Assurances sociales
Remboursement par l'assurance de base d'une spécialité «hors liste»
En cas de risque vital pour l'assuré, il est possible, à certaines conditions, d'obtenir le remboursement, par l'assurance maladie de base, d'une préparation ne figurant pas sur la «Liste des spécialités». Le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales a admis le recours d'une assurée concernant la prise en charge de compléments alimentaires rendus nécessaires par un traitement chirurgical de l'obésité.
Etat de fait
Une femme née en 1967, ne disposant que de l'assurance maladie de base, souffrait d'obésité morbide. Elle a subi une opération dite de Scopinaro en juin 1997, visant à réduire la longueur de son intestin grêle. En raison d'une perte de poids trop importante, une partie du circuit de son intestin sera rétablie en 1999.
Les effets secondaires sont terribles: diarrhées profuses toute la journée, jusqu'à plusieurs fois par heure, vomissements incoercibles, parfois même de matières fécales. Le seul moyen de les supprimer est d'introduire une alimentation uniquement liquide, avec des suppléments nutritifs protéinés, vitaminés et des oligo-éléments, qui doivent être achetés en pharmacie.
La caisse maladie refuse de rembourser ces suppléments, au motif qu'ils ne figurent pas sur la liste des spécialités, ne reconnaissant un remboursement que si ceux-ci sont administrés par sonde, et non pas par voie naturelle. Après décision sur opposition, l'affaire est déférée au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales (TCAS).
Interrogé, l'OFSP a précisé que lors de sa séance du 14 février 2002, la Commission fédérale des prestations a considéré que l'admission de la nutrition entérale
à domicile (c'est-à-dire sans utilisation de sonde) à charge de l'assurance obligatoire des soins
représenterait le risque d'une extension incontrôlée des coûts. Le procès-verbal de cette séance a été versé au dossier.
Le professeur A., qui a opéré en 1997 cette dame, et la Dr C., son médecin traitant, ont été entendus par le TCAS et ont notamment déclaré qu'une alimentation «normale» était exclue, que leur patiente avait besoin médicalement de ces compléments alimentaires, et qu'en l'absence de ceux-ci elle mourrait à court terme. Ils considéraient aussi que de poser une sonde dans ce cas serait une absurdité, puisque la voie naturelle permet un transit sans problème.
Extrait des considérants
3. Le litige porte sur le remboursement par l'assurance de base des compléments de protéines, de vitamines et d'oligoéléments pris par voie orale.
4. (Définition de l'efficacité, du caractère approprié et de l'économicité selon l'art. 32 LAMal).
5. Sur la base de la délégation de compétence de l'art. 33 al. 1 et 5 LAMal, le Conseil fédéral, soit pour lui le Département fédéral de l'intérieur, a établi la liste des prestations fournies par des médecins dont les coûts n'étaient pas à la charge de l'assurance obligatoire ou ne l'étaient qu'à certaines conditions (art. 33 let. a OAMal; art. 1 et annexe 1 OPAS). Les assureurs ne peuvent, au titre de l'assurance obligatoire, prendre en charge d'autres frais que ceux prévus par la loi (art. 34 al. 1 LAMal). Conformément à l'art. 52 al. 1 let. b LAMal (en corrélation avec les art. 34 et 37e OAMa1), l'office, après avoir consulté la Commission fédérale des médicaments et conformément aux principes des art. 32 al. 1 et 43 al. 6 LAMal, établit une liste, avec des prix, des préparations pharmaceutiques et des médicaments confectionnés (liste des spécialités). (...)
Selon la jurisprudence, la liste des spécialités a un caractère à la fois exhaustif et contraignant (cf. ATF 128 V 161 consid. 3b/bb). D'une part, les coûts des médicaments qui ne sont pas mentionnés dans la liste ne doivent en principe pas être pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (RAMA 2004 N° KV 272 p. 112 consid. 3.2.1 et l'arrêt cité; SVR 2004 KV N° 9 p. 30 consid. 4.2, non publié dans la RAMA 2004 N° KV 276 p. 143). D'autre part, au regard du système de listes déduit de l'art. 34 al. 1 LAMal (cf. à ce sujet, ATF 125 V 29 consid. 5b; RAMA 2002 N° KV 196 p. 9 consid. 3b/cc, 2001 N° KV 158 p. 159 consid. 4b et les références), la liste des spécialités contient une énumération exhaustive des différentes positions. Ainsi, lorsqu'un médicament est inclus dans la liste des spécialités avec une limitation de son utilisation à des indications déterminées, on ne saurait admettre un devoir de prester par un raisonnement analogique si le médicament est prescrit en vue d'autres indications que celles figurant dans la liste, à moins que celle-ci ne prévoie - par l'emploi du terme «etc.» - la possibilité d'un complément par les autorités d'application (ATF 125 V 30 consid. 6a; cf. RAMA 2002 N° KV 196 p. 11 consid. 3c/aa in fine et les références).
(...)
6. L'annexe 1 de l'ordonnance du DFI sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie, du 29 septembre 1995 (ordonnance sur les prestations de l'assurance des soins, OPAS; RS 832.112.31) énumère les prestations dont l'efficacité, l'adéquation ou le caractère économique ont été examinés par la Commission des prestations (art. 37d al. 1 OAMal - ci-après la commission) et dont les coûts sont pris en charge, le cas échéant à certaines conditions, ou ne sont pas pris en charge par l'assurance obligatoire des soins.
