Assurances sociales
Régime APG-Covid
La limitation temporelle relative à la production de la taxation définitive 2019 servant de base au calcul du droit aux allocations de perte de gain revient à privilégier les contribuables dont la déclaration fiscale a été traitée plus rapidement par les autorités. Cette réglementation revient à traiter des situations similaires de manière différente sans justification. La Cour conclut que tant l’ordonnance que la circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus (ci-après: CCPG) violent le principe d’égalité de traitement. Le recours est admis. La décision de la Caisse de compensation est annulée. Une nouvelle décision sera rendue quant au montant du droit aux allocations de perte de gain du requérant.
Etat de fait
B. exerce une activité de transport de personnes depuis mai 2019. A la suite de difficultés causées par les mesures édictées par les autorités dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, B. dépose une demande d’allocation de perte de gain auprès de la Caisse de compensation du Canton de Vaud. La Caisse adresse ensuite une fin de non-entrée en matière à B. au motif que son revenu déterminant, basé sur la décision de taxation provisoire, n’atteignait pas les minimas prescrits par la réglementation, soit 10 000 francs. B. a déposé une demande de reconsidération en transmettant la taxation définitive de l’année fiscale 2019. La Caisse de compensation refuse d’entrer en matière faute d’avoir reçu la taxation définitive avant le 16 septembre 2020.
Extrait des considérants
3a. Selon l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020), les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 ont droit à l’allocation pour autant qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la LAVS (loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants; RS 831.10), qu’elles subissent une perte de gain en raison des mesures prises par le Conseil fédéral afin de lutter contre le coronavirus et que leur revenu déterminant pour le calcul des cotisations AVS de l’année 2019 se situe entre 10 000 et 90 000 francs.
3b. L’art. 5 al. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 16 septembre 2020) précise que pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 LAPG (loi du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité; RS 834.1) s’applique par analogie. Après la fixation du montant de l’allocation, cette dernière ne peut faire l’objet d’un nouveau calcul que si une taxation fiscale plus récente est envoyée à l’ayant droit d’ici au 16 septembre 2020 et que celui-ci dépose une demande de nouveau calcul d’ici à cette date.
3c. Conformément à l’art. 11 al. 1 LAPG, le revenu moyen acquis avant l’entrée en service est le revenu déterminant pour le calcul des cotisations dues conformément à la LAVS. Le Conseil fédéral édicte des dispositions relatives au calcul de l’allocation et fait établir par l’Office fédéral des assurances sociales des tables dont l’usage est obligatoire et dont les montants sont arrondis à l’avantage de l’ayant droit.
3d. En vertu de l’art. 7 al. 1 du RAPG (règlement du 24 novembre 2004 sur les allocations pour perte de gain; RS 834.11), l’allocation est calculée, pour les personnes exerçant une activité indépendante, d’après le revenu, converti en revenu moyen, qui a servi de base à la dernière décision de cotisations à l’AVS rendue avant l’entrée en service. L’allocation est ajustée sur demande si, par la suite, une nouvelle décision de cotisation est prise pour l’année pendant laquelle le service a été accompli.
4a. D’après le ch. 1041.3 de la CCPG (Circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales [OFAS] sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus ; état au 3 juillet 2020), il y a lieu de se référer en principe, pour déterminer si le revenu est situé dans les limites indiquées (entre 10 000 et 90 000 francs), au revenu de l’activité lucrative qui est retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisation).
4b. Selon le ch. 1065 de la CCPG, la base de calcul de l’indemnité pour les indépendants correspond en principe au revenu réalisé en 2019. Pour ce faire, c’est le revenu retenu pour le décompte des cotisations 2019 (acomptes de cotisation) qui est déterminant. Par contre, si, au moment où l’indemnité est déterminée, la taxation fiscale définitive pour 2019 est déjà disponible, celle-ci doit être prise comme base de calcul.
