Droit constitutionne et administratif
Si un motif de récusation au sens de l’art. 56 let. f CPP (amitié/inimitié) est invoqué à l’encontre d’un procureur après que le Ministère public a engagé l’accusation, l’art. 59 al. 1 let. b CPP prévoit que l’autorité de recours, et non le tribunal de première instance, doit statuer. La marge de manœuvre pour s’écarter du texte clair de la loi est particulièrement étroite s’agissant de la compétence des tribunaux, au vu de l’art. 30 Cst. On ne peut considérer que le texte de l’art. 59 al. 1 CPP ne viserait pas le sens véritable de cette norme. La pratique divergente de l’Obergericht zurichois s’avère injustifiée.
(1B_333/2021 du 5.11.2021)
Droit civil
En 2004, Monsanto International Sàrl a transféré son siège à Morges (VD). En contrepartie des emplois créés et de son engagement à maintenir son siège dans le canton pendant vingt ans, l’entreprise américaine a bénéficié de dix ans d’exonération fiscale. Lorsqu’elle a été rachetée par le groupe allemand Bayer et que son siège a été transféré à Bâle, l’Administration fiscale vaudoise a exigé le remboursement des 34 millions d’impôts non perçus. Le Tribunal cantonal vaudois a partiellement accepté le recours déposé par Monsanto contre cette décision, en révoquant seulement l’exonération pour les périodes fiscales 2010 à 2014. Le Tribunal fédéral qualifie le jugement cantonal d’arbitraire et rétablit la décision révoquant l’allégement fiscal. Monsanto devra donc intégralement rembourser les montants exonérés.
(2C_141/2020 et 2C_245/2021 du 3.12.2021)
Selon l’art. 156 CPC, le tribunal ordonne les mesures propres à éviter que l’administration des preuves ne porte atteinte à des intérêts dignes de protection des parties ou de tiers, notamment à des secrets d’affaires. Dans ce cadre, il peut notamment prononcer une interdiction de divulgation, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP. Dans le cadre d’un procès en dommages et intérêts contre une banque suisse, le TF précise que la demande d’interdiction ne peut toutefois pas perdurer au-delà de la procédure, et que la partie requérante doit alléguer l’existence d’une mise en danger concrète de ses intérêts dignes de protection, et rendre vraisemblable l’existence d’un tel risque. La mesure doit en outre être proportionnelle.
(4A_58/2021 du 8.12.2021)
Droit pénal
Les médecins généralistes ne sont pas tenus de se procurer personnellement les dossiers médicaux antérieurs des patients si ces derniers ont omis de les fournir malgré des demandes répétées. Le TF confirme l’acquittement d’un médecin de famille qui était accusé d’homicide par négligence après le décès des suites d’un choc allergique d’une de ses patientes, à laquelle il avait prescrit un antibiotique pour une bronchite aiguë. L’homme s’était enquis auprès de sa nouvelle patiente d’éventuelles allergies aux antibiotiques, qu’elle avait expressément niées, et lui avait demandé sans succès de lui fournir son dossier médical. En l’espèce, le médecin a respecté ses devoirs de clarification et son devoir de diligence médicale.
(6B_727/2020 du 28.10.2021)
La justice saint-galloise doit condamner un chef de groupe, qui travaillait dans un groupe de travail et de vie pour personnes souffrant de troubles de la perception, pour de multiples actes d’ordre sexuel. Entre 2014 et 2016, il avait incité une femme souffrant d’un polyhandicap physique et mental avec une déficience intellectuelle moyenne à entretenir des rapports sexuels avec lui. Le Tribunal cantonal de Saint-Gall l’a acquitté, en considérant que la femme a consenti aux actes sexuels incriminés. Le TF annule cette décision: compte tenu du lien de dépendance prononcé et du rapport de force inégal, des problèmes cognitifs de la victime et de la confiance particulière qu’elle accordait au chef de groupe, le fait qu’elle ait accepté d’entretenir des rapports sexuels avec lui et qu’elle les ait trouvés agréables ne signifie pas qu’elle y ait consenti de manière libre et responsable.
(6B_567/2020 du 6.12.2021)
Le TF précise sa jurisprudence sur la question de la participation de la défense aux auditions de la police dans la phase d’investigation policière. Dans l’ATF 143 IV 397, il avait expliqué (consid. 3.3.1) qu’en vertu de l’art. 159 al. 1 CPP, le prévenu a droit à ce que son défenseur, mais pas lui-même, puisse être présent et poser des questions lors de l’administration des preuves par la police. Le TF limite maintenant les droits de participation de la défense, en précisant que le droit du prévenu à la présence de son défenseur, dans le cadre de l’art. 159 al. 1 CPP, s’applique exclusivement à l’audition du prévenu par la police.
(6B_780/2021 du 16.12.2021, consid. 1)
Se rend coupable de contrainte au sens de l’art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d’un dommage sérieux ou en l’entravant de quelque autre manière dans sa liberté d’action, l’aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. En l’espèce, un homme avait menacé, au domicile de sa victime, l’épouse de celle-ci en lui disant notamment que, si l’entretien qu’il souhaitait avoir avec la victime et avec une autre personne n’avait pas lieu le jour même, ces derniers auraient «besoin de la bénédiction de Dieu» («Gottes Segen brauchen würden»). Dans les circonstances du cas (visite à domicile et tapage bruyant contre la porte), ces propos étaient objectivement susceptibles de faire plier une personne réfléchie. Le fait que les expressions en cause soient utilisés de manière répétée dans l’usage quotidien en Suisse alémanique, dans des situations de conversation marquées par une certaine émotion n’y change rien. De tels propos ne doivent pas être considérés comme «socialement adéquats», mais constituent bien plutôt une menace manifeste de violence.
(6B_780/2021 du 16.12.2021, consid. 3)
Droit des assurances sociales
En 2019, une Argovienne née en 1958 a retiré son avoir de libre passage de 132 000 francs. Comme elle avait bénéficié de 162 000 francs d’aide sociale, le Conseil communal de sa commune de résidence a exigé le remboursement de 66 500 francs de l’aide perçue. Au regard des dispositions de droit fédéral sur la prévoyance professionnelle, il est en principe admissible de recourir à l’avoir de libre passage versé pour rembourser des prestations d’aide sociale. Ces dispositions ne confèrent pas de protection particulière dans ce cas. Il ne s’agit pas non plus, en l’espèce, d’un cas d’insaisissabilité. Il convient toutefois de noter qu’en cas d’exécution forcée, les fonds ne pourraient être saisis que de manière limitée. Le capital ne peut être saisi que jusqu’à concurrence d’une rente annuelle correspondante.
(8C_441/2021 du 24.11.2021)
Le TF rejette le recours que la Caisse de chômage de Lucerne, avec le soutien du SECO, avait déposé contre une décision du Tribunal cantonal concernant l’indemnisation des jours de vacances et des jours fériés des employés en réduction de l’horaire de travail (RHT) dans la procédure de décompte sommaire. Dans son arrêt, le TF indique que les jours de vacances et les jours fériés pour les employés percevant un salaire mensuel doivent être pris en compte dans le calcul de l’indemnité en cas de RHT.
(8C_272/2021 du 17.11.2021)