Cette commission d'experts, composée notamment de médecins et de représentants des assurés et des assureurs (art. 37d
al. 2 OAMal) examine les demandes de prise en charge des coûts d'une nouvelle prestation, déposées en principe par un offreur (fabricant, hôpital ou groupe hospitalier, société médicale) et vérifie que ces prestations soient efficaces, appropriées et économiques et que leur efficacité soit démontrée selon des méthodes scientifiques. Le dispositif d'évaluation s'inscrit dans un processus décisionnel clairement défini, qui aboutit régulièrement à des modifications de l'OPAS et de ses annexes. Il est fondé sur la preuve scientifique de l'efficacité et sur l'exposé transparent des risques et des effets secondaires de la nouvelle prestation ainsi que sur l'impact financier de sa prise en charge éventuelle (OFSP, Manuel pour la présentation de demandes de prise en charge par l'assurance de prestations nouvelles ou controversées, mai 2008).
7. Ces principes ont guidé le Tribunal fédéral, notamment dans un arrêt du 16 septembre 2003
(K 46/2003) relatif à la prise en charge des coûts du médicament Xenical. Ce médicament figure dans la liste des spécialités avec une limitation thérapeutique (indice de masse corporelle de 35 au moins) qui n'était pas réalisée dans le cas qui lui était soumis. L'intéressée y alléguait que la limite ne pouvait lui être opposée compte tenu des circonstances particulières de son cas. Le TF a rappelé qu'il faisait preuve d'une très grande retenue dans le contrôle de la légalité de limitations ou d'indications dans la liste des spécialités (RAMA 2001
N° KV 158 p. 159 consid. 4b et les références) et qu'en l'occurrence il n'y avait pas de motif de mettre en doute le bien-fondé de la limitation en cause. Celle-ci avait pour but de prévenir tout risque d'abus pouvant résulter d'une prise en charge par les assureurs du médicament sans indication médicale clairement définie (RAMA 2000 N° KV 120 p. 164 consid. 3c/aa). Le TF a en outre précisé que s'écarter de la limite requise reviendrait à substituer au critère quantitatif retenu d'autres indications à caractère médical, ce qui n'était pas le rôle du juge, du moins aussi longtemps que le critère fixé n'apparaissait pas insoutenable (cf également ATAS/ 203/2007).
Il y a lieu de constater que, selon la jurisprudence, les avis de la commission lient en principe le juge, lorsqu'il s'agit d'apprécier des situations qui relèvent exclusivement de considérations d'ordre médical. Le juge n'est en effet généralement pas en mesure de se prononcer sur la pertinence des conclusions auxquelles sont arrivés les spécialistes en la matière. Aussi doit-il alors s'en remettre à l'opinion de ceux-ci, à moins qu'elle ne paraisse insoutenable (ATF 114 V 23 consid. lb, ATF 113 V 46 consid. 4d/cc, ATF 112 V 306 consid. 2c).
Le TF s'en est ainsi tenu à l'avis de la commission dans un cas d'amniocentèse (ATF 112 V 303), parce que la question relevait exclusivement de considérations médicales, dans un cas de procréation artificielle par fécondation in vitro et transfert d'embryon (ATF 113 V 42), au motif que la Fivete ne répondait pas à la définition jurisprudentielle de la mesure scientifiquement reconnue (cf. également ATF 108 V 253) et dans un cas de thérapie musicale (ATF 114 V 22).
Il s'en est en revanche écarté, s'agissant d'actes chirurgicaux en relation avec l'opération de changement de sexe (ATF 114 V 153 et 162), après avoir constaté que l'opinion des spécialistes ne se fondait pas, en l'occurrence, sur des considérations d'ordre strictement médical, propres à lier le tribunal, mais surtout sur des appréciations générales ou de nature juridique, que ce dernier revoit librement. Le TF a, à cet égard, rappelé que, lorsqu'il se prononce sur le caractère scientifiquement reconnu d'un traitement déterminé, le département fédéral - qui se fait conseiller par une commission de spécialistes - dispose d'une certaine latitude de jugement. C'est pourquoi sa décision ne sera déclarée inapplicable, parce que contraire à la loi, par le juge des assurances sociales que si elle résulte d'une appréciation manifestement erronée, par exemple en cas d'arbitraire dans l'appréciation du caractère scientifiquement reconnu d'une mesure. Le TF a considéré que l'opération de changement de sexe, en tant que traitement d'une affection de nature psychique par l'ablation de certains organes, était de nos jours largement admise par le corps médical et pratiquée en général avec succès, de sorte que son caractère scientifiquement reconnu ne pouvait en principe plus être nié. Datant de l'époque à laquelle la pratique
de ce genre d'opération en cas de transsexualisme avait à peine commencé à se répandre, la jurisprudence rendue en 1979 n'était plus adaptée, ni aux circonstances nouvelles ni aux conceptions juridiques actuelles, ce qui justifiait qu'elle soit modifiée (cf ATF 110 V 124 consid. 2e et les références).
8. Les compléments alimentaires, prescrits à l'assurée, ne figurent pas sur la liste des spécialités, parce qu'ils sont pris oralement. Seuls ceux administrés par voie de sonde le sont. C'est la raison pour laquelle la caisse maladie a refusé de les prendre en charge.
