Droit de la consommation
Exception à la responsabilité du producteur
Le fabricant d'une prothèse de hanche échappe à la responsabilité du fait des produits car sur la base de documents parus dans la littérature scientifique, rien ne permettait de présumer l'existence d'un défaut à l'époque de la pose de la prothèse.
Etat de fait
Lors d'une intervention chirurgicale effectuée en 1996, une prothèse de la hanche droite a été implantée à X., alors âgée de trente-huit ans. La prothèse avait été produite par une société reprise en 1999 par Y. SA. A la fin de 1999, un examen radiologique a permis de constater l'usure du polyéthylène composant l'insert de la cupule. En 2002, X. a subi une nouvelle opération afin de remplacer la cupule. En 2004, X. a ouvert contre Y. SA une action fondée sur la loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits (LRFP). Le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté X. Il a exclu un défaut structurel ou de conception de la prothèse. La Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le rejet de la demande, en jugeant que la prothèse était défectueuse au sens de l'art. 4 LRFP. Elle a toutefois exclu la responsabilité de Y. SA en application de l'art. 5 al. 1 let. e LRFP, considérant que, lors de la mise en circulation de la prothèse, l'état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de déceler l'existence du défaut. X. interjette un recours en matière civile.
Extrait des considérants
(...)
3.1 A la différence du Tribunal de première instance, la Chambre civile a jugé que la prothèse implantée à la recourante était défectueuse. Elle a nié une erreur dans le processus de fabrication. En revanche, elle a admis une erreur de conception; à son avis, l'usure précoce de la prothèse présentait un danger pour la patiente, parce qu'elle entraînait la production de particules pouvant aboutir à une résorption osseuse. En outre, elle a retenu un défaut d'instruction, car l'intimée a créé des attentes infondées quant à la résistance accrue de sa prothèse.
Les parties critiquent toutes deux cette partie de l'arrêt cantonal. Pour la recourante, la Chambre civile a exclu à tort l'existence d'un défaut de fabrication de la prothèse implantée lors de l'intervention du 19 avril 1996. Comme l'intimée n'a ni exposé ni établi ses procédures de fabrication, un défaut de fabrication touchant un seul produit du même lot ne serait pas exclu. Or, la preuve libératoire fondée sur l'art. 5 al. 1 let. e LRFP, admise en l'espèce par la Chambre civile, ne serait pas possible en cas de défaut de fabrication.
Pour sa part, l'intimée conteste toute erreur de conception ou d'instruction. Elle relève en particulier qu'il n'y a pas eu d'autres plaintes concernant le lot dont provenait la prothèse litigieuse et que Swissmedic n'a pas rencontré de problèmes avec le produit en question. Par ailleurs, le producteur nie avoir donné des garanties et fait des promesses; celles-ci émaneraient du médecin ayant posé la prothèse.
Comme la recourante prétend qu'un défaut de fabrication exclut la preuve libératoire au sens de l'art. 5 al. 1 let. e LRFP, il convient d'examiner son grief en priorité.
3.2 Selon l'art. 4 al. 1 LRFP, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, notamment de sa présentation, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. Le défaut au sens de la LRFP se rapporte au niveau de sécurité du produit, et non pas à l'aptitude du produit à l'usage; la notion ne correspond ainsi pas à celle du défaut en matière de responsabilité contractuelle. Cela découle du but de la responsabilité du fait des produits, qui tend à protéger le consommateur contre les dommages causés à sa santé ou à ses biens par un produit défectueux. La sécurité attendue dans un cas donné s'apprécie de manière objective, en fonction des expectatives du consommateur moyen (ATF 133 III 81 consid. 3.1 p. 83 s et les références; Werro, SPR, op. cit.,
p. 426). Il appartient au lésé de prouver le défaut. Même si parfois une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, il n'en découle pas un renversement du fardeau de la preuve au détriment du producteur (cf. ATF 133 III 81 consid. 4.2 p. 87 ss).
Dans le cas particulier, l'examen de la prothèse litigieuse aurait permis d'établir s'il y avait ou non défaut de fabrication, à savoir une erreur intervenue dans le processus de fabrication d'un produit en soi bien conçu (ATF 133 III 81 consid. 3.2 p. 85); selon toute probabilité, la lésée aurait alors été en mesure d'apporter une preuve stricte. Or, une telle démarche s'est révélée impossible parce que la recourante, respectivement le médecin qui a pratiqué l'intervention, n'ont pas conservé la prothèse retirée lors de l'opération du 9 avril 2002; la prothèse litigieuse n'a ainsi pas été produite dans la procédure du fait de la recourante. Toute possibilité de contre-preuve était pratiquement exclue pour l'intimée. En conséquence, rien ne saurait être déduit au détriment de l'intimée du fait qu'elle n'a pas apporté cette contre-preuve, ce d'autant moins qu'elle ne supporte pas le fardeau de la preuve et n'a pas à démontrer l'absence de défaut. Pour le reste, la recourante ne discute pas la motivation de la Chambre civile.
En conclusion, la Cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant qu'une erreur dans le processus de fabrication de la prothèse litigieuse n'avait pas été établie.
3.3 Les questions soulevées par l'intimée en rapport avec les défauts admis dans l'arrêt attaqué peuvent rester indécises s'il faut admettre, à l'instar des instances cantonales, qu'un cas d'exception à la responsabilité du producteur est de toute manière donné en l'espèce.
