«Un fossé est en train de se creuser entre les grandes études à l'américaine fonctionnant comme des sociétés et les petites structures plus familiales et plus humaines», note un avocat lausannois qui, pour sa part, se situe dans la seconde catégorie. Implantée de longue date en ville de Lausanne, son étude compte trois associés qui se partagent les charges courantes, comme le loyer et le secrétariat. Lorsqu'ils ont acquis le statut d'associé, à quelques années d'intervalle, chacun a versé une somme de 10000 fr., au titre de participation aux infrastructures, telles que la bibliothèque et le système informatique. Le mobilier était déjà amorti par les prédécesseurs, qui n'ont de ce fait rien facturé aux nouveaux arrivants pour ce poste. «A mon avis, les pas-de-porte ont de moins en moins de raison d'être dans les petites et moyennes études, poursuit l'avocat lausannois, car les jeunes coûtent de moins en moins cher, étant habitués à s'informer avec des moyens bon marché, à l'instar d'internet, et à téléphoner avec skype».
Un avocat exerçant dans la région zurichoise a dû, pour sa part, verser 50000 fr pour s'associer au sein d'une petite étude: cela représentait, là également, une contribution aux infrastructures existantes, mais aussi aux investissements pour un nouveau système informatique. Il estime avoir eu de la chance d'avoir échappé à un pas-de-porte plus important. Mais, d'un autre côté, ce quadragénaire considère qu'il a déjà participé au développement de l'étude en y travaillant pendant plusieurs années en tant qu'employé.
Versements échelonnés
Les conditions d'entrée au sein d'une plus grande structure peuvent se révéler fort différentes, constate la Fédération suisse des avocats. «De grandes études actives dans le milieu des affaires ont augmenté le pas-de-porte au fur et à mesure que leur chiffre d'affaires grimpait, explique son porte-parole, Michael Hüppi. Mais, en règle générale, les études de taille moyenne n'ont pas modifié leurs pratiques ces dernières années, avec des tickets d'entrée allant de 50000 à 250000 fr., même lorsqu'elles fonctionnent avec un système de partage des frais. L'importance de la somme dépend des infrastructures mises à disposition, comme le système informatique et la bibliothèque juridique.»
Selon un sondage que nous avons mené auprès de grandes études actives dans le milieu des affaires, le pas-de-porte peut s'élever nettement au-dessus de la moyenne. Si plusieurs cabinets d'avocats ont refusé de répondre à nos questions, d'autres ont reconnu percevoir jusqu'à un demi-million de francs auprès de leurs nouveaux associés (voir tableau). Mais ces montants ne sont généralement pas versés en une fois. Le pas-de-porte prend souvent la forme de prélèvements réguliers sur le revenu ou le bénéfice, et cela pendant plusieurs années (jusqu'à huit ans pour les cas qui nous ont été soumis). Un bénéfice qui est lui-même fréquemment calculé selon le système du «lockstep»: concrètement, les profits sont répartis sur la base d'une clé fondée sur l'ancienneté, indépendamment des prestations réalisées. Après six à huit ans, l'associé se trouve en haut de l'échelle et touche le maximum de la répartition. C'est à ce moment-là également qu'il a en principe achevé de s'acquitter de son pas-de-porte.
Parfois un prêt
Dans certaines études, la somme déboursée à l'entrée est en réalité un prêt de longue durée, puisqu'elle est restituée lors du départ de l'associé. C'est le cas chez Pestalozzi, implantée à Genève et Zurich. Et, parfois, le «ticket» pour s'associer prend la forme d'un pourcentage du revenu réalisé par l'avocat, comme chez Baker& Mckenzie (Genève et Zurich), où 5% des gains annuels doivent être versés au capital, avec un plafond de 25000 dollars par an. «Cette somme nous est toutefois remboursée à la retraite», explique Martin Anderson, représentant de Baker& McKenzie à Genève. Qui précise que cette contribution est distincte de la participation aux coûts globaux de la firme qui, elle, n'est jamais remboursée.
Il se peut que plusieurs modèles se combinent: une partie du pas-de-porte est calculée selon le «lockstep» et dépend de l'ancienneté, tandis que le reste varie selon les prestations personnelles. Par exemple, chez Froriep Renggli, la part en «lockstep» est de 55%, chez Pestalozzi de 85%, chez Vischer de 40% et chez Baker&McKenzie de 10%.
Remise d'une étude
Pour les plus petites structures, les frais d'entrée peuvent représenter une compensation perçue par l'avocat à la retraite qui remet son affaire à un confrère. A Berne, dans un cas particulier, 50000 fr. ont été réclamés au repreneur en pareille situation, ce qui correspondait à une somme de 1000 fr. par mandat transféré. «Cette manière de calculer peut poser des problèmes, avertit Patrick Galli, expert fiduciaire et conseiller en successions d'entreprises à Soleure, en collaboration avec l'avocat Matthias Miescher. Les clients sont souvent attachés à la personne de leur mandataire et, lorsque celui-ci s'en va, ils ne souhaitent pas forcément s'adresser à son successeur.» Les deux spécialistes recommandent de calculer une somme de reprise qui tienne compte de la valeur existante et du développement futur probable de l'affaire. Le repreneur s'engagera par exemple à remettre une part du cash-flow pendant quelques années. «En cas d'accord de succession, je recommande aux parties une durée de paiement de trois à cinq ans», précise Patrick Galli.
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