9. Il ressort du procès-verbal établi lors de sa séance du 14 février 2002 qu'en substance la Commission des spécialistes a écarté de la prise en charge par l'assurance de base l'alimentation entérale, soit celle qui se fait directement dans l'estomac par la voie digestive, pour les motifs suivants:
- l'alimentation artificielle ne coûte pas beaucoup plus cher en moyenne que l'alimentation «normale»;
- il y a un risque que, dans les EMS, l'alimentation de cette nature soit favorisée, dans l'unique but d'économiser sur les frais de personnel;
- une grande quantité de produits de ce type risque d'inonder le marché suisse; 80% des coûts sont déjà financés par les assurances complémentaire;
- il est parfois difficile de distinguer médicaments et aliments;
- la liste des indications est très grande, de sorte qu'il n'y aurait pas de garde-fou et que contenir les coûts deviendrait difficile, voire impossible.
Force est de constater que les motifs retenus par la Commission des spécialistes ne sont fondés sur aucune considération médicale, mais principalement sur la question de manque de contrôle des coûts. Les objections portent sur les risques d'abus. A cet égard, la commission n'a pas avancé d'arguments clairs et convaincants qui justifieraient d'exclure cette alimentation spéciale de la prise en charge par l'assurance de base uniquement parce qu'elle est ingérée par voie orale. Il suffirait en effet pour limiter les risques d'abus, ainsi que l'a suggéré du reste le médecin traitant de l'assurée, de procéder à des évaluations de cas en cas, afin que la prise en charge ne puisse intervenir qu'en cas d'indication médicale clairement définie.
10. En conclusion, l'avis de la commission des spécialistes ne se fondant pas sur des considérations d'ordre strictement médical, propres à lier le tribunal de céans, mais surtout sur des appréciations générales ou de nature juridique que le tribunal revoit librement et qui ne peuvent en l'occurrence être suivies, ne sera pas dans le cas d'espèce pris en considération.
11. Le TF a eu l'occasion de préciser que, lorsqu'un produit ne figure pas sur l'une des trois listes positives (LAnam, LiMA et «liste des spécialités») et que l'assureur maladie est, de ce seul fait, en droit d'opposer un refus à l'assuré, il n'y a pas lieu d'examiner les exigences d'efficacité, d'adéquation et du caractère économique de l'art. 32 LAMa1 (K 147/06). A contrario, cet examen s'impose si l'on entend s'écarter des conclusions de la Commission des spécialistes dans un cas d'espèce.
12. La caisse maladie ne conteste pas que d'un point de vue médical, l'apport d'une substitution vitaminique, protéique et d'oligoéléments soit nécessaire pour l'assurée. On peut tenir pour établi que le complément alimentaire dont bénéficie l'assurée est efficace et indiqué médicalement. Il est même vital selon le professeur A. et le médecin traitant.
Les compléments nutritifs sont en principe administrés oralement, sauf indications médicales contraires, par exemple en cas d'intestin grêle court ou encore si le complément n'est pas absorbé correctement. La voie naturelle est ainsi toujours privilégiée. La Dr C. a du reste expliqué, lors de son audition le 2 février 2010, les difficultés liées à la pose d'une sonde nasale ou d'une sonde de gastrostomie.
Il apparaît ainsi que la pose d'une sonde est un geste médical qui doit être accompli selon une indication médicale précise dans la mesure où, en l'espèce, l'administration orale est possible et est, par conséquent, la seule indiquée. Il ne serait raisonnablement pas exigible d'astreindre l'assurée à la pose d'une sonde.
Le tribunal de céans relève au surplus que tant le professeur A. que la Dr C. considèrent que, sous l'angle médical, la différence opérée par l'Office fédéral de la santé publique de prise en charge entre l'administration par voie de sonde et l'administration par voie orale ne se justifie pas.
S'agissant du critère de l'économicité, il s'avère que l'alimentation par voie de sonde serait plus onéreuse dans la mesure où elle nécessite notamment l'assistance d'une infirmière, etc. Quoi qu'il en soit, selon le TFA, le but du traitement médical dans les limites de l'assurance maladie est d'éliminer de la manière la plus complète possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 111 V 234 consid. 3b). Les caisses maladie doivent donc prendre en charge même des mesures coûteuses lorsqu'il n'existe pas d'autres méthodes de traitement ou à tout le moins pas de méthode plus économiques et que le coût de la mesure est acceptable au regard du principe de la proportionnalité (ATF 109 V 43 consid. 2b).
Il n'est ainsi pas contestable que, dans ce cas très particulier, les critères d'efficacité, d'adéquation et d'économicité, au sens de l'art. 32 LAMaI, sont réalisés s'agissant du complément nutritif pris oralement.
Aussi le recours est-il admis.
Commentaire de l'arrêt par Christian van Gessel1
Le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales (TCAS) a rendu là un arrêt dont il faut tout d'abord relever l'excellente facture. L'analyse en droit est fouillée, structurée et pertinente. Ainsi, le TCAS rappelle d'abord ce qu'il faut entendre par l'efficacité, le caractère approprié et l'économicité de l'art. 25 LAMal (consid.4). Puis il revient sur les bases légales permettant l'élaboration d'une «liste des spécialités», la jurisprudence topique sur celle-ci et son mode d'établissement (consid. 5 et 6). On constate enfin que les juges ont effectué un travail de recherche conséquent, détaillant notamment la jurisprudence du Tribunal fédéral sur les exceptions (ou non) que l'on peut avoir au principe d'exhaustivité des listes (consid.7). En analysant ensuite le cas d'espèce, le TCAS est arrivé à la conclusion qu'il devait admettre le recours, au motif que l'assurée subissait un risque vital en ne recourant pas à des compléments alimentaires, rendus nécessaires par un traitement chirurgical de l'obésité et qu'il n'y avait aucun argument médical, notamment dans les considérations de la Commission fédérale des prestations, justifiant la non-prise en charge par l'assurance de base desdits compléments alimentaires.