4.La Chambre civile a jugé que l'exception à la responsabilité prévue à l'art. 5 al. 1 let. e LRFP était réalisée. La recourante conteste que tel soit le cas.
4.1 Aux termes de l'art. 5 al. 1 let. e LRFP, le producteur d'un produit défectueux n'est pas responsable s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques, lors de la mise en circulation du produit, ne permettait pas de déceler l'existence du défaut. Il s'agit d'exclure de la responsabilité du fait des produits ce qu'on nomme les risques de développement, à savoir des risques imprévisibles, non identifiables lors de la mise en circulation du produit, compte tenu de l'état des connaissances scientifiques et techniques (Werro, SPR, op. cit., p. 444 ss; Fellmann/von Büren-von Moos, op. cit., N°s 335 ss p. 119 ss).
L'état des connaissances scientifiques et techniques doit être établi selon un standard objectif et non selon le savoir d'un producteur particulier. L'état des connaissances déterminant est celui existant au moment de la mise en circulation du produit concrètement mis en cause; il importe peu que des produits de la même série aient déjà été mis en circulation antérieurement. Ces connaissances doivent être accessibles à ce moment-là et être reconnues comme sérieuses par la communauté scientifique concernée; des opinions isolées ne sont en principe pas déterminantes, à tout le moins par rapport à des produits qui ne présentent pas un danger particulièrement élevé pour la population ou l'environnement (Werro, SPR, op. cit., p. 446 s).
La notion d'état des connaissances scientifiques et techniques relève du droit. En revanche, déterminer quel était cet état à un moment donné est une question de fait.
4.2 La Chambre civile a constaté notamment ce qui suit:
Les prothèses du type de celle posée à la recourante étaient admises sur les marchés américain, européen et suisse en 1996. La défectuosité du produit Z., à l'origine de l'usure prématurée de la prothèse litigieuse, n'a pas fait l'objet de publications scientifiques avant la date à laquelle la recourante a été opérée la première fois. Plusieurs années d'expérience ont été nécessaires pour constater que la viabilité plus longue du produit Z., promise in vitro, ne se confirmait pas in vivo; l'état des connaissances scientifiques et techniques en 1996 laissait encore penser à un avantage certain du produit Z. pour le patient. Sur la base de documents parus dans la littérature scientifique, rien ne permettait de présumer l'existence d'un défaut à l'époque de la pose de la prothèse.
Ce sont là des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins que la recourante ne démontre de manière circonstanciée qu'elles ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
(...)
5.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
(..)
Arrêt de la 1re Cour de droit civil du 18 mars 2011, 4A_16/2011
Assistance judiciaire
Rémunération du conseil juridique commis d'office
La rémunération horaire de l'avocat d'office, fixée par le Canton de Vaud à 180 fr., peut être considérée comme équitable dès lors que les recourants ne démontrent pas de situation particulière dans le canton de Vaud par rapport à celle de la moyenne du pays. Les exigences de droit fédéral relatives au caractère équitable de l'indemnité n'ont pas été modifiées par le nouveau CPC, juge le Tribunal fédéral.
Etat de fait
Le 7 décembre 2010, le Tribunal cantonal vaudois a adopté le règlement sur l'assistance judiciaire en matière civile (RAJ). Ce règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2011. L'art. 2 al. 1 RAJ relatif à la fixation de l'indemnité due au conseil d'office a la teneur suivante: «Le conseil juridique commis d'office a droit au remboursement de ses débours et à un défraiement équitable (art. 122 al. 1 let. a CPC), qui est fixé en considération de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps consacré par le conseil juridique commis d'office. A cet égard, le juge apprécie l'étendue des opérations nécessaires pour la conduite du procès. Il applique le tarif horaire suivant:
a. avocat: 180 fr.;
b. avocat stagiaire: 110 fr.;
(...)».
L'Ordre des avocats vaudois ainsi qu'un avocat du canton interjettent un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral, soutenant qu'il n'y avait pas de voie de recours cantonale. Ils concluent principalement à l'annulation du RAJ et au renvoi de la cause au Tribunal cantonal pour adopter un nouveau règlement dans le sens des considérants, subsidiairement à la réforme de l'art. 2 al. 1 let. a et b RAJ en ce sens que le tarif horaire est fixé à 250 fr. pour l'avocat et à 160 fr. pour l'avocat stagiaire. Le Tribunal cantonal conclut principalement à l'irrecevabilité du recours faute d'épuisement des voies de droit cantonales; il doute également que les recourants aient qualité pour agir sur la question du tarif horaire applicable aux avocats stagiaires. A titre subsidiaire,
il conclut au rejet.
Le Tribunal fédéral déboute les recourants.
Extrait des considérants
1. Le litige porte sur une question de procédure civile et relève de la 1re Cour de droit civil du Tribunal fédéral
2. Le recours en matière de droit public est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux qui ne peuvent pas faire l'objet d'un recours cantonal (art. 87 al. 1 LTF). Lorsque le droit cantonal prévoit un recours contre les actes normatifs, le Tribunal fédéral ne peut être saisi qu'une fois cette voie cantonale épuisée (art. 87 al. 2 LTF, qui renvoie à l'art. 86 LTF).
