Droit constitutionnel et administratif
Une fois la mise sous scellés demandée, l’autorité de poursuite ne peut plus procéder (ou faire procéder) à la copie-miroir (copie forensique) d’un support de données informatiques. Elle doit la demander au juge des scellés, qui est seul compétent pour l’ordonner. Dans le cas d’espèce, la douane suisse avait saisi trois appareils électroniques appartenant à un contrebandier, avant que l’avocat de ce dernier ne demande leur mise sous scellés. Elle a transmis les supports de données à fedpol, qui a procédé à la copie-miroir de leur contenu. Ce n’est qu’une semaine plus tard que l’autorité a déposé une demande de levée des scellés auprès du Tribunal pénal fédéral. En conséquence de cette procédure illégale, les supports de données électroniques doivent être restitués et les copies de données déjà réalisées par mise en miroir doivent être détruites.
(1B_432/2021 du 28.2.2022)
À la demande de l’Arménie, l’OFJ a autorisé l’extradition d’un ressortissant turco-arménien de 60 ans souffrant de problèmes de santé. Au vu des problèmes rencontrés dans le système pénitentiaire arménien, le Tribunal pénal fédéral a exigé la garantie que la détention et l’exécution de la peine aient lieu «dans l’une des prisons pilotes de la réforme du gouvernement arménien». Le TF admet un recours contre cette décision, notamment au motif qu’il n’existe pas de telles prisons pilotes en Arménie. Le TF renvoie la cause à l’OFJ pour qu’il puisse procéder à des clarifications supplémentaires et prendre une nouvelle décision.
(1C_116/2022 du 21.3.2022)
Le TF admet le recours d’un ressortissant algérien qui a été détenu pendant plus de six semaines après que l’ordre de son renvoi vers la Belgique dans le cadre de la procédure Dublin fut entré en force. À cet égard, la réglementation de la détention en droit suisse doit être interprétée conformément aux exigences du Règlement Dublin III, tel que concrétisé dans la pratique de la Cour de justice de l’Union européenne.
(2C_610/2021 du 11.3.2022)
Le simple fait pour un juge de la procédure ordinaire d’avoir siégé dans le tribunal ayant rejeté une procédure simplifiée ne constitue pas un motif de récusation. L’art. 56 let. b CPP n’entre pas en jeu lorsqu’une personne intervient plusieurs fois au même titre dans la même cause, et il est impossible, sous l’angle de l’art. 56 let. f CPP, de déterminer de manière générale si on est en présence d’interventions successives, anticipant l’issue de la cause et donnant lieu à un motif de récusation. Des juges ne doivent pas être récusés au seul motif qu’ils ont pris connaissance des aveux de l’accusé dans la procédure simplifiée.
(1B_98/2021 du 3.3.2022)
La preuve des connaissances linguistiques suffisantes pour la naturalisation peut aussi être apportée par une note de maturité suffisante dans la langue déterminante. Le TF admet le recours d’une habitante du canton de Berne, de langue maternelle française, qui avait transmis aux autorités son certificat de maturité d’un gymnase francophone bernois, attestant d’une note de 4 en allemand. Ne pas reconnaître une note de maturité suffisante serait arbitraire et violerait l’égalité de traitement.
(1D_4/2021 du 8.3.2022)
Droit civil
Le fabricant d’articles de sport PUMA et la FIFA sortent tous deux perdants d’un litige de droit des marques en lien avec la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. En octobre 2018, Puma avait fait enregistrer au registre suisse des marques les deux marques «PUMA WORLD CUP QATAR 2022» et «PUMA WORLD CUP 2022», notamment pour des articles de sport. La FIFA, propriétaire des marques «QATAR 2022» et «WORLD CUP 2022» depuis décembre 2018, a tenté de faire prononcer la nullité de ces marques. Le TF prononce un match nul, en jugeant que les marques de Puma sont trompeuses, et que celles de la FIFA ne sont pas protégeables faute de caractère distinctif. Toutes les marques en cause sont ainsi déclarées nulles et doivent être radiées du registre des marques.
(4A_518/2021 et 4A_526/2021 du 6.4.2022)
Un mariage qui a duré trois ans jusqu’à la séparation ne doit pas être considéré comme «ayant eu un impact décisif sur la vie» (lebensprägend), malgré la naissance d’un enfant commun un an avant la séparation, et la répartition des rôles convenue par la suite. La femme a décidé de ne même pas tenter une réinsertion professionnelle et de se consacrer entièrement à la garde des enfants. Le fait qu’elle ait renoncé à toute activité professionnelle après le mariage, indépendamment des implications découlant des obligations restantes en matière de garde d’enfants, est en grande partie imputable à son libre choix de vie.
(5A_568/2021 du 25.3.2022)
Droit pénal
Des aveux obtenus dans le cadre d’une investigation secrète, après avoir exercé une pression illicite sur la personne concernée, ne peuvent pas être utilisés pour la condamner. Il y va du droit fondamental à ne pas s’auto-incriminer. Le TF rejette un recours du Ministère public zurichois. En l’espèce, un agent infiltré avait noué une amitié avec un homme accusé d’avoir assassiné son épouse, puis une autre agente avait joué un rôle de voyante. Les deux agents s’étaient servis de la crainte de l’homme à l’égard des forces occultes, et notamment de sa croyance en la présence d’un esprit maléfique chez la victime. Ils lui avaient offert leur protection s’il faisait table rase et acceptait de se confier à eux.
(6B_210/2021 du 24.3.2022)
Le TF rejette les recours des deux coprésidents des Jeunes UDC du canton de Berne contre leur condamnation pour discrimination raciale. En 2019, la Cour suprême du canton de Berne les avait condamnés pour une contribution écrite, accompagnée d’une caricature, publiée sur Facebook et sur le site internet du parti au sujet des aires de transit pour les gens du voyage étrangers. En remettant en question la valeur égale des Roms et des Sinti en tant qu’êtres humains par l’attribution généralisée de comportement désordonnés, insalubres, dégoûtants, impudiques et criminels, les condamnés les ont rabaissés, et ont suscité la haine et la discrimination.
(6B_636/2020 et 6B_637/2020 du 10.3.2022)
Droit des assurances sociales
En cas de maladie d’un employé durant son temps d’essai, celui-ci doit être prolongé. Le TF précise que les jours de travail manqués doivent être reportés sur les jours normalement travaillés suivant la fin de la période d’essai, et non sur les jours de congé. Il rejette le recours d’un employé des CFF contre le licenciement dont il a fait l’objet le lundi 22 juin 2020, alors que son temps d’essai devait initialement prendre fin le 16 juin 2020. L’homme avait été en congé maladie du 15 au 19 juin 2020, avant de reprendre le travail le 22 juin, après un week-end de congé.
(8C_317/2021 du 8.3.2022)
Le TF ne juge pas opportun de modifier sa jurisprudence relative à la détermination du degré d’invalidité sur la base des salaires statistiques résultant de l’ESS (Enquête bisannuelle sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique). Il n’existe pas de raison factuelle sérieuse de modifier la pratique. Les instruments de correction appliqués jusqu’à aujourd’hui sont d’une importance capitale pour la détermination correcte du degré d’invalidité. Compte tenu de la modification de la loi fédérale et de l’ordonnance sur l’assurance-invalidité, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, un changement de pratique ne serait de toute façon pas opportun à l’heure actuelle.
(8C_317/2021 du 8.3.2022)