En octobre dernier, Peace Brigades International (PBI), organisation de défense des droits humains, a organisé à Genève une conférence internationale sur les mécanismes de protection des défenseurs des droits humains (DDH). Les DDH jouent un rôle prépondérant dans la promotion et la défense des droits fondamentaux entérinés par la Charte des Nations Unies ainsi que d'autres instruments et mécanismes qui constituent le droit international et le droit domestique. Pourtant, les activistes qui s'engagent pour les populations marginalisées dont les droits sont bafoués doivent eux-mêmes faire face à de multiples menaces, intimidations, diffamations et sont même parfois agressés physiquement, voire assassinés - le but de ces pratiques criminelles étant de délégitimer l'engagement des DDH et de les empêcher d'effectuer leur travail.
Réseau international de soutien
PBI est présente dans différents pays en conflit où ses volontaires sur le terrain fournissent un accompagnement protecteur aux membres d'organisations locales de défense des droits humains qui doivent faire face à de telles menaces. Cet accompagnement physique est renforcé par la mise sur pied d'un réseau international de soutien dont le but est de faire pression sur les autorités étatiques, afin de les rappeler à leur devoir de protection des citoyens et plus particulièrement des DDH. PBI permet ainsi à ces derniers de préserver leur champ d'action et de continuer à promouvoir des méthodes non-violentes pour la résolution des conflits ainsi que le renforcement de la démocratie et de l'Etat de droit.
Plus globalement, les instances internationales ont reconnu l'importance d'assurer la protection des DDH. En 1998, par exemple, l'ONU a ratifié la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l'homme. La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l'homme a, quant à elle, pour mandat de recommander des stratégies, afin de mieux protéger ces personnes. En 2004, c'est le Conseil de l'UE qui a adopté des Orientations sur les défenseurs des droits de l'homme. Plus récemment, l'OCDE a rajouté un chapitre sur les droits de l'homme dans les Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Ces développements ont été accompagnés par une reconnaissance croissante du fait que les individus qui prennent la défense des groupes marginalisés ont le droit d'être protégés.
Instruments de protection insuffisants
Les DDH disposent donc d'un certain nombre d'instruments de protection. Pourtant, malgré ces efforts, dans de nombreux pays, on n'a guère pu observer d'amélioration significative quant à leurs conditions de travail. Les DDH travaillent dans des contextes politiques, culturels et économiques très divers, qui peuvent néanmoins avoir pour caractéristiques communes une absence de structures constitutionnelles et le règne d'une culture de l'impunité qui empêchent les victimes d'avoir accès à la justice et à une représentation légale adéquate. Dans de telles conditions, les DDH continuent d'être l'objet de multiples menaces et agressions, et des élites locales influentes élaborent continuellement des nouvelles stratégies pour les diffamer et les pénaliser.
Cela pose évidemment un certain nombre de questions quant à l'efficacité des mécanismes de protection existants. Ces dernières années, les DDH et la communauté internationale ont donc procédé à un examen intensif de ces mécanismes. Un consensus s'est dégagé pour relever l'écart entre les recommandations faites aux Etats pour protéger les DDH et les effets concrets sur le terrain. On a également noté une préoccupation croissante par rapport aux représailles auxquelles doivent faire face les DDH qui coopèrent avec les organismes internationaux de défense des droits humains. La conférence organisée par PBI s'inscrivait dans cette perspective d'un examen critique des instruments existants de protection des DDH et avait pour but d'élaborer un certain nombre de recommandations concrètes pour améliorer ces instruments.
Propositions d'action concrètes
L'expérience de PBI sur le terrain montre que des directives concernant la protection des DDH peuvent constituer un instrument très utile. Elles aident à légitimer le travail des DDH et peuvent être utilisées par le personnel d'ambassade comme des lignes directrices à suivre pour contribuer à améliorer la situation sécuritaire des DDH. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) reconnaît l'efficacité potentielle de directives sur la protection des DDH et élabore actuellement son propre catalogue de mesures. Les lignes directrices de la Suisse suivent deux axes: premièrement, informer les ambassades suisses des défis sécuritaires auxquels les DDH sont confrontés et développer une approche plus unifiée et cohérente; deuxièmement, soumettre aux ambassades helvétiques des propositions d'actions concrètes visant à fournir un soutien systématique et effectif aux DDH. Présent à la conférence internationale de PBI, le DFAE a accueilli avec intérêt plusieurs recommandations exprimées par des DDH de différents pays. Par exemple, leur faciliter l'accès aux ambassades, améliorer le flux d'informations entre les différents acteurs concernés par les conflits, y compris l'envoi régulier de rapports à Berne ou encore intensifier les démarches diplomatiques, lors de situation urgentes de menaces.
Les Etats ont un rôle crucial à jouer dans la protection des DDH contre les violences dans des situations de conflits «politiques». Pourtant, il convient d'ajouter que la violence sociale dont souffrent les populations marginalisées et leurs défenseurs n'est pas seulement générée et reproduite par la «faiblesse» des politiques et des institutions d'Etats incapables ou peu soucieux de faire respecter la loi et les droits humains pour tous dans des contextes de conflits. Elle est aussi engendrée, dans certains pays, par l'impact direct des activités d'entreprises multinationales pour qui les intérêts économiques priment sur toute autre considération et qui se moquent du sort des populations affectées par leurs activités. Actuellement en Suisse, dans le cadre de la campagne «Droit sans frontières», une vaste coalition d'ONG milite ainsi pour des règles juridiquement contraignantes, afin que toutes les entreprises domiciliées en Suisse - ainsi que leurs filiales et leurs fournisseurs - soient amenées à respecter les droits humains et l'environnement partout dans le monde.
*http://peacebrigades.ch