4c. Le ch. 1065.1 de la CCPG précise toutefois, lorsque l’indemnité a été fixée sur la base des revenus utilisés pour les acomptes de cotisation 2019 et que ceux-ci n’ont pas été adaptés depuis la dernière décision définitive de cotisation, que les revenus de la dernière décision définitive de cotisation doivent être pris en compte sur demande du bénéficiaire. Si, au moment de la demande, la taxation fiscale pour 2019 est déjà disponible, c’est celle-ci qui doit être prise en compte. La demande de nouveau calcul, respectivement de révision ou de reconsidération doit être adressée à la caisse de compensation au plus tard le 16 septembre 2020.
5a. Les tribunaux – Tribunal fédéral ou tribunaux cantonaux – peuvent examiner à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité d’ordonnances du Conseil fédéral. Ils examinent en principe librement la légalité et la constitutionnalité des ordonnances, dites dépendantes, de cette autorité qui reposent sur une délégation législative. Ils analysent, dans un premier temps, si l’ordonnance reste dans les limites des pouvoirs conférés par la loi au Conseil fédéral, mais ils ne peuvent pas contrôler si la délégation elle-même est admissible. Si l’ordonnance est conforme à la loi, ils examinent, dans un second temps, sa conformité à la Constitution, à moins que la loi ne permette d’y déroger. Lorsque la délégation législative est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d’appréciation, cette clause s’impose au Tribunal fédéral en vertu de l’art. 190 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999; RS 101). Dans un tel cas, les tribunaux doivent se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l’autorité exécutive ou si, pour d’autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution; ils ne sont pas habilités à substituer leur propre appréciation à celle du Conseil fédéral. Ils se limitent à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le plus approprié pour atteindre ce but. Il ne revient pas aux tribunaux d’examiner l’opportunité de l’ordonnance ou de prendre position au sujet de l’adéquation politique, économique ou autre d’une disposition d’une ordonnance (ATF 146 II 56 consid. 6.2.2 et les références).
5b. Les directives émises par l’OFAS ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l’application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d’exécution. Elles ont notamment pour but d’établir des critères généraux, d’après lesquels sera tranché chaque cas d’espèce, cela aussi bien dans l’intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Selon la jurisprudence, ces directives n’ont d’effet qu’à l’égard de l’administration dont elles donnent le point de vue sur l’application d’une règle de droit et non pas une interprétation contraignante de celle-ci. Cela ne signifie toutefois pas que le juge ne doive pas en tenir compte. Au contraire, il doit les prendre en considération lors de sa décision, lorsqu’elles offrent une interprétation satisfaisante des dispositions légales applicables et adaptée au cas d’espèce. Il ne s’en écarte que dans la mesure où les directives établissent des normes qui ne sont pas conformes aux dispositions légales applicables (ATF 145 V 84 consid. 6.1.1 et les références).
6a. Dans la décision attaquée, l’intimée a appliqué strictement les directives de l’OFAS et s’est fondée, pour déterminer le montant du revenu moyen de l’activité lucrative, sur la décision d’acompte du 9 septembre 2019 qui fait mention d’un revenu de 3 500 francs, expliquant notamment qu’elle n’était pas autorisée à se fonder sur une taxation fiscale reçue après le 16 septembre 2020.
6b. Le recourant demande que le montant du revenu moyen de l’activité lucrative soit fixé sur la base de la décision définitive de taxation établie en date du 13 novembre 2020 pour la période fiscale 2019.
6c. En l’occurrence, il convient de faire droit à la demande du recourant.
aa) Selon la jurisprudence, une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 141 I 153 consid. 5.1 ; 140 I 77 consid. 5.1 ; 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 134 I 23 consid. 9.1).
