L’avocat de la première heure fonctionne bien à Genève, où le nombre d’interventions, de 233 en 2011, est passé à 303 en 2012 et à 404 en 2013. Les coûts de cette institution ont donc augmenté parallèlement, passant de 363 968 fr. inscrits aux comptes 2011 à 447 449 fr. en 2012 et 473 763 fr. aux comptes de 2013, devant être approuvés sous peu. «D’une manière générale, les avocats de la première heure fonctionnent en bonne entente avec la police», se réjouit Caroline Byd-zovsky, secrétaire générale de l’Ordre des avocats de Genève. La hausse régulière du nombre de consultations peut être attribuée au fait que la police veille à faire passer correctement l’information auprès des personnes arrêtées, mais aussi à l’augmentation des arrestations enregistrée entre 2012 et 2013.
L’Ordre des avocats genevois compte presque le même nombre de consultations par le biais de la permanence pour l’avocat dit de la deuxième et de la troisième heures. «En effet, le Ministère public et le Tribunal des mesures de contraintes ont demandé à l’Ordre de pouvoir profiter de la permanence de l’avocat de la première heure lorsqu’ils doivent convoquer des prévenus à bref délai.» Seul problème: la rémunération dont bénéficie l’avocat de la première heure (soit le tarif de l’assistance judiciaire majoré de 50%) n’est pas acquis à celui de la seconde ou de la troisième heures, qui ne bénéficie que du tarif non majoré. Estimant qu’il n’y avait pas de raison de moins rémunérer des avocats assumant un fonctionnement identique, l’Ordre des avocats a demandé à la fin de 2012 au Grand Conseil d’assurer un même dédommagement dans les deux cas, sans réponse jusqu’ici.
Appel fréquent
Le canton de Vaud connaît depuis 2011 un nombre assez élevé et stable d’interventions. En 2012, l’Ordre des avocats vaudois avait recensé 924 interventions. Il en a compté 853 en 2013, un nombre en légère baisse, pour 495 intervenants. «Si l’on compte que 3190 heures ont été rémunérées au taux de l’avocat d’office de 180 fr. l’heure, c’est une somme proche de 600 000 fr. qui a été consacréecette année-là, à ce service», commente le bâtonnier Christophe Piguet. Il constate que la police et les procureurs font appel à ce service «en moyenne de deux à trois fois par jour, alors qu’il ne s’agit pas toujours de cas de défense obligatoire. Mais la police ne veut pas prendre le risque que la procédure soit annulée parce qu’un avocat aurait dû être présent. En outre, beaucoup de prévenus sont des étrangers qui ne sont pas au bénéfice d’un permis de séjour et qui font du tourisme de la délinquance; pour ces prévenus, une mise en détention se justifie souvent et nécessite, par conséquent, la présence d’un défenseur.»
Fribourg et Neuchâtel surpris
Dans les plus petits cantons, comme à Fribourg, les avocats sont surpris d’être «très peu appelés. Des contacts annuels que nous avons avec le Procureur général, Fabien Gasser, nous savons qu’il n’y aurait que 80 à 100 demandes par année», relève le bâtonnier de l’Ordre des avocats fribourgeois, Nicolas Charrière. Le chiffre d’une centaine d’interventions par an a été confirmé lors d’une rencontre des différents intervenants, le 18 février dernier. Les raisons de ce phénomène sont peu claires; la police aurait-elle tendance à décourager les intéressés en insistant sur le coût de ce service, que les prévenus devront, dans ce canton, en principe payer eux-mêmes, ou sur le délai d’intervention pouvant prendre jusqu’à deux heures? «Il ne faut pas nous voir comme des empêcheurs de tourner en rond, objecte le bâtonnier fribourgeois, nous pouvons mettre une enquête sur de bons rails en conseillant à notre client de collaborer.» Les avocats fribourgeois sont plus souvent appelés «à la deuxième heure, quand le procureur aimerait une intervention rapide car il s’agit d’un cas grave».
