La Russie viole la CEDH en condamnant des membres de Pussy Riot
Trois membres du groupe punk Pussy Riot ont tenté d’interpréter l’une de leurs chansons protestataires dans une cathédrale moscovite en 2012. Une offense, selon les tribunaux russes, qui les ont alors condamnés à l’emprisonnement. Ils ont par la suite interdit l’accès aux enregistrements vidéo que les jeunes femmes avaient postés sur internet, au motif qu’ils étaient «extrémistes».
La Cour européenne des droits de l’homme a conclu qu’il y a eu violation de plusieurs articles de la CEDH, notamment de l’art. 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), en raison, entre autres, des circonstances des audiences au cours desquelles le groupe a dû supporter l’humiliation d’être exposé dans une vitrine, cerné de policiers lourdement armés et d’un chien de garde.
Il y a aussi eu violation de l’art. 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), les juridictions internes s’étant contentées de motifs stéréotypés pour justifier le maintien des requérantes en détention provisoire pendant cinq mois. Suivie de la violation de l’art. 6 § 1c (droit à un procès équitable), qui découle du fait que le dispositif de sécurité, à savoir le box vitré et le lourd déploiement de moyens, a empêché les membres du groupe de communiquer en toute discrétion avec leurs avocats.
Enfin, la Cour a conclu à la violation de l’art. 10 (liberté d’expression). Elle admet qu’un manquement aux règles de conduite dans un lieu de culte religieux peut s’avérer punissable. Elle conclut néanmoins que, dans le cas présent, condamner les requérantes à des peines d’emprisonnement, sans même analyser le texte de leur chanson ni tenir compte du contexte, est une sanction trop sévère. De même, elle estime que l’art. 10 a été violé, en raison de l’interdiction d’accès aux enregistrements que les requérantes avaient postés sur internet. Les juridictions internes n’ont pas indiqué en quoi cette interdiction était nécessaire. Elles se sont contentées de reprendre à leur compte un rapport d’expertise, sans se livrer à leur propre analyse.
CrEDH, Arrêt de la 3e Chambre N° 38004/12 «Maria Alekhina et autres c. Russie» du 17.7.2018
L’interdiction massive de communications en Suède ne déroge pas à la Convention
La requérante, Centrum för Rättvisa, est une fondation à but non lucratif, créée en 2002 et représentant ses clients dans les litiges relatifs à leurs droits, en particulier face à l’Etat. Elle estime que, compte tenu du caractère sensible de ses activités, la législation autorisant l’interception massive de signaux électroniques en Suède aux fins du renseignement étranger porte atteinte à son droit à la vie privée (art. 8 CEDH).
La Cour considère que la législation en question est susceptible de toucher tout usager de de la téléphonie mobile et d’internet. Elle précise néanmoins que son objectif n’est pas de porter atteinte à la sphère privée. La Cour ajoute que, de manière générale, ce dispositif offre des garanties adéquates et suffisantes contre l’arbitraire et le risque d’abus. Plus particulièrement: la portée des mesures liées au renseignement d’origine électromagnétique et le traitement des données interceptées sont clairement définis par la loi; l’autorisation d’interception doit être donnée par un organe judiciaire, après examen attentif; l’interception est autorisée uniquement pour les communications avec l’étranger et non pour les communications à l’intérieur de la Suède; une autorisation est valable pour un maximum de six mois et son renouvellement est soumis à contrôle.
En outre, plusieurs organes indépendants, en particulier une inspection, sont chargés de la surveillance et du contrôle du dispositif. Enfin, l’absence de notification des mesures de surveillance est compensée par l’existence d’un certain nombre de mécanismes de plainte, passant en particulier par l’inspection, les médiateurs parlementaires et le chancelier de la justice.
La Cour conclut donc qu’il n’y a pas eu violation de l’art. 8 CEDH. Pour cela, elle invoque en dernier lieu la marge de manœuvre de l’Etat quant à la protection de la sécurité nationale, compte tenu en particulier des menaces actuelles liées au terrorisme international et à la criminalité transfrontière.
CrEDH, arrêt de la 3e Chambre N° 35252/08 «Centrum för Rättvisa c. Suède», du 19.6.2018
Remboursement des frais en cas d’annulation d’un vol
M. Dirk Harms a acheté, pour lui-même et sa famille, sur le site internet opodo.de, des billets pour un vol reliant Hambourg (Allemagne) à Faro (Portugal) avec Vueling Airlines. Le vol ayant été annulé, la famille Harms a demandé à Vueling Airlines de lui rembourser le prix de 1108.88 euros qu’elle avait payé à Opodo lors de l’achat de ces billets. Vueling Airlines a accepté de rembourser le montant qu’elle a reçu de la part d’Opodo, à savoir 1031.88 euros. En revanche, elle a refusé de rembourser aussi les 77 euros restants, qu’Opodo a perçus comme commission.
Saisi de ce litige, l’Amtsgericht Hamburg a souhaité savoir si le prix du billet à prendre en considération pour déterminer le montant du remboursement dû par le transporteur aérien à un passager en cas d’annulation d’un vol inclut la différence entre le montant payé par le passager et celui reçu par le transporteur aérien, laquelle correspond à une commission perçue par une personne qui est intervenue comme intermédiaire entre les deux.
La Cour de justice de l’Union européenne a répondu par l’affirmative. Selon elle, les commissions perçues par un intermédiaire, tel que ebookers ou Opodo lors de l’achat d’un billet d’avion via leur site web doivent en effet aussi être remboursées par la compagnie aérienne au passager si un vol est annulé. Seule exception: si la commission en question a été fixée à l’insu du transporteur aérien, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
Cette interprétation du règlement correspond aux objectifs de ce dernier, à savoir offrir un niveau élevé de protection aux passagers, tout en assurant un équilibre entre leurs intérêts et ceux des transporteurs aériens.
CJUE, arrêt C-601/17 «Dirk Harms et autres/Vueling Airlines SA», du 12.9.2018