La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois s'est rendue dans deux écoles de Lutry à l'heure de la récré. L'arrêt GE.2012.0139 du 1er mars 2013 ne dit pas si les juges avaient pris une collation avec eux. Mais la réponse, en toute logique devrait être négative. Car les magistrats y allaient pour une séance de travail. Un grave conflit gangrène-t-il les établissements scolaires? Les murs menacent-ils de tomber en raison d'une erreur de construction? Absolument pas. Ce qu'il fallait évaluer, c'est l'opportunité de la présence de caméras filmant 24 heures sur 24 les parties extérieures des deux écoles pour prévenir les actes de violence, tels que le vandalisme et le racket.
Le préposé vaudois à la protection des données avait autorisé la pose des installations, mais il contestait leur fonctionnement en continu, l'estimant contraire au principe de proportionnalité. Il constatait «une opposition fondamentale entre la mission de l'école, qui vise à contribuer au développement de la personnalité des élèves, et l'instauration d'une surveillance permanente par le biais de moyens technologiques». Au final, un contrôle en dehors des heures de cours suffirait à atteindre le but de sécurité poursuivi.
Mais le préposé a tout faux. C'est justement pour garantir le développement personnel des écoliers qu'on braque sur eux pas moins de 21 caméras loin d'être discrètes. C'est pour qu'ils puissent étudier dans un cadre sécurisé. Et tant pis si, pour des raisons techniques, il serait trop compliqué d'éteindre les caméras à certaines périodes, comme les récréations. Qu'importe si les enfants et les adolescents prennent leur pause sous surveillance, qu'on puisse voir avec qui ils jouent et discutent ou s'ils se tiennent correctement.
De tout manière, ce n'est pas du voyeurisme, puisque les images sont effacées après 48 heures et que seul le commandant de la police cantonale y a accès. A ce propos, la manière dont l'accès aux images et leur traitement sont consignés, appelée «journalisation», n'est pas «entièrement satisfaisante» selon la Cour, car elle ne peut se faire que manuellement. Mais «il serait toutefois disproportionné d'exiger le renouvellement des installations pour ce seul motif».
Les juges ont tout de même été saisis d'un doute: «Il est vrai que les enfants ont besoin d'un espace de liberté, voire d'intimité, et que la présence de caméras de surveillance peut apparaître en contradiction avec ce besoin», rapporte l'arrêt. D'où le déplacement des magistrats sur les lieux. Ils en sont revenus rassurés: «La présence des caméras ne semblait pas avoir d'incidence sur les jeux des élèves et leur comportement.» Et puis, la liberté et l'intimité pendant la récré étaient de toute manière très relative, puisque les enseignants exercent déjà une surveillance.
C'est vrai, dans le fond. Du moment qu'on évolue sous le regard des autres, pourquoi s'offusquer que quelques yeux électroniques de plus suivent nos faits et gestes. A l'école, dans les commerces et de plus en plus dans la rue. Et, comme les autorités veillent sur le bon usage qui est fait de notre image, on peut dormir tranquille.