Droit constitutionnel et administratif
Le Tribunal fédéral rejette un recours contre la votation populaire fédérale du 10 juin dernier sur l’initiative «Monnaie pleine». La publication effectuée par la Banque nationale suisse sur son site internet avant la votation, dans laquelle elle exposait ses arguments contre l’initiative, n’est pas critiquable. En revanche, le communiqué de presse de la Conférence des directrices et des directeurs cantonaux des finances était inadmissible. Cependant, compte tenu de l’importance limitée du communiqué de presse et du résultat clair de la votation, qui avait été rejetée par 75,7% des votants, le résultat de la votation n’a pas pu être influencé de manière décisive.
(1C_216/2018 et 1C_276/2018 du 10.12.2018)
S’agissant de la limitation des résidences secondaires, le TF précise quels sont les indices susceptibles de plaider en faveur d’une utilisation ultérieure des logements comme résidences secondaires en présence d’un projet de construction de résidences principales. Dans un cas concernant la commune bernoise de Saanen, il conclut à l’existence d’un abus de droit et annule l’autorisation de construire délivrée par la commune. Le projet prévoyait d’offrir douze logements supplémentaires sur le marché à titre de résidences principales dans un segment de luxe ou de haut standing, ce qui apparaît irréaliste. En outre, le constructeur n’a pas vendu un seul appartement sur plan depuis 2012 à des résidents établis dans la localité.
(1C_69/2018 du 3.12.2018)
Lorsqu’un bâtiment doit être placé à la frontière ou dans le voisinage proche de la frontière d’une autre zone que celle dans laquelle il se trouve, le contrôle de la conformité du projet à l’affectation de la zone nécessite toujours la prise en compte de son impact sur l’environnement. Si l’on peut s’attendre, selon l’expérience générale de la vie, à ce qu’il n’ait que peu ou pas d’effet sur la zone voisine, il suffit que le projet corresponde à l’affectation de la zone dans laquelle il se trouve. Dans le cas contraire, l’autorité doit également examiner la conformité avec la zone voisine. Un bâtiment résidentiel qui a un impact sur une zone agricole adjacente en raison de son placement à la frontière des deux zones doit donc respecter les prescriptions des deux zones.
(1C_668/2017 du 31.10.2018)
Droit civil
En cas de divorce, le comportement des époux pendant le mariage n’affecte en principe pas la règle du partage par moitié de la prévoyance professionnelle. Le juge peut toutefois exceptionnellement, dans des situations particulièrement choquantes, tenir compte de la violation par un époux de son obligation d’entretien. Tel fut le cas en l’espèce: le mari, adepte de jeux de hasard, avait à peine travaillé durant le mariage, avait fait main basse sur le salaire de son épouse et avait disposé seul d’un crédit de plus de 90 000 fr. dont elle avait dû assumer seule le remboursement. Il avait en outre maltraité tant physiquement que psychologiquement son épouse et ses enfants.
(5A_443/2018 du 6.11.2018)
Droit pénal
Le TF précise pour la première fois les critères d’appréciation du «cas de rigueur», qui doit conduire à renoncer à l’expulsion pénale. Il est justifié de s’inspirer, de manière générale, des critères qui président à l’octroi d’une autorisation de séjour dans les cas individuels d’extrême gravité. Il faut dès lors tenir compte, notamment, de l’intégration, du respect de l’ordre juridique suisse, de la situation familiale, de la situation financière ainsi que de la durée de la présence en Suisse. En l’espèce, s’agissant d’un ressortissant espagnol né en Suisse, coupable de brigandages dans le canton de Vaud, le cas de rigueur est réalisé.
(6B_209/2018 du 23.11.2018)
Selon le TF, c’est à tort qu’un homme a été condamné pour discrimination raciale par le Tribunal d’appel du canton du Tessin. Dans des articles parus en 2012, l’intéressé avait nié le génocide de musulmans bosniaques commis en 1995 à Srebrenica. Au vu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, sa condamnation constitue une violation de son droit à la liberté d’expression. Ses textes ne contiennent aucune incitation à la violence, à la haine ou à la discrimination, ni d’accusation contre les musulmans bosniaques, et ils ne sont pas parus dans un contexte temporel, historique ou géographique tendu.
(6B_805/2017 du 6.12.2018)
La police peut exiger du conducteur d’un véhicule qu’il se soumette à un test rapide de dépistage de drogue. Il n’est pas nécessaire qu’une telle mesure soit ordonnée par le Ministère public. En l’espèce, un homme avait été invité à se soumettre à un tel test, alors qu’une forte odeur de cannabis se dégageait de son véhicule et qu’il était visiblement nerveux. Il s’y est opposé et a alors été condamné, à raison selon le TF, à une peine pécuniaire pour «entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire». La mise en œuvre d’un examen préliminaire visant la détection de stupéfiants et de médicaments selon l’article 10 al. 2 de l’’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière constitue une tâche de gestion de la sécurité publique, qui peut être menée par la police. Un ordre du Ministère public n’est requis que s’il devait exister «des soupçons suffisants laissant présumer une infraction», ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
(6B_598/2018 du 7.11.2018)
La justice zurichoise a condamné un binational suédois et serbe, titulaire d’un permis B, à huit mois de prison ferme pour lésions corporelles simples qualifiées et menace, et a ordonné son expulsion. Au cours d’une bagarre, il avait lancé une bouteille à la tête de son adversaire, et l’avait menacé de mort. Appelé à se prononcer pour la première fois dans un arrêt sur l’expulsion pénale en relation avec l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP), le TF rejette le recours du condamné, rappelant que l’ALCP n’accorde un droit au séjour aux citoyens des Etats signataires que pour autant qu’ils se conforment aux lois du pays hôte. Par ailleurs, le tribunal pénal, lorsqu’il examine un renvoi, doit tout d’abord appliquer le droit national. Lorsque le résultat est compatible avec l’ALCP, la question de la primauté des normes nationales ou de l’ALCP ne se pose pas.
(6B_235/2018 du 1.11.2018)
Droit des assurances sociales
Selon l’art. 64a al. 6 LAMal, l’assuré en retard de paiement ne peut pas changer d’assureur tant qu’il n’a pas payé intégralement les primes et les participations aux coûts arriérées ainsi que les intérêts moratoires et les frais de poursuite. Jusqu’ici, la question de savoir si le montant à verser correspondait au total de la créance inscrite dans l’acte de défaut de biens ou s’il fallait en déduire la contribution de 85% versée par le canton était restée ouverte. Se livrant à une interprétation complète de la disposition concernée, le TF arrive à la conclusion que c’est bien le montant total de la créance inscrite dans l’acte de défaut de biens qui doit être acquitté.
(9C_714/2018 du 18.12.2018)