C'est la qualité de cet arrêt (ou la crainte de le voir confirmé par le TF?) qui a dû retenir tant la caisse maladie que l'OFAS de recourir contre celui-ci auprès du Tribunal fédéral, puisqu'il n'a pas été déféré à notre cour suprême. D'ailleurs, à lire les faits, on se rend compte que le simple bon sens commandait d'accepter le remboursement de ces compléments alimentaires. L'assurée subissait un enfer, par des diarrhées profuses et des vomissements incoercibles, allant même jusqu'à vomir des matières fécales (!), ce que seule cette alimentation spéciale a réussi à endiguer. On ne pouvait tout de même pas, raisonnablement, exiger d'elle qu'elle continue à subir ces affres ou qu'elle doive payer de sa poche le régime alimentaire qui l'a soulagée, même si ce n'est pas directement un médicament au sens où on l'entend communément. Cette personne n'avait pas d'assurances complémentaires pour prendre en charge ces frais, sa santé également financière dépendait donc de la décision rendue.
Le premier enseignement intéressant de cet arrêt, c'est qu'il est possible d'obtenir le remboursement d'une spécialité qui n'est pas dans la liste, que celle-ci n'est pas une haie infranchissable. La condition en l'espèce, outre celles dégagées de la jurisprudence, c'est qu'il faut un risque vital. Le TCAS relève certes qu'il s'agit d'un «cas très particulier» (consid. 12 in fine), mais il est caractérisé par le risque vital encouru par l'assurée, qui semble être la justification et le critère centraux de la prise en charge par l'assurance de base. Or, cette notion de risque vital pourra certainement, à l'avenir, être invoquée dans d'autres cas de figure, même s'ils ne relèvent pas de ce cas très particulier. On pense notamment à toutes les limitations en prix ou en quantité imposées par la «Liste des moyens et appareils» (LIMA), qui semblent parfois absurdes; par exemple, nous avons connaissance d'une personne diabétique qui ne trouve pas en pharmacie de bandelettes de test (pour déterminer le taux de glycémie, N° 21. 03.01.02 dans la LIMA) au prix maximal fixé par cette liste: elles sont en réalité plus chères; seulement, elle en a un besoin vital afin de doser correctement ses injections d'insuline. Et l'on peut certainement multiplier les exemples.
Le second enseignement de cet arrêt, c'est la brèche ouverte dans le remboursement des compléments vitaminés et protéinés, ce qui peut être extrêmement important aussi pour beaucoup de personnes âgées. Et nul doute qu'il sera possible de plaider le risque vital pour bien des aînés s'ils ne prennent pas ces compléments alimentaires. Or, c'est dans cette population qu'on trouve souvent des gens qui n'ont que l'assurance de base, donc pas de complémentaires pour prendre en charge ces frais spécifiques.
Le TCAS a donc rendu un arrêt non seulement raisonnable et juste, au vu de la situation d'espèce, ainsi que didactique, car il rappelle clairement la situation légale et jurisprudentielle, mais peut être aussi potentiellement intéressant.
1Avocat à Genève.
Droits fondamentaux
Interdire l'affiche des raëliens ne porte pas atteinte à leur liberté d'expression
L'interdiction de mener une campagne d'affichage représentant des visages d'extra-terrestres ainsi qu'une soucoupe volante et communiquant l'adresse internet jointe au numéro de téléphone du mouvement raëlien n'a pas violé l'art. 10 CEDH relatif à la liberté d'expression, selon un arrêt de Chambre (non définitif) rendu par la Cour européenne des droits de l'homme.
Etat de fait
Le mouvement raëlien suisse est une association à but non lucratif créée en 1977 ayant son siège à Rennaz (VD). Elle constitue la branche nationale du Mouvement raëlien, organisation basée à Genève ayant pour but, selon ses statuts, d'assurer les premiers contacts et d'établir de bonnes relations avec les extraterrestres. En 2001, l'association demanda à la direction de la police de Neuchâtel l'autorisation de mener une campagne d'affichage. L'affiche en question représentait des visages d'extraterrestres et une soucoupe volante, communiquait l'adresse internet et le numéro de téléphone du Mouvement raëlien et on pouvait y lire: «Le Message donné par les extraterrestres» et «La science remplace enfin la religion». La demande d'affichage fut refusée au motif que le Mouvement raëlien se livrait à des activités contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs.
Le recours de l'association requérante fut rejeté par le Conseil communal de la ville de Neuchâtel,
décision confirmée par le Département neuchâtelois de la gestion du territoire. Par un arrêt du 22 avril 2005, le Tribunal administratif rejeta son recours après avoir cependant admis qu'elle pouvait se prévaloir tant de la liberté d'opinion que de la liberté religieuse. Le 20 septembre 2005, un nouveau recours fut rejeté par le Tribunal fédéral. Invoquant les articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 10 (liberté d'expression), l'association requérante se plaint devant la Cour de l'interdiction d'affichage par les autorités suisses.
Extrait des considérants
(....) 50. La Cour estime que la présente affaire est particulière dans le sens où elle pose la question de savoir si les autorités internes devaient permettre à l'association requérante la diffusion de ses idées par le biais de sa campagne d'affichage, et cela par la mise à disposition du domaine public. (...)
