1. Salarié occupé auprès de plusieurs employeurs
Tout salarié occupé auprès de plusieurs employeurs est assuré obligatoirement en prévoyance professionnelle, s’il atteint le seuil d’entrée LPP auprès d’un de ses employeurs et remplit les autres conditions de l’assurance obligatoire (art. 7 LPP), soit celle liée à l’âge, de même que l’absence d’une clause d’exclusion de l’assurance obligatoire (art. 1j de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, OPP 2; RS 831.441.1). Si le salaire n’atteint le seuil d’entrée LPP auprès d’aucun de ses employeurs, le salarié doit agir proactivement, afin de se faire assurer en prévoyance professionnelle (assurance facultative).
En effet, il lui appartient, si le salaire annuel total afférent à toutes ses activités dépasse le seuil d’entrée LPP, de s’adresser à l’une des institutions de prévoyance auxquelles est affilié l’un de ses employeurs, afin de vérifier qu’une assurance facultative est possible, selon les dispositions réglementaires de l’institution de prévoyance en question. À défaut, il peut s’adresser à la Fondation institution supplétive LPP, qui devra l’assurer (art. 46 al. 1 LPP et art. 60 al. 2 let. c LPP).
Si le salarié est déjà assuré obligatoirement auprès d’une institution de prévoyance, il peut contracter auprès d’elle si les dispositions réglementaires l’y autorisent, ou, si ce n’est pas le cas, auprès de la Fondation institution supplétive LPP, afin de conclure une assurance complémentaire pour le solde des salaires perçus auprès de ses autres employeurs (art. 46 al. 2 LPP).
Dans la mesure où les cotisations sont paritaires, si le salarié assume la totalité des cotisations, il pourra demander le remboursement de la moitié de celles-ci aux employeurs pour la quote-part du salaire assuré auprès de chacun d’eux, pour autant qu’il ait avisé ses employeurs de l’affiliation facultative (art. 30 al. 2 OPP 2). Une attestation de l’institution de prévoyance indiquera le montant de la contribution due par l’employeur (art. 46 al. 3 LPP).
À noter que, à la demande du salarié, l’institution de prévoyance se chargera de recouvrer les créances auprès des employeurs.
Cela étant exposé, il y a lieu de préciser le fait qu’un salarié – percevant le même salaire auprès de plusieurs employeurs, dont chacun dépasse le seuil d’entrée LPP – est assuré obligatoirement auprès des institutions de prévoyance de tous ses employeurs. Prenons l’exemple d’un salarié percevant un salaire annuel brut de 40 000 francs auprès de trois employeurs: il sera assuré obligatoirement auprès des institutions de ses trois employeurs. Dans un tel exemple, il faut considérer que le salarié exerce trois activités principales. L’art. 1j al. 1 let. c OPP 2 – excluant de l’assurance obligatoire l’activité accessoire, si le salarié est assuré pour son activité principale – ne trouve pas application, faute d’activité accessoire.
2. Prestation d’entrée excédentaire
En cas d’entrée dans une nouvelle institution de prévoyance, il appartient à l’assuré d’indiquer à son ancienne institution de prévoyance, ou, à défaut, à sa fondation de libre passage, les coordonnées de paiement de l’institution de prévoyance à laquelle son nouvel employeur est affilié (art. 1 al. 2 OLP).
Qu’en est-il si la nouvelle institution de prévoyance refuse une partie de la prestation d’entrée, dans la mesure où l’objectif réglementaire est atteint?
Dans une telle hypothèse, l’assuré n’aura d’autre choix que d’ouvrir un compte ou une police de libre passage, afin d’y déposer la partie excédentaire de la prestation d’entrée.
Cela étant, si l’institution de prévoyance accepte la partie excédentaire, celle-ci sera placée sur un compte destiné à recevoir de telles prestations. Le certificat de prévoyance devra indiquer la partie de l’avoir de prévoyance excédentaire. La prestation excédentaire pourra être utilisée, afin de financer l’augmentation des prestations réglementaires futures. Il y a lieu de préciser le fait que, en cas d’entrée dans une nouvelle institution de prévoyance, il appartient à l’assuré de faire transférer tous ses avoirs de prévoyance à la nouvelle institution de prévoyance. Si plusieurs comptes de libre passage sont ouverts, tous les avoirs qui y sont déposés doivent être transférés à la nouvelle institution de prévoyance.