bb) En édictant l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, le Conseil fédéral a posé le principe que la base de calcul de l’allocation pour les indépendants devait correspondre en principe au revenu réalisé en 2019. En limitant dans le temps la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 pour fixer le montant du revenu moyen de l’activité lucrative déterminant pour le calcul de l’allocation, l’art. 5 al. 2 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ainsi que le ch. 1065.1 de la CCPG sont manifestement contraires au principe de l’égalité de traitement, tel qu’il est consacré à l’art. 8 al. 1 Cst. En effet, la faculté pour la personne exerçant une activité indépendante qui requiert le versement de l’allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 dépend d’un facteur purement aléatoire, à savoir la célérité mise par les autorités fiscales pour établir ladite taxation. La personne concernée n’a toutefois aucune prise sur la procédure de taxation car elle ne dispose d’aucun moyen pour contraindre les autorités fiscales à rendre une décision de taxation dans un délai précis. De fait, l’introduction d’une limite temporelle au 16 septembre 2020 pour la production de la décision définitive de taxation pour 2019 – laquelle constitue d’ailleurs une dérogation au régime général des allocations pour perte de gain (cf. art. 7 al. 1 RAPG) – revient à privilégier, arbitrairement et sans motif légitime, les personnes dont le dossier a été traité par les autorités fiscales avant cette date par rapport à celles dont la taxation n’a été entreprise que postérieurement. La crainte d’une éventuelle surcharge de l’autorité administrative liée aux demandes de réexamen des décisions d’allocation afin de tenir compte des décisions définitives de taxation pour 2019 ne saurait justifier une violation de ce principe fondamental de l’Etat de droit qu’est l’égalité de traitement.
cc) Aussi faut-il retenir que la limitation dans le temps de la possibilité de se prévaloir de la décision définitive de taxation pour 2019 ne repose sur aucun motif sérieux et objectif et est, partant, contraire au principe de l’égalité de traitement.
7a. Bien fondé, le recours doit être admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l’intimée pour qu’elle fixe le montant de l’allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus auquel le recourant peut prétendre en tenant compte de la décision définitive de taxation pour 2019.
Arrêt en ligne de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud APG 42/20-12/2021 du 17 mai 2021
Droit administratif
Base légale suffisante
Les normes de la Conférence suisse des institutions sociales (CSIAS) constituent une base légale suffisante pour la prise en compte des prêts dans le calcul du droit à l’aide sociale. Le législateur cantonal n’est ici pas tenu à l’exhaustivité en raison de la diversité des situations familiales, personnelles et économiques. En matière d’aide sociale, le principe de densité normative n’est pas soumis à des exigences élevées au point de définir toutes les situations et le renvoi dynamique à des directives est admis.
Etat de fait
Un bénéficiaire de l’aide sociale se voit notifier une demande de remboursement du Service de l’action sociale par suite d’une omission d’annonce concernant des prêts octroyés par son amie. Il forme opposition contre les décisions du service réclamant le remboursement des sommes correspondant au montant du prêt. En date du 18 décembre 2020, un recours est interjeté notamment au motif que la loi cantonale jurassienne sur l’action sociale et le droit cantonal supplétif (normes CSIAS) ne permettent pas de fonder une quelconque obligation de remboursement. Le recours est rejeté, la Cour administrative concluant que le principe de légalité n’est pas violé en l’espèce.
Extraits des considérants
4.6 La personne qui demande ou reçoit une aide doit fournir des renseignements complets et véridiques sur sa situation à l’autorité ou à l’organisme chargé de l’aide sociale et lui donner la possibilité de prendre des informations à son sujet, sous peine de refus total ou partiel des prestations. De plus, le bénéficiaire d’une aide matérielle est tenu de signaler sans délai à l’autorité d’aide sociale tout changement de sa situation pouvant entraîner la réduction ou la suppression des prestations (art. 9 LASoc et également 3 OASoc, RSJU 850.111). Il doit en particulier déclarer correctement toutes les prestations perçues à l’aide sociale. Il s’agit de l’expression de son devoir général d’informer et de signaler (CSIAS A.4.1 ch.5).
4.7 A teneur de l’art. 36 al. 1 let. b LASoc, l’aide matérielle fournie aux personnes majeures est remboursable lorsque l’aide a été obtenue indûment, à la suite d’indications fausses ou incomplètes.
Les prestations sujettes à remboursement ne produisent pas d’intérêts, sauf si l’aide a été obtenue indûment ou si l’intéressé ne respecte pas les conditions prévues, contrairement à son engagement (art. 37 LASoc).