52. (...) La Cour partage l'avis du gouvernement selon lequel l'acceptation d'une campagne d'affichage pourrait laisser croire qu'il cautionne ou pour le moins tolère les opinions et les agissements en cause. Dès lors, elle est prête à admettre que la marge d'appréciation des autorités internes dans l'examen de la nécessité d'une mesure est plus large dans ce domaine. (...)
53. Il est incontesté que l'affiche litigieuse en elle-même ne comporte rien qui soit illicite ou qui puisse choquer le public. (...)
54. En revanche, la Cour ne saurait ignorer le fait que figurent également sur l'affiche, en caractères plus gras, l'adresse du site internet de l'association ainsi qu'un numéro de téléphone. (...) A la lumière du principe selon lequel la convention et ses protocoles doivent s'interpréter à la lumière des conditions d'aujourd'hui (...), la Cour estime qu'(...) il s'agit notamment d'évaluer, dans l'appréciation de la conformité de la mesure litigieuse avec l'article 10, non seulement l'affiche, mais aussi le cadre plus global dans lequel elle se situe, notamment les idées propagées dans les ouvrages et le contenu du site internet de l'association requérante ainsi que de celui de Clonaid. Or, ces sites étant per se accessibles à tous, y compris aux mineurs, l'impact des affiches sur le public se serait vu multipler et l'intérêt de l'Etat à interdire la campagne d'affichage était d'autant plus grand. (...)
55. La Cour observe également que les instances internes ont soigneusement motivé leurs décisions, en expliquant pourquoi elles estimaient opportun de ne pas autoriser la campagne d'affichage. (...) Premièrement, le site de l'association renvoie à celui de Clonaid, où cette société offre des services précis au public, en matière de clonage, et où elle avait annoncé, au début de 2003, la naissance d'enfants clonés. Deuxièmement, le tribunal administratif s'est référé à un jugement du Tribunal d'arrondissement de la Sarine faisant état de dérives sexuelles possibles à l'égard d'enfants mineurs. Troisièmement, la propagande en faveur de la «géniocratie», soit la doctrine selon laquelle le pouvoir devrait être donné aux individus ayant un coefficient intellectuel élevé, et la critique adressée en conséquence aux démocraties actuelles, était susceptible de porter atteinte au maintien de l'ordre, de la sécurité et de la morale publics.
56. La Cour estime que les reproches formulés par les instances internes à certains membres de l'association requérante, portant sur leurs activités sexuelles avec des mineurs, semblent particulièrement inquiétants. (...)
57. Des considérations similaires s'imposent s'agissant de la question du clonage. La Cour estime que les autorités internes ont pu, de bonne foi, penser qu'il était indispensable, pour la protection de la santé et de la morale ainsi que pour la prévention du crime, d'interdire la campagne d'affichage, étant donné que l'association (...) a exprimé (...) une opinion favorable au clonage, activité clairement interdite par l'article 119 alinéa 2 a de la Constitution fédérale. (...)
59. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que, dans la mise en balance des intérêts en jeu en l'espèce et à la lumière de tous les éléments pertinents, les autorités nationales n'ont pas outrepassé l'ample marge d'appréciation qui leur est reconnue s'agissant de l'usage accru du domaine public. (...)
60. Il s'ensuit qu'il n'y a pas eu violation de l'article 10 de la convention. (...)
c) Arrêt de chambre Mouvement raëlien suisse c. Suisse, N° 16354/06 du 13 janvier 2011.
L'actualité des tribunaux fédéraux
Consultation partielle des documents de la centrale nucléaire
Dans le cadre de la procédure de recours contre la prolongation illimitée de l'autorisation de l'exploitation de la centrale de Mühleberg, le Tribunal administratif fédéral permet aux opposants à la centrale de consulter certains documents internes, notamment une expertise de 2006 sur les fissures du réacteur de la centrale. En revanche, les documents classés «confidentiel» resteront innacessibles, pour des raisons de sécurité (risques d'attaques terroristes ou d'actes de sabotage).
(Décision incidente du 8 décembre 2010, dans l'affaire A-667/2010)
Le fisc ne peut pas bloquer les comptes
Selon le Tribunal pénal fédéral, l'administration fédérale des contributions n'est pas en droit, dans le
cadre d'une procédure de rappel d'impôts, de bloquer des comptes bancaires afin d'assurer le paiement ultérieur d'impôts en retard ou d'éventuelles amendes. Il n'y a pas de base légale pour des mesures de confiscation à des fins de sûreté, concernant les amendes. Pour le rappel d'impôts, les mesures de sûreté doivent satisfaire aux exigences de la loi sur l'impôt fédéral direct (par ex. le paiement de sûretés).
(BV 2010/56 du 1.12.2010)
Acte sexuel commis sur des personnes incapables de résistance
Pour que les conditions de l'acte sexuel commis sur des personnes incapables de résistance (art. 191 CP) soient remplies, il n'est pas nécessaire, lors d'un massage thérapeutique, que les victimes se trouvent couchées sur le ventre. En étant allongées sur le dos, avec une vision moins limitée des agissements du masseur que sur le ventre, elles peuvent tout de même se trouver dans l'incapacité de résister en raison de l'effroi provoqué par les gestes déplacés du masseur. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours d'un physiothérapeute condamné pour des attouchements sexuels commis sur deux sportives.
