Tant la doctrine (2) que la jurisprudence (3) considèrent qu’il découle de l’art. 12 lit. a LLCA, qui impose à l’avocat d’exercer sa profession avec soin et diligence, que celui-ci doit respecter la règle de confidentialité et qu’il ne peut faire état en procédure de pourparlers transactionnels. Le fondement de cette obligation réside principalement dans l’intérêt public à favoriser les solutions amiables de litiges. Autrement, les parties ne pourraient effectivement s’exprimer librement dans le cadre de la recherche d’une solution transactionnelle. C’est également pour cela que l’art. 6 CSD affirme que «sauf accord exprès de la partie adverse, l’avocat ne porte pas à la connaissance du Tribunal des propositions transactionnelles». L’art. 26 CSD, dont l’alinéa 1er prévoit que «le caractère confidentiel d’une communication adressée à un confrère doit être clairement exprimé dans cette dernière», précise encore à l’alinéa 2 qu’«il ne peut être fait état, en procédure, de documents ou du contenu de propositions transactionnelles ou de discussions confidentielles». Bien plus, l’art. 12 lit. a LLCA pourra aussi s’appliquer à l’avocat qui viole une clause de confidentialité conclue par son client avec un tiers dans le cadre de discussions transactionnelles (4).
La preuve produite en violation de l’art. 12 lit. a LLCA, norme de droit matériel protégeant l’intérêt public, sera illicite au sens de l’art. 152 al. 2 CPC, en vertu duquel «le tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant». Par ailleurs, la LLCA étant une loi fédérale édictée dans l’intérêt public et qui réglemente exhaustivement les règles professionnelles s’imposant à l’avocat, l’avis du Bâtonnier sera, ici, sans pertinence (5). Selon le TF (ATF 140 III 6, c. 3.2), un courrier frappé des réserves d’usage «ne peut pas être déposé en justice, même caviardé, à moins que (6), manifestement, seule une partie du texte n’ait un caractère confidentiel».
En réalité, l’existence même de pourparlers transactionnels est soumise à la confidentialité (7), de sorte qu’il nous paraît que, comme l’ont souligné Vinogradova & GirouD (8), compte tenu de l’intérêt public protégé, la production des échanges confidentiels entre avocats devrait être strictement interdite, les seules exceptions devant être l’accord du destinataire ou un intérêt prépondérant à la manifestation de la vérité. En l’espèce, si Me Lima entend produire la lettre de son confrère, elle devra, à notre sens, démontrer que cette condition est remplie, ce qui pourrait s’avérer difficile (9), compte tenu du fait que le régime de l’art. 152 al. 2 CPC implique une pesée des intérêts en présence avec, selon le TF (10), une prépondérance à l’intérêt public dans les causes de nature patrimoniale, soumises à la maxime des débats. Par prudence, Me Lima aurait bien sûr dû requérir du défendeur une déclaration séparée de renonciation à la prescription ou interrompre celle-ci.
(1) Ce cas est inspiré de l’ATF 140 III 6 (du 11.12.2013, 4A_294/2013), commenté par Vinogradova/Giroud, Lettre soumise aux réserves d’usage: une preuve illicite?, RSPC 2014, p. 191ss; cf. aussi l’analyse de Cerutti/Frigerio, Les avocats: la déontologie à l’épreuve de la plume, Revue de l’avocat 9/2014, p. 388ss.
(2) P. ex. Bohnet, Droit des professions judiciaires,
(3) e éd., Bâle 2014, p. 41; Bohnet/Martenet, Droit de la profession d’avocat, Berne 2009, N. 1189ss & réf. citées.
3ATF 140 III 6; arrêts TF du 17.6.2011, 2C_900/2010 & du 3.5.2005, 2A.658/2004.
(4) Arrêt TF du 17.6.2011, 2C_900/2010.
(5) ATF 140 III 6, c. 3.2.
(6) Bohnet/Martenet, N.1191; Bastons-Bulletti, ZPO-CPC Online, Newsletter du 13.2.2014 (www.zpo-cpc.ch) semble aussi admettre une telle production en cas renonciation sans condition à la prescription.
(7) Bohnet/Martenet, N. 1191; Chappuis, La profession d’avocat, t. I, Genève 2013, p. 45.
(8) RSPC 2014, p. 197-198.
(9) Ibid, p. 198.
(10) ATF 140 III 6, c. 3.2 in fine.