La procédure de consultation de l’avant-projet de la Loi fédérale sur la plateforme de communication électronique dans le domaine judiciaire (LPCJ) s’est achevée le 26 février dernier. Le Conseil fédéral souhaite que les parties à une procédure puissent échanger des données avec les tribunaux, les ministères publics et les autorités d’exécution sur une «plateforme hautement sécurisée». La communication électronique s’appliquera aux procédures civiles et pénales, ainsi qu’aux procédures de recours devant le Tribunal administratif fédéral.
Les mêmes règles s’appliqueront aux procédures administratives fédérales. Le Conseil fédéral se réserve toutefois le droit d’exploiter sa propre plateforme de messagerie sécurisée. Droit qu’il justifie par le fait qu’il s’agit de procédures administratives et non de procédures judiciaires au sens strict. Les cantons resteront libres d’adapter leurs propres procédures administratives et leurs procédures devant les tribunaux administratifs en conséquence.
La plateforme devra être exploitée par une entité de droit public. La Confédération et les cantons concluront un accord à cette fin. L’avant-projet de la LPCJ prévoit que ce dernier entre en vigueur dès que la Confédération et, au moins, 18 cantons l’auront approuvé. A défaut, la Confédération et les cantons devront mettre en place des plateformes distinctes.
Le projet de loi apporte des modifications à de nombreuses lois, comme par exemple les Codes de procédure civile et pénale, la Loi fédérale sur la procédure administrative ou encore la Loi sur les avocats. Les autorités judiciaires devront désormais gérer les dossiers par voie électronique. La plateforme est destinée à assurer l’échange électronique de requêtes, de décisions et de dossiers. Elle pourra également offrir d’autres services, tels que des vidéoconférences ou des conférences téléphoniques.
Les représentants professionnels des parties et les autorités ne devraient être autorisés à échanger des documents que par l’intermédiaire de la plateforme. Selon le projet, les avocats devront, à l’avenir, obligatoirement disposer d’une adresse de messagerie sécurisée sur la plateforme, sous peine d’être radiés du Registre des avocats. Seuls les particuliers seront encore autorisés à communiquer sur support papier avec les autorités.
Controverse sur l’obligation d’utiliser l’identité électronique
Toute personne qui transmettra un document sur la plateforme recevra une quittance. La plateforme mettra le document à la disposition du destinataire pendant sept jours pour qu’il puisse le récupérer. L’expéditeur recevra une nouvelle quittance lors de la première consultation du document ou si le destinataire ne le consulte pas dans les sept jours suivant la transmission. Si la plateforme devait être inaccessible le jour de l’échéance d’un délai, ce dernier serait prolongé jusqu’au jour ouvrable suivant celui où la plateforme deviendrait de nouveau accessible.
L’art. 19 LPCJ prévoit que les utilisateurs doivent s’authentifier pour accéder à la plateforme, au moyen d’une identité électronique (e-ID), réglementée dans la Loi sur les services d’identification électronique (LSIE). A la suite du rejet de cette loi lors du référendum du 7 mars dernier, la plateforme ne pourra pas être réalisée sous cette forme.
Liberté économique violée selon les avocats
Le projet prévoit que les autorités versent des émoluments pour l’utilisation de la plateforme, qu’elles peuvent ensuite répercuter sur les utilisateurs, en plus des frais de procédure. Le rapport explicatif du Conseil fédéral prévoit des coûts inférieurs à 20 francs par procédure.
Durant la consultation, plusieurs groupes d’avocats ont commenté la loi. Ils critiquent particulièrement la contrainte d’utiliser la plateforme, qui viole, selon eux, plusieurs principes constitutionnels, tels que la liberté économique ou l’égalité des droits. Pour eux, la contrainte n’est pas nécessaire. Ils estiment par ailleurs que des dispositions de protection plus strictes seraient nécessaires quant à l’utilisation des documents judiciaires numériques, notamment en matière de secret professionnel, de protection des données et en termes techniques.