(...) Le Tribunal fédéral renonce à exiger l'épuisement de voies de recours cantonales dont la recevabilité doit sérieusement être mise en doute (ATF 125 I 412 consid. 1c). En l'espèce, les actes législatifs du Tribunal cantonal ne figurent pas dans l'énumération faite à l'art. 3 LJC des actes susceptibles d'un recours à la Cour constitutionnelle, à la différence de ceux du parlement, du gouvernement, de l'administration cantonale, des communes et des associations de communes; de surcroît, le rapport de la commission parlementaire a précisé que le recours contre des actes du Tribunal cantonal est exclu, ce pour un motif qui tombe sous le sens. (...) Il y a donc lieu d'admettre que la voie de recours au Tribunal fédéral est ouverte.
3. La qualité pour former un recours en matière de droit public revient à quiconque est particulièrement atteint par l'acte normatif attaqué et a un intérêt
digne de protection à son annulation ou à sa modification (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). (...)
L'art. 2 al. 1 let. a RAJ fixe le tarif horaire à prendre en considération pour déterminer le défraiement dû par le canton à l'avocat commis d'office (cf. art. 122 al. 1 let. a et al. 2 CPC). Tout avocat vaudois, dans la mesure où il est susceptible en tant que tel d'être chargé d'un mandat d'office (art. 12 let. g LLCA, RS 935.61; cf. art. 1 al. 2 RAJ), bénéficie sans discussion de la qualité pour recourir contre la disposition forfaitaire précitée. Il en va de même pour l'Ordre des avocats vaudois, association de droit privé qui, à teneur de ses statuts (art. 2 let. c), a notamment pour but de défendre les intérêts professionnels et économiques de l'avocat vaudois.
L'art. 2 al. 1 let. b RAJ fixe le tarif horaire pour le défraiement des avocats stagiaires. En matière civile, ceux-ci ne peuvent agir que sous la direction et la responsabilité d'un avocat (art. 22 al. 2, art. 23 et, a contrario, art. 24 de la loi sur la profession d'avocat du 24 septembre 2002 [LPAv; RSV 177.11]). Le droit vaudois exclut ainsi qu'ils soient eux-mêmes désignés avocats d'office (cf. art. 1 al. 2 RAJ). (...) En conséquence, lorsqu'un stagiaire intervient dans le cadre d'un mandat d'office, il le fait uniquement comme auxiliaire de l'avocat commis d'office; c'est ce dernier qui a droit au défraiement pour cette activité. Les recourants ont dès lors aussi qualité pour contester le tarif horaire des stagiaires.
4.Les recourants concluent à l'annulation du RAJ dans son entier. Leur critique ne concerne toutefois que l'art. 2 al. 1 let. a et b RAJ. Sous l'empire de l'ancien droit et du recours de droit public, lorsque l'arrêté cantonal attaqué violait le droit constitutionnel sous certains aspects uniquement, le Tribunal fédéral annulait en principe les seules dispositions litigieuses; il n'annulait intégralement l'arrêté cantonal attaqué que si ces dispositions ne pouvaient pas être supprimées sans dénaturer l'acte dans son ensemble (ATF 123 I 112 consid. 2b), ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Cette jurisprudence garde sa valeur sous le régime de la LTF.
Pour le surplus, la conclusion subsidiaire est irrecevable. Le Tribunal fédéral ne saurait lui-même modifier un acte normatif cantonal. (...)
5. Les recourants invoquent en premier lieu une violation de l'art. 122 CPC, disposition qui prévoit que le conseil juridique commis d'office est rémunéré équitablement par le canton. Ils soutiennent que le tarif horaire de 180 fr. retenu à l'art. 2 al. 1 let. a RAJ ne satisfait pas à cette obligation de rémunération équitable; le montant devrait être porté à 250 fr.
5.1. Antérieurement au CPC, la fixation de l'indemnité allouée à l'avocat d'office pour son activité devant les juridictions cantonales relevait du droit cantonal. Le Tribunal fédéral a jugé que, sous l'angle de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire et de la garantie constitutionnelle de la liberté économique, la rémunération de l'avocat d'office - tenu par le droit fédéral d'accepter les mandats d'office dans le canton au registre duquel il est inscrit (art. 12 let. g LLCA) - pouvait être inférieure à celle du mandataire privé, à condition toutefois d'être équitable (ATF 122 I 1 consid. 3a).
Dans un arrêt rendu le 6 juin 2006 dans une cause argovienne, le Tribunal fédéral a quelque peu modifié sa pratique et précisé que, pour être équitable, l'indemnité devait non seulement
couvrir les frais généraux de l'avocat, mais devait en plus permettre d'obtenir un revenu modeste, qui ne soit pas uniquement symbolique. Se fondant sur une étude de la Fédération suisse des avocats (FSA) de 2005 dont il a déduit que les frais généraux des avocats s'élevaient en moyenne à 130 fr. par heure facturable, il a retenu que l'indemnité équitable devait au minimum être de 180 fr. par heure en moyenne suisse, des situations particulières dans les cantons pouvant justifier un montant plus haut ou plus bas. (...)
