L’article 147 de la Constitution fédérale prévoit que les cantons, les partis politiques et les milieux intéressés soient invités à se prononcer sur les actes législatifs importants et autres projets de grande portée lors des travaux préparatoires. Mais comment ces «milieux intéressés» sont-ils définis? Le manque de transparence dans le choix des participants a déjà éveillé la critique des milieux concernés par les consultations1. Et la nouvelle loi fédérale sur la procédure de consultation (LCo) entrée en vigueur le 1er avril dernier n’apporte pas davantage de clarté, en précisant à son art. 4, II let. e que «sont invités à donner un avis les autres milieux et commissions extraparlementaires concernés par le projet dans le cas d’espèce».
La loi sur la consultation de 2005 visait cependant déjà une «réduction de la procédure à l’essentiel», notamment en limitant le cercle jugé trop étendu des destinataires, comme le rappelle le Message relatif à la dernière révision. Et on ne peut éviter que, dans l’énergie mise à réduire la «charge administrative considérable» résultant de ces consultations, quelques intéressés ne soient oubliés au passage.
C’est le cas de l’Ordre des avocats de Genève qui, dans un courrier de décembre 2015 relatif aux modifications de la loi sur l’assistance administrative fiscale (données volées), «s’étonne de ne pas figurer parmi les destinataires de ce projet alors même que de nombreuses organisations vraisembablement moins concernées ont été sollicitées». Dès lors, les modifications proposées touchant l’activité de nombreux avocats membres de l’Ordre qui représentent des clients dans des procédures ouvertes à la suite de demandes d’autorités étrangères, pour certaines basées sur des données volées, ce dernier a spontanément fait part de ses remarques. «Si nous ne sommes pas consultés à propos d’une modification d’un texte législatif important comme le Code civil, je considère qu’il y a un problème», s’exclame le bâtonnier genevois Grégoire Mangeat. C’est pourtant ce qui s’est passé lors de la révision récente du droit des successions, obligeant une nouvelle fois l’Ordre, en juin dernier, à communiquer spontanément ses observations.
D’autres ont bel et bien été consultés, mais ne mâchent pas leurs mots sur la manière, comme la Faculté de droit de l’Université de Genève concernant les avant-projets de Code de procédure pénale suisse et de lois de procédure pénale applicables aux mineurs. «On ne peut que s’indigner face à la traduction en langue française qui a été soumise à consultation: non seulement notre langue est rudoyée, mais l’auteur ou les auteurs de la traduction ne disposent manifestement pas des compétences en matière de procédure pénale qui leur auraient permis d’éviter des contresens ou des approximations», s’indigne la Faculté, concluant qu’«un tel texte n’aurait jamais dû être rendu public».
Interpellée à ce sujet, la Chancellerie fédérale botte en touche: c’est aux Départements fédéraux concernés, en l’occurence au département fédéral de la justice, qu’il faut demander pourquoi l’Ordre des avocats de Genève ne figurait pas sur ses listes. Quant à la qualité des textes soumis à consultation, elle relève «du même processus de contrôle que les textes soumis au Parlement par le Conseil fédéral». Nous voilà rassurés.
1Contrôle parlementaire de l’administration, rapport annuel 2010 du 27 janvier 2011, p. 17.