Daniel Kettiger, Faut-il maintenir l'immunité parlementaire?
Sommaire
Plaidoyer 6/12
20.11.2012
Dernière mise à jour:
06.10.2013
Non. Elle est un privilège qui n'a, aujourd'hui, plus de légitimité.
Par immunité parlementaire, on entend, sur le plan fédéral, d'une part, l'immunité absolue, selon laquelle les membres de l'Assemblée fédérale ne peuvent pas être poursuivis pour des propos tenus dans les Chambres ou ses organes. D'autre part, l'immunité relative, qui ne peut être levée que su...
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AbonnementNon. Elle est un privilège qui n'a, aujourd'hui, plus de légitimité.
Par immunité parlementaire, on entend, sur le plan fédéral, d'une part, l'immunité absolue, selon laquelle les membres de l'Assemblée fédérale ne peuvent pas être poursuivis pour des propos tenus dans les Chambres ou ses organes. D'autre part, l'immunité relative, qui ne peut être levée que sur décision des commissions compétentes, protège le parlementaire des poursuites pénales pour les infractions en rapport direct avec son mandat. Les cantons peuvent instaurer l'immunité absolue pour les membres de leur Parlement, mais pas l'immunité relative (art. 7 al. 2 CPP).
L'immunité parlementaire est donc le privilège d'une petite élite politique. Elle met à mal l'obligation de la poursuite pénale, c'est-à-dire le principe de la légalité dans le droit pénal, ce qui aboutit à une violation du principe constitutionnel d'égalité. Si un membre du Parlement n'a pas à rendre de comptes, cela peut porter préjudice aux victimes d'infraction. Raison pour laquelle l'immunité parlementaire doit reposer sur un motif important. Or, il n'existe actuellement plus d'intérêt public prépondérant au maintien de l'immunité.
Dès la fin du XVIIIe siècle, l'immunité parlementaire avait pour but de protéger les représentants du peuple des abus de pouvoir du gouvernement, qui étaient, à cette époque, surtout le fait de souverains détenant le pouvoir absolu. Mais ce besoin de protection n'a jamais vraiment existé dans le système démocratique suisse. Sur le plan fédéral, l'immunité a été introduite pour deux raisons différentes: d'une part, parce que, en tant que pouvoir suprême, l'Assemblée fédérale était seule à contrôler l'activité des parlementaires; d'autre part, à cause de la peur des poursuites menées par le Gouvernement conservateur bernois pour des raisons politiques. Et les cantons introduisirent l'immunité par mimétisme.
De nos jours, le droit fédéral garantit l'indépendance des autorités de poursuite (art. 4 al. 1 CPP) et leur contrôle par la voie juridique, avec un recours jusqu'au Tribunal fédéral. C'est pourquoi il est exclu que, dans un cas particulier, le gouvernement et le Parlement influencent la poursuite pénale pour des raisons politiques. En raison du fonctionnement des institutions, le Ministère public de la Confédération et de nombreux cantons ne sont, de plus, pas à même d'exercer un contrôle au travers du gouvernement. On pourrait renforcer la protection contre les actions pénales abusives en élevant les fausses accusations contre des parlementaires au rang de délit officiel et en accordant au Parlement, en tant qu'autorité, les droits d'une partie au procès.
Les partisans de l'immunité absolue la justifient, la plupart du temps, par la nécessité d'avoir une «discussion libre» dans un Etat démocratique. Mais les recherches sur la manière de trouver un consensus démocratique montrent que les discussions fortes sur le fond peuvent aussi être menées dans le respect des convenances et qu'il en résulte même un accroissement de la qualité des débats. En conséquence, l'immunité parlementaire est devenue un privilège indécent.
Daniel Kettiger, avocat, Berne Adaptation française spr