3. Principe de l’adéquation lato sensu
Comme nous le rappelle Jacques-André Schneider, «la limite du salaire assurable ou du revenu assurable vaut pour l’ensemble des rapports de prévoyance de l’assuré auprès d’une ou de plusieurs institutions de prévoyance (art. 60c al. 1 OPP 2). Si l’assuré dispose de plusieurs rapports de prévoyance et que la somme de ses salaires et revenus soumis à l’AVS dépasse le décuple du montant-limite supérieur selon l’art. 8 al. 1 LPP, il doit informer chaque institution de prévoyance de tous les rapports de prévoyance existants et des salaires et revenus assurés dans ce cadre».
L’art. 60c al. 1 OPP 2 apporte un correctif au principe de l’adéquation stricto sensu. En effet, le principe de l’adéquation ne peut être pensé abstraitement, soit pour chaque plan de prévoyance pris séparément, étant précisé le fait qu’il appartient à l’expert en prévoyance professionnelle (ci-après, l’expert) d’attester que le principe de l’adéquation a été respecté, lors de son examen du plan de prévoyance (cf. art. 52e al. 1 LPP). En apportant ce correctif nécessaire, l’art. 60c al. 1 OPP 2 permet une application lato sensu du principe en question.
Le principe d’adéquation doit être étudié avec une attention particulière pour les cadres supérieurs qui disposent d’un plan surobligatoire 1e. La coordination entre la prévoyance de base et la partie surobligatoire peut conduire à des solutions de prévoyance inadéquates. Il appartiendra, le cas échéant, à l’expert de se déterminer sur la question de savoir si le principe d’adéquation a été respecté, dans de telles hypothèses. Seul l’examen in concreto d’une superposition, ou d’une articulation de plusieurs plans de prévoyance entre eux, permet à l’expert de rendre son appréciation sur le respect du principe d’adéquation.
4. Réaffiliation d’un employeur à l’aune de l’ATF 146 V 169
Il incombe à un employeur occupant du personnel soumis à la prévoyance professionnelle de s’affilier à une institution de prévoyance (art. 11 al. 1 LPP). S’il n’est affilié à aucune institution de prévoyance, il devra la choisir d’entente avec son personnel, ou, si elle existe, avec la représentation des travailleurs (art. 11 al. 2 LPP), étant précisé le fait que la résiliation du contrat d’affiliation, ou sa réaffiliation à une institution de prévoyance, requiert également l’accord des travailleurs ou, si elle existe, de leur représentation (art. 11 al. 3bis LPP).
La représentation des travailleurs est définie par la loi fédérale sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises (loi sur la participation, RS 8212.14). Les entreprises comptant au moins 50 employés peuvent désigner un ou plusieurs représentants parmi eux (art. 5 ss. de la loi sur la participation).
Dans son ATF 146 V 169, notre Haute Cour a précisé que la résiliation d’un contrat d’affiliation nécessite l’accord des travailleurs, ou de leur représentation, faute de quoi la résiliation du contrat d’affiliation est purement et simplement nulle (c. 4.4).
Le Tribunal fédéral a également rappelé le fait que la résiliation d’un contrat d’affiliation est un acte formateur unilatéral irrévocable et inconditionnel (cf. ATF 141 V 597 c. 3.1). Par conséquent, une acceptation postérieure des travailleurs ou de leur représentation est exclue et n’a aucun effet réparateur. Il découle de ce qui précède que l’employeur ne peut pas mettre son personnel ou sa représentation devant «le fait accompli» (cf. arrêt précité, c. 4.3.3.3). On soulignera également le fait que la représentation des travailleurs doit disposer d’un réel droit de participation. Le personnel doit en effet être informé de manière complète et appropriée, afin d’être en mesure de participer à la décision de résiliation du contrat d’affiliation en toute connaissance de cause.
On retiendra notamment de l’ATF 146 V 169 que, si une représentation des travailleurs existe, le vote exprimé par la majorité des votants est suffisant pour engager la volonté des travailleurs. Le Tribunal fédéral ne s’est pas prononcé sur la question du type de majorité requise pour engager la volonté de la représentation des travailleurs. L’auteur estime cependant qu’il faut raisonner de manière pragmatique en proposant une majorité relative, afin de ne pas obstruer le processus décisionnel. Saisi d’un recours sur cette question, le Tribunal fédéral devra trancher cette question.
