Des marques très convoitées
Sommaire
Plaidoyer 02/2020
25.03.2020
Dernière mise à jour:
01.04.2020
Suzanne Pasquier
Le nombre de dépôts de marques n’a cessé de progresser, ces dernières années, atteignant un total de 514 825 à la fin de 2019. La procédure d’enregistrement se déroule sans problème particulier dans l’immense majorité des cas, notamment grâce au mode d’emploi publié par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) sur son site internet. C...
Article payant
Pour lire cet article, connectez-vous ou choisissez l'un de nos abonnements.
Abonnement
Le nombre de dépôts de marques n’a cessé de progresser, ces dernières années, atteignant un total de 514 825 à la fin de 2019. La procédure d’enregistrement se déroule sans problème particulier dans l’immense majorité des cas, notamment grâce au mode d’emploi publié par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) sur son site internet. Ces directives mettent toutefois en garde contre certains pièges: une marque sera refusée si elle est trop descriptive (par exemple «hydro cosmétique» pour des produits de beauté), trompeuse (par exemple «Meier café» pour du succédané de café) ou, encore, source de confusion avec une marque qui s’est imposée dans le domaine public. Comme exemple d’une telle «marque imposée», l’IPI mentionne la couleur jaune de La Poste. L’ex-régie fédérale aurait-elle le monopole de l’usage de son jaune emblématique? Pas de manière générale, nous rassure l’IPI. Mais une entreprise exerçant une activité similaire pourrait être priée d’utiliser un autre ton de jaune pour son enseigne…
Autre précaution à prendre au dépôt d’une marque: vérifier qu’elle ne soit pas contraire au droit, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Le nom «Mohammed» n’a par exemple pas été admis pour... des boissons alcoolisées. L’actualité récente nous montre que, au chapitre des bonnes mœurs, un bras de fer s’est déroulé entre les autorités au sujet de l’appellation «Jägermeister», illustrée par une tête de cerf surmontée d’une croix catholique. L’IPI voulait la limiter aux boissons alcoolisées bien connues ainsi qu’à quelques autres produits, craignant qu’une utilisation plus large ne puisse blesser le sentiment religieux de certains clients. Mais le Tribunal administratif fédéral (TAF) ne partage pas cet avis (arrêt B-1440/2019 du 5.2.2020). Selon lui, le chrétien moyen ne saisit pas la référence au cerf de saint Hubert. L’utilisation de cette image par la célèbre marque de liqueur a contribué à en changer le sens et à en affaiblir le caractère religieux.
Le cerf de saint Hubert? Selon une légende du 8e siècle, l’évêque de Tongres et de Maastricht, qui passait beaucoup de temps à la chasse, aurait été ramené à ses devoirs en apercevant un cerf avec une croix lumineuse entre les cornes. Une fable qui ne saurait, aux yeux du TAF, barrer la route à la diversification de «Jägermeister». L’emblème de la société sera, par conséquent autorisé sur des marchandises aussi diverses que des produits de toilette, des équipements de technologie de l’information, des installations sanitaires, des véhicules ou encore des boyaux pour le conditionnement de saucisses: une liste à la Prévert occupant pas moins de quatre pages de l’arrêt du TAF. A moins que le Tribunal fédéral, qui peut encore être saisi, n’en dispose autrement…