Avant d’établir sa note d’honoraires, un avocat devrait toujours se demander si son activité, ou une partie de celle-ci, a permis à son client de générer un revenu imposable. C’est le conseil donné par Louise Bonadio, avocate à Genève et experte fiscale diplômée. Qui considère par ailleurs comme judicieux de distinguer ces prestations des autres sur la facture, afin que celle-ci puisse servir de pièce justificative pour les impôts.
Les entreprises ont le réflexe de déduire leurs dépenses dans la catégorie des charges justifiées par l’usage commercial, y compris quand il s’agit de frais d’avocat liés à l’activité de l’entreprise. Mais les personnes physiques ne savent pas forcément que la loi sur l’impôt fédéral direct (LIFD, art. 25) et la loi d’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID, art. 9) prévoient que les dépenses nécessaires à l’acquisition d’un revenu sont déductibles de l’ensemble des revenus imposables.
Concernant les frais d’avocat, la Cour de justice du canton de Genève a traité cette question lors d’un litige sur la contribution d’entretien en faveur d’une épouse (ATA-541/2012). La bénéficiaire de la pension a pu déduire fiscalement la note d’honoraires de son mandataire, au niveau tant de l’impôt cantonal que fédéral, car elle était en lien directe avec le revenu obtenu, et qu’il est conforme à l’expérience de la vie que les justiciables se fassent assister par un avocat au cours d’une procédure de ce genre. «Le raisonnement de la Cour se fonde sur le droit fédéral et peut être étendu à toute la Suisse», commente Louise Bonadio, et cela dans les différents domaines du droit. Voici quelques exemples.
• Droit de la famille
Dès qu’un litige porte sur des questions financières, par exemple le calcul d’une pension d’entretien en faveur d’un enfant mineur ou d’un ex-conjoint, les frais d’avocat correspondants sont déductibles fiscalement. Mais comment faire la distinction avec ceux engagés pour régler la garde des enfants ou l’attribution du logement de famille? S’il ne parvient pas à établir une facture détaillée, l’avocat peut y joindre un courrier explicatif dans lequel il précise que, par exemple, le 30% de son activité a concerné l’obtention des pensions, conseille Louise Bonadio. A Genève, de telles explications ont été admises par le Service des contributions.
• Droit du travail
Les frais engagés pour un litige sur l’acquisition du revenu sont déductibles, y compris lors du calcul du droit au salaire en remplacement du solde de vacances en fin de contrat, ou d’autres questions salariales dans le cadre d’une résiliation du contrat de travail.
• Assurances
Sont concernées les notes d’honoraires pour des litiges portant sur l’obtention d’une prestation imposable: par exemple les rentes (AVS, AI, LAA, 2e et 3e pilier) et les indemnités journalières, mais pas les prestations de la LAMal pour des frais médicaux, ni des rentes non imposables comme les prestations complémentaires.
• Droit du bail
Dans ce domaine, les dépenses nécessaires à l’acquisition d’un revenu sont le fait du propriétaire, puisque c’est lui qui touche les loyers.
• L’activité indépendante
Pour les personnes physiques exerçant une activité lucrative indépendante, toutes les factures d’avocat liées à l’activité de l’entreprise sont déductibles, même si elles ne sont pas liées à l’acquisition d’un revenu. Cela concerne tout litige justifié par l’usage commercial ou professionnel (art. 27 LIFD), comme des litiges contre des employés, des fournisseurs, des débiteurs, des concurrents, des autorités, etc.
Frais d’acquisition du revenu
Dans l’arrêt ATA/541/2012, la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève rappelle que «le Tribunal fédéral admet au titre de frais d’acquisition du revenu, les dépenses faites immédiatement et en rapport direct avec l’obtention du revenu. La notion de nécessité doit être interprétée largement: il n’est pas exigé que le contribuable ne puisse pas acquérir le revenu sans la dépense querellée ou qu’il existe un devoir juridique à faire cette dépense. Le Tribunal fédéral admet également la déductibilité des frais qui sont essentiellement occasionnés par la réalisation du revenu. En d’autres termes, il suffit que la dépense soit économiquement nécessaire à l’obtention du revenu et que l’on ne saurait exiger du contribuable qu’il s’en abstienne (arrêt du Tribunal fédéral 2C_477/2009 du 8 janvier 2010, et les références citées).»
La Cour de justice indique aussi, dans le même arrêt, qu’«en ne prévoyant pas la possibilité de déduire du revenu constitué par le versement d’une pension alimentaire les frais d’acquisition de ce dernier, la législation cantonale ne respecte pas l’art. 9 LHID, qui doit, dès lors, être appliqué directement à la présente espèce».
Concernant la LIFD, l’art. 25 prévoit que le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 ss de cette loi.
Selon la jurisprudence, signale la Cour de justice, la clause générale de l’art. 25 LIFD concernant les déductions organiques permet la déduction des frais d’acquisition pour des revenus pour lesquels une déduction n’est pas explicitement mentionnée dans les dispositions en question (arrêt du Tribunal fédéral 2C_681/2008 et 2C_682/2008 du 12 décembre 2008).
Immobilier
A Lausanne, l’avocat fiscaliste Nicolas Urech indique que les frais d’avocat sont déductibles quand ils sont liés à des frais d’entretien eux-mêmes déductibles. «Les honoraires suivent, sur le plan fiscal, la dépense pour lesquels on les a engagés.» Ils ne peuvent pas être déduits fiscalement si la construction consiste en des travaux à plus-value. Dans ce cas, il convient tout de même de garder les factures, pour le calcul de l’impôt sur le gain immobilier lors de la vente de l’immeuble.