Afin de mettre en œuvre l’ATF 146 V 169, les institutions de prévoyance doivent avoir mis sur pied une procédure efficace et réactive, afin que les résiliations ne se transforment pas en un cauchemar administratif, notamment pour les institutions de prévoyance collectives. L’insécurité juridique doit être évitée tant que faire se peut.
5. Réserves pour raisons de santé des salariés et des indépendants
À titre liminaire, il y a lieu de préciser le fait que les réserves pour raisons de santé ne sont possibles que dans l’assurance obligatoire des salariés (en vertu de la LPP) et que les institutions de prévoyance n’ont le droit d’instaurer des réserves pour la couverture des risques de décès et d’invalidité qu’au moment de l’entrée des salariés. Toute réserve rétroactive est dès lors respectivement exclue ou inopérante.
Les réserves de santé des salariés ne peuvent excéder cinq ans (art. 331c CO). De fausses déclarations de l’assuré entraînent la réticence aux conditions posées par les art. 4 ss. LCA (loi fédérale sur le contrat d’assurance, RS 221.229.1), notamment le respect du délai de résiliation de quatre semaines après que l’institution de prévoyance a eu connaissance de la réticence.
Cela étant exposé, l’assurance facultative des indépendants peut être soumise à une réserve pour des raisons de santé d’une durée maximale de trois ans (art. 45 al. 1 LPP). Comme pour la réserve de santé des salariés, elle doit être notifiée à l’entrée de l’indépendant dans l’institution de prévoyance.
Il est important de préciser que, si l’assuré ment aux questions posées par l’institution de prévoyance sur son état de santé, lors de son entrée, l’institution de prévoyance peut rétablir la réserve en se départissant du contrat de prévoyance (surobligatoire) en invoquant la réticence. Mais encore faut-il que les questions posées l’aient été de manière suffisamment précise. Les questions vagues ou imprécises sont inopérantes (cf. art. 4 al. 3 LCA), dans la mesure où elles ne permettent pas à l’institution de prévoyance de se prémunir contre les risques encourus par l’état de santé changeant du salarié, ou la font tomber dans l’arbitraire par une interprétation trop extensive de la réponse donnée.
À noter également qu’en application de l’art. 45 al. 2 LPP, la réserve n’est pas admissible si l’indépendant s’assure à titre facultatif moins d’une année après avoir été soumis à l’assurance obligatoire pendant au moins six mois. Le délai d’une année porte sur la période entre la fin de l’assurance obligatoire et le dépôt de la demande d’assurance facultative.
6. Prévoyance professionnelle en période de chômage
L’assurance prévoyance professionnelle des chômeurs est exécutée par la Fondation institution supplétive LPP, qui assure uniquement contre les risques décès et invalidité. L’art. 1 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs (RS 837.174) définit le champ d’application personnel, soit toute personne touchant des indemnités journalières de l’assurance-chômage, dont le salaire journalier dépasse 82 francs 60 et qui est soumise à l’assurance obligatoire auprès de la Fondation institution supplétive LPP (dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle elle a eu 17 ans).
Les primes de risque sont supportées à parts égales entre l’assuré et l’assurance-chômage (art. 9 al. 1), étant précisé le fait que le taux de cotisation est de 0,25 % du salaire journalier coordonné (art. 8 al. 1).
À noter que l’avoir de prévoyance doit être placé sur un compte ou une police de libre passage, lesquels ne connaissent pas la protection du capital de prévoyance. Dans la mesure où l’intérêt crédité à l’avoir placé sur un compte ou une police de libre passage n’est pas garanti, à l’inverse de la prévoyance professionnelle obligatoire, l’avoir de prévoyance peut diminuer, en cas de rapport intérêt/frais défavorable. Avant d’ouvrir un compte ou une police de libre passage, il est dès lors particulièrement bienvenu de s’intéresser à ce rapport, afin que l’avoir de prévoyance soit déposé en toute connaissance de cause et ne se réduise pas comme peau de chagrin par l’écoulement du temps.