(6B_436/2010 du 6.12.2010)
Examiner une offre publique d'achat en détail
Lors d'un contrôle d'une offre publique d'achat (en l'occurrence sur la firme Quadrant) relatif au prix de l'offre, la Finma et la Commission des offres publiques d'acquisition (COPA) peuvent se baser sur l'avis émis par un organe de contrôle de la société. Cet avis doit cependant être transparent, compréhensible et plausible, estime le Tribunal administratif fédéral. Ces conditions ne sont pas remplies lorsque l'organe de contrôle, comme dans le cas concret, procède à une évaluation globale sans analyser en détail les prestations et contre-prestations essentielles.
(B-5272/2009 du 30.11.2010)
S'opposer verbalement à une analyse
S'opposer aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire (art.91 a LCR) n'implique pas un acte de défense physique de la personne concernée, estime la Cour pénale du Tribunal fédéral. Une opposition verbale peut suffire. Dans le cas particulier, le conducteur a empêché les investigations en raison de son attitude rebelle et agressive.
(6B_680/2010 du 2.11.2010)
Protection des sources pour les blogs
Les médias peuvent refuser de livrer à la justice l'identité des auteurs de commentaires sur leur blog, pour autant que ces derniers contiennent un minimum d'informations. Dans le cas particulier, une personne avait introduit sous une fausse identité, sur le blog d'une émission de la TV alémanique, un commentaire qui portait atteinte à la sphère privée d'une tierce personne. Ainsi, la chaîne de TV a été sommée par la justice zurichoise de livrer l'adresse IP de l'auteur du commentaire. La première Cour de droit public du TF a décidé que les médias peuvent également invoquer la protection des sources (art. 28 CP) pour les auteurs de commentaires sur les blogs. Mais il faut que le commentaire contienne un minimum d'informations. Toutefois, il ne faut pas se montrer trop exigeant sur ce point, car, dans certaines formes du journalisme d'aujourd'hui, la limite entre l'information et le divertissement n'est pas toujours très claire.
(Délibération publique du 10.11.2010 dans la cause 1B_44/2010)
Escroquerie à l'aide sociale par omission
Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation pour escroquerie d'un couple de Bâlois, qui n'avait pas déclaré le revenu de conciergerie du mari (400 fr. par mois) aux autorités d'aide sociale. Dans sa demande d'aide, le couple avait annoncé que monsieur était au chômage. Selon la Cour de droit pénal, les deux conjoints ont trompé les autorités de manière astucieuse en passant sous silence le revenu accessoire du mari. Le Tribunal admet que le autorités n'ont pas entrepris tout ce qui était possible pour découvrir l'omission, alors que le revenu avait été déclaré aux impôts. On ne peut cependant pas reprocher aux services sociaux d'avoir agi avec légèreté.
(6B_689/2010 du 25.10.2010)
Reporter le service civil pour s'occuper d'un enfant
Le Tribunal administratif fédéral autorise un jeune père zurichois à reporter son service civil de 2010 à 2011 pour pouvoir s'occuper de sa fille.
Il s'était vu refuser cette possibilité, bien qu'il doive jongler entre son travail, ses études et la garde de sa fille. Pour les juges de Berne, le droit à la protection de la vie familiale l'emporte, dans le cas concret, sur l'obligation d'accomplir le service civil encore en 2010. Le refus du report de ce service est contraire au principe de proportionnalité.
Revoir le cas d'un ex-détenu de Guantanamo
L'Office fédéral des migrations (ODM) doit réexaminer la demande d'asile d'un ex-détenu lybien de Guantanamo. Il y a dix ans, l'homme avait fui de Lybie en Afghanistan, où il s'est marié. Il avait ensuite été arrêté au Pakistan en octobre 2001, dans le cadre d'une opération américaine consécutive aux attentats du 11 septembre, puis emmené à Guantanamo. En 2008, il a déposé une demande d'asile en Suisse depuis la prison américaine, qui a été rejetée la même année. Libéré depuis peu, il réside en Albanie. Les juges de Berne demandent maintenant à l'ODM d'examiner de manière plus approfondie si le Lybien est suffisamment bien accueilli en Albanie. Plus précisément,
il convient de voir si ce pays peut fournir au requérant le soutien dont il a besoin, compte tenu des nombreux problèmes physiques et psychiques dont il souffre. S'il considère que la prolongation du séjour en Albanie n'est pas adéquate, l'ODM devra se demander si l'ex-prisonnier représente un risque pour la sécurité du pays. L'office est en effet resté très vague sur cette question jusqu'à présent.
(E-8015/2008 du 8.11.2010)
Pas de publicité pour des spiritueux à prix réduit
Les établissements publics ne peuvent pas faire de publicité en affirmant que, certains soirs, presque toutes les boissons sont vendues au même prix réduit. Le Tribunal fédéral confirme les décisions du TAF et de la Régie fédérale des alcools, selon lesquelles de telles offres violent l'interdiction de faire de la publicité pour des boissons distillées à des prix avantageux (art. 42 b de la loi sur l'alcool). Selon les juges de la 2e Cour de droit public, l'annonce d'un prix unique fait croire à un rabais. Le fait, pour un club saint-gallois, de proposer des boissons à 5 francs certains soirs implique forcément que ce prix est plus élevé les autres soirs. Peu importe que le rabais soit réellement accordé. Ce qui est décisif, c'est que le client le croie et consomme davantage de spiritueux à cause de la publicité.
(2 C _ 468/2010 du 6.10.2010)
Arrêts destinés à publication
Droit public et droit administratif
Si le droit cantonal prévoit un contrôle des normes abstrait, sans fixer de délai déterminé pour introduire une action en justice (le canton d'Argovie prévoit la mention «en tout temps»), le recours cantonal peut être introduit dans les trente jours qui suivent l'entrée en vigueur de l'acte, de manière à pouvoir ensuite exiger un contrôle des normes abstrait également devant le Tribunal fédéral.
