Droit constitutionnel et administratif
Compte tenu de l’importance du principe de la publicité des audiences, la possibilité de prononcer le huis clos doit être appréciée de manière restrictive. Cela vaut également pour les procédures devant l’Autorité indépendante d’examen des plaintes en matière de radio-télévision (AIEP), assimilable à un tribunal indépendant. Selon l’article 97 al. 1 LRTV, «les délibérations sont publiques, pour autant qu’aucun intérêt privé digne de protection ne s’y oppose». En l’espèce, un avocat genevois condamné en première instance pour faux dans les titres, s’était plaint du fait que l’AIEP avait refusé de mener sa procédure à huis clos dans le cadre d’un litige concernant un reportage de la RTS. Le TF rejette son recours, le dossier de l’AIEP ne contenant pas d’information qui ne soit pas publique ou qui soit digne de protection, et l’AIEP ayant garanti que son nom ne serait pas mentionné lors des délibérations.
(2C_327/2021 du 5.10.2021)
Lors d’une vente aux enchères en 2017, la Station ornithologique suisse s’est vue adjuger 18 parcelles totalisant 21 000 m2, colloquées en majeure partie en zone agricole, dont deux bâtiments pour lesquels elle devait obtenir une autorisation cantonale. Le but de l’achat était de protéger le hibou petit-duc présent sur ces biens-fonds et de conserver le biotope de cette espèce en danger. Le droit foncier réserve l’acquisition d’un immeuble agricole à celui qui entend l’exploiter personnellement, mais des exceptions peuvent être justifiées, notamment par des motifs de protection de la nature. Selon le TF, la notion d’«objet relevant de la protection de la nature» peut être étendue à un animal. Le hibou petit-duc, inscrit sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de l’Office fédéral de l’environnement avec la mention «en danger», relève de la protection de la nature.
(2C_1069/2020 du 27.10.2021)
Droit civil
C’est à tort que l’Obergericht zurichois a refusé d’entrer en matière sur une demande de divorce au motif que le demandeur n’avait pas payé l’avance de frais de justice (provisio ad litem) qui lui avait été imposée en faveur de l’autre époux. L’obligation de verser une avance de frais de justice à l’autre époux est une conséquence de l’obligation d’entretien ou d’assistance de droit civil. Il n’appartient pas au tribunal, mais aux particuliers (en l’occurrence l’époux ayant droit à l’avance), de se charger de l’exécution de la créance de droit privé, le cas échéant par la voie de la poursuite. En l’absence d’une base légale correspondante, le paiement d’une provisio ad litem ne doit pas être érigé en condition du procès.
(5A_568/2020 du 13.9.2021)
Le terme «tribunal», utilisé aux art. 50 al. 1 et 183 al. 1 CPC, ne vise pas forcément le tribunal en tant qu’autorité collégiale. Sur la base de l’art. 124 al. 2 CPC, un juge délégué peut donc à la fois nommer un expert et se prononcer sur les motifs de récusation invoqués à l’encontre de ce dernier par l’une des parties. En outre, l’expert doit être invité par le tribunal à se déterminer sur la demande de récusation au sens de l’art. 49 al. 2 CPC, à moins que cette dernière soit abusive ou manifestement infondée. En l’espèce, dans le litige concernant les honoraires de l’architecte pour la construction du théâtre fribourgeois «Equilibre», c’est sans succès que la commune de Fribourg a contesté la nomination de l’expert désigné par le juge d’instruction.
(4A_155/2021 du 30.9.2021)
Selon l’article 99 al. 1 CPC, le demandeur doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens notamment s’il n’a pas de domicile en Suisse ou s’il existe des motifs portant à croire à l’existence d’un risque considérable de défaut de paiement des dépens. En vertu de l’al. 2, les consorts nécessaires ne sont tenus de fournir des sûretés que si chacun d’eux réalisent l’une des conditions de l’al. 1. Dans un tel cas, le juge peut obliger la consorité nécessaire à fournir les sûretés solidairement. Lorsque tous les demandeurs forment une consorité simple et réalisent tous l’une des conditions de l’art. 99 al. 1 CPC, le juge doit astreindre chaque consort à verser un montant de sûretés correspondant aux dépens qu’il risque de devoir payer à titre individuel si ses propres conclusions sont rejetées. Il ne peut contraindre les demandeurs à assumer un engagement solidaire à cet égard.
(4A_497/2020 du 19.10.2021)
Droit pénal
Lors d’une réalisation anticipée de fonds numériques séquestrés, les intérêts des personnes concernées doivent être préservés autant que possible, et son résultat doit être le plus avantageux possible. La réalisation doit être adaptée à la situation concrète, ainsi qu’éventuellement aux circonstances du marché. En l’espèce, dans une affaire de blanchiment d’argent, c’est à tort que le Ministère public du canton de Zurich a pris la décision de convertir en francs suisses l’entier des fonds numériques séquestrés de manière immédiate, ce qui aurait entraîné une importante perte de valeur.
(1B_59/2021 du 18.10.2021)
Un enregistrement vidéo peut en principe apporter la preuve qu’un acte judiciaire a été déposé dans une boîte aux lettres de La Poste Suisse en temps utile. Le TF admet le recours d’un homme contre le classement d’une procédure pénale auprès du Tribunal cantonal valaisan. Son avocat avait déposé le pli contentant le recours dans une boîte aux lettres le soir du dernier jour du délai. Dans le pli lui-même, il avait informé le Tribunal que le cachet postal figurant sur l’enveloppe expédiée pouvait indiquer la date du jour suivant et qu’il produirait un enregistrement vidéo comme preuve du dépôt du recours en temps utile. Malgré la réception d’une clé USB contenant l’enregistrement en question, le Tribunal cantonal n’est pas entré en matière sur le recours, qui portait le cachet postal du lendemain, le considérant hors délai.
(6B_1247/2020 du 7.10.2021)
Droit des assurances sociales
Les dispositions légales de la mi-mars à la mi-septembre 2020 en matière d’indemnisation des pertes de gain subies par des personnes indépendantes en raison du coronavirus sont exhaustives. Il n’appartient pas au juge de les compléter. Le TF rejette le recours d’une médecin indépendante dont la demande d’indemnités pour perte de gain avait été écartée. Elle avait fait valoir sans succès une baisse du chiffre d’affaires durant la période du 17 mars au 27 avril 2020, lorsque l’activité médicale était limitée à des interventions urgentes. Le TF considère en outre que les dispositions attaquées ne violent pas l’égalité de traitement ou la liberté économique et ne sont pas arbitraires.
(9C_132/2021 du 15.9.2021)
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau régime de financement des soins en janvier 2011, les contributions aux soins sont versées par l’assurance obligatoire des soins pour une part, et par les assurés à hauteur de 20 pour cent au maximum de la contribution aux soins la plus élevée fixée par le Conseil fédéral ainsi que par les pouvoirs publics (financement résiduel), pour l’autre part. Dans un litige opposant une association exploitant un EMS à la Ville de Lucerne, le TF a considéré que l’art. 25a al. 5 LAMal ne confère pas un droit à la couverture complète des coûts. La collectivité publique ne doit assurer la couverture de l’intégralité des coûts que dans la mesure où ils respectent le caractère économique des prestations.
((9C_625/2020 du 10.9.2021)