4.8 En l’espèce, contrairement aux allégués du recours, c’est l’art. 36 al. 1 let. b LASoc qui constitue la base légale idoine pour demander le remboursement des montants d’aide sociale perçus par le recourant qui n’a pas déclaré les prêts obtenus de son amie et non pas les normes CSIAS. Or, comme l’exige la jurisprudence (ADM 16/2017 du 3 août 2017 consid. 3.1 et 3.2 consultable sur https://jurisprudence.jura.ch et les références citées), cette disposition définit de manière suffisamment précise et claire l’objet du remboursement, à savoir les montants d’aide sociale obtenus indûment à la suite d’indications fausses ou incomplètes. Elle figure en outre dans une loi au sens formel tout comme l’obligation pour les bénéficiaires de l’aide sociale de fournir des renseignements véridiques et complets sur leur situation (art. 9 LASoc). Ces deux dispositions définissent de manière suffisamment précise et claire d’une part l’obligation incombant au bénéficiaire de l’aide sociale de fournir des renseignements complets sur sa situation et, d’autre part, son corollaire, à savoir l’obligation de rembourser en cas d’indications incomplètes, étant précisé que la loi stipule que c’est l’aide obtenue qui est remboursable. Le recourant ne saurait être suivi lorsqu’il semble alléguer que la loi ne définit pas de manière précise sur quoi le remboursement doit porter. En effet, en matière d›aide sociale, l›exigence de précision de la règle se heurte généralement à des difficultés particulières en raison de la diversité des situations personnelles, familiales et économiques envisageables, ainsi que des montants d›aide qui doivent être accordés en fonction de ces spécificités et de la situation sociale et économique des bénéficiaires. Le plus souvent, les lois (au sens formel) cantonales contiennent des principes généraux et renvoient pour le surplus à l›adoption de règles de rang inférieur. Il n›est pas rare en outre que la loi contienne un renvoi (dynamique) aux directives «Aide sociale: concepts et normes de calcul» de la Conférence suisse des institutions d›action sociale (CSIAS), largement reconnues par la doctrine et la jurisprudence (ATF 141 V 688 consid. 4.2.4 et la jurisprudence citée). Dès lors en tant que la loi exige que le recourant fournisse des informations complètes sur sa situation financière, ce qui comprend à l’évidence toutes les ressources dont il bénéficie, et en tant qu’elle prévoit l’obligation de restituer l’aide perçue en cas d’indications fausses ou incomplètes, on ne voit pas en quoi le principe de la légalité serait violé, dès lors qu’en matière d’aide sociale, le principe de la densité normative n’est pas soumis à des exigences élevées au point de définir dans une base légale formelle toutes les situations susceptibles d’être prises en compte dans la situation financière du bénéficiaire (dans ce sens ATF 141 V 688 précité consid. 4.2.6).
4.9 Le principe de subsidiarité est expressément prévu à l’art. 7 LASoc (cf. consid. 4.2). A ce titre les prestations de l’aide sociale ne sont accordées que si la personne dans le besoin ne peut pas subvenir elle-même à ses besoins, si elle ne reçoit pas d’aide d’un tiers ou si elle n’a pas été accordée en temps voulu. L’aide sociale est notamment subsidiaire vis-à-vis des prestations volontaires de tiers, respectivement des proches, versées sans engagement juridique (Félix Wolffers, op.cit. p. 77 et 79).
Selon les normes CSIAS, les contributions volontaires de tiers font partie des ressources financières à prendre en compte dans le calcul des prestations financières de l’aide sociale sauf exceptions admises (normes CSIAS D.1). La non-prise en compte exceptionnelle relève de l’appréciation de l’organisme d’aide sociale. Des exceptions quant à la non-prise en compte sont recommandées lorsque les prestations sont d’un montant modeste et fournies expressément en complément des prestations d’aide sociale. Il s’agit par exemple de cadeaux occasionnels d’un montant approprié (Alexander Suter, Comment tenir compte des prestations volontaires de tiers ?, in ZESO 2020 p. 6). Dans un arrêt de 2014, le Tribunal fédéral a admis le remboursement de l’aide sociale du fait de prêts contractés par le bénéficiaire pour acheter une voiture (TF 8C_64/2014 du 21 mai 2014 consid. 3.2).