(2C_275/2009 du 26.10.2010)
Si la requête d'un requérant d'asile est rejetée, le temps passé en Suisse avant l'échec d'une procédure d'asile ne peut être considéré comme une période pendant laquelle le séjour est «légal» au sens de l'art. 63 al. 2 LEtr (révocation d'une autorisation d'établissement obtenue par mariage avec une Suissesse en raison de la dissimulation d'une relation avec une compatriote dont le requérant a deux enfants).
(2C_478/2010 du 17.11.2010)
Une demande d'examen de la détention d'un étranger nouvellement placé en prison en vue d'expulsion doit être confiée à un juge dans les délais les plus brefs (art. 5 ch. 4 CEDH et art. 31 IV Cst, la limite temporelle exacte pour la décision relative à la détention étant laissée ouverte). L'entrée en matière sur cette requête ne doit pas être proscrite sur la base de l'art. 80 II LEtr (légalité et adéquation de la détention examinées dans un délai de 96 heures par une autorité judiciaire au terme d'une procédure orale).
(2C_823/2009 du 19.10.2010)
En Suisse alémanique, le jeu de loterie «Ecco» (jeu de type loto joué rapidement avec des cotes fixes et présentation des résultats du tirage sur un moniteur TV), proposé dans différents bars et restaurants par Swisslos (coopérative dont les membres sont les cantons de Suisse alémanique et du Tessin), n'est pas autorisé. Le critère de conformité au plan n'est pas rempli. Confirmation de la conception actuelle de la conformité au plan, selon laquelle le risque du jeu doit être exclu pour l'organisateur. A la suite de cette décision, «Ecco» ne sera plus proposé à la vente.
(2C_674/2009 du 18.11.2010)
Droit pénal
Blanchiment d'argent par omission (art. 305 bis CP): les intermédiaires financiers peuvent se rendre coupables de blanchiment d'argent en acceptant et en administrant les fonds de clients d'origine criminelle, lorsqu'ils n'ont pas exigé les éclaircissements clarifiant l'arrière-plan économique d'une transaction, alors que des indices laissaient supposer que ces valeurs provenaient d'un crime et qu'ils doivent collaborer avec les autorités compétentes. Ces obligations découlent de leur position de garant.
(6B_908/2009 du 3.11.2010)
Levée de la condamnation d'un avocat soleurois pour dénonciation calomnieuse (art. 303 CP): du fait que les procédures pénales contre deux juges d'instruction ont été suspendues, on ne peut déduire que l'avocat qui les avait dénoncés avait incriminé des personnes qu'il savait innocentes, pour faire ouvrir contre elles des poursuites pénales.
(6B_600/2010 du 26.11.2010)
Droit civil
Le temps d'essai (art. 335b CO) ne peut être prolongé d'une durée correspondant au congé sans solde obtenu par la travailleuse.
(4A_406/2010 du 14.10.2010)
Le droit du mandant de donner des directives dans le cadre d'un contrat d'agence est strictement limité, également eu égard au devoir de fidélité de l'agent. On ne peut reprocher à l'agent aucune violation contractuelle du fait qu'il se refuse à travailler avec la nouvelle organisation de vente créée par le mandant.
(4A_229/2010 du 7.10.2010)
Lorsque l'enfant d'un autre lit devient majeur au cours de la procédure d'adoption, le consentement de son père n'est plus nécessaire (art. 268 III CC). Il en va de même que lors de l'adoption d'un enfant déjà majeur.
(5A_521/2010 du 4.11.2010)
Un licenciement n'est pas nul ou inefficace pour la seule raison qu'il est notifié en vue d'un transfert d'entreprise. La résiliation du contrat d'une partie du personnel n'est pas contraire à l'art. 333 I CO si elle est justifiée par des raisons économiques, telles qu'une nécessaire réorganisation de l'entreprise transférée.
(4A_348/2010 du 8.10.2010)
L'ordonnance du 19 juin 1995 sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules automobiles (Ordonnance sur les chauffeurs, OTR 1) impose à l'employeur de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé en augmentant le salaire.
(4A_259/2010 du 2.9.2010)
Droit des poursuites et faillite
Pour intenter une action contre une décision d'un tribunal dans le cadre d'une poursuite pour effets de change, le délai ordinaire de trente jours de l'art. 100 I LTF est applicable, et non le délai raccourci de cinq jours contre les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 III lit. a LTF).
(5A_531/2010 du 25.11.2010)
Droit des assurances sociales
Pour savoir si une caisse maladie doit prendre en charge les coûts d'un médicament se situant hors de la liste des spécialités, il faut procéder à une analyse comparant les coûts du traitement et son efficacité. Afin de respecter le principe de l'égalité entre assurés, les prestations accordées à certains patients doivent être susceptibles d'être attribuées à tous ceux qui souffrent de la même affection. Condition non remplie en l'espèce en raison du coût très élevé du traitement (près de 500000 francs par an).