Dans un arrêt du 4 décembre 2006 concernant le canton de Vaud, le Tribunal fédéral a jugé que le tarif horaire de 160 fr. était arbitrairement bas et a invité l'autorité cantonale à appliquer un tarif conforme à la nouvelle jurisprudence, en précisant qu'on ne voyait a priori pas en quoi il se justifierait de s'écarter du montant de 180 fr. pour un canton comme celui de Vaud (arrêt 1P.650/2006, consid. 2.4).
5.2 (...)
Le Canton de Vaud a fixé la rémunération horaire de l'avocat d'office à 180 fr. l'heure (art. 2 al. 1 let. a RAJ), montant manifestement repris de la jurisprudence précitée. Les cantons voisins de Fribourg (art. 57 al. 2 RJ, RSF 130.11) et de Neuchâtel (art. 11 let. a RELAPCA, RSN 161.31) accordent également 180 fr. de l'heure, celui de Genève 200 fr., montant toutefois réduit de 15% (à 170 fr.) au-delà de 5000 fr. (art. 16 al. 1 let. c et al. 3 RAJ, RSG E 2 05.04); quant au canton du Valais, il prévoit que l'avocat d'office a droit à 70% des honoraires normalement dus à titre de dépens, mais au moins à une rémunération équitable au sens de la jurisprudence du Tribunal fédéral (art. 30 al. 1 LTar, RS/VS 173.8).
5.3 Le législateur n'a pas voulu réglementer l'indemnisation de l'avocat d'office dans le CPC ni imposer aux cantons des coûts plus importants que sous l'ancien droit. Il faut en déduire que les exigences de droit fédéral relatives au caractère équitable de l'indemnité n'ont pas été modifiées par le CPC. Les principes arrêtés par la jurisprudence en 2006 gardent dès lors toute leur validité dans le cadre de l'art. 122 CPC. (...)
5.4 Conformément aux principes établis par l'arrêt de 2006, il convient uniquement d'examiner si la rétribution horaire de 180 fr. permet aujourd'hui à l'avocat vaudois de couvrir ses frais et de réaliser en plus un revenu qui ne soit pas simplement symbolique. Le renchérissement d'environ 3% depuis 2006, à lui seul, ne rend pas le montant de 180 fr. inéquitable. Il reste donc à rechercher si, en matière de frais, la situation des avocats vaudois est particulière et exige une indemnisation plus élevée, ou, en d'autres termes, si ces frais sont notablement plus importants qu'en moyenne nationale.
A ce sujet, les recourants se réfèrent uniquement à l'étude que l'Université de Saint-Gall a réalisée pour la FSA, étude qu'ils ont produite en annexe de leur recours; il s'agit de l'étude sur laquelle le Tribunal fédéral avait fondé son arrêt de principe de 2006 (étude partiellement publiée, cf. URS FREY/HEIKO BERGMANN, Studie Praxiskosten des Schweizerischen Anwaltsverbandes, Bericht, Université de Saint-Gall, Institut suisse des petites et moyennes entreprises, 31 mars 2005). (...)
Les recourants soutiennent que les frais généraux des études vaudoises étaient à l'époque déjà supérieurs aux moyennes énoncées dans l'étude. Ils estiment que les chiffres retenus pour la région Vaud et Valais ne sont pas pertinents, le coût de la vie dans l'Arc lémanique vaudois où se trouvent la plupart des études vaudoises étant notoirement plus proche de celui de Genève que de celui du Valais. A leur avis, il faudrait se fonder sur les valeurs moyennes relevées pour la partie francophone du pays.
Les recourants relèvent que selon l'étude saint-galloise, le total des frais généraux s'élevait en moyenne (valeurs médianes) à 216 066 fr. dans la partie francophone du pays et à 171 600 fr. dans la région Vaud et Valais. Les experts ont toutefois également constaté que les frais généraux moyens (valeur médiane) sur l'ensemble du pays atteignaient la somme de 218872 fr. (étude précitée, p. 82 [partie non publiée]), soit un montant légèrement supérieur à celui de la seule partie francophone. En suivant les recourants et en retenant pour le canton de Vaud les chiffres relevés pour l'ensemble de la partie francophone du pays, il ne peut alors qu'être constaté que la situation vaudoise ne diffère pas de la moyenne suisse. La même constatation s'impose si l'on ajoute, comme le font les recourants, d'autres charges telles que téléphones, frais de voyage et de formation continue. (...)
En résumé, les recourants ne démontrent pas de situation particulière dans le canton de Vaud par rapport à celle de la moyenne du pays. La rémunération horaire de 180 fr. reprise de l'arrêt de 2006 peut dès lors être considérée comme équitable.
6. Les recourants contestent également le tarif horaire de 110 fr. pour les avocats stagiaires (art. 2 al. 1 let. b RAJ).
(...)
Les recourants requièrent une hausse du tarif horaire des avocats stagiaires à 160 fr. uniquement en corrélation avec un tarif horaire augmenté à 250 fr. pour les avocats brevetés; dès lors que ce dernier montant n'est pas retenu, on ne saurait en déduire le montant à verser - par application d'une fraction précitée - pour l'activité d'un avocat stagiaire. Les recourants ne font pas valoir d'autre motif d'augmenter ce tarif horaire et ne
tentent pas de démontrer ni a fortiori ne démontrent que le montant de 110 fr. retenu à l'art. 2 al. 1 let. b RAJ contreviendrait aux exigences d'une indemnité équitable au sens de la jurisprudence de 2006. Il n'y a donc pas à examiner la question plus avant.
