Nullité du contrat conclu sur internet pour vice formel
Lors de la conclusion d’un contrat sur internet, le vendeur ou le fournisseur de prestations doit s’assurer que le client accepte explicitement le caractère onéreux de l’offre. L’absence de cette indication formelle entraîne la nullité du contrat. Cette obligation est précisée à l’art. 8 al. 2 de la Directive 2011/83/UE, qui prévoit ce qui suit: «Si un contrat à distance devant être conclu par voie électronique oblige le consommateur à payer, le professionnel informe le consommateur d’une manière claire et apparente, et directement avant que le consommateur ne passe sa commande, des informations prévues à l’article 6, paragraphe 1, points a), e), o) et p).
Le professionnel veille à ce que le consommateur, lorsqu’il passe sa commande, reconna[isse] explicitement que celle-ci implique une obligation de payer. Si, pour passer une commande, il faut activer un bouton ou une fonction similaire, le bouton ou la fonction similaire porte uniquement la mention facilement lisible ‹commande avec obligation de paiement› ou une formule analogue, dénuée d’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer le professionnel.»
Si cette disposition concerne tant les contrats de vente que les contrats de prestations, sa transposition à un contrat assorti d’une condition suspensive n’avait pas encore été réglée. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment tranché cette question en étendant le champ d’application de cette règle aux contrats soumis à une condition suspensive.
Dans cette affaire, un locataire d’un appartement berlinois souhaitait contester son loyer plafonné après le dépassement de son montant maximal. Afin de faire valoir ses droits, il a mandaté Conny GmbH, un prestataire de service spécialisé dans le recouvrement de créances. Conny GmbH, en tant que cessionnaire des droits du locataire, a ainsi réclamé la part du loyer abusivement encaissée. Lors de la conclusion du contrat, le locataire a d’abord accepté les conditions générales en cochant une case.
Une clause des conditions générales prévoyait le versement d’un tiers du montant restitué à Conny GmbH à titre d’honoraires. Après avoir cliqué sur le bouton «Conclure la commande», le locataire a reçu un formulaire de confirmation de commande et une procuration exempte de toute information sur une obligation de paiement, qu’il a renvoyée et signée.
Confrontée au refus des bailleurs de s’acquitter des montants réclamés, Conny GmbH a déposé une requête auprès du Tribunal de district de Berlin-Centre et obtenu gain de cause. Les bailleurs ont ensuite recouru contre cette décision. C’est dans ce contexte que le Tribunal régional de Berlin a adressé une demande préjudicielle à la CJUE.
Les bailleurs contestaient le jugement en raison de l’absence de tout contrat valable liant le locataire à Conny GmbH. Ainsi, la société de recouvrement ne pouvait pas recouvrer la créance vu que la mention obligatoire «commander avec obligation de paiement» n’apparaissait pas sur le bouton permettant de passer la commande. Pour sa part, la société de recouvrement contestait le droit des bailleurs d’invoquer, en tant que tiers non impliqués dans le contrat, une exigence fondée sur la directive 2011/83/UE pour la conclusion du contrat.
La CJUE rejette cette objection. Elle conclut dans son arrêt que, selon le droit allemand, les bailleurs ont la possibilité de contester le contrat de prestation de services en tant que tiers, puisqu’ils ont été poursuivis par la société de recouvrement au nom du locataire. Cette possibilité existe, même si l’objectif de la disposition de la directive 2011/83/UE vise uniquement la protection du consommateur.
Arrêt CJUE C-400/22 VT, UR c. Conny GmbH du 30.5.2024.
Pas d’indemnisation pour les passagers aériens en cas de manque de personnel au sol
Suite à un manque de personnel au sol dans un aéroport entraînant des retards importants, la compagnie aérienne peut se prévaloir de «circonstances extraordinaires» en se fondant sur l’art. 5 § 3 du Règlement (CE) 261/2004 sur les droits des passagers aériens. La CJUE a récemment tranché en ce sens dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle adressée par le Tribunal régional de Cologne. Dans cette affaire, un vol au départ de Cologne-Bonn a atterri avec trois heures et 49 minutes de retard sur l’île grecque de Kos. L’entreprise Flightright réclamait 800 euros au nom et pour le compte de plusieurs passagers alors que le transporteur aérien contestait tout versement d’indemnité, le retard étant dû à une cause extraordinaire.
Le tribunal national a introduit la demande suivante à la CJUE: «L’article 5, paragraphe 3, du Règlement no 261/2004 doit-il être interprété en ce sens qu’un manque de personnel de l’exploitant de l’aéroport ou d’une entreprise mandatée par l’exploitant de l’aéroport pour le chargement des bagages que ce dernier doit effectuer constitue une circonstance extraordinaire au sens de cette disposition qui échappe à la maîtrise et a une incidence sur l’activité normale du transporteur aérien utilisant ce service de l’exploitant de l’aéroport/de l’entreprise mandatée par ce dernier, ou le chargement des bagages par l’exploitant de l’aéroport/par une entreprise mandatée par ce dernier et un manque de personnel de chargement de celui-ci[/de celle-ci] doivent-ils être considérés comme étant inhérents à l’exercice normal de l’activité de ce transporteur aérien, de sorte qu’une exonération au titre de [ladite disposition] n’est envisageable que si la raison à l’origine du manque de personnel constitue une circonstance extraordinaire au sens de [la même] disposition?»
La compagnie aérienne arguait qu’elle ne saurait être tenue responsable d’un manque de personnel à l’aéroport pour le chargement des bagages qui a causé un retard de deux heures et 13 minutes. Si cette problématique n’était pas survenue, le retard effectif aurait atteint moins de trois heures pour un trajet de plus de 2000 kilomètres, de telle sorte qu’aucune indemnisation n’était due.
Selon la jurisprudence constante de la CJUE, seuls les événements sortant du champ de l’activité normale et de la maîtrise de la compagnie aérienne doivent être considérés comme des «circonstances extraordinaires». Ces deux conditions doivent être remplies de manière cumulative, ce qui doit être évalué au cas par cas. Par exemple, le ravitaillement en carburant fait partie de l’activité d’une compagnie aérienne. Toutefois, en cas de panne générale du système de ravitaillement en carburant à l’aéroport, l’existence de circonstances exceptionnelles excluant toute indemnité forfaitaire a été admise dans une précédente affaire.
Le Tribunal régional de Düsseldorf s’est d’abord attelé à déterminer si le transporteur aérien TAS ne pouvait pas maîtriser le problème de chargement des bagages. Les juges ont donc dû vérifier si le transporteur pouvait exercer un contrôle effectif sur le chargement de bagages en raison de sa relation contractuelle avec l’aéroport. Le tribunal a ensuite évalué si le TAS avait pris toutes les mesures raisonnables pour résoudre ces problèmes, ce qui inclut des mesures préventives adaptées à la situation, telles que le recours à une autre société de chargement de bagages disposant de capacités en personnel suffisantes.
Arrêt de la CJUE C-405/23 Touristic Aviation Services Ltd c. Flightright GmbH du 16.5.2024