Droit constitutionnel et administratif
Les frais de la procédure cantonale ne peuvent pas être mis à la charge d’une autorité fédérale qui attaque la décision d’une autorité cantonale dans l’exercice d’une tâche de surveillance prévue par une loi spéciale et sans poursuivre d’intérêt patrimonial. C’est donc à tort que le Tribunal administratif zurichois a mis une partie des frais de justice à la charge du Département fédéral de justice et police dans le cadre d’un litige concernant une décision dans laquelle la Commission de surveillance des avocats du canton de Zurich a reconnu la conformité d’une étude d’avocats constituée sous la forme d’une SA.
(2C_1038/2020 du 15.3.2022)
Selon le TF, la Cour de justice du canton de Genève n’est pas tombée dans l’arbitraire concernant le service de transport Uber en retenant une relation de travail entre les chauffeurs Uber opérant à Genève et la société néerlandaise Uber B.V. S’agissant du service de livraison de repas Uber Eats, le TF conclut que les livreurs doivent certes être considérés comme des employés d’Uber, mais qu’il n’y a en revanche pas de contrat de location de services entre Uber et les restaurateurs, à défaut en particulier d’un transfert de pouvoir de direction aux restaurateurs et d’une intégration des livreurs dans l’organisation des restaurants.
(2C_575/2020 du 30.5.2022 (et 2C_34/2021 du 30.5.2022, pas destiné à publication))
Droit civil
L’art. 84 al. 2 CPC dispose que l’action tendant au paiement d’une somme d’argent doit être chiffrée. S’il est impossible ou ne peut être exigé du demandeur qu’il articule d’entrée de cause sa prétention, il peut intenter une action non chiffrée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire (art. 85 al. 1 CPC). Selon le TF, les raisons pour lesquelles le chiffrage de la prétention est impossible ou ne peut être raisonnablement exigé doivent être exposées concrètement, dès la requête.
(4A_581/2021 du 3.5.2022)
La ville de Zurich n’est pas responsable du grave accident impliquant un piéton et un tramway des transports publics de Zurich. Le piéton se trouvait à un arrêt de tramways, les yeux rivés sur son téléphone portable, lorsqu’il s’est soudainement engagé dans la zone des voies, sans regarder à gauche, et a été percuté par le tramway. Comme il y a une faute grave de la part du blessé, la ville de Zurich est déchargée de sa responsabilité civile en matière de droit ferroviaire. Le TF admet le recours de la ville de Zurich, et annule l’arrêt de la Cour suprême du canton de Zurich.
(4A_179/2021 du 20.5.2022)
Droit pénal
Le TF rejette le recours du Ministère public neuchâtelois, qui sollicitait la condamnation, pour discrimination raciale, d’une personnalité publique engagée politiquement, détentrice d’un compte Facebook, à raison des commentaires racistes publiés par des tiers sur son «mur». Le défaut de connaissance, par le détenteur du compte en question, des commentaires litigieux exclut sa responsabilité pénale, en l’absence de base légale spécifique.
(6B_1360/2021 du 7.4.2022)
Le droit pénal en vigueur en matière sexuelle ne permet pas l’interprétation selon laquelle l’absence de consentement lors de relations sexuelles («oui, c’est oui») serait suffisante pour une condamnation pour contrainte sexuelle ou viol. Cela irait à l’encontre du principe de la légalité, qui impose la prise en compte, dans l’application des art. 189 et 190 CP, de l’élément constitutif de la contrainte. Pour qu’il y ait contrainte au sens de ces dispositions, il faut que la victime ne soit pas consentante, que l’auteur le sache ou accepte cette éventualité, et qu’il passe outre en profitant de la situation (en exerçant une pression d’ordre psychique) ou en utilisant un moyen efficace (entre autres menace ou violence).
(6B_894/2021 du 28.3.2022)
Le TF confirme la condamnation d’une jeune femme à dix mois de privation de liberté avec sursis pour infraction à la loi interdisant Al-Qaïda et l’État islamique. Fin 2014, alors qu’elle était âgée de 15 ans, elle s’est rendue avec son frère en Syrie sur le territoire de l’organisation terroriste État islamique. Elle a vécu durant plusieurs mois dans la communauté avec le soutien financier de l’organisation. Selon les constatations de la Cour suprême du canton de Zurich, elle a entrepris son voyage en connaissant les atrocités commises par l’organisation. Elle souhaitait par ailleurs s’intégrer dans la vie sociale. Fin 2015, les deux jeunes ont pu prendre la fuite et revenir en Suisse.
(6B_120/2021 du 11.4.2022)
En l’état du droit, le retrait furtif et non consenti du préservatif durant un rapport sexuel (stealthing) ne peut pas être réprimé en tant qu’acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Le TF confirme sur ce point deux décisions rendues dans les cantons de Zurich et de Bâle-Campagne. Il conviendra toutefois encore d’examiner si l’infraction de désagrément causé par la confrontation à un acte d’ordre sexuel est réalisée. Le TF n’était appelé à traiter aucun de ces deux cas dans la perspective de la transmission d’une maladie.
(6B_34/2020 et 6B_265/2020 du 11.5.2022)
L’infraction d’emploi, avec dessein délictueux, d’explosifs ou de gaz toxiques (art. 224 CP) suppose l’existence d’un danger collectif. Conformément à la théorie de la représentation, un tel danger peut exister déjà en cas de mise en danger d’une seule personne ou d’une seule chose, pour autant qu’elle n’ait pas été déterminée par avance mais qu’elle l’ait été par le seul effet du hasard. En l’espèce, le TF confirme la libération du chef d’accusation de l’art. 224 CP en faveur d’un homme qui avait fixé un feu d’artifice à un radar isolé et l’avait allumé en pleine nuit, alors qu’il ne fallait plus s’attendre à du trafic. Comme il n’y avait pas de danger pour une personne ou un bien autre que le radar, l’homme n’a été reconnu coupable que de dommages à la propriété qualifiés.
(6B_795/2021 du 27.4.2022)
Droit des assurances sociales
Le TF confirme que le canton de domicile est compétent pour fixer et verser le financement résiduel des soins, en cas de séjour d’une personne assurée dans un établissement médico-social (EMS) extra-cantonal. Le canton de domicile applique, en principe, ses règles cantonales pour déterminer le montant de ce financement. Si, au moment de l’admission de la personne assurée dans un EMS extra-cantonal, aucune place ne peut être mise à disposition dans un EMS «à proximité» du domicile, le canton de domicile prend en charge le financement résiduel selon les règles du canton où se situe l’EMS.
(9C_460/2021 du 1.4.2022)
Le fait que deux médecins spécialisés en chirurgie orthopédique partagent les locaux et les frais d’un petit cabinet de groupe est de nature à créer objectivement une apparence de partialité si l’un des deux médecins est désigné comme expert par une assurance-maladie alors que son collègue a déjà donné un avis médical en tant que médecin-conseil de l’assurance. La situation de ces médecins ne peut pas être comparée à celle de deux médecins psychiatres œuvrant parallèlement au sein du même centre d’expertise pluridisciplinaire, l’appartenance à un tel centre, qui n’implique normalement pas une présence régulière dans les mêmes locaux, n’étant pas de nature à favoriser des liens plus étroits que ceux pouvant exister entre des spécialistes qui se croisent à l’occasion hors de leur lieu de travail habituel.
(8C_514/2021 du 27.4.2022)