(...)
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
Arrêt du 17 mai 2011 de la 1re Cour de droit civil, 4C_2/2011
L'actualité des tribunaux fédéraux
Genève répond d'un jet de grenade détonante
La responsabilité du canton de Genève a été reconnue à l'égard d'un photographe de presse britannique, qui avait été blessé au mollet par une grenade détonante lancée par la police, lors des manifestations contre le sommet du G8 en 2003. D'après le TF, l'utilisation de la grenade dans ce cas était illicite, du fait qu'elle avait été lancée non pas au niveau du sol ou dans les jambes, comme le commandaient les consignes de sécurité, mais en hauteur. La grenade a été lancée sans viser un but précis, ce qui implique que son usage n'était pas admissible. D'après le Tribunal, le fait que, par chance, le photographe n'ait été atteint que dans les jambes n'y change rien. Les dommages-intérêts seront réduits de moitié en raison de la faute concomitante du lésé.
(2C_111/2011 du 7.7.2011)
Abus sexuel d'une mère
Une mère genevoise, qui s'était fait régulièrement sucer les seins par son fils de 7 ans, alors qu'elle le caressait sur tout le corps, et notamment le sexe, a été à bon droit condamnée pour actes d'ordre sexuel avec des enfants. D'après le TF, si, chez un jeune enfant, le fait de sucer le sein de sa mère, alors même qu'elle n'a plus de lait, peut encore constituer un réflexe naturel, il en va différemment d'un enfant de 7 ans. A cet âge, ce geste a perdu sa signification originelle et revêt une connotation sexuelle claire pour un observateur neutre. Cela d'autant plus si la mère, à cette occasion, prodiguait des caresses sur tout le corps de son fils, et notamment sur le sexe. Pour sa défense, la mère faisait valoir qu'elle n'avait permis les actes qui lui étaient reprochés que dans le but de réconforter son fils. D'après le Tribunal, sa seule conscience du fait que son comportement était socialement inadéquat suffit pour admettre qu'elle a agi par dol éventuel.
(6B_103/2011 du 6.6.2011)
Une accréditation permanente pour les lobbyistes
Les lobbyistes continueront à avoir droit à une accréditation permanente pour entrer au Palais fédéral et au centre de presse qui en fait partie. D'après la nouvelle ordonnance sur l'accréditation des correspondants des médias de la Chancellerie fédérale, les personnes qui exercent des activités associatives, de relations publiques ou publicitaires ne peuvent disposer d'un accès permanent valable durant toute une législature. Au besoin, elles peuvent demander un badge journalier. Pour le Tribunal administratif fédéral, le fait d'exercer une activité de lobbyiste ne doit pas être un obstacle empêchant d'accéder au Palais fédéral, d'autant qu'il n'est pas toujours facile de bien délimiter les activités relevant du journalisme et celles qui touchent à la communication des associations et autres lobbys actifs au Parlement. Enfin, la nouvelle réglementation sur l'accréditation ne repose pas sur une base légale suffisante.
(C-6123/2009 du 20.6.2011)
Swissmedic se fait taper sur les doigts
L'Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic doit modifier sa pratique en matière de publication de l'information sur les médicaments. Les titulaires de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament sont obligés, de par la loi, à publier les informations relatives à ce produit thérapeutique sous forme imprimée et électronique. Swissmedic recommandait jusqu'alors uniquement une publication électronique dans le Compendium suisse des médicaments (http://www.documed.ch/) ou, depuis 2008, par la société ywesee (http:// swissmedinfo.oddb.org/). Cette publication est payante. D'après le Tribunal administratif fédéral, Swissmedic n'est pas autorisé, faute de base légale claire, à obliger les fabricants à conclure un contrat coûteux avec des tiers, dont la politique tarifaire n'est pas contrôlée par l'Etat.
(C-6885/2008 du 17.6.2011)
Epouse violée
Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'un Bernois qui avait violé son épouse. Après une dispute conjugale violente, il avait poussé cette femme affaiblie dans la chambre à coucher, afin de dormir une dernière fois ensemble. Il exigea son consentement, jusqu'à ce que, finalement, elle abandonne la partie et qu'elle le laisse faire avec indifférence. D'après le Tribunal, il a usé de pressions agressives revenant à exercer un abus de contrainte psychologique. Au vu de ce qui s'était passé, elle a dû compter avec le fait qu'il imposerait quoi qu'il en soit ses exigences. On ne pouvait plus exiger d'elle qu'elle oppose une résistance. Son soi-disant consentement ne pouvait être compris comme tel par l'homme.
(6B_278/2011 du 16.6.2011)
Invitation déplacée à la baignade
Le propriétaire zurichois d'une entreprise s'est vu refuser avec raison l'autorisation de former des apprenties de sexe féminin, après avoir écrit à une fille qui s'était présentée pour une place d'apprentissage le SMS suivant: «Salut, comment vas-tu? Aurais-tu le temps et l'envie d'aller te baigner avec moi dans le lac dimanche matin? Nous pourrions ainsi poursuivre entre quatre yeux notre discussion...» Selon le TF, il a le devoir en tant qu'employeur de respecter la personnalité de ses employés. Cela vaut en particulier dans un rapport d'apprentissage. En offrant de mêler vie privée et vie professionnelle, l'intéressé a fait preuve d'un comportement tout à fait inapproprié et a abusé de sa position dominante.