A Neuchâtel, le bâtonnier Christophe Schwarb a aussi «le sentiment qu’il y a très peu de cas au vu des milliers d’affaires annuellement traitées, et cela depuis le début en 2011». Selon le porte-parole de la police neuchâteloise Pierre-Louis Rochaix, celle-ci compte de trois à quatre interventions d’avocats de la première heure par semaine, soit entre 150 et 200 demandes pour ce service par année. «Nous pensons qu’il n’y a que le 10% des cas où un avocat de la première heure est requis. Les formulaires d’information l’indiquent clairement selon moi, mais beaucoup n’ont tout simplement pas les moyens de payer», explique-t-il.
En Valais, appel à l’avocat de choix
Enfin en Valais, l’avocat de la première heure avait été sollicité à 70 reprises durant la première année d’activité. 62 de ces interventions, soit 88% du total, avaient été prises en charge par l’Etat du Valais, qui avait déboursé 36 084 fr. en 2011 pour ce service (coût moyen par cas de 582 fr.). Durant les trois derniers mois de 2013, les statistiques de la police valaisanne font part d’une évolution dans le sens d’un plus grand recours à l’avocat de choix. D’octobre à décembre 2013, la police valaisanne a ainsi procédé à 1189 auditions dans lesquelles un avocat de la première heure était susceptible d’intervenir. Cela ne fut le cas que dans 5% des auditions, soit dans 55 cas. Sur ces 55 cas, 40 ont vu l’intervention d’un défenseur de choix et, dans 15 cas seulement, il a été fait usage de la permanence de la première heure (en Valais, les inscriptions se font sur une base volontaire et sont gérées par le Tribunal cantonal. Si l’avocat prévu ne peut être atteint, un pool de 18 personnes de piquet assurent une permanence).
«L’utilisation de la permanence se situe bien en deçà de ce qu’on imaginait à ses débuts. On peut donc penser que le nombre de personnes de piquet pourra être réduit et ce dispositif allégé», commente le bâtonnier valaisan Léonard Bender. Il explique l’abondance des interventions impliquant des avocats de choix par le fait «que le Valais connaît une justice de proximité organisée par régions; le contact avec les avocats actifs dans ce ressort se fait plus facilement, d’où la forte proportion d’avocats de choix actifs dès la première heure». Le plus faible recours à cette institution s’expliquerait également par une moindre criminalité transfrontière.
Pas d’indemnisation pour les heures de piquet
Une enquête de notre homologue plädoyer menée dans différents cantons alémaniques montre que la plupart des avocats concernés sont en majorité satisfaits de la manière dont est organisée la permanence de l’avocat de la première heure. Elle garantit que les personnes en préventive puissent compter sur l’appui d’un avocat durant 365 jours par an. Le Code de procédure pénale prévoit, depuis le 1er janvier 2011, le droit de bénéficier de la présence d’un avocat dès la première audition par la police ainsi que le droit de s’entretenir librement avec lui.
Lorenz Erni, président de l’association chargée de la permanence de la première heure à Zurich, estime qu’elle fonctionne globalement bien et que des modifications de l’organisation ne sont pas nécessaires. La situation est tout aussi satisfaisante dans les cantons de Saint-Gall, d’Argovie, de Lucerne et de Berne. Lorenz Erni se demande toutefois si les capacités de ce service sont utilisées à plein rendement. Les appels des accusés transmis par la police auraient ainsi diminué. La majorité des demandes seraient transmises, d’abord, par le Ministère public. La question reste de savoir à quel point la police informe précisément l’accusé de la possibilité de mettre en œuvre, sans attendre, un avocat de la première heure. Heinz Ottiger, l’un des responsables de ce service à Lucerne, pense également qu’il «existe, ici ou là, des points de friction, lorsqu’il arrive à la police d’attendre trop longtemps avant d’appeler un défenseur».
Lorenz Erni ne juge pas problématique que les avocats ne soient pas indemnisés pour l’attente passée en service de piquet. Les cantons de Saint-Gall, d’Argovie, de Lucerne et de Berne ne prévoient pas non plus de dédommagement, sans que cela éveille les critiques. Seul Markus Spielmann, président de l’Ordre des avocats soleurois, s’en montre choqué, d’autant plus que, dans ce canton, les procureurs sont indemnisés pour le temps où ils sont susceptibles d’être convoqués.
En Suisse alémanique, de nombreux avocats de la première heure deviennent par la suite des défenseurs d’office. Cela a été le cas de 22% des avocats de la première heure dans le canton de Zurich en 2011. (gs/sfr)