Dans un arrêt 9C_283/ 2015 destiné à la publication, le Tribunal fédéral a dit que le Gouvernement suisse pouvait, sans contrevenir à l’article 70 du Règlement (CE) n° 883/2004, déclarer la rente extraordinaire de l’AI inexportable. Il a estimé que cette rente remplit tous les critères pour être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif (ne dépendant pas d’une cotisation préalable de l’assuré) au sens de l’article 70 § 2, lit. a point i) du Règlement (CE) n° 883/2004.
Cependant, la question posée au Tribunal fédéral était celle de savoir si la rente extraordinaire de l’AI constitue, ou non, une prestation «relevant d’une législation qui (…) possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale (…) et d’une assistance sociale». En effet, ce n’est qu’à cette condition, posée par le premier paragraphe de l’article susmentionné, qu’il peut être fait exception au principe de l’exportation des prestations prévu à l’article 7 du règlement en question.
Cet argument a été invoqué par la recourante, mais le Tribunal fédéral n’y a pas répondu. Il s’est contenté de discuter de la question de savoir si la rente extraordinaire de l’AI était une prestation spéciale au sens de l’article 70 § 2 lit. a point i) du Règlement (CE) n° 883/2004, là où la recourante lui parlait de la condition à remplir selon l’article 70 § 1.
Le Tribunal fédéral aurait cherché à répondre à la question qui lui était en réalité soumise par la recourante, qu’aurait-il pu dire? Que la rente extraordinaire de l’AI est une prestation à caractère d’assistance? Pas facile de l’affirmer. Car la caractéristique essentielle d’une telle prestation n’est-elle pas d’être modulée quant à son montant, en fonction des ressources de la personne? Or, cela n’est, à l’évidence, pas le cas de la rente extraordinaire de l’AI, qui consiste dans une prestation prédéfinie quant à son montant et non pas – depuis que la 10e révision de l’AVS a supprimé les rentes extraordinaires soumises à limite de revenu – dans une prestation soumise à quelque condition de ressource que ce soit (lire l’avis de Patricia USINGER-EGGER, in «Die Verordnung (EG) Nr 883/2004 und Durchführungsverordnung», Jahrbuch zum Sozialversicherungsrecht, 2013/95).
Les tribunaux suisses n’ont, contrairement aux tribunaux des Etats membres de l’Union européenne, pas la possibilité de poser des questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, anciennement CJCE).
Afin de faire bonne figure, le Tribunal fédéral a toutefois dit que «la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité n’est, au demeurant, pas sans présenter des similitudes avec la prestation servie au titre de la loi néerlandaise» dont il était question dans l’arrêt de la CJCE rendu le 6 juillet 2006 dans la cause n° C-154/05, Kersbergen-Lap et DamsSchipper.
S’il existe peut-être des similitudes entre la «Wet arbeidsongeschikheidsvoorziening jonggehandicapten» hollandaise et la rente extraordinaire de l’AI suisse, il n’en reste pas moins qu’une différence essentielle distingue ces deux prestations sous l’angle de l’article 70 § 1 du Règlement (CE) n° 883/2004, une différence qui tient à ce que la prestation hollandaise est clairement liée à une condition de ressource, ce qui n’est pas le cas pour la rente extraordinaire de l’AI suisse. En somme, la première peut être vue comme une prestation tenant «à la fois de la législation en matière de sécurité sociale et d’une assistance sociale», mais pas la seconde.