L’ordre d’expulsion serait dorénavant déjà donné, dès lors que les conditions pour le prononcé d’une ordonnance pénale seraient remplies. L’obligation de défense obligatoire en cas d’expulsion selon l’art. 130 CPP serait supprimée et la liste des infractions énumérées à l’art. 66a CP réexaminée et, le cas échéant, précisée.
Cette motion est hautement problématique. Des ordonnances pénales peuvent être prononcées pour des amendes, des peines pécuniaires s’élevant à 180 jours-amendes au maximum et des peines privatives de liberté de six mois au plus. La procédure d’ordonnance pénale peut être introduite dans des cas sans équivoque, pour lesquels l’état de fait peut être établi sans interrogatoire et lors d’infractions mineures. Pour assurer la compatibilité de la procédure d’ordonnance pénale avec les droits procéduraux fondamentaux, certaines garanties ne sauraient être omises. Ainsi, la personne accusée doit comprendre l’ordonnance et l’indication des voies de droit, notamment la possibilité de faire opposition dans les dix jours.
Souvent, les personnes expulsées des suites d’une infraction ne maîtrisent pas les langues officielles. Ces personnes allophones reçoivent, malgré tout – à défaut d’interrogatoire avant le prononcé d’ordonnace pénale – une ordonnance rédigée en une langue officielle, bien qu’elles disposent du droit à une traduction. En sus, ces personnes sont souvent dépourvues de domicile en Suisse. Dans la plupart des cas, l’ordonnance pénale ne pourra pas être délivrée par courrier ou en personne. La notification d’un tel acte peut être admise, même sans publication (cf. art. 88, al. 4 CPP).2 De ce fait, le délai de dix jours pour faire opposition ne peut pas toujours être respecté. En cas d’expulsion prononcée par voie d’ordonnance, les conséquences sont particulièrement graves. Sans que la personne accusée n’ait pu s’exprimer, elle est non seulement gravement lésée dans ses droits fondamentaux, mais la vérification de l’expulsion par un tribunal lui est aussi refusée. Cette dernière pourra être renvoyée – avant même d’avoir reçu l’ordonnance pénale.
L’expulsion obligatoire du pays selon l’art. 66a CP, fruit de l’initiative sur le renvoi, ne prévoit pas la possibilité d’expulser des personnes par voie d’ordonnance pénale pour des raisons légitimes. Jusqu’à ce jour, seul un tribunal – et non l’autorité chargée de la poursuite pénale – vérifie et prononce le renvoi.3 Les autorités de poursuite pénale ne peuvent que renoncer à un renvoi et/ou examiner les cas de rigueur.4
Face aux exigences de l’Etat de droit, la motion de la CIP-N doit être refusée. L’absence de vérification judiciaire de part et d’autre et la suppression de la défense obligatoire compromettent les droits de procédure élémentaires. Le droit à une procédure équitable conforme à la CEDH est ainsi violé. Actuellement, la procédure pénale est appliquée de manière inadéquate dans de trop nombreux cas. Une extension supplémentaire des infractions soumises à l’expulsion obligatoire n’est ni nécessaire, ni souhaitable.
La Commission des institutions politiques du Conseil des Etats se positionnera le 16 novembre. A espérer qu’elle se souviendra de l’importance des principes de l’Etat de droit et qu’elle recommandera au Conseil des Etats de rejeter cette motion.
1 Motion 21.3009 (CIP-N) du 22.1.2021
2 f. Agostino-Passerini/Ruckstuhl, Strafvollzug ohne rechtskräftiges Urteil – ein Unding im Rechtsstaat, in: forumpoenale 4/2021, p. 296 ss.
3 urbrügg/Hruschka, in: Niggli Marcel Alexander/Wiprächtiger Hans, Basler Kommentar StGB, 4. Aufl. Basel 2018, Art. 66a N 2.
4 BSK StGB- Zurbrügg/Hruschka, Art. 66a N 81, N 130.