Confirmation de la décision de renvoi d’un Erythréen
La CrEDH souligne que la situation en matière de droits de l’homme en Erythrée est actuellement très préoccupante. Toutefois, on ne peut en déduire qu’un ressortissant érythréen risquerait, par principe, d’y subir des mauvais traitements s’il y était renvoyé. La Cour relève que le requérant n’a soumis aucune preuve directe indiquant qu’il courrait un risque réel de subir des mauvais traitements en Erythrée. Il s’est au contraire appuyé sur des informations générales relatives à son pays montrant que le départ illégal d’une personne en âge d’être appelée était suffisant pour que cette personne soit perçue comme un déserteur et, par conséquent, pour considérer qu’elle risquait de subir des mauvais traitements si elle était renvoyée de force. Les autorités et les juridictions helvétiques ont estimé que le récit du requérant dans son ensemble n’était pas crédible, y compris relativement à son départ d’Erythrée.
La Cour rejette pour non-épuisement des voies de recours internes le grief que le requérant soulève sur le terrain de l’article 4 CEDH, et selon lequel il serait contraint d’accomplir un service militaire d’une durée indéterminée s’il était renvoyé en Erythrée. Devant les autorités compétentes en matière d’asile et devant le Tribunal administratif fédéral, l’intéressé n’a pas soutenu que le service militaire constituait de l’esclavage, de la «servitude» ou un «travail forcé ou obligatoire». La Cour note que le Gouvernement suisse a indiqué que les circonstances de l’espèce permettent au requérant d’engager une nouvelle procédure d’asile dans le cadre de laquelle son grief sous l’angle de l’article 4 de la Convention serait examiné par le Secrétariat d’Etat aux migrations et, en cas de recours, par le Tribunal administratif fédéral. La Cour décide en outre de continuer à demander au gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, de ne pas expulser l’intéressé avant que son arrêt ne soit devenu définitif ou jusqu’à nouvel ordre.
(Arrêt de la 3e Chambre No 41282/16 «M.O. c. Suisse» du 20.6.2017)
La Russie condamnée pour discrimination des homosexuels
La législation russe interdisant la promotion de l’homosexualité n’est pas conforme à la CEDH. Ces «lois sur la propagande gay», comme on les a appelées en Russie, sont censées protéger les mineurs en interdisant de faire publiquement «la promotion des relations sexuelles non traditionnelles». Dans le cas d’espèce, les trois requérants, qui avaient organisé des manifestations contre ces lois, ont été reconnus coupables d’infractions administratives et condamnés à des amendes. Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) et l’article 14 (interdiction de la discrimination) de la CEDH, ils dénonçaient l’interdiction de toute déclaration publique sur l’identité, les droits et le statut social des minorités sexuelles. Ils soulignaient par ailleurs l’impact général de cette interdiction sur leur vie quotidienne, précisant que non seulement elle les empêchait de faire campagne pour les droits LGBT, mais que, en pratique, elle les contraignait également à dissimuler leur orientation sexuelle à chaque fois qu’ils se trouvaient en présence d’un mineur.
Dans la décision en leur faveur, la CrEDH souligne que le Gouvernement russe n’a pas montré en quoi la liberté d’expression sur les questions LGBT aurait pour effet de dévaloriser les «familles traditionnelles» actuelles et existantes, de leur nuire d’une autre manière ou de remettre en cause leur avenir.
La Cour n’accepte pas davantage les autres arguments du Gouvernement russe, à savoir la protection de la santé et des droits d’autrui (notamment des mineurs, qui auraient besoin d’être protégés contre un risque d’incitation à changer d’orientation sexuelle), pour justifier la restriction de la liberté d’expression sur le thème de l’homosexualité. Pour la Cour, de telles mesures de restriction risquent au contraire d’être contre-productives.
Par ailleurs, les juges ont retenu une violation de l’interdiction de la discrimination. Les différences motivées uniquement par des considérations tenant à l’orientation sexuelle sont inacceptables au regard de la CEDH. Or, le Gouvernement russe n’a pas fourni de raisons solides et convaincantes pour justifier le traitement différent qui a été réservé aux requérants.
(Arrêt de la 3e Chambre No 67667/09 «Bayev et. al. c. Russie du 20.6.2017)
Modalités d’exécution des décisions de la CrEDH
La requérante avait saisi une première fois la CrEDH en invoquant la violation du droit à un procès équitable, et obtenu gain de cause le 5 juillet 2011. La révision de son jugement par la Cour suprême du Portugal lui ayant été refusée, elle saisit à nouveau la CrEDH. Dans sa nouvelle décision, du 11 juillet 2017, celle-ci rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle la CEDH ne garantit pas le droit à la réouverture d’une procédure. Elle note aussi l’absence d’approche uniforme parmi les Etats membres quant aux modalités d’exécution. Elle rappelle les termes de son premier arrêt du 5 juillet 2011, selon lesquels un nouveau procès ou une réouverture de la procédure représentait «en principe, un moyen approprié de redresser la violation constatée», mais non pas un moyen nécessaire et unique. Autrement dit, aucune indication contraignante quant aux modalités d’exécution n’était donnée. Et, cinq plus tard, en 2017, la Grande Chambre ne saurait conclure que la juridiction suprême du Portugal a commis un déni de justice. Les juges portugais étaient d’avis qu’une réouverture de la procédure n’était pas nécessaire pour exécuter l’arrêt de Strasbourg.
Eu égard au principe de subsidiarité sur lequel se fonde la Convention et aux formules employées dans le premier arrêt du 5 juillet 2011, la Grande Chambre estime que la juridiction portugaise n’a pas dénaturé les constats de cet arrêt et que les motifs qu’elle a invoqués relèvent de la marge d’appréciation des autorités nationales.
La décision de la Grande Chambre a été prise à une courte majorité, par neuf voix contre huit. Le juge portugais a ainsi relevé que les jugements de la CrEDH ne sont pas seulement de nature déclaratoire.
(Arrêt de la Grande Chambre No 19867/12 «Moreira Ferreira (2) c. Portugal» du 11.7.2017)