ll en va des interventions parlementaires comme des denrées alimentaires: elles sont périmées une fois la date limite atteinte. Pour les motions, postulats et interpellations, ce délai est de deux ans après leur dépôt, en application de la «clause guillotine» réintroduite en 2009 dans la loi sur le Parlement. Depuis cette révision, autant le dire: la «poubelle» des Chambres fédérales déborde! Plus de 60% des interventions se trouvent en effet écartées définitivement sans être traitées.
Les quelque 2000 motions «périmées» encore visibles sur le site du Parlement sont un véritable inventaire à la Prévert. A côté des propositions ambitieuses à large spectre (dans les domaines social, de l'environnement, des impôts), on trouve des idées nettement plus ciblées, comme l'adjonction ou le retrait d'un traitement à la charge de l'assurance de base, des prescriptions relatives aux denrées alimentaires (interdire un additif, indiquer obligatoirement l'huile de palme), la modernisation d'une place de tir ou encore... la réécriture des paroles de l'hymne national.
Il y a aussi les motions «poubellisées» qui réapparaissent au nom d'un autre député, en une version quelque peu modifiée: un recyclage parfois réussi, mais pas toujours... Le projet de congé paternité payé est ainsi passé plusieurs fois à la trappe, de même que les mises en garde concernant l'usage de la Ritaline pour les enfants.
Et puis, il y a la catégorie de «Ceux qui ont eu raison trop tôt». Par exemple, des motionnaires qui, en 2009, exigeaient la baisse du prix des médicaments ou la revalorisation des médecins de famille. Des propositions qui ont fini par ressurgir au Parlement, tant elles étaient incontournables.
Et, dans la catégorie «mesures radicales», on retrouve souvent des idées émanant de l'UDC, comme la réduction du catalogue des prestations prises en charge par la LAMal ou le durcissement des sanctions pénales. Mais, à ce jeu-là, certains se trouvent pris à leur propre piège. Ainsi, cet élu UDC proposant, par une motion, une diminution de 20% du personnel de l'Administration fédérale: le Conseil fédéral lui répond que plus de la moitié des motions parlementaires impliquent de nouvelles tâches pour l'administration... Sous-entendu: que les députés cessent d'intervenir à tort et à travers!
Le nombre des motions a plus que doublé en une vingtaine d'années: la clause «guillotine» était donc inévitable. Mais l'hécatombe n'est pas en pure perte, puisque, avant que le couperet ne s'abatte, le Conseil fédéral doit prendre le temps de livrer sa réponse. Ce qui permet aux membres hyperactifs du Parlement de s'offrir, au passage, une certaine visibilité...