La Slovénie jugée adéquate envers les Roms
L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) dans l’affaire Hudorovic et autre c. Slovénie concerne l’accès à l’eau potable et à des équipements d’assainissement dans des campements roms.
Les requérants, des ressortissants slovènes d’origine rom, vivent dans des campements non autorisés, situés dans les municipalités de Škocjan et Ribnica et qui se constituent principalement de cabanes en bois dépourvues de système de canalisation ou d’évacuation des eaux usées.
En 1999, l’une des familles requérantes avait conclu un accord avec les autorités locales, selon lequel ces dernières cofinanceraient les installations d’approvisionnement en eau et d’assainissement. A la suite d’un désaccord, le plan n’a été que partiellement mis en œuvre.
L’autre famille concernée vit à proximité d’un point d’accès collectif au réseau d’eau, mis à disposition par les autorités, en 2015. Elle soutient cependant ne jamais avoir pu s’y raccorder, notamment parce qu’un voisin leur en interdit l’accès. Elle s’approvisionne donc à une fontaine située dans le village.
Les requérants se plaignent donc de ne pas avoir pu bénéficier d’un accès à l’eau potable et aux services d’assainissement. Ils reprochent à l’Etat de ne pas avoir pris en considération leur style de vie ainsi que leur statut de minorité. Pour cela, ils invoquent les articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention des droits de l’homme (CEDH).
Grande marge d’appréciation
Dans son arrêt, la CrEDH a tout d’abord estimé que, en vertu de l’article 8 CEDH, la Slovénie était soumise à une obligation positive d’exécution. Un manque d’accès à l’eau potable de longue date impacte en effet intrinsèquement la santé et la dignité humaine. La Cour a également estimé que les classes sociales vulnérables, telles que les Roms, méritent d’être plus particulièrement soutenues, afin de jouir des mêmes droits que le reste de la population. Elle a néanmoins aussi rappelé que chaque Etat dispose d’une grande marge de manœuvre dans la planification des mesures socio-économiques ainsi que dans la répartition de ses ressources limitées.
Dans un deuxième temps, la Cour a reconnu les diverses mesures prises par la Slovénie pour améliorer l’approvisionnement en eau, les équipements d’assainissement ainsi que les conditions de vie précaires dans les campements roms. Elle a notamment salué le fait que la Slovénie leur ait octroyé l’assistance sociale. En ce qui concerne les requérants, elle a rappelé que les autorités locales leur avaient fourni des solutions au moins temporaires d’approvisionnement en eau. Ces derniers n’ont, selon elle, pas assez étayé les raisons pour lesquelles cela n’avait pas fonctionné. De même, la Cour a considéré que les plaignants n’avaient pas démontré en quoi les autorités auraient pris leurs préoccupations moins au sérieux que celles du tout-venant.
En réalité, l’accès à l’eau potable provenant des systèmes publics d’approvisionnement est limité de manière générale, tant dans les deux municipalités concernées que dans d’autres régions reculées du pays. Les systèmes d’égouts et les installations sanitaires laissent par ailleurs aussi à désirer dans de nombreux endroits en Slovénie. Les juges estiment, dès lors, que le fait que les deux communes ne fournissent pas de mesures sanitaires ne peut pas être considéré comme discriminatoire.
Compte tenu de la grande marge d’appréciation laissée aux Etats pour planifier la répartition des ressources, la Cour a par ailleurs estimé que seules des raisons particulièrement convaincantes, telles qu’un risque grave pour la santé, pouvaient justifier d’imposer à la Slovénie de prendre des mesures dans la situation concrète. De telles raisons n’existent pas, en l’occurrence. La Cour reconnaît qu’il incombe à l’Etat de remédier aux inégalités dans l’accès à l’eau potable qui touchent les campements roms. Elle estime toutefois que cela n’implique pas de supporter l’entière responsabilité d’approvisionner les campements des plaignants.
Opinion dissidente
Deux juges ont fait part d’une opinion divergente. Ils ont estimé que, dans le cas de la première famille, le raccordement au système public d’approvisionnement en eau avait été empêché de manière discriminatoire: le seul argument invoqué par les autorités locales était le statut «informel» du campement concerné. Selon eux, ce point aurait dû être considéré de manière spécifique et ne justifiait pas de restreindre les revendications faites en vertu de l’article 8 CEDH.
La Cour a donc finalement estimé que la Slovénie n’avait violé ni l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) ni l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) ni l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention.
CrEDH, arrêts de la 2e Chambre 24816/14 et 25140/14 «Hudorovi et autres c. Slovénie» du 10.3.2020.
La Grèce doit garantir un logement décent aux réfugiés vulnérables
Le 16 avril dernier, dans l’affaire E.I. et autres contre la Grèce, la Cour européenne des droits de l’homme a adopté des mesures provisoires, au sens de l’article 39 de son Règlement. Elle a, en l’occurrence, demandé au Gouvernement grec de fournir un logement, conformément à l’article 3 de la CEDH, à huit réfugiés considérés comme vulnérables. Ces derniers se trouvaient dans le Camp Moria, sur l’île grecque de Lesbos. Les juges ont également exigé qu’ils reçoivent un traitement médical. Selon l’association allemande Pro Asyl, les requérants comptent un homme afghan gravement malade et accompagné de sa famille, une victime de torture venant de Syrie, ainsi qu’un nourrisson et ses parents afghans également.
CrEDH, arrêt 16080/20 sur les mesures provisoires dans l’affaire «E.I. et autres c. Grèce» du 16.4.2020.