Droit constitutionnel et administratif
L’inscription au registre des avocats stagiaires peut être réservée aux titulaires d’un bachelor en droit suisse, ou d’un titre jugé équivalent. C’est ainsi à raison que le Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande d’inscription au registre vaudois d’une Suissesse qui avait obtenu un diplôme d’études universitaires générales avec mention «droit» en France, puis un master en droit avec mention droit international et comparé de l’Université de Lausanne. L’exigence du bachelor, qui garantit une formation de base suffisante en droit suisse, répond à un intérêt public important. La grande liberté de choix octroyée au niveau du master ne permet pas de garantir que la personne obtenant un tel diplôme ait acquis (au moins) les mêmes connaissances de base en droit suisse que les titulaires d’un bachelor. Vu les tâches susceptibles d’être confiées aux stagiaires, il est dans l’intérêt tant des justiciables que d’une bonne administration de la justice qu’ils disposent d’une formation suffisant de base en droit suisse.
(2C_300/2019 du 31.1.2020)
Le TF clarifie certaines questions se posant en lien avec la loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées à l’étranger (LVP), entrée en vigueur en 2016. En l’espèce, il confirme la prolongation du gel des avoirs d’un proche de l’ancien président ukrainien, alors même que l’Union européenne et le Canada ont levé le blocage de ses valeurs patrimoniales et que l’Union européenne a jugé illégale la mesure antérieurement subie. Il n’a jamais été dans l’intention du législateur de lier le Conseil fédéral à d’éventuelles décisions étrangères, et le blocage ne porte pour l’heure aucune atteinte disproportionnée aux libertés personnelles et économiques du recourant.
(2C_572/2019 du 11.3.2020)
Selon l’art. 5 par. 1 CEDH, une personne ne peut être privée de sa liberté que «selon les voies légales». Il n’existe actuellement pas de réglementation légale explicite concernant l’ordre et le maintien d’une détention pour des motifs de sûreté dans une procédure judiciaire ultérieure relative à une mesure. Toutefois, selon la pratique de la Cour européenne des droits de l’homme, une application analogue des dispositions relatives à une détention peut être compatible avec l’art. 5 par. 1 CEDH si elle peut se fonder sur une jurisprudence ancienne et constante. Contrairement à ce que considère la Cour, le TF estime que tel est le cas en Suisse. Il rejette le recours d’un délinquant pédo-sexuel, susceptible de récidiver, condamné à une mesure thérapeutique institutionnelle par la justice valaisanne.
(1B_111/2020 du 31.3.2020)
La détention provisoire peut être ordonnée entre autres en raison de l’existence d’un risque de récidive, qui ne doit être alors admis qu’avec retenue et nécessite un pronostic défavorable. Les délits à craindre doivent de surcroît compromettre sérieusement la sécurité d’autrui. Lors d’infractions contre le patrimoine, il faut que les infractions touchent les lésés de manière particulièrement dure ou de façon similaire à un délit de violence. L’existence d’indices concrets que le prévenu pourrait recourir à la violence lors de futures infractions contre le patrimoine parle en faveur d’une mise en danger sérieuse de la sécurité.
(1B_6/2020 du 29.1.2020)
La détention d’un ressortissant étranger en vue de son renvoi doit, en principe, avoir lieu dans un établissement servant spécialement à ce type de détention. Un placement temporaire dans un secteur particulier d’un établissement pénitencier ordinaire n’est possible que dans de rares cas d’exception. En l’espèce, compte tenu des circonstances spécifiques du cas particulier, le placement durant quatre jours d’un homme dans un secteur séparé de la prison régionale de Berne en vue de son renvoi était admissible.
(2C_447/2019 du 31.3.2020)
Droit civil
Le TF annule un commandement de payer notifié contre l’exécuteur testamentaire d’une succession par un créancier du défunt. Aussi longtemps que le partage n’a pas eu lieu, qu’une indivision contractuelle n’a pas été constituée ou qu’une liquidation officielle n’a pas été ordonnée, la poursuite doit être engagée au lieu où le défunt pouvait être lui-même poursuivi (art. 49 LP). Le fait que le créancier ait dirigé sa poursuite à l’encontre de l’exécuteur testamentaire, et non de la succession, n’y change rien, puisque la poursuite ne concerne pas la fortune personnelle de l’exécuteur testamentaire, mais les actifs de la succession.
(5A_638/2018 du 10.2.2020)
Droit pénal
Pour l’application de l’art. 116 CP, sanctionnant l’infanticide, le texte légal exige que l’acte ait été commis par la mère «pendant l’accouchement» ou «alors qu’elle se trouvait encore sous l’influence de l’état puerpéral». Cette qualification pénale ne suppose pas qu’elle ait souffert d’un trouble psychique. Bien plus, la loi présume de manière irréfragable que sa responsabilité est diminuée durant l’accouchement ainsi que durant un certain temps après. Le TF confirme la condamnation à deux ans de privation de liberté avec sursis d’une femme qui avait tué le nouveau-né qu’elle avait mis seule au monde à son domicile deux heures et demi plus tôt.
(6B_1311/2019 du 5.3.2020)
Le TF précise les conditions relatives à «l’exercice d’une pression» psychique sur un enfant en cas de contrainte sexuelle ou de viol commis par un proche. Cela suppose qu’il puisse former sa propre volonté concernant sa liberté sexuelle (dans le cas contraire, le crime d’acte d’ordre sexuel sur une personne incapable de discernement ou de résistance sera applicable). Il n’y a pas lieu de fixer une limite d’âge à partir de laquelle l’enfant peut former une telle volonté. L’exercice d’une pression psychique sur un enfant par un proche est également possible sans recours à la force ou à la menace. Même l’auteur qui, lui, prétend que les actes sexuels sont normaux, ou qui lui fait croire qu’ils constitueraient une belle chose, exerce sur lui une contrainte sexuelle en le plaçant dans une impasse.
(6B_1265/2019 du 9.4.2020)
Droit des assurances sociales
Arrêt intéressant sur la question de la couverture par l’assurance maladie des coûts d’un traitement à l’étranger. En l’espèce, une octogénaire et son mari s’étaient rendus dans leur maison de vacances en Floride pour y passer l’hiver. Au moment du départ, elle souffrait déjà d’un grave cancer, et de plusieurs autres affections. Elle est décédée deux mois après son arrivée en Floride, après avoir dû être soignée plusieurs fois dans des cliniques. Helsana a refusé de couvrir l’intégralité des coûts du traitement contre le cancer. Le TF confirme que l’assureur ne doit pas payer les coûts engendrés par l’immunothérapie, parce qu’il s’agissait en l’espèce d’un traitement délibérément accepté d’une maladie à l’étranger. Il n’y avait donc pas d’urgence au sens de l’art. 36 al. 2 OAMal.
(9C_584/2019 du 26.2.2020)