Droit constitutionnel et administratif
En juillet 2022, le Tribunal cantonal a rejeté le recours de l’ancien directeur d’une société anonyme qui avait été placé en détention provisoire en raison de soupçons d’abus de confiance, d’escroquerie, de faillite frauduleuse et de faux dans les titres. L’autorité n’a pas statué dans la composition initialement prévue et annoncée en raison de l’absence de deux juges, qui ont été remplacés par des greffiers du même tribunal, officiellement élus comme juges suppléants (à titre accessoire). Selon le TF, cette composition constitue une violation des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. La hiérarchie formelle existant à l’extérieur du collège de juges crée une apparence de hiérarchie informelle à l’intérieur de la formation de jugement, susceptible de porter atteinte à l’indépendance judiciaire des juges suppléants.
(1B_420/2022 du 9.9.22)
Droit civil
S’agissant des mesures protectrices de l’union conjugale, l’entretien convenable se calcule sur la base du dernier niveau de vie antérieur à la séparation. Il ne se limite pas au minimum vital lorsque la situation est favorable. Les deux époux ont droit, dans la limite des moyens disponibles et jusqu’à concurrence de l’ancien standard commun, au maintien de celui-ci tant que le mariage existe. Il est arbitraire de supprimer les contributions d’entretien au motif que le revenu hypothétique imputé permettrait à la partie qui en bénéficie de couvrir seule son minimum vital.
(5A_849/2020 du 27.6.22)
L’inscription dans le registre de l’état civil des parents d’intention, établis en Argovie, d’un enfant né en Géorgie d’une mère de substitution est régie par le droit suisse. Le père d’intention, en tant que donneur de sperme, peut immédiatement, si la mère de substitution n’est pas mariée, établir sa paternité juridique en reconnaissant l’enfant. La mère de substitution doit, dans un premier temps, être inscrite comme mère juridique dans le registre d’état civil. La mère d’intention peut ensuite adopter l’enfant de son conjoint, les autorités d’adoption devant faire preuve de célérité, de générosité et de pragmatisme dans de tels cas.
(5A_32/2021 du 1.7.22)
Droit pénal
En juillet 2021, la Cour d’appel du Tribunal pénal fédéral a condamné un individu qui avait rejoint l’EI en Irak et en Syrie et qui souhaitait rentrer en Suisse à une peine privative de liberté de 65 mois, principalement pour infraction à l’art. 2 al. 1 de la loi interdisant les groupes Al-Qaïda/EI. Elle a rejeté la demande du Ministère public de la Confédération d’ordonner son internement, à raison selon le TF. L’internement d’un auteur n’entre pas en ligne de compte lorsque seule peut être démontrée son association à une organisation terroriste au sens de la loi précitée. L’internement ne serait possible que si l’on pouvait prouver la commission d’infractions graves, comme un assassinat ou un viol.
(6B_57/2022 du 19.8.22)
Selon l’art. 77 al. 2 CP, le régime du travail externe intervient en principe après un séjour d’une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d’un établissement fermé. L’utilisation du terme «en principe» montre que le séjour préalable en milieu ouvert ne constitue pas une condition impérative de l’octroi du travail externe, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal cantonal vaudois, qui l’a refusé à un détenu au seul motif que ce dernier ne se trouvait pas dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d’un établissement fermé.
(6B_78/2022 du 8.6.22)
L’art. 407 al. 1 lit. c CPP dispose que l’appel est réputé retiré si la partie qui l’a déclaré ne peut pas être citée à comparaître. Celui qui refuse de donner des informations sur son lieu de séjour et empêche ainsi une notification juridiquement valable de sa convocation à l’audience d’appel ne mérite pas de protection juridique, un tel comportement étant contraire au principe de la bonne foi. Par ailleurs, la fiction de retrait n’est pas contraire aux garanties du procès équitable.
(6B_998/2021 du 22.6.22)
Selon l’art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu. L’art. 195 al. 2 CPP prévoit qu’afin d’élucider la situation personnelle du prévenu, le ministère public et les tribunaux demandent des renseignements sur ses antécédents judiciaires et sa réputation, ainsi que d’autres rapports pertinents auprès de services officiels ou de particuliers. Dans ce contexte, il n’est pas admissible de faire référence, dans le cadre de la fixation de la peine, au fait que l’individu n’a plus commis de délit depuis des années, en s’appuyant sur un extrait de casier judiciaire datant de plusieurs mois. L’autorité est tenue de consulter un extrait récent du casier judiciaire pour clarifier la situation personnelle.
(6B_536/2022 du 25.8.22)
C’est à bon droit que les autorités vaudoises compétentes en matière d’exécution des peines ont déduit de la rémunération d’un détenu ses frais de santé non couverts. De même, la compensation des frais du transport de ses effets personnels dans un autre établissement pénitentiaire, rendu nécessaire en raison de son comportement problématique, était elle aussi licite.
(8B_820/2021 du 2.8.22)
L’art. 353 al. 1 let. k CPP prévoit que l’ordonnance pénale contient la signature de la personne qui a établi l’ordonnance. Le ministère public ne peut par conséquent pas faire usage d’un cachet de signature en fac-similé pour signer les ordonnances pénales qu’il prononce dans les affaires de masse, la signature manuscrite constituant une condition de validité de l’acte. Un tel vice ne peut être guéri ultérieurement, au moment de la transmission de l’ordonnance pénale au tribunal pour valoir acte d’accusation. Dans un tel cas, le tribunal doit annuler l’ordonnance et renvoyer la cause au ministère public. Seules les absences de signatures dues à une inadvertance manifeste du procureur peuvent en principe être guéries.
(6B_684/2021 du 22.6.22)
Bien que le nouveau droit permette de sanctionner les dépassements par la droite sur l’autoroute en déboîtant puis en se rabattant par une amende d’ordre de 250 francs (chiffre 314.3 de l’Annexe 1 OAO), une condamnation pour violation grave des règles de la circulation au sens de l’art. 90 al. 2 LCR doit toujours être prononcée si les conditions sont remplies. Si un dépassement par la droite crée un risque abstrait accru, il sera jugé tout aussi sévèrement selon le nouveau droit.
(6B_231/2022 du 1.6.22)
Droit des assurances sociales
Le calcul de l’allocation pour perte de gain à verser aux personnes effectuant un service civil doit reposer sur une base réaliste. Le TF accepte un recours de l’Office fédéral des assurances sociales qui contestait le montant de l’indemnité versée à un jeune homme titulaire d’un bachelor en sciences économiques, qui avait travaillé plusieurs mois, durant ses études, comme auxiliaire dans la vente. La justice bâloise avait calculé l’allocation en se basant sur le salaire initial usuel des bacheliers en sciences économiques. En réalité, ces derniers commencent en général par effectuer un stage. De fait, le diplômé avait postulé sans succès à de nombreux postes d’économiste. Il a en outre effectué un stage de près d’un an immédiatement après son service civil. Dans ces circonstances, il est très probable qu’il l’aurait fait même sans effectuer son service civil. L’allocation doit donc être réduite.
(9C_586/2021 du 2.8.22)