(2C_378/2010 du 10.5.2011)
Pas de renvoi en Afghanistan
Le Tribunal administratif fédéral arrive à la conclusion, analysant la situation actuelle en Afghanistan, qu'elle s'est dégradée durant les dernières années et que le renvoi de demandeurs d'asile déboutés est pour cette raison largement intolérable. D'après le Tribunal, la sécurité, ces dernières années, est devenue continuellement plus précaire dans toutes les régions du pays, y compris les centres urbains et la capitale Kaboul. Dans le domaine humanitaire, la situation est grave, d'abord dans les régions campagnardes. Il faut partir de l'idée que les personnes susceptibles de retourner dans ce pays seront confrontées à une situation menaçant leur existence. Kaboul peut toutefois faire exception, mais seulement lorsque les circonstances sont favorables, que la personne est en bonne santé et peut faire appel à un réseau social solide. La question de savoir si ce constat est valable également pour les deux villes de Mazar-i-Sharif et de Herat est laissée ouverte.
(E-7625/2008 du 16.6.2001)
Non à l'adoption de l'enfant du partenaire dans le cas d'un couple de lesbiennes
Une femme lesbienne ayant conclu un partenariat enregistré s'est vu refuser avec raison le droit d'adopter la fille de sa compagne. Le Tribunal fédéral a laissé ouverte dans sa délibération la question de savoir si la discrimination qu'elle faisait valoir vis-à-vis des couples mariés existait bel et bien. Comme leur partenariat n'avait duré que trois ans au moment de l'introduction de la demande d'adoption et que les époux ne peuvent adopter l'enfant du conjoint qu'après cinq ans de mariage, le refus que cette femme a enregistré ne revêt a priori aucune inégalité de traitement. Par ailleurs, d'après les remarques effectuées par les juges lors de la délibération publique, l'interdiction légale de l'adoption pour les couples de même sexe est claire et explicite. C'est l'affaire du législateur de savoir s'il y a lieu de modifier ce point.
(5A_774/2010 du 5.5.2011)
Un mur de cave à démolir
Sur l'ordre du Tribunal fédéral, un propriétaire du canton de Bâle-Campagne devra détruire le mur souterrain en béton empiétant sur la propriété de sa voisine. Dans une dispute entre privés portant sur le droit absolu à la propriété, un éventuel abus du droit de porter plainte ne peut résulter d'une disproportion entre les coûts de démolition et l'intérêt poursuivi par la partie plaignante. Le propriétaire ne peut invoquer l'abus de droit de sa voisine, d'abord parce qu'il a lui-même été de mauvaise foi, sachant qu'il n'avait pas le droit de construire ainsi.
(5A_655/2010 du 5.5.2011)
Arrêts destinés à publication Droit public et
droit administratif
Les Tribunaux des mesures de contrainte sont autorisés, lors des procédures portées devant eux, tel le prononcé d'une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à se prononcer sur la défense d'office de la personne concernée. Même si le CPP ne le prévoit pas expressément, les tribunaux en question doivent être considérés comme des autorités investies de la direction de procédure au sens de l'art. 61 du Code de procédure pénale (CPP).
(1B_195/2011 du 28.6.2011)
L'art. 39 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire ne permet pas une démolition et une reconstruction d'un immeuble sur un territoire à habitat traditionnellement dispersé.
(1C_382/2010 du 13.4.2011)
Le Tribunal administratif argovien a défini correctement les exigences constitutionnelles minimales que les communes doivent observer lors de tests linguistiques pour les candidats à la naturalisation. Les exigences minimales consistent entre autres dans la définition et la communication du niveau des connaissances linguistiques attendu et dans une procédure de test adéquat dirigé par une personne qualifiée.
(1D_153/2011 du 13.4.2011)
Une détention n'est pas contraire au droit lorsque le Ministère public a outrepassé le délai de 48 heures (prévu par l'art. 224 al.2 CPP) pour demander la mise en détention provisoire au Tribunal des mesures de contrainte, mais que ce dernier a pris sa décision avant l'échéance du délai qui lui est imparti (également 48 heures, selon l'art. 226 al. 2 CPP), de sorte qu'au total la durée de 96 heures (cumul des deux délais) entre l'arrestation et la mise en détention n'a pas été dépassée. Toutefois, de manière générale et en vertu du principe de célérité, les délais légaux sont des maxima et le tribunal doit normalement agir bien avant qu'ils soient épuisés.
(1B_153/2011 du 5.5.2011)
Le Tribunal fédéral critique les méthodes du président de la Cour pénale du Tribunal cantonal de Zurich qui a conseillé au défenseur d'un accusé de retirer son recours, tout en sachant que cela pourrait constituer pour lui un motif de récusation. Si ce comportement ne justifie pas la récusation de toute la Cour, il est contraire au devoir du président de la chambre d'assurer l'indépendance et la transparence de la procédure.
(1B_407/2010 du 4.5.2011)
La détention pour des motifs de sûreté au sens du CPP doit être limitée (au maximum trois mois, six mois dans les cas exceptionnels) indépendamment d'une détention provisoire antérieure.