Au cas particulier, il ressort du dossier que les montants versés par l’amie du recourant en 2019 et oscillant mensuellement entre 400 et 2 150 francs sont réguliers et conséquents. En tant que prêts, ils doivent être considérés comme des prestations volontaires de tiers, dès lors qu’ils ne se fondent sur aucune obligation légale. En outre, ils dépassent très largement ce qui pourrait être usuellement admis et ne sauraient être qualifiés de cadeaux occasionnels. Pour le surplus, il ressort des considérants qui précèdent que les normes CSIAS, en tant que droit cantonal supplétif, constituent une base légale suffisante pour la prise en compte de ces montants. Quant à l’obligation de les annoncer par le recourant à l’intimé, dite obligation découle de l’art. 9 LASoc précité qui oblige le bénéficiaire à indiquer de manière complète sa situation. En ne mentionnant pas les montants reçus de son amie, partant en donnant des renseignements incomplets sur sa situation, le recourant a violé l’obligation légale lui incombant et est dès lors soumis au remboursement de l’aide sociale perçue en trop en raison de la non-prise en compte de ces montants non déclarés dans les budgets d’aide sociale comme le prévoit expressément l’art. 36 al. 1 let. b LASoc.
Arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal du Canton du Jura ADM 156/2020 du 26 mars 2021 SAR
Droit civil
Novas en appel
La Cour dispose d’un pouvoir de cognition illimité en fait et en droit dans le cadre de la procédure d’appel contre l’avis aux débiteurs. Tant le débirentier que le crédirentier peuvent faire valoir des novas. Dans le cas présent, le recourant est parvenu à démontrer une péjoration de sa situation financière. Le juge saisi en appel a ainsi constaté que le droit au minimum vital était entamé et a revu à la baisse le montant prélevé.
Etat de fait
Par suite du jugement de divorce du 5 novembre 2019, A. était tenu de s’acquitter d’une contribution au bénéfice de son fils jusqu’à sa majorité ou la fin de sa première formation. A la fin de l’année 2020, B., l’ex-épouse de A., dépose une requête d’avis aux débiteurs. La Juge du Tribunal civil d’arrondissement de la Gruyère (ci-après: la Présidente) impartit un délai à A. pour prendre position. A. ne répond pas. Le 27 novembre 2020, la Présidente admet la requête d’avis aux débiteurs en se basant sur des informations partielles résultant de l’absence de prise de position de A. En date du 21 janvier 2021, A. fait appel contre cette décision. Le Tribunal cantonal admet partiellement le recours, le montant du prélèvement de l’employeur sur le salaire de A. étant revu à la baisse, vu que le droit au minimum vital de A. n’est plus garanti. L’appel de A. est partiellement admis.
Extraits des considérants
1.4. La cognition de la Cour d’appel est pleine et entière, en fait comme en droit (art. 310 CPC).
1.5. Dans son pourvoi, l’appelant fait valoir des faits nouveaux, admissibles selon lui en procédure d’appel dans le cadre d’un avis aux débiteurs concernant une contribution d’entretien en faveur d’un enfant mineur.
Selon l’intimée, l’application de cette jurisprudence (ATF 144 III 349) se justifie dans les procédures de mesures protectrices de l’union conjugale et de divorce où l’intérêt de l’enfant doit être sauvegardé. Ce notamment dans le cadre de la fixation du montant des contributions d’entretien, mais pas dans une procédure d’avis aux débiteurs, dont l’objet principal n’est pas de revoir le montant des pensions. L’application de l’art. 317 CPC se justifierait in casu pleinement. Il appartenait à l’appelant d’invoquer ses faits nouveaux précédemment, soit après le prononcé du divorce à travers une action en modification du jugement. Sa position est d’autant plus critiquable que la Présidente lui a imparti deux délais pour se déterminer; il n’a alors pas fait preuve de la diligence que l’on pouvait raisonnablement attendre de lui.
