Droit constitutionnel et administratif
Dans le cadre de l’aide aux victimes d’infractions (LAVI), le canton de Lucerne doit prendre en charge les frais de séjour d’une femme dans un centre d’hébergement d’urgence. L’atteinte à l’intégrité psychique subie du fait des menaces de suicide répétées de son conjoint d’alors est suffisamment grave pour lui reconnaître la qualité de victime.
(1C_653/2022 du 3.6.2024)
Un automobiliste a dépassé de 40 km/h (après déduction de la marge de sécurité) la vitesse maximale autorisée de 80 km/h dans une zone de chantier sur l’autoroute. Le Service des automobiles du canton des Grisons lui a par conséquent retiré le permis de conduire pour une durée de trois mois pour violation grave des règles de la circulation routière. Le TF rejette son recours. Une signalisation limitant la vitesse doit être observée dans tous les cas, indépendamment du fait qu’elle ait fait l’objet d’une publication conforme ou que d’autres personnes soient mises en danger en cas d’inobservation.
(1C_539/2022 du 23.5.2024)
L’interdiction de l’affichage à des fins commerciales visible depuis le domaine public, décrétée en 2022 dans la commune genevoise de Vernier, est conforme aux droits fondamentaux. Cette interdiction ne constitue pas une mesure de politique économique et porte une atteinte admissible à la liberté économique, à la garantie de la propriété ainsi qu’au principe de l’égalité de traitement. Le TF rejette les recours déposés par des entreprises et des particuliers.
(2C_36/2023 et 2C_38/2023 du 5.6.2024)
Droit civil
Selon l’art. 142 al. 2 CPC, lorsqu’un délai est fixé en mois, il expire le jour du dernier mois correspondant au jour où il a commencé à courir. Selon l’al. 1, les délais déclenchés par la communication ou la survenance d’un évènement courent dès le lendemain de celles-ci. Contrairement à la doctrine majoritaire et à la pratique de plusieurs tribunaux cantonaux, le TF considère que l’al. 1 ne concerne pas les délais fixés en mois de l’al. 2. Ainsi, ces derniers ne commencent pas à courir dès «le lendemain» de la communication ou de la survenance d’un évènement (au sens de l’al. 1), mais dès le jour même.
(5A_691/2023 du 13.8.2024)
Dans un litige concernant la garde des enfants par des parents divorcés, le TF a annulé un jugement de la Cour suprême zurichoise et a renvoyé l’affaire pour examiner si l’un des parents pouvait se voir attribuer le pouvoir de décision exclusif pour certaines questions. Dans son nouveau jugement, la Cour suprême a maintenu l’autorité conjointe, mais a confié à l’un des parents le pouvoir de décision dans les domaines des soins médicaux et de la formation scolaire des enfants.
L’autre parent a recouru avec succès au TF. Après le renvoi d’une affaire à la cour inférieure, cette dernière est tenue d’établir et d’actualiser d’office les faits. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, la cour s’étant uniquement basée sur des faits qui dataient de plus d’un an, sans donner aux parties la possibilité de s’exprimer sur la survenance d’éventuels changements.
(5A_178/2024 du 20.8.2024)
Les rentes AVS, AI ainsi que les prestations complémentaires et les allocations familiales sont insaisissables, même si elles dépassent le minimum vital. Il faut toutefois distinguer de ces prestations d’assurances sociales les avoirs d’épargne qui sont constitués sur cette base qui sont saisissables. Cela reste vrai même si les avoirs se trouvent sur un compte bancaire sur lequel ne sont versées que les prestations insaisissables, à condition qu’ils ne soient pas employés pour subvenir aux besoins de base. Le TF rejette le recours d’un bénéficiaire de prestations sociales argovien qui s’était vu saisir un montant d’épargne de 10 351 francs sur un tel compte.
(5A_253/2024 du 2.8.2024)
Droit pénal
Selon le TF, le géniteur d’un fœtus avorté n’a pas qualité pour recourir contre le classement de la procédure pénale dirigée contre la mère pour interruption de grossesse punissable. Il n’est pas titulaire du bien juridiquement protégé par l’art. 118 al. 3 CP (la vie humaine pendant la grossesse), et ne saurait non plus être considéré comme un proche de la victime, puisque cette vie en devenir n’a jamais acquis une personnalité juridique propre.
(7B_1024/2023 du 26.6.2024)
Selon l’art. 221 al. 1bis let. b CPP, la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ne peuvent être ordonnées que s’il y a un danger sérieux et imminent que le prévenu commette un crime grave du même genre que celui duquel il est soupçonné. Plus les actes potentiellement commis sont graves, plus la mise en danger de la sécurité d’autrui est élevée et moins les exigences en matière de risque de récidive doivent être élevées pour que la détention puisse être ordonnée.
(7B_155/2024 du 5.3.2024)
Le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a ouvert une instruction à l’encontre d’un Syrien de 42 ans, soupçonné d’avoir commis envers son épouse des lésions corporelles simples et qualifiées, des voies de fait ainsi que des menaces qualifiées. Quelques mois plus tard, l’homme a sollicité une suspension de la procédure au sens de l’art. 55a al. 1 let. c CP, rejetée par le ministère public. Le TF confirme que le mari n’avait pas la qualité pour recourir contre cette décision, à défaut d’intérêt juridiquement protégé au sens de l’art. 382 al. 1 CPP. L’art. 55a CP protège et améliore la position de la victime, qui seule peut requérir la suspension de la procédure sur la base de cette disposition.
(7B_851/2023 du 9.7.2024)
Le TF clarifie la question de savoir dans quelle mesure les jours de détention provisoire entamés sont imputés sur une peine. Un délinquant du Jura bernois, arrêté et libéré le lendemain à deux reprises, a demandé que quatre jours de détention préventive (au lieu de deux) soient imputés sur sa peine. Selon le TF, une fraction de jour de détention compte en principe comme un jour complet à prendre en compte. Toutefois, si la détention provisoire s’étend sur deux jours civils consécutifs, elle doit avoir duré plus de vingt-quatre heures pour que deux jours de détention soient comptabilisés.
(6B_1100/2023 du 8.7.2024)
Lorsqu’une procédure pénale est classée par une transaction au sens de l’art. 316 al. 3 CPP, cette dernière doit régler les frais de procédure et les éventuelles indemnités versées aux parties. Si les parties souhaitent mettre l’indemnisation des frais d’avocat à la charge de l’État, elles doivent prévoir une réserve imputant l’indemnisation à l’État dans leur convention, et obtenir l’assentiment de l’autorité qui a ordonné le classement suite à la clôture de la procédure (art. 427 al. 3 et 4 CPP). En l’espèce, dans une affaire zurichoise de conflit de voisinage avec plaintes pénales réciproques, le TF rejette le recours d’une partie qui réclamait que les frais d’avocats soient mis à la charge de l’État sans que cela ait été mentionné dans la convention.
(7B_38/2022 du 29.4.2024)
Droit des assurances sociales
La prise en charge par l’assurance-accidents d’une maladie professionnelle présuppose qu’avec la maladie survenue, un risque professionnel spécifique à l’activité exercée par la personne assurée se soit réalisé. Tel n’est pas le cas s’agissant d’une psychologue exerçant en milieu hospitalier, infectée en 2021 par le COVID-19. Dès lors qu’elle ne prodiguait pas de soins, elle n’était pas exposée à un risque spécifique de contamination sur un lieu de travail présentant un risque pour la santé.
(8C_582/2022 du 12.7.2024)