(1B_22/2010 du 1.6.2011)
Lors de l'examen des motifs de révocation d'une autorisation d'établissement au sens des art. 63 al. 1 lit. a et 62 lit. b de la loi sur les étrangers (peine privative de liberté de longue durée, c'est-à-dire de plus d'un an selon l'ATF 135 II 377), on ne peut pas additionner plusieurs peines de moins d'un an.
(2C_415/2010 du 15.4.2011)
L'entrée en vigueur de la nouvelle procédure pénale n'y change rien: un prévenu ne peut toujours pas accéder à son dossier avant sa première audition par la police, à moins qu'il ait été placé en détention.
(1B_261/2011 du 6.6.2011)
L'expulsion d'un criminel ressortissant d'un pays de l'Union européenne peut être ordonnée avant l'achèvement de la peine ou de la mesure thérapeutique. La condition posée pour l'expulsion, selon laquelle le condamné présente un risque «actuel» de troubler l'ordre public, ne signifie pas forcément que le risque se concrétise lorsque le condamné finit de purger sa peine.
(2C_903/2010 du 6.6.2011)
Droit pénal
Une caméra égarée tombée dans les mains de la police contenait un film d'un chauffard roulant au mépris de toutes les règles de la circulation. Sur cette base, le conducteur en question a finalement été condamné pour violations graves des règles de la circulation. Un jugement annulé par le Tribunal fédéral, qui estime que la preuve est inutilisable, car elle a été obtenue de manière irrégulière.
(6B_849/2010 du 14.4.2011)
Celui qui, après avoir visionné des sites internet de pornographie dure, n'efface pas les données contenues temporairement sur le cache de son navigateur, peut déjà être condamné pour possession de pornographie dure (art. 197 al. 3 CP). Tout dépend, en fait, des connaissances en informatique de la personne, en particulier si elle savait que des fichiers litigieux se trouvaient sur le cache.
(6B_744/2010 du 12.5.2011)
L'exploitant d'un club érotique zurichois doit être considéré comme l'employeur des prostituées qui rencontraient des clients chez lui, car il exerçait un contrôle sur leur entrée et les femmes lui versaient un forfait pour l'utilisation de l'établissement. La condamnation sur la base de l'art. 177 al. 1 de la loi sur les étrangers (emploi d'étrangers sans autorisation) est confirmée.
(6B_39/2011 du 10.6.2011)
Droit civil
Une collectivité qui fait une avance de contribution d'entretien est en droit
de s'adresser à l'employeur du débiteur de cette contribution, en exigeant qu'il lui verse les pensions actuelles et futures après les avoir prélevées sur le revenu du débiteur.
(5A_882/2010 du 16.3.2011)
Une jeune femme majeure n'est pas en droit de faire annuler (sur la base de l'art 269 a CC) son adoption à l'âge de 5 ans par l'ex-mari de sa mère, en faisant valoir que son père biologique aimerait maintenant la reconnaître et que le père adoptif est d'accord avec cette démarche. Le fait que le père biologique ait entre-temps épousé la mère de la jeune femme n'y change rien: on n'est pas en présence d'un vice grave qui permettrait d'annuler l'adoption.
(5A_640/2010 du 14.4.2011)
Un joueur professionnel de première division à Neuchâtel Xamax était en droit de résilier son contrat de travail avec effet immédiat (art. 337 al. 1 CO), après avoir été banni définitivement de l'équipe par l'entraîneur et insulté publiquement par ce dernier, en raison d'un acte de désobéissance isolé.
(4A_53/2011 du 28.4.2011)
Droit des assurances sociales
Une caisse de compensation est autorisée à verser une rente AVS en euros à ses assurés ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et résidant dans leur pays d'origine.
(9C_777/2010 du 15.6.2011)
En cas de séparation, les concubins ne peuvent bénéficier des dispositions de l'assurance chômage applicables aux couples mariés, à savoir de l'art. 14 al. 2 de la loi sur l'assurance chômage (libération des conditions relatives à la période de cotisations pour les personnes contraintes d'exercer une activité salariée ou de l'étendre en raison d'une séparation, d'un divorce, du décès du conjoint ou d'une raison semblable).
(8C_564/2010 du 11.4.2011)
Les danseuses-stripteaseuses avec des courtes autorisations de séjour ne peuvent bénéficier des dispositions de l'assurance chômage (art. 13 al. 4 LACI et art. 12a de l'OACI) prévoyant que, dans les professions où les changements d'employeur ou les contrats de durée limitée sont usuels, la période de cotisations est multipliée par deux pour les 60 premiers jours d'un contrat de durée déterminée.
(8C_967/2010 du 20.4.2011)
La jurisprudence sur le caractère surmontable, ou non, des troubles induits par le coup du lapin (ATF 136 V 279) ne s'applique pas aux frais de traitement et aux indemnités journalières versées par l'assurance accidents.
