Une mesure thérapeutique a violé le droit à la liberté
L’auteur du recours avait été condamné, en mai 2005, à huit ans de réclusion, notamment pour brigandage et mise en danger de la vie d’autrui. Des rapports rédigés par le directeur de la prison et des expertises psychiatriques réalisées en 2008 et 2010 ont, par la suite, conclu que le requérant était dangereux et présentait un risque élevé de récidive. A la suite d’un rapport psychiatrique, l’autorité chargée de l’exécution des peines a demandé, en juillet 2010, au tribunal d’appel de prononcer une mesure thérapeutique institutionnelle. Ce qui fut fait le 22 août 2012.
La Cour européenne des droits de l’homme observe qu’une mesure thérapeutique peut être considérée comme une correction du jugement initial à la suite de la découverte de faits nouveaux dans le cadre d’une procédure de révision. Elle constate cependant que, dans le cas d’espèce, la mesure litigieuse a été prise plus de sept ans après la condamnation initiale, et peu de temps avant la libération prévue. De plus, la Cour estime que le délai entre les expertises psychiatriques et le prononcé de la mesure litigieuse a été excessif. Par ailleurs, alors que l’expert psychiatrique interrogé lors de la procédure avait indiqué les noms de plusieurs centres pénitentiaires disposant de centres de thérapie dont il convenait de tenir compte, le requérant est resté incarcéré à la prison Bostadel. La Cour, rappelant l’art. 62c CP, selon lequel la mesure litigieuse doit être levée s’il n’y a pas ou plus d’établissement approprié, estime que le requérant n’est pas soigné dans un milieu adapté à son trouble mental, et cela plus de quatre ans et demi après l’expiration de sa peine d’emprisonnement initiale. Ainsi la privation de liberté subie à la suite de l’arrêt du 22 août 2012 n’était pas compatible avec les objectifs de la condamnation initiale. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 1 CEDH (Droit à la liberté et à la sûreté). La Suisse doit verser au requérant 20 000 euros pour dommage moral, et 12 000 euros pour frais et dépens.
Le grief de la violation de l’article 7 CEDH (pas de peine sans loi) est en revanche rejeté: il n’y a pas eu, dans le cas d’espèce, de rétroactivité d’une sanction plus lourde. La violation de l’article 4 du Protocole No 7 (droit à ne pas être jugé ou puni deux fois) n’est pas non plus retenue: les autorités internes, qui ont considéré l’établissement de l’état mental du requérant comme un fait nouvellement révélé, ont procédé à la modification du jugement initial «conformément à la loi et à la procédure pénale de l’Etat».
Arrêt de la 3e Chambre N° 43977/13 «Kadusic c. Suisse» du 9.1.2018
Refus d’une dispense de cours d’éducation sexuelle à Bâle
La CrEDH devait examiner la question de savoir si l’obligation de suivre des cours d’éducation sexuelle violait la CEDH, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8). Elle a répondu par la négative, se ralliant à la position des instances inférieures. Celles-ci avaient rejeté une demande de dispense des cours d’éducation sexuelle pour une fillette de 7 ans, initialement adressée par ses parents à l’école primaire de Bâle. La Cour souligne en premier lieu que l’un des buts de l’éducation sexuelle est la prévention des violences et de l’exploitation sexuelles, qui représentent une menace pour la santé physique et morale des enfants et contre lesquelles ils doivent être protégés à tout âge. Elle souligne en outre qu’un des objectifs de l’éducation publique est de préparer les enfants aux réalités sociales, ce qui semble ainsi militer en faveur de l’éducation sexuelle des très jeunes enfants qui fréquentent le jardin d’enfants ou l’école primaire: l’éducation sexuelle scolaire, telle qu’elle est pratiquée dans le canton de Bâle-Ville, poursuit par conséquent des buts légitimes.
Concernant la proportionnalité du refus d’accorder la dispense des leçons, la Cour observe que les autorités nationales ont reconnu la portée primordiale du droit des parents à assurer l’éducation sexuelle de leurs enfants. Le caractère complémentaire des leçons découle de leur aspect non systématique, le personnel éducatif devant, en la matière, se borner à «réagir aux questions et aux actions des enfants» en vertu de la directive de 2011. Les autorités suisses ont ainsi respecté la marge d’appréciation qui leur est reconnue par la Convention. Les juges de Strasbourg n’ont par ailleurs pas retenu la violation de l’art. 9 CEDH (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), car les requérants ont insuffisamment étayé leurs griefs sur ce point. Quant à la violation de l’interdiction de la discrimination (art. 14 combiné avec les art. 8 et 9), elle est rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes.
Arrêt de la 3e Chambre N° 22338/15 «A. R. et L. R. c. Suisse» du 19.12.2017
Le contrôle antidopage
justifie les obligations de localisation de certains sportifs
Plusieurs associations sportives françaises ainsi que 99 sportifs professionnels ont contesté une ordonnance du Gouvernement français relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du Code du sport avec les principes du Code mondial antidopage. Cette ordonnance prévoit l’obligation, pour les sportifs relevant d’un «groupe cible» désignés par l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), de transmettre des informations propres à permettre leur localisation, en vue de réaliser des contrôles antidopage inopinés. Invoquant leur droit au respect de leur vie privée et familiale et de leur domicile (art. 8 CEDH), les requérants se sont opposés au dispositif qui les astreint à communiquer des renseignements complets, au début de chaque trimestre, sur leur localisation ainsi que, pour chaque jour, une période de soixante minutes durant laquelle ils seront disponibles pour un contrôle. Leur recours est rejeté. La Cour européenne des droits de l’homme ne conteste pas l’impact des obligations de localisation sur la vie privée, mais elle estime que ces restrictions répondent à un motif d’intérêt général, à savoir la lutte contre le dopage, et cela pour la santé des sportifs et celle de toute la communauté sportive.
Arrêt de la 5e Chambre N° 48151/11 et 77769/13 «Fédération nationale des associations et des syndicats sportifs (Fnass) et autres c. France» du 18.1.2018