(9C_334/2010 du 23.11.2010)
Derniers arrêts de Strasbourg
La Suisse admet injustement un danger de soustraction au refoulement
A l'unanimité, la Cour a considéré comme contraire au droit la détention de vingt-deux jours en vue du refoulement d'un requérant d'asile débouté. Le Bosniaque Sead Jusic était arrivé en Suisse en 1997 avec son épouse. Après le rejet définitif de sa demande d'asile,
il a été informé, le 13 juin 2005, qu'il devait se préparer à retourner en Bosnie avec sa famille. Il a manifesté son opposition catégorique à son renvoi. Le 3 août, il a été arrêté à son domicile de Lausanne par des policiers en uniforme. Le juge de paix a ordonné sa détention en vue de refoulement et l'a prolongée jusqu'au 22 août. Il a été remis en liberté le 25 août.
La détention a été motivée par le fait que des indices concrets laissaient supposer que le requérant voulait se soustraire au refoulement. Selon la justice vaudoise, ce danger était réel, car Jusic et son épouse avaient fait savoir à plusieurs reprises qu'ils ne voulaient pas retourner dans leur pays d'origine.
La Cour conclut au contraire à une violation du droit à la liberté et à la sûreté (art. 5 CEDH), qui impose d'interpréter les dispositions sur la détention en vue du refoulement de manière restrictive. Le comportement de Jusic ne permettait pas de supposer qu'il avait décidé de se soustraire au refoulement. Dès son arrivée, il avait livré sa véritable identité et déposé sa carte d'identité. De plus, il s'était toujours présenté aux convocations des autorités. Il avait quatre enfants mineurs à sa charge et son épouse souffrait d'une maladie psychique. Dans ces conditions, il n'existait pas d'indices concrets permettant de supposer une soustraction au refoulement.
(Arrêt de la 2e Chambre N° 4691/06 «Jusic contre Suisse» du 2.12.2010)
Auteur de délits et insuffisamment intégré: la Suisse était en droit de lui refuser une autorisation de séjour
Le Turc Cevdet Gezginci, né en 1954 et arrivé illégalement en Suisse en 1980, s'est vu refuser en 2003 une autorisation de séjour pour raisons humanitaires. Ensuite, sa femme a disparu sans laisser de traces après lui avoir confié leur fille de 11 ans. Le requérant invoque une violation du droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH).
La Cour a rejeté le recours par cinq voix contre deux. La majorité a en effet considéré que les autorités avaient accordé à juste titre davantage de poids au contrôle de l'immigration qu'à l'intérêt de Cevdet Gezginci et de sa fille (entre-temps devenue majeure). La Cour souligne que le requérant séjournait en Suisse de manière illégale depuis 1997, qu'il ne voulait pas s'intégrer (notamment dans le monde du travail) et que, en dépit des mises en garde des autorités, il n'avait pas suffisamment respecté les règles pénales suisses. De plus, il avait conservé des liens familiaux avec son pays d'origine, ce qui rend son départ acceptable.
Les deux juges minoritaires ont estimé, pour leur part, que les délits du requérant n'étaient pas particulièrement graves (violation des prescriptions de la police des étrangers et conduite en état d'ébriété) et qu'il n'avait plus été condamné pénalement depuis 1993. Il ne dépendait de l'aide sociale que depuis un accident du travail survenu en 1999. Sa santé défaillante n'autorise par ailleurs pas un retour forcé en Turquie, estiment encore les deux juges minoritaires, pour lesquels un séjour extrêmement long en Suisse - environ trente ans! - devrait permettre au requérant de rester définitivement en Suisse. La majorité de la Cour a indiqué à ce sujet que la Suisse avait renoncé à une expulsion en 1999, pour permettre à Cevdet Gezginci de suivre un traitement médical. Son séjour s'est ensuite considérablement prolongé, parce que les autorités se sont montrées particulièrement compréhensives.
(Arrêt de la 1re Cour N° 16327/05 «Gezginci contre Suisse» du 9.12.2010)
Le droit à un procès équitable vaut aussi en cas de conflit sur le lieu de la scolarisation
Le 29 novembre 2005, Le Tribunal fédéral a examiné le recours d'habitants de la commune d'Ormont-Dessous, qui s'opposaient à ce que leurs enfants doivent fréquenter l'école dans une autre commune, Les Diablerets. Les parents ont saisi la Cour de Strasbourg, en invoquant notamment le fait que le TF ne leur avait pas garanti un droit à un procès équitable (art. 6 CEDH). La Suisse a répliqué que cette disposition ne s'applique pas car, conflit sur la scolarisation n'est pas de nature civile. Cet argument a été rejeté par la Cour, selon laquelle les parents ont utilisé l'unique moyen dont ils disposaient pour se plaindre d'une atteinte au bien-être de leurs enfants. Par conséquent, l'issue de la procédure devant le TF peut être considérée comme portant sur des droits de caractère civil. Ainsi, la Suisse devait respecter les exigences de la CEDH en matière de procès équitable. Ce que le TF n'a pas fait: il n'a pas donné à la partie requérante l'opportunité de présenter des observations sur le contenu d'une convention ayant trait au transport des enfants, une nouvelle pièce pourtant déterminante pour l'issue du litige. Ainsi, le principe de l'égalité des armes n'a pas été respecté. On est donc en présence d'une violation de l'art. 6, comme dans plusieurs autres affaires concernant la Suisse (lire aussi plaidoyer 6/10).
Les recourants invoquaient également une violation du droit à la vie (art. 2 CEDH), en raison de lacunes en matière de sécurité dans le transport de leurs enfants (pas de véhicule doté de ceintures de sécurité répondant aux dispositions légales). Mais la Cour considère qu'ils n'ont pas suffisamment étayé leurs allégations sur ce point.
(Arrêt de la 1re Cßhambre N° 12573/06, Ellès et autres contre Suisse du 16.12.2010)