(8C_100/2011 du 1.6.2011)
Derniers arrêts de Strasbourg
Interdiction de construire des minarets: deux requêtes irrecevables
L'interdiction de construire des minarets en Suisse, introduite en 2009 dans la Constitution fédérale, viole-t-elle la liberté de religion (art. 9 CEDH) et l'interdiction de discrimination (art. 14 CEDH)? La Cour ne répondra pas à cette question pour le moment. Les requêtes déposées en décembre 2009 par l'ancien porte-parole de la mosquée de Genève, trois associations et une fondation ayant pour but l'assistance sociale et spirituelle aux musulmans résidant en Suisse ont été déclarées irrecevables par la Cour, au motif qu'ils ne peuvent pas se prétendre «victimes» d'une violation de la Convention. Cette condition de recevabilité résulte de l'article 34 de la Convention. Les requérants ont certes allégué que la modification constitutionnelle heurte leurs convictions religieuses, mais ils ne prétendent pas que celle-ci ait eu un quelconque effet concret à leur égard. De l'avis de la Cour, ils ne sont donc pas directement victimes de la violation alléguée de la Convention. Cependant, la Cour accorde également, à titre très exceptionnel, la qualité de victime indirecte et de victime potentielle à certaines personnes susceptibles d'être touchées par les faits prétendument constitutifs de l'ingérence. Cela a été le cas pour les hommes homosexuels en Irlande du Nord, en Irlande et à Chypre s'agissant de sanctionner des actes homosexuels non commis en public. Cela a aussi été le cas de l'interdiction d'éligibilité des juifs et des Roms pour certaines hautes fonctions publiques prévue par le droit bosniaque, qui atteignait potentiellement deux politiciens éminents. Dans l'affaire de l'interdiction de construire des minarets, pour la majorité de la Cour, les requérants n'ont pas rendu vraisemblable que la disposition constitutionnelle en question puisse leur être appliquée. Les requérants n'ont pas soutenu qu'ils pourraient envisager dans un avenir proche la construction d'une mosquée pourvue d'un minaret. La simple éventualité que cela puisse être le cas dans un avenir plus ou moins lointain n'est pas, aux yeux de la Cour, suffisante.
De surcroît, selon la Cour, les juridictions suisses seraient en mesure d'examiner la compatibilité avec la Convention d'un éventuel refus d'autoriser la construction d'un minaret. Elle se réfère à cet égard à un arrêt récent du Tribunal fédéral (arrêt 2C_221/2009 du 21 janvier 2010). Dans cette décision, la Haute Cour avait examiné la compatibilité avec l'interdiction de discrimination (art. 14 CEDH) du devoir limité aux hommes d'accomplir un service militaire (art. 59 I Cst.) ainsi que du devoir de s'acquitter d'une taxe au cas où ils n'accompliraient pas leur service militaire ou leur service de remplacement (art. 59 III Cst.).
Dans les deux affaires, la majorité de la Cour juge donc ces griefs irrecevables et les rejette en application de l'article 35 III et IV de la Convention.
(Décision sur la recevabilité de la deuxième section N° 65840/09 «Ouardiri c. Suisse» et N° 66274/09 «La Ligue des musulmans de Suisse et autres c. Suisse» du 28 juin 2011)
Mesures suffisantes après l'enlèvement d'un enfant
En juin 2003, les autorités turques ont informé l'Office fédéral de la justice (OFJ) d'un enlèvement d'enfant: âgé de 6 ans, le petit Nevzat Abdullah Küçük se trouvait à Berne avec sa mère, seulement titulaire d'un droit de visite. Les autorités turques demandent à l'OFJ de prendre toutes mesures pour assurer le retour immédiat de l'enfant, car à la suite du divorce en 2001 l'autorité parentale et la garde exclusive du garçon ont été attribuées au père. Parce que l'enfant vivait dans la clandestinité avec sa mère et son oncle, ce n'est qu'après 14 mois que Nevzat fut localisé à Bâle. En novembre 2004, le père rentrait à Ankara avec son fils.
En Suisse, le père avait lui-même mené des investigations et suggéré des pistes d'action aux autorités suisses, sans succès. Dans sa requête à la Cour européenne des droits de l'homme, il reproche à la Suisse et à la Turquie d'avoir pris des mesures insuffisantes pour assurer l'exécution rapide de décisions judiciaires, afin de rétablir l'autorité parentale et la garde effectives (8 CEDH). Il se plaignait notamment de ce que les autorités suisses auraient refusé, en août 2004, de localiser la mère de l'enfant sur la base de la surveillance de son téléphone mobile, s'obstinant à exiger que soit actionné un mécanisme d'entraide pénale internationale.
De l'avis unanime de la Cour, ni la Turquie ni la Suisse ne peuvent se voir reprocher une passivité contraire à la Convention. Les autorités ont pris toutes les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre d'elles. La police helvétique a ainsi interrogé de nombreux témoins et fait des recherches dans plusieurs localités. En septembre 2004, ses recherches ont été couronnées de succès. Le fait que les autorités n'aient pas entrepris tous les actes suggérés par le père n'est nullement la preuve d'un comportement contraire à la convention.
En revanche, il y a bien eu violation de l'art. 5 I CEDH par la Turquie, la privation de liberté du père et du fils durant quelques heures à l'aéroport en Turquie à des fins de vérification d'identité n'ayant pas de base légale en droit turc. Pour la majorité de la Cour, cela justifie un dédommagement de 9000 euros, alors que deux des sept juges estimaient cette somme exagérée au vu de la brièveté de la détention.
(Arrêt de la 2e Chambre N° 33362/04 «Küçük c. Turquie et Suisse» du 17 mai 2011)
FZ/S. Fr