La procédure civile est réglée uniformément dans tous les cantons depuis 2011, contrairement aux frais de procédure qui restent de compétence cantonale (96 CPC). De ce fait, les frais judiciaires fluctuent énormément. Au cours des dix dernières années, ces frais ont nettement augmenté.
Plädoyer a ainsi interrogé 26 tribunaux de première instance dans 26 cantons, soit des tribunaux de première instance pour la plupart. Plädoyer souhaitait connaître le montant des frais perçus dans trois cas de figure, à savoir pour les divorces par consentement mutuel et les procédures dont la valeur litigieuse atteignait respectivement 50 000 et 100 000 francs. Les frais d’établissement des preuves et de motivation du jugement ont été exclus de cette évaluation.
Les plus onéreux
En conclusion, les tarifs cantonaux diffèrent drastiquement d’un canton à l’autre (cf. tableau en PDF). Lors d’un divorce par consentement mutuel, l’écart maximal varie entre 500 et 5000 francs. Les divorces par consentement mutuel sont généralement moins coûteux en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. En pareil cas, les frais judiciaires équivalent plus au moins ceux pratiqués il y a dix ans (cf. Enquête plädoyer 6/10).
Pour les procédures contentieuses dont la valeur litigieuse atteint 50 000 francs, la différence entre les valeurs indicatives fluctue entre 500 francs (Glaris) et 20 000 francs (Fribourg). Ici, la tendance s’inverse, puisque les procédures contentieuses ne sont pas moins onéreuses dans les cantons romands. Ces frais se situent même dans la fourchette haute pour les cantons les plus peuplés, à l’instar des cantons de Berne et de Zurich.
L’écart est similaire en cas de procédure avec une valeur litigieuse de 100 000 francs, puisqu’il se situe encore une fois entre 500 francs (Glaris) et 20 000 francs (Fribourg, Schaffhouse). Chose surprenante, certains cantons, tels que Fribourg, Glaris et Bâle, font état de coûts de fonctionnement particulièrement élevés. Quant à l’augmentation des coûts, les cantons de Bâle-Campagne, Berne et Zoug remportent la palme, sans égard au montant de la valeur litigieuse.
Uniformisation
D’après la professeure de droit civil de l’Université de Zurich, Tanja Domej, une unification des frais de justice est tout à fait fondée. «Les coûts représentent un élément essentiel de l’accès au droit. Il est difficile de justifier ces disparités intercantonales.»
La professeure explique que la cause principale provient du droit des cantons d’établir les tarifs et, plus particulièrement, du fait qu’ils se chargent de l’organisation des tribunaux et de leur financement. «L’organisation des offices de poursuites et faillites reste aussi de compétence cantonale dans une large mesure.» Toutefois, le droit des poursuites et faillite règle les points tarifaires uniformément.
Le professeur de procédure civile Lorenz Droese de l’Université de Lucerne abonde dans ce sens. Pour lui, les variations tarifaires intercantonales ne sont pas justifiées: «Comment légitimer la souveraineté cantonale concernant les coûts de procédure civile, alors que les émoluments en procédure de poursuite et faillite, les tarifs postaux ou la redevance de radio-télévision sont uniformément régis au niveau fédéral?»
«L’argument fondé sur les dissemblances entre les tribunaux concernant leur composition ou leur charge de travail ne tient plus la route pour contrer une uniformisation des frais de justice.» Les cantons ne sont plus isolés en raison de la péréquation financière. Par ailleurs, l’influence directe de l’organisation des tribunaux sur les coûts n’est pas évidente: les cantons disposant d’un juge unique n’ont pas forcément les tarifs les moins élevés.
Isaak Meier, professeur émérite en procédure civile à l’Université de Zurich, soutient aussi fortement la standardisation des frais judiciaires. D’après lui, seule une réglementation fédérale pourrait diminuer les coûts de manière déterminante. «On ne peut pas espérer que les cantons s’écartent des tarifs usuels de leur propre chef.»
A contrario, le professeur de droit civil de l’Université de Lucerne, Thomas Sutter-Somm, estime qu’il n’existe aucun besoin d’alignement tarifaire, «vu les disparités entre les tribunaux en termes de taille et d’organisation». Les arrondissements judiciaires sont très différents. A titre exemplatif, les cantons de Zurich et d’Appenzell Rhodes-Extérieurs sont difficilement comparables à plusieurs égards.
Légiférer
«Les frais judiciaires devraient être au moins harmonisés», selon le professeur de droit civil de l’Université de Fribourg, Michel Heinzmann. Des variations pourraient être justifiées sur ce point pour autant qu’elles correspondent aux différences existantes de revenus ou de coût de la vie au niveau des cantons. «Le législateur devrait intervenir en premier lieu pour influer sur le montant des frais judiciaires.» En effet, ces derniers peuvent être dissuasifs. Cette situation interpelle quant au droit d’accès au juge, garanti par la Constitution. ❙