Plusieurs cas de soupçons de violences policières ont défrayé la chronique, ces derniers mois, alimentant de nouveau le débat sur les lacunes de la protection juridique des plaignants dans ce domaine. Comme pour faire écho à ces événements, la Suisse acceptait, au même moment, les recommandations de l’ONU pour la création d’un mécanisme de recours indépendant et d’enquête impartiale en cas d’allégations de violences policières. Sa mise en œuvre n’est certes pas pour demain, mais la décision helvétique est un signal fort, dans un domaine où les autorités cantonales et communales se montrent carrément frileuses.
Lausanne a, par exemple, rejeté récemment l’idée d’une instance indépendante dans ce domaine, jugeant suffisante une commission de déontologie au sein même de la police. Et le procureur du canton de Vaud, Eric Cottier, affirmait dans 24 heures que le Ministère public mène ses enquêtes en toute indépendance. Ainsi, une fois de plus, ce sont surtout les mouvements de défense des droits humains qui montent au créneau, sous le regard sceptique de la plupart des politiciens et des autorités.
A y regarder de près, on s’aperçoit pourtant que la réalité est plus nuancée. Et que des alliances inattendues peuvent se conclure. Ainsi, dans le dernier rapport d’activité des autorités judiciaires neuchâteloises, publié ce printemps, on découvre comment le Ministère public de ce canton a tenté d’organiser un corps d’enquêteurs intercantonal pour examiner les plaintes contre des membres de la police. Des plaintes «dont l’instruction est rendue délicate du fait que le Ministère public ne dispose d’aucune aide, les policiers d’un même corps n’étant pas en mesure d’enquêter contre leurs collègues», commente le document.
Mais ce souci d’impartialité est resté au stade du vœu pieu. Une proposition du Parquet neuchâtelois de mettre sur pied un concordat intercantonal pour l’instruction des plaintes contre la police n’a pas convaincu les autres cantons. Et ledit rapport de déplorer: «Malheureusement, cette initiative se heurte à des difficultés d’autant plus incompréhensibles que l’on peut supposer que le canton de Neuchâtel n’est pas le seul à se heurter à ce problème.»
Mais l’impartialité a ses limites. Le rapport neuchâtelois livre une appréciation très personnelle de la multiplication des plaintes contre la police. En substance, ce n’est pas le comportement des agents qui est en cause dans la plupart des cas, mais celui des plaignants, qui invoquent des brutalités de manière infondée. Pas sûr que de confier les enquêtes à des polices d’autres cantons suffirait à rétablir un début d’objectivité dans le traitement de ces affaires…