge et d'exposer sa version des faits.
(Décision sur la recevabilité de la 2e Chambre N° 4380/09 «Liborio Garofolo c. Suisse du 2.4.2013)
La Grande Chambre accepte l'interdiction de la publicité radiophonique politique
La Cour a accepté par neuf voix contre huit l'interdiction de la publicité politique payante dans les programmes de la radio et de la télévision britannique. Elle s'est prononcée contre la requête d'une organisation de protection des animaux à qui l'on avait refusé la diffusion de spots TV contre la détention de singes dans les zoos. La majorité de la Cour approuve l'idée de protéger les débats bénéficiant d'une audience importante de l'influence de groupes disposant de moyens financiers conséquents.
(Arrêt de Grande Chambre N°48876/08 «Animal Defenders International c. Grande-Bretagne» du 22.4.2013)
F. Z./S. Fr