Il convient de s’arrêter d’abord sur l’existence du conflit d’intérêts. L’art. 127 al. 3 CPP autorise un conseil à défendre les intérêts de plusieurs participants à la procédure «dans les limites de la loi et des règles de sa profession». S’il y a un risque concret1 de conflits d’intérêts, la double représentation est contraire à l’art. 12, lit. c LLCA, qui commande à l’avocat d’«éviter tout conflit entre les intérêts de son client et ceux des personnes avec lesquelles il est en relation sur le plan professionnel ou privé», et à l’art. 12 CSD. Cela sera en principe le cas dans la défense de coprévenus en matière pénale, à moins que tout risque d’intérêts contradictoires soit exclu. Quant à l’interdiction d’agir contre un ancien client, divers critères doivent être examinés (par exemple, TF 2C_427/2009): l’importance du précédent mandat et sa durée, les connaissances acquises sur l’ancien client, le laps de temps écoulé depuis la fin du mandat, etc. (cf. aussi art. 13 CSD). L’interdiction des conflits d’intérêts étant une règle cardinale de la profession d’avocat (TF 1A.223/2002), il y a lieu, selon nous, de ne pas écarter trop légèrement le risque concret. Outre les sanctions disciplinaires (art. 17 LLCA) auxquelles s’expose l’avocat violant l’interdiction des conflits d’intérêts, se pose la question de sa capacité de postuler.
L’interdiction de postuler faite à un avocat, soit la décision lui interdisant de poursuivre son mandat de représentation, n’est pas une sanction disciplinaire (ATF 138 II 162, qui modifie la jurisprudence), mais la conséquence du constat de l’existence d’un conflit d’intérêts et a pour objectif d’assurer la bonne marche du procès2. S’agissant d’un incident, et selon nous en raison du but de cette interdiction, la compétence pour prononcer cette décision doit être celle de l’autorité investie de la direction de la procédure3. A Genève toutefois, l’art. 43 LPAv prévoit la compétence de l’Autorité de surveillance des avocats, ce qui paraît contraire à l’art. 62 CPP4. Quant à la qualité pour recourir (ATF 138 II 162; TF 1B_376/2013, 1B_149/2013, 1B_420/2011; BB.2013.186), tant le justiciable privé du conseil de son choix que celui dont l’ancien mandataire défend sa partie adverse (comme dans le cas d’espèce) ainsi que l’avocat exclu des débats, atteint dans sa liberté économique, pourront recourir devant les instances cantonales (cf. art. 111 LTF) et le Tribunal fédéral. Ils ont un intérêt digne de protection, et sont directement et concrètement touchés par cette décision. Lorsque la décision est prise en cours de procédure, ils s’exposent à un préjudice irréparable (art. 93 LTF). Tel n’est pas le cas du plaignant (ou de son conseil) qui dénonce le fait que les prévenus sont assistés du même avocat, alors même que cela ne péjore pas sa propre position. L’intérêt de ce plaignant, qui pourrait d’ailleurs utiliser ce moyen pour évincer l’avocat adverse, est indirect et de pur fait, ce qui ne suffit pas à admettre sa qualité pour recourir. En l’état, la voie de recours est celle ouverte dans la matière en cause (cf. arrêts précités; TF 1B_434/2010)5. Pour Pellaton6, l’avocat écarté devra toujours agir par la voie du recours en matière de droit public.
Dans notre cas, la qualité pour recourir de M. Serla contre le refus d’interdire la capacité de postuler de son ancien conseil, Me Rolde, pourrait être admise.