7. Sort de l’avoir de prévoyance en cas de départ définitif de la Suisse
En cas de départ définitif de la Suisse après la survenance d’un cas de prévoyance, l’assuré a droit aux prestations réglementaires, la LFLP ne trouvant plus aucune application. Il sera ainsi question ci-après du sort réservé à l’avoir de prévoyance des personnes quittant définitivement la Suisse pour lesquelles aucun cas d’assurance n’est survenu.
Plusieurs options s’offrent à l’assuré en cas de départ définitif. Il peut notamment exiger le versement de son avoir de prévoyance, à titre d’encouragement à la propriété du logement pour financer une habitation principale, où il souhaite résider. Il faut préciser que le délai entre la fin des travaux et la prise en possession des locaux ne devrait pas excéder six mois, afin de respecter le but assigné par le législateur au versement de l’avoir de prévoyance dans l’optique du financement du logement. Il incombe à l’institution de prévoyance de vérifier que tel est bien le cas en requérant les pièces nécessaires, soit notamment le contrat de vente devant préciser la date d’entrée en possession des lieux.
L’assuré peut également exiger le versement de l’avoir pour cause de prise d’une activité indépendante. S’il quitte la Suisse pour un État non communautaire, il pourra exiger le versement de l’avoir, en application de l’art. 5 al. 1 let. a LFLP. En d’autres termes, son statut d’indépendant ne jouera aucun rôle dans l’allocation de l’avoir de prévoyance. Seul sera vérifié le fait qu’il a définitivement quitté la Suisse.
Cela étant exposé, l’indépendant exerçant une activité dans un pays de l’UE/AELE ne pourra percevoir la partie obligatoire de son avoir de prévoyance qu’à la condition qu’il ne soit plus assuré contre les risques vieillesse, décès et invalidité, à titre obligatoire, dans son pays de domicile. En effet, dans une telle hypothèse, le Tribunal fédéral a précisé le fait que l’art. 5 al. 1 let. a LFLP en relation avec l’art. 25f LFLP (ATF 137 V 181) trouve application, à l’exclusion de l’art. 5 al. 1 let. b LFLP.
Il y a lieu d’observer le fait que l’art. 5 al. 1 let. c LFLP autorise le versement de la prestation de sortie pour cause de montant insignifiant, en raison de la sortie d’un assuré d’une institution de prévoyance, indépendamment du fait qu’il a quitté définitivement la Suisse.
Le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne au 31 décembre 2020. Par conséquent, dès le 1er janvier 2021, une personne quittant définitivement la Suisse pour le Royaume Uni peut se prévaloir de l’art. 5 al. 1 let. a LFLP, à l’appui de sa requête tendant au versement de la totalité de son avoir de prévoyance. L’art. 25f LFLP prévoyant une restriction du versement de l’avoir de prévoyance LPP en cas d’assurance obligatoire contre les risques vieillesse, décès et invalidité dans un pays de l’UE/AELE, n’est plus applicable dans une telle hypothèse.
Conclusion
Le diable se cache dans les détails. Cette expression du célèbre philosophe controversé Nietzsche pourrait avoir été conçue pour la prévoyance professionnelle. En effet, sans tomber dans un formalisme excessif, il incombe de connaître l’ensemble des relations juridiques applicables à un cas d’espèce, afin de ne pas tomber dans une chausse-trappe. La jurisprudence nous guide dans les méandres de la prévoyance professionnelle et nous aide à déjouer certains pièges issus de dispositions légales ou réglementaires.
Cette série d’articles sur les chausse-trappes de la prévoyance professionnelle se poursuivra et vous exposera d’autres questions parfois épineuses relevant de cette matière parfois redoutée qu’est la prévoyance professionnelle. ❙
1 17 ans pour l’accession à l’assurance décès et invalidité et 25 ans pour l’accession à l’éventualité vieillesse.
2 Jacques-André Schneider, Thomas Geiser, Thomas Gächter (éd.), Commentaire des assurances sociales suisses (CASS), Schneider, art. 1 N 68.
3 Art. 1 OPP 2: plans proposés par des institutions de prévoyance professionnelle pour couvrir les revenus excédant 129 060 francs dès 2021.
4 ATF 130 V 9
5 Schneider, op. cit., art. 45 LPP N 10.