La position de B. est infondée. La présente procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée (art. 296 al. 1 CPC), qui profite tant au crédirentier qu’au débirentier (ATF 131 III 91), de sorte que, selon la jurisprudence (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1), l’application stricte de l’art. 317 al. 1 CPC n’est pas justifiée; dès lors, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies. Il en découle que les faits allégués et les documents produits en appel par les parties, en particulier par l’appelant, sont recevables.
2.
2.3. En l’espèce, l’appelant ne conteste pas qu’il ne s’est pas acquitté régulièrement des pensions mais précise, d’une part, qu’il s’est occupé de l’enfant de septembre à décembre 2019 alors que sa mère était à D. et, d’autre part, qu’il a perdu son emploi à la fin de l’année 2019 et que son nouvel emploi de désamianteur qu’il exerce au sein de E. Sàrl depuis le 2 juin 2020 ne lui permet pas de payer la contribution. Il a du reste introduit une action en modification du jugement de divorce. Quoi qu’il en soit, il faut constater en l’occurrence que les pensions fixées judiciairement n’ont pas été régulièrement payées. L’issue de la procédure dépend dès lors essentiellement de la question de savoir si l’avis aux débiteurs requis porte atteinte au minimum vital de A., étant précisé que, dans le cadre de l’art. 291 CC, il n’est pas possible de prendre en compte un revenu hypothétique (ATF 145 III 255 consid. 5.5.2).
2.5. En second lieu, l’appelant reproche à la Présidente de ne pas avoir tenté d’estimer ses charges, qu’il arrête à 3 047 francs 95 par mois. Il se plaint d’une constatation inexacte des faits et d’une violation de son droit d’être entendu en raison du fait que la décision attaquée ne contient aucune motivation sur cette question.
Il est vrai que la première Juge n’a pas tenté d’estimer les charges de A.. Il est vrai aussi qu’en retenant un revenu net de l’ordre de 3 100 francs par mois, il ne restait à l’appelant que 1 600 francs pour vivre après déduction de la pension, ce qui est évidemment peu. Mais de telles charges sont en soi possibles, par exemple en présence d’un concubinage. En outre, la Présidente pouvait retenir que l’appelant n’avait pas contesté être à même de verser la pension prévue dans le jugement de divorce, et dont il n’avait alors pas demandé la modification. Enfin, c’est bien l’appelant qui est responsable du fait que la magistrate ne disposait pas des renseignements précités au moment où elle a statué. Les griefs sont infondés.
Quoi qu’il en soit, A. a désormais exposé ses charges en appel, qui seront retenues comme suit au minimum vital du droit des poursuites: le loyer par 950 francs; le montant de base selon les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l’art. 93 LP pour une personne vivant seule, soit 1 200 francs, réduit à 1 100 francs dès lors que l’appelant touche 15 francs par jour pour ses frais de repas ; la caisse-maladie (prime LAMal pour l’assurance de base) par 217 francs ; les frais d’exercice du droit de visite minimal (arrêt TC FR 101 2020 333 du 19 avril 2021 consid. 7.2.4) par 50 francs, même si la mère allègue qu’il ne serait pas exercé régulièrement. L’ensemble de ces charges correspond à un total de 2317 francs.
L’appelant soutient qu’il faut inclure dans ses charges un montant d’environ 600 francs pour ses frais de déplacements professionnels, ce qui est considérable. Le calcul effectué par l’appelant (appel p. 5) est cela étant correct, hormis le fait que ces frais doivent être répartis sur 11 mois. Ce poste sera dès lors retenu à concurrence de 550 francs.
Il en découle que les charges de A. peuvent être estimées à 2900 francs. Cela lui laisse un disponible de 800 francs, pour lequel l’avis aux débiteurs doit être confirmé.
Arrêt de la Cour d’appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg 101 2021 29 du 6 mai 2021.