L’étudiant en droit acquiert des bases de droit international en suivant le programme obligatoire des universités, avec la possibilité de les renforcer ultérieurement au niveau du master. Mais certaines universités offrent également des formations dites de «droit transnational». Cette notion, surtout utilisée en Suisse alémanique, est également apparue en Suisse romande. Elle englobe les branches ayant une dimension transfrontière: droit international public et privé, mais également droit comparé.
Dès le bachelor
L’Université de Genève, en collaboration avec l’Institut de Haute Etudes internationales et du développement (Iheid), offre ainsi aux étudiants la possibilité d’internationaliser leur formation en obtenant le Certificat de droit transnational (CDT), dès la troisième année d’études du bachelor. Parmi les cinq matières au programme, le cours de méthode de droit comparé (en droit contractuel ou délictuel) est obligatoire. Pour le reste, les étudiants sont libres de «composer leur menu», en puisant surtout dans la liste des cours à option offerts au niveau du master. Une vingtaine de thèmes sont, par exemple, traités pendant ce semestre, notamment dans les domaines du droit européen, des droits de l’homme, de l’arbitrage, du droit du commerce international ou encore du droit des organisations internationales.
Thomas Kadner Graziano, directeur du CDT, en explique la démarche: «L’Université de Genève met, depuis longtemps, l’accent sur le droit international, mais il lui manquait, avant l’an 2000, un programme spécialisé réunissant les branches de ce domaine dès les études de bachelor.» Depuis l’année académique 2014-2015, le cursus, d’une durée d’un ou de deux semestres, peut être suivi non seulement en français, mais aussi en anglais ou dans les deux langues. Par ailleurs, étant donné que la majeure partie des participants vient de l’étranger, «c’est une opportunité pour nos étudiants suisses de créer des contacts avec des camarades du monde entier dès le bachelor», poursuit le directeur. Une centaine de certificats sont décernés chaque année.
Partenariat à Fribourg
Un horizon élargi, tant pour la matière juridique que pour les langues et le réseau de connaissances: ce sont les atouts également mis en avant à Fribourg pour promouvoir le Center for transnational legal studies (CTLS), un centre basé à Londres dont l’Université de Fribourg est membre fondateur. Il accueille chaque année une centaine d’étudiants venus des douze universités partenaires (dont Georgetown, Melbourne, King’s College, Toronto), sises sur les cinq continents. Pour le doyen de la Faculté de droit fribourgeoise, Pascal Pichonnaz, des connaissances en droit transnational sont nécessaires dans presque tous les domaines (que l’on songe, par exemple, à un divorce avec une composante étrangère), mais elles le sont particulièrement en droit économique, en droit international ou dans le domaine des ONG.
Face à une question touchant plusieurs pays, «un bon juriste doit connaître son propre droit, pour comprendre d’où il vient, analyse le doyen. Mais il doit aussi comprendre le contexte général, sur les plans tant juridique que culturel, social ou politique. Le but est de parvenir à expliquer sa compréhension d’une situation ou d’un problème, tout en saisissant les intérêts et, surtout, la perception de l’autre.» Une question juridique n’est ainsi pas abordée de manière identique avec un Américain ou un Chinois, même si l’on travaille dans la même entreprise. «Lorsqu’on conclut un contrat avec un Chinois, par exemple, on ne peut se référer simplement au principe pacta sunt servanda, poursuit Pascal Pichonnaz. Il faut parfois accepter de renégocier même en l’absence d’éléments nouveaux, cela fait partie de la culture d’une relation qui doit être nourrie; on risque, sinon, de faire échouer toute l’affaire.»
Au niveau du master
L’Université de Lausanne ne propose pas de programme libellé «transnational», mais un master avec mention en droit international et comparé, avec des cours principalement en français, de même qu’un master en droit du commerce, comprenant des aspects internationaux.
A l’Université de Neuchâtel, des cursus présentent également des matières sur un plan supranational: le master bilingue français-anglais avec orientation business et «tax law» (pratique nationale et internationale du droit des affaires) ainsi que celui en droit international et européen.
De Zurich à Lucerne
En Suisse alémanique, les universités ont tendance à retirer le droit international privé du programme obligatoire de bachelor et à l’intégrer dans des modules plus larges, comme le droit transnational. A Zurich, ce dernier fait partie du bachelor depuis 2013 et comprend du droit international public et privé, du droit européen et un cours sur les institutions. «Il est toujours plus important pour un praticien ou un scientifique de pouvoir réfléchir et agir en fonction de systèmes ouverts du droit», remarque Daniel Thürer, directeur de l’Institut de droit international public à la Faculté de droit zurichoise.
A Lucerne, le programme de droit transnational, dispensé surtout en anglais, n’est pas obligatoire, mais il connaît de plus en plus de succès, explique Kyriaki Topidi, chargée de cours en droit comparé: «Un enseignement en droit basé exclusivement sur le droit national serait incomplet et dépassé.»
Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Saint-Gall, Markus Müller-Chen trouve que le droit transnational est une notion à multiples facettes qui peut recevoir diverses interprétations. Sa faculté préfère offrir, en anglais, un «master in international law», qui regroupe principalement le droit européen, le droit international public et le droit comparé.